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Décisions

Cass. soc., 22 juin 2011, n° 10-14.922

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Trincot

Défendeur :

UPSA conseil (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Trédez

Rapporteur :

Mme Vallée

Avocat général :

M. Cavarroc

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Thouvenin, SCP Gatineau, Fataccini

Rennes, 5e ch. civ., du 26 janv. 2010

26 janvier 2010

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 janvier 2010), que M. Trincot a été engagé le 14 février 1994 par la société Pharmagen aux droits de laquelle vient la société UPSA conseil, d'abord en qualité d'animateur puis, à compter du 1er juillet 2008, en qualité de VRP ; que M. Trincot a été licencié le 4 mai 2005 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement ;

Attendu que M. Trincot fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement était justifié et de le débouter, en conséquence, de sa demande tendant à la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement abusif, alors, selon le moyen : 1°) que lorsqu'une partie demande la confirmation des chefs du jugement déféré, elle est réputée s'en approprier les motifs ; qu'il appartient à la cour d'appel qui décide d'infirmer le jugement entrepris d'en réfuter les motifs déterminants ; qu'en infirmant néanmoins le jugement déféré sans en réfuter les motifs déterminants selon lesquels notamment " le salarié porte au débat un document appelé " top performer " lequel indique fort précisément que l'entreprise comptait 79 représentants, que l'agence dans laquelle travaillait M. Trincot comptait 11 commerciaux, que celui-ci était, à fin mai 2005, classé 20e au niveau national et 4e de son agence, qu'il ressort de ce classement général que M. Trincot n'était pas, loin s'en faut, un mauvais commercial " et que " selon le rapport d'entretien préalable, M. Trincot n'a pas bénéficié comme ses collègues d'aide à la vente, entre autres de places de cinéma permettant de réaliser des actions, ce que M. You a reconnu lors de l'entretien préalable ", ni répondre aux conclusions d'appel de l'exposant rappelant ces motifs, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 alinéa 4 du Code de procédure civile; 2°) que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser, même succinctement, tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, M. Trincot avait produit non seulement le document intitulé " top performer " mais également le compte rendu de l'entretien préalable aux termes duquel le conseiller du salarié avait indiqué que " tout ce que (l'employeur reproche au salarié) en terme d'activité se trouve sur la période des derniers 6 mois, alors que les résultats par rapport aux objectifs sont dépassés " ; qu'en se bornant pourtant à affirmer péremptoirement que " cette insuffisance de résultats n'est pas sérieusement discutée, la société UPSA conseil produisant tous les éléments chiffrés ; qu'il n'est pas davantage soutenu que les objectifs fixés seraient irréalisables puisqu'en effet les autres délégués pharmaceutiques de la même région et placés dans des conditions identiques les ont atteint pour la plupart ou en tout cas obtenu des résultats de beaucoup supérieurs à ceux d'Olivier Trincot, eux-mêmes si bas qu'ils traduisent une incurie certaine ; (...) ; que les attestations versées par le salarié (...) n'expliquent pas les différences importantes constatées entre ce salarié (...) ; qu'il y a donc bien insuffisance professionnelle (...) ", sans s'expliquer sur la portée de ces pièces produites aux débats et visées par le salarié de façon très précise dans ses écritures, établissant que ce dernier ne pouvait être considéré comme ayant fait preuve d'une insuffisance professionnelle à l'origine d'une prétendue insuffisance de ses résultats au regard des objectifs fixés unilatéralement par son employeur, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que la période à prendre en compte pour apprécier si un salarié a fait preuve d'insuffisance professionnelle à l'origine d'une insuffisance de résultats est celle au cours de laquelle il a, de manière effective, accompli sa prestation de travail et exclut, par conséquent, les périodes au cours desquelles il s'est trouvé en arrêt de travail pour cause de maladie ; qu'en l'espèce, M. Trincot, dont les commissions ont été en constante augmentation depuis son embauche le 14 février 1994, faisait valoir, éléments de preuve à l'appui, que son secteur avait été modifié à compter du 1er septembre 2004 et, surtout, qu'il avait été hospitalisé brièvement avant d'être en arrêt de travail du 13 septembre au 1er octobre 2004 pour maladie, que du 15 au 23 novembre 2004, il avait été en congé de paternité, que du 8 au 22 avril 2004, il avait été placé en arrêt maladie pour dépression et qu'ayant fait l'objet d'un avis d'inaptitude temporaire de la part du médecin du travail en raison de son " contexte de travail et de son état psychologique " rendant " nécessaire son éloignement de l'ambiance de travail, il avait été mis en arrêt de travail pour " harcèlement " du 2 mai jusqu'au 31 mai 2005 ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que " les autres délégués pharmaceutiques de la même région et placés dans des conditions identiques les ont atteint pour la plupart ou en tout cas obtenus des résultats de beaucoup