Livv
Décisions

TUE, 6e ch. élargie, 16 juin 2011, n° T-197/06

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

FMC Corp

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vadapalas

Juges :

MM. Dittrich, Truchot

Avocats :

Mes Virvilis, Gray

Comm., CE, du 3 mai 2006

3 mai 2006

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),

Faits à l'origine du litige

1 La requérante, FMC Corp., est une entreprise établie aux États-Unis qui contrôle, à travers FMC Chemicals Netherlands BV, anciennement FMC Chemical Holding BV, 100 % du capital de la société de droit espagnol FMC Foret SA. Cette dernière commercialisait, à l'époque des faits, du peroxyde d'hydrogène (ci-après le " PH ") et du perborate de sodium (ci-après le " PBS ").

2 En novembre 2002, Degussa AG a informé la Commission des Communautés européennes de l'existence d'une entente sur les marchés du PH et du PBS et a sollicité l'application de la communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

3 Degussa a fourni des preuves matérielles à la Commission, qui l'ont mise en mesure d'effectuer, les 25 et 26 mars 2003, des vérifications dans les locaux de certaines entreprises.

4 Le 26 janvier 2005, la Commission a envoyé une communication des griefs à la requérante et aux autres entreprises concernées.

5 À la suite de l'audition des entreprises concernées, la Commission a adopté la décision C (2006) 1766 final, du 3 mai 2006, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE à l'encontre d'Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Chemicals Holding AB, EKA Chemicals AB, Degussa, Edison SpA, la requérante, FMC Foret, Kemira Oyj, L'Air liquide SA, Chemoxal SA, SNIA SpA, Caffaro Srl, Solvay SA, Solvay Solexis SpA, Total SA, Elf Aquitaine SA et Arkema SA (affaire COMP-F-38.620 - Peroxyde d'hydrogène et perborate) (ci-après la " décision attaquée "), dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne du 13 décembre 2006 (JO L 353, p. 54). Elle a été notifiée à la requérante par lettre du 8 mai 2006.

Décision attaquée

6 La Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que les destinataires de celle-ci avaient participé à une infraction unique et continue à l'article 81 CE et à l'article 53 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), concernant le PH et le produit en aval, le PBS (considérant 2 de la décision attaquée).

7 L'infraction constatée a consisté principalement en l'échange, entre concurrents, d'informations importantes sous l'angle commercial et d'informations confidentielles sur les marchés et les entreprises, en une limitation et en un contrôle de la production et des capacités potentielles et réelles de celle-ci, en une répartition des parts de marché et des clients ainsi qu'en la fixation et en la surveillance du respect d'objectifs de prix.

8 La requérante a été tenue pour responsable de l'infraction " conjointement et solidairement " avec FMC Foret (considérants 389 à 395 de la décision attaquée).

9 Aux fins du calcul des montants des amendes, la Commission a fait application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices ").

10 La Commission a déterminé les montants de base des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction (considérant 452 de la décision attaquée), celle-ci ayant été qualifiée de très grave (considérant 457 de la décision attaquée).

11 En application d'un traitement différencié, la requérante et FMC Foret ont été classées dans la troisième et avant-dernière catégorie, correspondant à un montant de départ de 20 millions d'euros (considérants 460 à 462 de la décision attaquée).

12 La requérante et FMC Foret ayant pris part à l'infraction, selon la Commission, du 29 mai 1997 au 13 décembre 1999, à savoir pendant une période de deux ans et sept mois, le montant de départ de leur amende a été majoré de 25 % (considérant 467 de la décision attaquée).

13 Aucune circonstance aggravante ou atténuante n'a été retenue à l'égard de la requérante.

14 L'article 1er, sous f), de la décision attaquée dispose que la requérante a enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 53 de l'accord EEE, en participant à l'infraction concernée du 29 mai 1997 au 13 décembre 1999.

15 À l'article 2, sous d), de la décision attaquée, la Commission a infligé à la requérante, solidairement avec FMC Foret, une amende d'un montant de 25 millions d'euros.

Procédure et conclusions des parties

16 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2006, la requérante a introduit le présent recours.

17 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre et, les parties entendues, la présente affaire a été renvoyée devant la sixième chambre élargie.

18 Un membre de la chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l'article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, un autre juge pour compléter la chambre.

19 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 19 mai 2010.

