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Décisions

CA Angers, ch. com., 17 mai 2011, n° 10-00591

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Suez Environnement (Sté), Sita France (Sté), Sita Ouest (Sté)

Défendeur :

Séché Environnement (Sté), Les Hêtres

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Vallée

Conseillers :

Mmes Rauline, Schutz

Avoués :

SCP Dufourgburg-Guillot, SCP Gontier-Langlois

Avocats :

Mes Boedels, Zocchetto

T. com. Laval, ord., du 15 févr. et 3 ma…

3 mai 2001

Exposé du litige

Le 13 octobre 2008, un protocole transactionnel a été signé entre la société Séché Environnement et Monsieur Philippe Leblanc qui exerçait les fonctions de directeur général délégué et directeur des marchés pour régler les conséquences de la rupture du contrat de travail de ce dernier. Il comportait notamment une clause de non-concurrence d'une durée de trois ans dans l'ensemble des activités liées à la gestion des déchets et dans toute l'Europe, Monsieur Leblanc percevant en contrepartie une indemnité de 263 241 euro bruts.

Le 4 novembre 2009, Monsieur Leblanc a été embauché au sein du Groupe Suez Environnement comme directeur de la société Sita Ouest.

La société Séché Environnement ayant d'abord saisi le Conseil de prud'hommes de Laval, une ordonnance du 24 décembre 2009 confirmée par un arrêt de cette cour du 8 juin 2010 a enjoint à Monsieur Leblanc de cesser toute activité au service de la société Sita, de toute société du groupe Sita et du groupe Suez Environnement sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt.

Monsieur Leblanc avait de son côté saisi le Conseil de prud'hommes de Paris en nullité de la clause de non concurrence le 18 décembre 2009.

Par acte d'huissier en date du 23 décembre 2009, la société Séché Environnement a également assigné les sociétés Suez Environnement, Sita France et Sita Ouest devant le président du tribunal de commerce de Laval statuant en référé sur le fondement de l'article 1382 du Code civil pour faire constater le trouble manifestement illicite résultant de la violation de la clause de non concurrence et enjoindre aux défenderesses de résilier ou suspendre le contrat de travail de Monsieur Leblanc jusqu'au 7 octobre 2011, date d'expiration de la clause.

Les défenderesses ont soulevé l'incompétence territoriale du Tribunal de commerce de Laval au profit de celui de Paris, sollicité le sursis à statuer jusqu'à la décision du Conseil de prud'hommes de Paris, subsidiairement, son annulation et conclu au débouté de toutes les demandes.

Par une ordonnance du 15 février 2010, le tribunal s'est déclaré compétent et a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer, rejeté la demande tendant à l'annulation de la clause, enjoint à la société Sita Ouest de faire cesser le trouble né de la violation de cette clause de non concurrence et de prendre toutes dispositions conservatoires jusqu'à l'issue des actions en cours à compter de la notification de l'ordonnance sous astreinte de 5 000 euro par jour de retard en se réservant la liquidation de l'astreinte et condamné solidairement les sociétés Suez, Sita France et Sita Ouest à payer à la société Séché Environnement 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La société Sita Ouest a interjeté appel de cette décision le 2 mars 2010.

Un dossier a été ouvert sous le numéro RG 10-591.

Par un exploit du 6 avril 2010, la société Séché Environnement a saisi le Tribunal de commerce de Laval d'une demande de liquidation provisoire de l'astreinte. Par une ordonnance du 3 mai 2010, cette juridiction a liquidé l'astreinte à la somme de 275 000 euro, condamné la société Sita Ouest à payer cette somme à la société Séché Environnement et condamné solidairement les sociétés Suez Environnement, Sita France et Sita Ouest à payer à cette dernière 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Les sociétés Suez Environnement, Sita France et Sita Ouest ont interjeté appel de cette décision le 19 mai 2010.

Un dossier a été ouvert sous le numéro RG 10-1299.

Les parties ont conclu. Les ordonnances de clôture ont été rendues le 9 mars 2011 dans les deux affaires.

Prétentions et moyens des parties

Dans l'affaire RG 10-591

Dans ses dernières conclusions du 9 mars 2011, la société Sita Ouest demande à la cour de déclarer incompétent le tribunal de commerce de Laval au profit de celui de Paris, subsidiairement, de dire nulle et de nul effet l'ordonnance déférée en ce qu'elle a statué par des dispositions générales et imprécises en violation de l'article 5 du Code civil et de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, très subsidiairement, de constater que Monsieur Leblanc est embauché par Suez Environnement, d'infirmer l'ordonnance déféré, de dire n'y avoir lieu à injonction avant qu'il ne soit statué au fond, d'ordonner la suppression de l'astreinte et de condamner la société Séché Environnement aux dépens.

