Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 mai 2011, n° 08-10078

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Trans Conseil Logistique (SARL)

Défendeur :

Xerox (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fèvre

Conseillers :

MM. Roche, Vert

Avoués :

SCP Petit Lesenechal, Me Teytaud

Avocats :

Mes Baeza, Reynes

T. com. Bobigny, du 22 avr. 2008

22 avril 2008

LA COUR,

Vu le jugement du 22 avril 2008 du Tribunal de commerce de Bobigny qui a notamment ordonné la restitution des matériels, objet du litige, au profit de la société Xerox et débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples et contraires;

Vu l'appel de la société TCL et ses conclusions du 16 mars 2011 par lesquelles elle demande notamment à la cour de lui donner acte que l'enlèvement des matériels appartenant à la société Xerox qui étaient encore entreposés dans ses locaux a été intégralement effectué, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Xerox de sa demande d'indemnisation au titre de l'immobilisation de ses matériels, infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, sur la demande relative aux frais de gardiennage condamner la société Xerox à lui verser la somme de 106 174,90 euro ; à titre principal, sur la demande relative à la rupture des relations commerciales établies condamner la société Xerox à lui verser la somme de 656 364,97 euro, subsidiairement condamner la société Xerox à lui verser à la somme de 131 273 euro ; En toute hypothèse, dire que la demande nouvelle formée par la société Trans Conseil Logistique au titre de l'exécution déloyale par Xerox du contrat d'enlèvement de matériels conclu entre les parties est recevable, condamner la société Xerox à lui verser à la somme de 100 000 euro de ce chef outre la somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions du 24 février 2011 de la société Xerox par lesquelles elle demande notamment à la cour sur les frais de gardiennage de confirmer le jugement entrepris, subsidiairement de ramener la demande indemnitaire de ce chef à de plus justes prétentions; confirmer le jugement entrepris sur la demande formée du chef de la rupture brutale des relations commerciales établies, débouter la société TCL des demandes formées de ce chef, subsidiairement dire que le préavis ne saurait dépasser 3 mois et la perte de marge brute, 1 000,25 euro, infiniment subsidiairement dire que le préavis ne saurait dépasser 6 mois et la perte de marge brute 3 067 euro, dire que la demande indemnitaire de la société TCL pour exécution déloyale du contrat est irrecevable car nouvelle, subsidiairement débouter la société TCL de ce chef de demande, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande du chef de perte de chance d'exploitation de matériel et perte de valeur au titre du retard pris dans la restitution des machines et statuant de nouveau sur cette demande condamner la société TCL à lui payer la somme de 50 000 euro, en tout état de cause condamner la société TCL à lui payer la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la société Xerox, spécialisée dans le commerce d'équipements de bureaux, imprimantes, photocopieuses qu'elle offre notamment à la location, a confié exclusivement à la société TCL, à compter de février 2000, l'enlèvement des matériels loués auprès de clients présentant un compte débiteur ou subissant une procédure collective ; qu'aux termes du cahier des charges liant les parties TCL devait sur mandat d'enlèvement donné par Xerox reprendre les matériels détenus par les clients pour ensuite les entreposer dans ses propres locaux et enfin les restituer au transporteur agréé du groupe Xerox, la société Geodis;

Considérant que Xerox, dans le cadre d'une politique de restructuration du service de transport du groupe, a décidé de procéder à un appel d'offre portant sur l'ensemble des prestations de transport du groupe en France, et a notifié suivant courrier du 15 novembre 2004 à TCL qu'elle ne lui adresserait plus de bons d'enlèvement à compter du 31 décembre 2004, mettant ainsi fin pour cette date à leurs relations commerciales;

Considérant que TCL demande paiement à Xerox de la somme de 106 174,90 euro au titre de frais de gardiennage de matériels appartenant à cette dernière entreposés dans ses locaux, prétendant que Xerox a commis une faute en ne venant pas récupérer ces matériels dès le 21 février 2005, date à laquelle celle-ci disposait de la liste complète des matériels mais seulement le 26 mai 2008, lui causant directement comme préjudice les frais de gardiennage de ce matériel;

Considérant que suivant télécopie du 10 février 2005, TCL a transmis à Xerox la liste des 111 matériels entreposés dans les locaux de TCL afin que Xerox les récupère et que suivant télécopie du 21 février 2005, elle lui adressait la liste définitive comportant 126 matériels; que si Xerox faisait procéder à l'enlèvement de 118 matériels les 18, 21 et 25 février et 10 mars 2005 par la société NRJ, ce n'est que le 28 mai 2008 que les dernières machines étaient enlevées;

Considérant que dès lors qu'elle était en possession, dès le 21 février 2005, du listing de l'ensemble des machines à récupérer chez TCL postérieurement à la rupture des relations commerciales, Xerox a commis un défaut de diligence en ne procédant à l'enlèvement des 10 dernières machines que le 26 mai 2008, soit plus de 3 ans après, alors même qu'elle était ainsi parfaitement en mesure d'identifier ce matériel avec la liste qui lui était fournie le 21 février 2005; qu'il convient de souligner qu'elle ne rapporte pas la preuve d'avoir entrepris une quelconque démarche avant la présente procédure pour les récupérer;