20 Conformément à l'article 32 du règlement de procédure, un membre de la chambre étant empêché d'assister au délibéré, le juge le moins ancien au sens de l'article 6 du règlement de procédure s'est en conséquence abstenu de participer au délibéré et les délibérations du Tribunal ont été poursuivies par les trois juges dont le présent arrêt porte la signature.

21 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée, pour autant qu'elle la concerne ;

- à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée ;

- condamner la Commission aux dépens.

22 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur les conclusions en annulation

23 À l'appui des conclusions en annulation, la requérante invoque deux moyens, tirés, premièrement, d'une violation de l'obligation de motivation et, deuxièmement, d'erreurs de droit et d'appréciation, entachant la constatation de sa responsabilité pour l'infraction en cause.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation

- Arguments des parties

24 La requérante soutient que, s'agissant d'une décision constatant la responsabilité d'une société pour les actes d'une autre société, en particulier par application de la présomption liée au contrôle capitalistique d'une filiale par sa société mère, la motivation doit être particulièrement complète.

25 La Commission n'aurait donc pas pu se limiter à mentionner la présomption, mais aurait été tenue de fournir une motivation appropriée, de nature à expliquer en quoi cette présomption n'avait pas été renversée par les arguments et les éléments de preuve contraires avancés par la requérante.

26 Or, les motifs avancés par la Commission dans la décision attaquée à cet égard seraient " formellement inadéquats " et ne satisferaient pas aux exigences de l'article 253 CE.

27 Tout en faisant référence aux liens entre les sociétés concernées, relatifs aux fonctions assumées par trois personnes au sein de la requérante, de FMC Foret et de FMC Chemical Holding (considérants 391 et 394 de la décision attaquée), la Commission n'aurait pas expliqué en quoi ces circonstances étaient de nature à réfuter les arguments contraires invoqués par la requérante.

28 En outre, la requérante aurait fait valoir des arguments tendant à réfuter les circonstances exposées au considérant 391 de la décision attaquée. Au considérant 394 de la décision attaquée, la Commission se serait limitée à rejeter ces arguments, sans expliciter les motifs de leur rejet.

29 En reproduisant simplement les éléments de preuve avancés des deux côtés, la Commission n'aurait pas exposé les considérations qui l'avaient amenée à conclure que la présomption en cause n'avait pas été renversée par la requérante.

30 Par ailleurs, les motifs avancés par la Commission au considérant 394 de la décision attaquée ne suffiraient pas à constater la responsabilité solidaire de la requérante.

31 Premièrement, la requérante aurait fait référence à l'existence de structures organisationnelles séparées, tendant à démontrer que la société mère et sa filiale opéraient indépendamment dans les domaines d'activité en rapport avec l'infraction. Or, la Commission aurait omis d'expliquer pourquoi, en l'espèce, cet élément ne suffisait pas à renverser la présomption en cause.

32 Deuxièmement, la requérante aurait présenté les déclarations de ses employés selon lesquelles FMC Foret exerçait ses activités de façon indépendante. La Commission aurait elle-même reconnu, au considérant 394 de la décision attaquée, que ces déclarations constituaient la preuve du statut indépendant de FMC Foret. Cependant, la décision attaquée ne contiendrait aucun motif au soutien de leur rejet.

33 Troisièmement, la constatation de la Commission selon laquelle la requérante était également impliquée dans la production du PH et du PBS (considérant 394 de la décision attaquée) serait, d'une part, inexacte et, d'autre part, insuffisante pour conclure que la requérante exerçait une influence décisive sur FMC Foret. Le simple fait que des sociétés produisent les mêmes produits n'impliquerait pas l'adoption d'une politique commerciale commune. La requérante aurait d'ailleurs produit la preuve contraire, laquelle n'aurait pas été remise en cause par la Commission, quant à la nature géographique distincte des marchés, quant à la localisation différente des sites de production, quant à l'évolution historique des affaires et quant au profil des consommateurs.

34 Quatrièmement, la constatation de la Commission selon laquelle FMC Foret est une filiale européenne de la requérante (considérant 394 de la décision attaquée) n'ajouterait rien au fait qu'il s'agit d'une filiale contrôlée à 100 %. Les éléments de preuve présentés par la requérante démontreraient qu'il n'y a eu ni consultation ni coopération quant aux activités des deux sociétés concernant le PH.

