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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 9 mai 2011, n° 10-01190

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Euro Négoce (EURL)

Défendeur :

Espace Aluminium (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bougon

Conseillers :

MM. Legras, Bancal

Avoués :

SCP Puybaraud, SCP Rivel-Combeaud

Avocats :

Mes Peridy, Thomas, Sebban

T. com. Bordeaux, du 14 déc. 2009

14 décembre 2009

Exposé du litige :

Se prévalant de la qualité d'agent commercial de la SAS Espace Aluminium depuis le 13.11.2002, à la suite de la lettre de rupture du 11.6.2008 que cette société lui avait adressée, le 28.4.2009, l'EURL Euro Négoce faisait assigner la SAS Espace Aluminium devant le Tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de sommes.

Par jugement du 14.12.2009, le Tribunal de commerce de Bordeaux, estimant que l'EURL Euro Négoce n'avait pas la qualité d'agent commercial de la SAS Espace Aluminium, la déboutait de toutes ses demandes, notamment en paiement d'indemnités de préavis et de rupture et la condamnait à payer à la SAS Espace Aluminium 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 24.2.2010, l'EURL Euro Négoce interjetait appel.

Par conclusions signifiées et déposées le 22.12.2010 l'EURL Euro Négoce conclut à l'infirmation, fait valoir qu'elle était agent commercial et non commissionnaire puisqu'elle n'agissait pas en son nom personnel et réclame la condamnation de la SAS Espace Aluminium à lui payer :

- 1 922,39 euro à titre de dommages et intérêts pour non-respect du préavis,

- 8 448,28 euro à titre de dommages et intérêts pour perte de revenus, avec pour ces deux sommes intérêts au taux légal à compter la mise en demeure du 21 octobre 2008 et anatocisme,

- 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle demande que la SAS Espace Aluminium soit déboutée de ses réclamations.

Par conclusions signifiées et déposées le 21 octobre 2010, la SAS Espace Aluminium conclut à la confirmation, demande que l'EURL Euro Négoce soit déboutée de ses réclamations et sollicite sa condamnation à lui payer 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle estime que la relation entre les deux sociétés s'analyse en un contrat de commission, qu'en conséquence le mandant est libre de révoquer à tout moment son mandat, la rupture du contrat de commission n'étant pas, en elle-même, génératrice d'une indemnité. Au surplus, elle rappelle avoir déjà versé une indemnité de 6 930,86 euro correspondant à 5 % du chiffre d'affaires réalisé en 2007.

A titre subsidiaire, si les relations des parties étaient qualifiées de contrat d'agence commerciale, elle invoque la faute grave de l'agent, à savoir une activité insuffisante, pour estimer qu'il n'a pas droit à des dommages et intérêts.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2011.

Motifs de la décision :

La recevabilité des appels n'est ni contestée, ni contestable.

Sur la nature des relations contractuelles : agence commerciale, contrat de commission ou autre contrat :

Les premiers juges ont fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel.

A ces justes motifs que la cour adopte, il convient seulement d'ajouter :

Que c'est à celui qui se prétend agent commercial d'en rapporter la preuve,

Que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l'activité s'est effectivement exercée,

Que si l'inscription au registre spécial des agents commerciaux n'est pas une condition requise pour bénéficier du statut des agents commerciaux, néanmoins, en l'absence d'une telle inscription, il convient de rapporter la preuve du statut d'agent commercial qui est revendiqué,

Que l'agent commercial recherche et visite les clients auxquels il propose les produits de son mandant, cette activité de prospection se traduisant notamment par des prises d'ordre ou de commandes au nom et pour le compte du mandant et la conclusion de contrats de vente pour son compte,

Que par contre, n'est pas agent commercial, la personne qui ne fait que se livrer à une simple mission de présentation des produits, qui n'a qu'un simple rôle d'assistance et de conseil et ne négocie pas les conditions des contrats de vente,

Que le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte du commettant, qu'il est donc partie au contrat conclu pour le compte du commettant,

Qu'il s'engage donc personnellement,

Qu'enfin, le courtier est un intermédiaire qui met en relation des parties désireuses de traiter entre elles, sans conclure lui-même le contrat,

Qu'en l'espèce, l'EURL Euro Négoce ne justifie d'aucune activité de prospection de clients, la lettre de son mandant du 13 novembre 2002, confirmée par les modalités d'exécution du contrat révélant que la mission confiée ne concernait que deux clients pour des ventes dont les conditions furent précisées par le mandant dans sa lettre du 13 novembre 2002 : " sur ces deux clients, nous leur concédons une remise de 55 % ", et qui, seules, firent l'objet de règlements de commissions,

Qu'en outre, l'attestation de la SARL Menuiserie 2000, l'un des deux clients concernés, établie le 14 juin 2010, produite par l'EURL Euro Négoce, mentionne que son rôle se limitait à tenir informé le client des évolutions des produits, des tarifs et des délais de fabrication, sans qu'elle passe les commandes, ce que la SARL Menuiserie 2000 faisait elle-même,

Qu'ainsi, l'exécution par l'EURL Euro Négoce de la mission qui lui était confiée par la SAS Espace Aluminium révèle qu'il ne s'agissait pas d'une activité d'agent commercial, pas plus d'ailleurs que d'une activité de commissionnaire, faute pour l'appelante d'agir en son propre nom,

Que faute d'établir l'existence d'un contrat d'agence commerciale, l'appelante n'est donc pas fondée à obtenir les sommes qu'elle réclame.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Si en première instance, l'équité commandait d'allouer à la SAS Espace Aluminium, une indemnité de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, il en est de même en appel et il convient de lui allouer une indemnité complémentaire du même montant.

Par contre, l'équité ne commande nullement d'allouer à l'EURL Euro Négoce la moindre somme sur le même fondement.

Succombant, l'EURL Euro Négoce supportera les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, Contradictoirement, Reçoit les appels, Confirme le jugement déféré, Le complétant, Condamne l'EURL Euro Négoce à payer à la SAS Espace Aluminium 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne l'EURL Euro Négoce aux dépens d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.