supérieurs à ceux de Olivier Trincot, eux-mêmes si bas qu'ils traduisent une incurie certaine " et que " le départ d'une semaine en congé de paternité et les pressions supposées de l'employeur (...), ne peuvent l'expliquer ", sans vérifier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les " éléments chiffrés " produits par l'employeur tenaient compte de ces absences comme c'était le cas pour les autres délégués pharmaceutiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du Code du travail, qu'à tout le moins, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) que les juges ne peuvent dénaturer les éléments de preuve versés aux débats ; qu'en l'espèce, il ressortait des documents intitulés " Partenariat Equipe Officinale du 04/01/05 au 14/04/2005 " et " Info Breizh, S 06 " versées par la société UPSA conseil au soutien de ses affirmations que certains collègues de M. Trincot avaient obtenu des résultats significativement inférieurs à ceux de l'exposant ; qu'en affirmant que " les autres délégués pharmaceutiques de la même région et placés dans des conditions identiques les ont atteint pour la plupart ou en tout cas obtenus des résultats de beaucoup supérieurs à ceux de Olivier Trincot ", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces documents, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 5°) que les juges du fond doivent mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits invoqués par un salarié sont de nature à faire présumer un harcèlement moral ; que pour ce faire, ils doivent examiner et analyser l'ensemble des faits allégués et éléments établis par le salarié à ce titre ; qu'en l'espèce, M. Trincot avait produit notamment, d'une part, les attestations de trois de ses collègues de travail, (à savoir MM. Moy, Vinouze et Leroux étant précisé que les deux derniers sont toujours salariés de la société UPSA conseil), indiquant que ".../... Olivier ne faisant pas partie des " alliés " (...). Il était involontairement mis à l'écart par M. You. (...). J'affirme que M. You exerce du harcèlement moral sur M. Trincot. .../... " (attestation Moy), que " .../... Pendant ces trois années, j'ai pu constater une réelle volonté de la part de Christophe You de défavoriser, dévaloriser Olivier Trincot. .../... " (attestation Vinouze) et que " .../... Olivier a fait l'objet d'un suivi tout particulier, du " pistage ", des comptes à rendre à son manager de l'époque que lui seul faisait l'objet. Ces résultats étaient bons. Il a fait l'objet de pressions. Ces agissements étaient ciblés vers lui. .../..." (attestation Leroux) et, d'autre part, le compte rendu de l'entretien préalable et l'avis d'inaptitude temporaire de la part du médecin du travail en raison du " contexte de travail et de (l') état psychologique " de M. Trincot rendant " nécessaire son éloignement de l'ambiance de travail " et l'avis d'arrêt de travail de quatre semaines pour " harcèlement " ; qu'en se bornant à affirmer que " les attestations versées par le salarié (...) ne permettent pas de retenir l'existence d'un harcèlement moral ou d'un manquement quelconque de l'employeur ", la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis n'étaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral et privé sa décision de légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ; 6°) que le salarié doit simplement établir des faits qui permettent de faire présumer l'existence d'un harcèlement lequel est défini comme des faits qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que la cour d'appel a constaté que " les pressions supposées de l'employeur qui sont en réalité pour ces dernières la conséquence légitime de cette insuffisance " ; qu'en considérant néanmoins que " attestations versées par le salarié (...) ne permettent pas de retenir l'existence d'un harcèlement moral ", la cour d'appel, qui a exigé du salarié qu'il établisse l'existence d'un harcèlement, mettant la charge de la preuve exclusivement à sa charge, a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1154-1 du Code du travail ;

Mais attendu que, sous couvert de griefs non fondés de manque de base légale, de violation de la loi et de dénaturation, le moyen ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation des éléments de fait et de preuve par les juges du fond qui ont constaté que l'insuffisance de résultats reprochée au salarié n'était pas sérieusement discutée, l'employeur produisant tous les éléments chiffrés, que les objectifs fixés étaient réalisables puisque les autres délégués pharmaceutiques de la même région placés dans des conditions identiques avaient obtenu des résultats supérieurs à ceux du salarié, que ce dernier résistait aux consignes concernant l'établissement de rapports d'activité ce qui dénotait un manque de motivation, que les pressions de l'employeur n'étaient que la conséquence légitime de cette insuffisance et non la cause ; qu'ayant ainsi caractérisé l'insuffisance professionnelle reprochée au salarié et, sans inverser la charge de la preuve, ils ont, dans l'exercice du pouvoir qu'ils tiennent de l'article L. 1235-1 du Code du travail et sans être tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, décidé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen, inopérant en ses cinquième et sixième branches, ne peut être accueilli pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.