35 La motivation de la décision attaquée serait non seulement " inadéquate ", mais ne contiendrait, en outre, aucune explication quant au rejet des éléments de preuve soumis par la requérante. Si désormais la Commission fait valoir, dans le cadre de sa défense, que ces éléments n'étaient pas suffisants pour renverser la présomption en cause, cette constatation ne figurerait pas dans la décision attaquée.

36 Au regard des éléments invoqués par la Commission au considérant 391 de la décision attaquée, la requérante aurait notamment indiqué que, bien qu'un des employés de FMC Foret, M. A. B., ait été nommé vice-président de la société, il ne s'agirait néanmoins pas d'un poste de direction, ses fonctions au sein de la requérante et de FMC Foret étant de nature purement administrative. M. A. B. aurait simplement été chargé de surveiller la stratégie commerciale et globale de l'entreprise et n'aurait pas été associé à sa gestion courante. De même, le fait que deux autres personnes aient été directeurs, durant des périodes de temps limitées, tant de FMC Foret que de FMC Chemical Holding, ne serait pas significatif, le seul objectif de cette dernière société étant de détenir des participations et non d'exercer une quelconque activité commerciale.

37 En apportant cette preuve contraire, la requérante aurait transféré la charge de la preuve à la Commission. Or, la décision attaquée ne contiendrait aucun motif de rejet de ces arguments.

38 Selon la requérante, il conviendrait d'écarter les motifs avancés par la Commission, pour la première fois, devant le Tribunal, selon lesquels la responsabilité confiée à M. A. B. de surveiller la stratégie commerciale et globale de la filiale atteste l'exercice effectif d'une influence déterminante. En tout état de cause, ces nouveaux motifs concerneraient uniquement l'aptitude théorique de la requérante à exercer un contrôle déterminant sur FMC Foret, alors que l'argument de la requérante aurait été que la personne concernée, M. A. B., n'exerçait pas, de fait, un contrôle déterminant dans les opérations au jour le jour, ni dans les domaines relatifs à l'infraction alléguée.

39 La question de l'influence déterminante devrait être analysée s'agissant d'une activité relative à l'infraction. L'absence d'implication dans les opérations de gestion courante indiquerait qu'aucune influence déterminante n'était exercée en rapport avec une telle activité. Ainsi, la simple responsabilité d'un employé chargé de surveiller la stratégie commerciale et globale de l'entreprise ne serait pas suffisante pour conclure à l'exercice effectif d'une influence déterminante.

40 M. A. B., en tant que président-directeur général (PDG) de la filiale, ne serait pas nécessairement impliqué dans les opérations de sa gestion courante. En l'espèce, il apparaîtrait clairement des éléments soumis par la requérante qu'il avait simplement pour tâche de superviser la stratégie commerciale et globale de l'entreprise. La position de M. W. B., membre du conseil d'administration de FMC Chemical Holding, ne serait pas non plus pertinente, le seul objectif de cette société étant de détenir des participations dans FMC Foret. M. G. W., l'un des directeurs de FMC Chemical Holding, n'aurait pas été employé de la requérante.

41 Selon la requérante, dans le cas où la décision constatant l'infraction est fondée sur l'existence d'une relation de contrôle d'une entreprise sur une autre, la Commission est tenue d'exposer les considérations permettant de conclure à l'existence d'un tel contrôle. En l'espèce, la Commission n'aurait pas satisfait à cette exigence, dans la mesure où elle aurait simplement réitéré la position prise dans la communication des griefs, sans expliquer pourquoi elle rejetait les arguments et les preuves contraires invoqués par la requérante.

42 La Commission conteste les arguments de la requérante.

- Appréciation du Tribunal

43 Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que, dans la décision attaquée, la Commission n'a pas exposé les motifs suffisants, en ce qui concerne sa responsabilité de l'infraction en cause et, en particulier, qu'elle n'a pas explicité les motifs du rejet des éléments apportés afin de renverser la présomption résultant du fait que la requérante détenait l'intégralité du capital de sa filiale ayant pris part à l'infraction.

44 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et la jurisprudence citée).

45 Lorsque, comme en l'espèce, une décision d'application de l'article 81 CE concerne une pluralité de destinataires et pose un problème d'imputabilité de l'infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l'égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d'entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l'égard d'une société mère tenue solidairement responsable de l'infraction, une telle décision doit contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l'imputabilité de l'infraction à cette société (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding-Commission, T-327-94, Rec. p. II-1373, points 78 à 80).