Elle soutient que c'est le Tribunal de commerce de Paris, lieu du siège social de Suez Environnement et employeur de Monsieur Leblanc, qui est compétent. Elle considère que le tribunal ne pouvait retenir sa compétence au motif que le préjudice a été constitué en Mayenne puisque la société Séché Environnement ne réclame pas la réparation de son préjudice et qu'un arrêt de la Cour de cassation du 28 février 1990 rendu au visa de l'article 46 alinéa deux du Code civil dit que la juridiction dans le ressort de laquelle le dommage a été subi s'entend de celle du lieu où il est survenu. En deuxième lieu, elle indique qu'elle n'a jamais été l'employeur de Monsieur Leblanc mais Suez Environnement, ainsi qu'elle en justifie. En troisième lieu, elle conclut au mal fondé de la demande. Elle estime que la demande présentée constituait un excès de pouvoir du juge des référés en ce que ce dernier n'a pas le pouvoir d'ordonner la résiliation d'un contrat de travail, comme l'a jugé la chambre sociale de la Cour de cassation le 13 mai 2003, et que sa suspension est tout aussi impossible puisqu'elle priverait le salarié de son salaire en l'empêchant de bénéficier des allocations de chômage, ne laissant donc aucune marge de manœuvre au juge qui a néanmoins prononcé une décision qu'elle qualifie de vague, imprécise et générale, et donc inapplicable. Elle conteste, enfin, le grief de concurrence déloyale au motif que l'intimée ne démontre pas avoir perdu le moindre contrat ou appel d'offres du fait de l'activité de Monsieur Leblanc mais a, au contraire, connu une hausse de 8 % de son chiffre d'affaires. En dernier lieu, elle soulève la nullité de l'ordonnance en raison de la formulation du chef du dispositif lui faisant injonction de faire cesser le trouble manifestement illicite et qui s'apparente, selon elle, à une disposition générale prohibée tant par l'article 5 du Code civil que par l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Elle considère que le premier juge aurait dû préciser les mesures devant être prises et qu'il n'avait pas à les étendre aux sociétés Sita France et Suez Environnement. Enfin, elle estime disproportionné le montant de l'astreinte par rapport au trouble allégué et demande, à titre subsidiaire, sa réduction à un montant symbolique sur le fondement de l'article 36 alinéa trois de la loi de juillet 1991.

Dans ses dernières conclusions en date du 21 février 2011, la société Séché Environnement demande à la cour de débouter la société Sita Ouest de son appel, de confirmer l'ordonnance et de la condamner à lui payer 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Elle estime que le débat tenant à l'employeur de Monsieur Leblanc est sans intérêt dès lors qu'il représente l'appelante comme directeur général. Elle rétorque que le juge des référés n'a pas ordonné la résiliation du contrat de travail mais son retrait des fonctions de directeur général pendant la durée de la clause, disposition qui est suffisamment précise. L'appelante n'ayant pris aucune mesure pour mettre fin au trouble manifestement illicite, elle en déduit que le montant de l'astreinte est insuffisant. Elle rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation qui a jugé que l'embauche d'un salarié en violation d'une clause de non concurrence constitue en soi un fait dommageable (arrêt du 9 octobre 2001) et un trouble manifestement illicite (arrêt du 11 janvier 2000). Elle fait valoir que son préjudice est d'autant plus important que son développement est récent, contrairement à Sita, et que Monsieur Leblanc était l'un de ses hauts dirigeants qui connaissait toute sa stratégie commerciale.

Dans l'affaire RG 10-1299

Dans ses dernières conclusions en date du 9 mars 2011, les sociétés Suez Environnement, Sita France et Sita Ouest demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance, de constater que la société Séché Environnement n'excipe d'aucune violation de l'ordonnance du 15 février 2010, de dire que la présence de Monsieur Philippe Leblanc à une manifestation d'information scientifique et technique le 2 mars 2010 ne saurait être interprétée comme une violation de l'ordonnance du 15 février 2010, dire n'y avoir lieu à liquidation d'astreinte et condamner la société Séché environnement aux dépens de première instance et d'appel.