Considérant qu'au regard de ces éléments et notamment de la nature des matériels à récupérer et du délai de plus de 3 ans pour récupérer ces matériels, il ya lieu de fixer à la somme de 10 000 euro les frais de gardiennage occasionnés à TCL en raison de la faute de négligence de Xerox caractérisée ci-dessus; qu'il convient donc de condamner Xerox à payer cette somme à TCL à titre de dommages et intérêts avec intérêt au taux légal courant à compter de ce jour, date d'évaluation du préjudice;

Considérant qu'il convient de rejeter la demande en dommages et intérêts formée par Xerox du chef de préjudice subi du fait de la perte de chance d'exploitation de ces matériels et de leur perte de valeur afférente résultant de leur prétendue rétention chez TCL dès lors qu'il a été établi ci-dessus que c'est du fait de sa propre négligence et non d'une faute de TCL que ce matériel est resté plus de 3 ans chez cette dernière;

Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce qu'engage sa responsabilité, et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement une relation commerciale établie, sans préavis tenant compte de la durée de la relation commerciale;

Considérant que TCL demande paiement de la somme de 656 364,97 euro à Xerox, reprochant à cette dernière d'avoir rompu brutalement leurs relations commerciales établies par le courrier susvisé du 15 novembre 2004 qui ne prévoit qu'un délai de préavis de 45 jours alors qu'elle soutient que leurs relations ayant duré 18 ans, ce préavis aurait dû être de 54 mois;

Considérant que TCL allègue une durée de 18 ans de ses relations avec Xerox au motif qu'elle aurait repris en février 2000 les engagement de la société Transmateriel auprès de Xerox, les relations commerciales entre ces deux dernières ayant débuté en 1986;

Mais considérant que TCL ne verse aux débats aucun acte juridique ou aucune pièce permettant de prouver qu'elle venait aux droits et obligations de la société Transmateriel lorsqu'elle a commencé ses relations contractuelles avec Xerox; que le fait que Transmateriel exerçait auprès de Xerox la même activité que celle qui sera exercée par TCL n'est pas suffisant pour caractériser une reprise par cette dernière des engagements contractés par la première auprès de Xerox; qu'il s'ensuit que la cour retiendra comme date de début des relations commerciales entre TCL et Xerox, février 2000 et fixera à 4 années la durée des relations commerciales ayant existé entre les parties;

Considérant que Xerox ne verse aux débats aucune pièce permettant d'établir que TCL ait eu connaissance qu'il serait mis fin à leurs relations commerciales le 31 décembre 2004 avant le courrier susvisé du 15 novembre 2004 lui notifiant cette rupture; qu'il n'est notamment versé aucun élément permettant de dire que TCL ait été avisée de l'appel d'offres antérieurement à ce courrier; qu'en conséquence la cour retiendra qu'en l'espèce le délai de préavis, notifié par Xerox à TCL dans son courrier du 15 novembre 2004 au sens de l'article susvisé est de 45 jours;

Considérant que si le contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants invoqué par Xerox prévoit un délai de préavis de 3 mois quand la durée de la relation est d'un an et plus, cela ne dispense pas la cour d'examiner si le préavis, qui respecte le délai minimal fixé par ce contrat-type, tient compte de la relation commerciale et des autres circonstances de l'espèce;

Considérant que le délai de préavis de 45 jours accordé à TCL aux termes de ce courrier ne saurait être regardé comme raisonnable et l'ayant mis à même de réorienter ses activités et de rechercher des débouchés de substitution notamment compte tenu de la durée de 4 ans des relations ayant existé entre les parties et du fait que l'activité de TCL avec Xerox représentait plus de 40 % de son chiffre d'affaires annuel comme cela ressort des pièces comptables versées aux débats; qu'il s'ensuit, au regard de ces circonstances que Xerox aurait dû respecter un délai de prévis de 6 mois et non de 45 jours; que TCL est donc en droit de demander à Xerox une indemnité correspondant à la marge brute qu'elle aurait été en droit d'attendre de la poursuite de son activité pendant 4 mois et demi (6 mois - 45 jours) ; que le chiffre d'affaires annuel moyen réalisé par TCL avec Xerox étant de 180 000 euro, au regard des pièces comptables versées aux débats, il y a lieu de fixer à 18 000 euro la marge brute que TCL était en droit d'espérer sur une période de 4 mois et demi; que Xerox sera donc condamné à payer à TCL la somme de 18 000 euro du chef du préjudice né de la privation du préavis dont cette dernière aurait dû bénéficier, avec intérêts au taux légal courant à compter du présent arrêt, date d'évaluation de cette indemnité;

Considérant que la demande formée par TCL au titre de l'exécution déloyale du contrat étant distincte de celle formée au titre des frais de gardiennage et de celle formée au titre de la rupture brutale des relations commerciales, elle doit être déclarée comme irrecevable s'agissant d'une demande nouvelle au sens de l'article 564 du CPC dès lors que cette demande est soumise pour la première fois devant la cour;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de donner acte à TCL de l'enlèvement des matériels appartenant à la société Xerox, cette question concernant l'exécution du jugement entrepris et la cour n'étant pas le juge de l'exécution du jugement ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à TCL la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il ordonné la restitution des matériels. Statuant de nouveau, Déclare irrecevable la demande de la société TCL à hauteur de 100 000 euro pour exécution déloyale du contrat. Condamne la société Xerox à payer les sommes de 10 000 euro à la société TCL avec intérêt au taux légal courant à compter de ce jour, au titre des frais de gardiennage, 18 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies, avec intérêts au taux légal courant à compter du jour du présent arrêt et 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toutes demandes plus amples ou contraires. Condamne la société Xerox au paiement des dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.