46 En l'espèce, aux considérants 370 à 379 de la décision attaquée, la Commission a résumé, en faisant référence à la jurisprudence de l'Union, les principes qu'elle entendait appliquer pour identifier les destinataires de la décision attaquée.

47 Elle a notamment rappelé qu'une société mère pouvait être considérée comme responsable du comportement illégal d'une filiale, dans la mesure où cette dernière n'avait pas déterminé de façon autonome son comportement sur le marché, mais avait appliqué pour l'essentiel les instructions qui lui avaient été imparties par la société mère. Elle a précisé qu'elle pouvait, en substance, présumer qu'une filiale à 100 % applique pour l'essentiel les instructions données par sa société mère et que cette dernière pouvait renverser la présomption en produisant la preuve contraire (considérant 374 de la décision attaquée).

48 Concernant la constatation de la responsabilité de la requérante dans l'infraction en cause, la Commission a indiqué que, dans la communication des griefs, elle avait tiré cette conclusion du fait que FMC Foret était une filiale contrôlée à 100 %, bien qu'indirectement, par la requérante (considérant 390 de la décision attaquée).

49 La Commission a précisé que, dans cette communication, elle s'était également appuyée sur l'identité de certains dirigeants des sociétés concernées, résultant des postes occupés par MM. A. B., W. B. et G. W. De surcroît, elle a relevé le rôle de M. A. B., qui était à la fois PDG de FMC Foret et vice-président de la requérante et qui avait participé à certaines réunions du cartel (considérant 391 de la décision attaquée).

50 Ensuite, la Commission a fait état des éléments avancés par la requérante afin de démontrer l'autonomie de sa filiale (aux considérants 392 et 393 de la décision attaquée). Elle a indiqué qu'elle ne saurait accepter les arguments de la requérante, dans la mesure où l'exercice d'une influence déterminante en cause ne découlait pas uniquement de la détention de 100 % du capital de la filiale, mais également des liens entre les sociétés concernées, relevés au considérant 391 de la décision attaquée, que l'argumentation de la requérante ne suffisait pas à établir l'autonomie de sa filiale et que, en tout état de cause, l'ensemble des informations en sa possession avait corroboré la conclusion selon laquelle la requérante avait exercé une telle influence sur sa filiale (considérant 394 de la décision attaquée).

51 Enfin, la Commission a indiqué que, compte tenu de ces considérations, elle maintenait sa conclusion quant à la responsabilité solidaire de la requérante dans l'infraction en cause (considérant 395 de la décision attaquée).

52 Il y a lieu de considérer que les motifs précités font apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement au terme duquel la requérante a été tenue pour responsable de l'infraction.

53 S'agissant, en premier lieu, du grief de la requérante tiré du caractère équivoque du raisonnement ayant conduit à retenir sa responsabilité, il y a lieu de relever qu'il résulte clairement des considérants 390 à 395 de la décision attaquée, que la Commission a maintenu la conclusion exposée dans la communication des griefs, selon laquelle l'influence déterminante exercée par la requérante sur sa filiale découlait de la présomption résultant de son contrôle à 100 % de cette dernière, les éléments avancés par la requérante lors de la procédure administrative n'ayant pas suffit à établir l'autonomie de sa filiale et, partant, à renverser cette présomption.

54 De surcroît, la Commission a rappelé, aux considérants 391 et 394 de la décision attaquée, l'existence de certains indices supplémentaires résultant des liens personnels entre les sociétés concernées et en particulier de la position de M. A. B. qui a pris part à des contacts illicites.

55 Il convient de considérer que ces motifs exposent, d'une manière suffisante, les conditions dans lesquelles la requérante a été tenue pour responsable de l'infraction.

56 S'agissant, en deuxième lieu, du grief tiré des motifs insuffisants du rejet des éléments avancés par la requérante pour renverser la présomption en cause, il y a lieu d'observer, tout d'abord, qu'il ressort clairement des considérants 392 à 394 de la décision attaquée que la Commission a pris en compte les éléments en cause.

57 En effet, après avoir décrit, aux considérants 392 et 393 de la décision attaquée, l'argumentation avancée par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs, la Commission a constaté, au considérant 394 de la décision attaquée, que les éléments ressortant de cette argumentation ne constituait pas une preuve suffisante de l'autonomie de la filiale et que, en outre, l'ensemble des informations retenues avait corroboré la conclusion fondée sur la présomption en cause, cette conclusion devant, dès lors, être maintenue.