La société Sita Ouest conclut à l'irrecevabilité de la demande au motif que c'est la société Suez Environnement qui est l'employeur de Monsieur Leblanc et qu'elle n'est donc pas concernée par l'obligation contenue dans l'ordonnance du 15 février 2010. En tout état de cause, elle considère qu'aucune violation de cette obligation ne peut lui être reprochée car l'intervention de Monsieur Leblanc en Ile-et-Vilaine le 2 mars 2010 avait un but uniquement scientifique et technique et était destinée à apaiser les craintes de la population à la suite d'émissions de fumée issues de la combustion de déchets. Elle n'était donc pas défavorable à son ancien employeur et ne saurait en tout cas justifier le prononcé d'une astreinte de 275 000 euro.

Dans ses dernières conclusions en date du 21 février 2011, la société Séché Environnement demande à la cour de débouter les sociétés Suez Environnement, Sita France et Sita Ouest de leur appel, de les débouter de toutes leurs demandes, de confirmer l'ordonnance déférée et de les condamner in solidum à lui payer 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Elle expose que Monsieur Leblanc représente la société appelante auprès de la fédération nationale des activités déchets et énergie, comme lorsqu'il était directeur général délégué de Séché Environnement, qu'il a inauguré le 2 mars 2010 le centre de valorisation énergétique de Vitré-Fougères et, le 2 octobre, l'Ecopôle de Pontivy, qu'il continue donc d'exercer une activité concurrente à celle de son ancien employeur. Elle en déduit que la société Sita Ouest n'a pas exécuté la décision du 15 février 2010, peu important le statut de Monsieur Leblanc, délégué ou de détaché de Suez Environnement, pour accomplir sa mission.

Motifs

Il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de prononcer la jonction entre les affaires n° RG 10-591 et RG 10-1299 et de statuer par un seul et même arrêt.

I. Sur l'appel de l'ordonnance du 15 février 2010

Les sociétés Suez Environnement et Sita France n'ayant pas interjeté appel de l'ordonnance du 15 février 2010, celle-ci est devenue définitive à leur égard.

1°) Sur la nullité de l'ordonnance

Selon l'appelante, le chef du dispositif aux termes duquel le juge des référés a enjoint 'à la société Sita Ouest de faire cesser le trouble né de cette clause de non concurrence et de prendre toutes dispositions conservatoires jusqu'à l'issue des actions en cours à compter de la notification de l'ordonnance sous astreinte de 5 000 euro par jour de retard' serait nul au motif qu'il est général, vague et imprécis et méconnaîtrait les dispositions de l'article 5 du Code civil et de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Toutefois, cette critique, si elle était justifiée, n'est pas un motif de nullité de la décision mais entre dans le cadre du pouvoir de réformation de la cour d'appel, conformément aux articles 561 et suivants du Code de procédure civile.

Par contre, l'excès de pouvoir invoqué au soutien de l'infirmation de l'ordonnance serait un motif d'annulation s'il était justifié. Toutefois, ce moyen n'est pas davantage fondé car l'appelante se réfère à la demande de la société Séché Environnement dans son acte introductif d'instance et non à la décision du juge des référés. Ce dernier a, en effet, parfaitement rappelé qu'il n'entrait pas dans ses pouvoirs de résilier ou de suspendre le contrat de travail de Monsieur Leblanc.

L'exception de nullité sera donc rejetée.

2°) Sur la qualité à défendre de la société Sita Ouest

Il est constant que Philippe Leblanc est directeur général de la société Sita Ouest et que c'est en cette qualité que la société Séché Environnement, son ancien employeur, l'a poursuivi devant la juridiction prud'homale pour violation de la clause de non-concurrence et a attrait la société appelante devant la juridiction commerciale sur le fondement de la concurrence déloyale.

Il convient de rappeler à cet égard qu'il a été définitivement jugé par un arrêt confirmatif de cette cour en date du 8 juin 2010 que la clause de non concurrence figurant dans le protocole du 13 octobre 2008 est valable.

L'appelante soutient que l'action est irrecevable au motif que l'employeur de Monsieur Leblanc est le Groupe Suez Environnement. C'est à juste titre, cependant, que l'intimée réplique que le statut de Monsieur Leblanc est indifférent dès lors que la société Sita Ouest ayant la forme d'une société anonyme, c'est son conseil d'administration qui a nommé Monsieur Leblanc comme directeur général, conformément à l'article L. 225-51-1 du Code de commerce, fonction qu'il exerce depuis.

Le moyen sera donc écarté.

3°) Sur l'exception d'incompétence territoriale

Aux termes de l'article 46 du Code de procédure civile, le demandeur a le choix de saisir, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.

Pour rejeter l'exception d'incompétence au profit du Tribunal de commerce de Paris, le premier juge a dit que la demanderesse avait assigné les défenderesses devant la juridiction du lieu où le préjudice avait été subi, son siège social.

Le fondement de l'action de la société Séché Environnement est l'article 1382 du Code civil et la demande tendant à faire cesser le trouble illicite résultant de l'acte de concurrence déloyale n'est que l'une des modalités de réparation du préjudice subi de sorte que l'appelante n'est pas fondée à lui opposer le fait qu'elle n'a formé aucune demande de provision.

En revanche, il est exact qu'il est de jurisprudence constante, illustrée notamment par l'arrêt de la Cour de cassation cité par l'appelante et rendu en matière de concurrence déloyale, que la faculté offerte à la victime d'assigner devant la juridiction du lieu où le dommage a été subi s'entend du lieu où le dommage l'a atteinte et non du lieu où les conséquences financières ont été enregistrées.

Toutefois, l'appelante ne tire pas les conséquences du moyen qu'elle soulève puisqu'elle sollicite le renvoi de l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris en se référant à la qualité d'employeur du Groupe Suez Environnement.

Les dispositions relatives à la compétence territoriale ne sont pas d'ordre public et le juge ne peut relever d'office son incompétence, sauf si le défendeur ne comparaît pas ou si la loi attribue compétence exclusive à une autre juridiction l'article 93 du Code de procédure civile, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

L'exception sera donc purement et simplement rejetée.

4°) Sur le fond

Contrairement à ce que laisse entendre l'appelante, il appartient au juge des référés d'apprécier souverainement la mesure propre à faire cesser le trouble manifestement illicite.

Il est constant que le protocole transactionnel du 13 octobre 2008 signé entre la société Séché Environnement et Monsieur Leblanc contient une clause de non concurrence aux termes de laquelle ce dernier s'est engagé, moyennant une contrepartie financière dont il n'est pas contesté qu'elle lui a été versée, à ne pas s'intéresser pendant trois ans au secteur du traitement et de l'élimination des déchets et la société Sita Ouest ne conteste pas qu'elle est en concurrence avec la société Séché Environnement sur ce marché qui ne comporte que trois opérateurs dans l'ouest, les deux parties et le groupe Veolia.

C'est à tort que l'appelante invoque l'absence de preuve d'un préjudice en lien avec l'activité de Monsieur Leblanc dès lors que l'embauche d'un salarié en violation d'une clause de non concurrence est un acte de concurrence déloyale constituant en soi un fait dommageable (commerciale - 9 octobre 2001). De surcroît, la cessation d'un trouble manifestement illicite peut être ordonnée sans qu'il soit nécessaire de prouver une faute ou un préjudice.

La cour fait siens les motifs par lesquels le premier juge, après avoir rappelé que les fonctions occupées par Philippe Leblanc au sein de la société Séché Environnement de 1994 à 2008 lui avaient donné accès à toutes les informations confidentielles sur sa stratégie commerciale actuelle et à venir, et notamment les conditions tarifaires appliquées aux clients, qu'il avait été embauché à l'expiration de son préavis par une société exerçant son activité dans le secteur automobile mais qu'il a quittée au bout de neuf mois, sans aucun motif et après avoir été promu directeur général délégué, pour rejoindre le groupe Suez Environnement afin de diriger la société Sita Ouest alors que le délai de trois ans prévu par la clause de non concurrence n'était pas expiré, en a déduit que cette situation constituait un acte de concurrence déloyale caractérisant un trouble manifestement illicite au sens de l'article 873 du Code de procédure civile.

C'est à bon droit que le premier juge a enjoint à l'appelante de prendre toutes les mesures conservatoires propres à y mettre fin. La mesure dont les termes ont été rappelés plus haut est parfaitement claire et exécutable, contrairement à ce qui est allégué par l'appelante qui ne peut sérieusement feindre d'ignorer que c'est le fait d'avoir confié la direction générale à Philippe Leblanc qui a déclenché la présente procédure et que c'est donc à cette situation qu'elle doit mettre fin et ne plus lui confier de fonction dans le secteur d'activité et le champ géographique visés dans la clause de non concurrence, étant rappelé qu'il a été enjoint à Monsieur Leblanc sous astreinte de cesser toute activité au service de la société Sita Ouest et des sociétés Sita France et du groupe Suez Environnement. Par contre, il convient d'en limiter la durée dans le temps au 7 octobre 2011 à minuit, conformément aux termes du protocole.

Enfin, l'intimée est fondée à faire observer que loin d'être excessif, le montant de l'astreinte ne s'est pas avéré dissuasif. Il sera donc porté à 50 000 euro par jour de retard passé le délai de 8 jours suivant la signification du présent arrêt, la cour se réservant sa liquidation.

Les dispositions de l'ordonnance sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens seront confirmées.

II. Sur l'appel de l'ordonnance du 3 mai 2010

L'ordonnance du 15 février 2010 ayant été signifiée le 23 février suivant, seuls des faits postérieurs peuvent être retenus pour caractériser la non exécution de son obligation par l'appelante.

Il ressort des pièces versées aux débats que :

- selon un extrait du registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Nanterre en date du 11 août 2010, Philippe Leblanc est directeur général délégué de la société Novergie qui a pour activité l'exploitation des centres de traitement des déchets et leur valorisation,

- d'après trois articles de presse, Monsieur Leblanc est intervenu à Vitré le 2 mars 2010 dans une réunion publique au centre de valorisation énergétique du Smictom, a inauguré le 2 octobre 2010 l'Ecopôle de Pontivy et le 19 octobre, a organisé une présentation d'une nouvelle usine à des élus, à chaque fois en sa qualité de directeur général de Sita Ouest ;

- un document émanant de la FNADE, organisation professionnelle représentative des métiers de la dépollution et de l'environnement, daté du 31 janvier 2011 mentionne Monsieur Leblanc comme représentant la société Sita Ouest.

Il s'ensuit que l'appelante n'a pas respecté ses obligations.

Aux termes de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991, le juge liquide l'astreinte en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées.

L'appelante sollicite la suppression de l'astreinte ou tout au moins sa réduction à un montant symbolique sans invoquer aucun argument sérieux et la situation illicite perdure à la date du présent arrêt. Dès lors, il y a lieu de maintenir le taux plein de l'astreinte, ce qui représente une somme de 345 000 euro

(5 000 euro x 69 jours, du 23 février au 3 mai 2010). Néanmoins, le tribunal ayant arrêté son calcul au jour de l'audience et l'intimée ne sollicitant pas l'infirmation de l'ordonnance sur ce point, la somme de 275 000 euro celle-ci sera confirmée.

Les sociétés Suez Environnement et Sita France étant appelantes de l'ordonnance du 3 mai 2010, il y a lieu de considérer qu'elles contestent les dispositions qui les ont condamnées solidairement à payer à l'intimée une indemnité de procédure et aux dépens. Aucune condamnation n'ayant été prononcée à leur égard, elles n'avaient pas lieu d'être attraites à la cause. Les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ne seront donc confirmées qu'en ce qu'elles visent la société Sita Ouest.

III. Sur l'article 700 du CPC et les dépens

L'appelante succombant en toutes ses prétentions dans les deux affaires, elle sera condamnée aux dépens et à payer une somme de 10 000 euro à l'intimée au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement : Prononce la jonction entre les affaires n° RG 10-591 et RG 10-1299, Rejette l'exception de nullité de l'ordonnance du 15 février 2010, Confirme cette ordonnance en toutes ses dispositions, sauf sur la durée de la mesure et le montant de l'astreinte, Statuant à nouveau, Enjoint à la société Sita Ouest de prendre toutes les mesures conservatoires de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite né de la violation de la clause de non concurrence de Philippe Leblanc envers la société Séché Environnement jusqu'au 7 octobre 2011 à minuit dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt sous peine d'une astreinte de 50 000 euro par jour de retard passé ce délai, Dit que la cour se réserve le droit de liquider l'astreinte, Confirme l'ordonnance du 3 mai 2010, sauf sur les frais irrépétibles et les dépens, Statuant à nouveau, Condamne la société Sita Ouest à payer 2 500 euro à la société Séché Environnement en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'ordonnance du 3 mai 2010, Y ajoutant, Condamne la société Sita Ouest à payer 10 000 euro à la société Séché Environnement en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne la société Sita Ouest aux dépens d'appel afférents aux deux procédures et Dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.