58 Il y a lieu de considérer que, par ces motifs, la Commission a répondu aux points essentiels des arguments de la requérante, en prenant en considération les éléments de preuve qu'elle avait apportés.

59 Il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir apporté une réponse précise sur chaque argument individuel invoqué par la requérante. En effet, la Commission n'est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France-Commission, T-349-03, Rec. p. II-2197, point 64 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, point 44 supra, point 64).

60 Par ailleurs, il y a lieu d'observer que le grief de la requérante tiré du caractère " inadéquat " de la motivation en cause repose, en partie, sur son argument selon lequel elle a réussi à renverser la présomption en cause.

61 Or, cet argument relève de la légalité au fond de la décision attaquée et ne saurait être pris en compte dans le cadre du contrôle de la motivation.

62 Ainsi, dans la mesure où la requérante critique, sur le fond, le rejet des arguments et des éléments de preuve avancés pour renverser la présomption en cause, son argumentation doit être analysée dans le cadre de l'examen du second moyen, tiré d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation.

63 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

Sur le second moyen, tiré d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation

- Arguments des parties

64 La requérante soutient que la décision attaquée, dans la mesure où la Commission y a constaté sa responsabilité, est erronée tant en droit qu'en fait.

65 Premièrement, la Commission aurait apprécié les éléments de preuve d'une manière erronée, en attribuant à des déclarations fournies par la requérante un poids différent de celui reconnu à celles apportées par des entreprises ayant déposé une demande de clémence. Deuxièmement, elle se serait fondée sur un critère erroné dans le cadre de l'appréciation du contrôle exercé par la requérante sur sa filiale. Troisièmement, elle aurait retenu des éléments de preuve sans rapport avec la période pertinente. Quatrièmement, elle aurait recouru à des éléments de preuve qui n'ont pas été communiqués à la requérante, en violation de ses droits de la défense.

66 La Commission aurait, à tort, apprécié chaque élément de preuve séparément, au lieu d'effectuer une appréciation d'ensemble.

67 La Commission aurait omis de prendre en compte le fait que l'exercice d'une influence déterminante devrait être apprécié par rapport à l'activité relative à l'infraction. Les éléments de preuve soumis par la requérante montreraient que FMC Foret était elle-même responsable de sa propre commercialisation du PH et du PBS, ce dernier produit n'étant d'ailleurs pas commercialisé par la requérante.

68 Il résulterait du considérant 394 de la décision attaquée que la Commission a admis être tenue de démontrer davantage que le simple contrôle à 100 % du capital de la filiale. La question principale serait donc de savoir si les autres éléments justifiaient la conclusion selon laquelle la requérante avait exercé une influence déterminante sur FMC Foret.

69 À cet égard, en premier lieu, la Commission aurait indiqué, à tort, que le fait que la requérante " comptait un département distinct pour la fabrication du [PH] à livrer au marché américain ne suffi[sait] pas à établir qu'[elle] n'exerçait aucun contrôle sur sa filiale européenne " (considérant 394 de la décision attaquée). La requérante n'aurait pas soutenu avoir disposé d'un " département " distinct, mais aurait argué de l'existence de " deux structures organisationnelles entièrement séparées pour la production et la vente du PH ".

70 La Commission aurait donc dénaturé l'argument de la requérante et se serait fondée sur une constatation erronée et non soutenue par un élément de preuve.

71 Selon la requérante, ses activités étaient réparties en branches, les marchés desservis par ces branches étant fonction de la localisation et de la nature du produit. Dans le cas du PH, sa production serait vendue localement, la logistique du transport ne permettant pas son transport des États-Unis vers l'Europe ou inversement. FMC Foret n'aurait pas été un " département " de la requérante et ne disposerait même pas de structure pour rendre compte de ses activités à la requérante. Aucun élément de preuve dans le dossier n'indiquerait l'existence de " cloisons départementales " entre les activités relatives au PH de la requérante et celles de FMC Foret.

72 Il résulterait des témoignages des employés, soumis par la requérante, que FMC Foret avait développé ses activités et sa gamme de produits de manière entièrement séparée de celles de la requérante. Dans la plupart des domaines, il n'y aurait pas eu de chevauchement de produits entre les deux sociétés. Dans le cas du PH, les marchés et les consommateurs auraient été entièrement différents, du fait des caractéristiques spécifiques du produit et de la localisation de la production. La requérante aurait fourni des annuaires de société montrant qu'il n'y avait pas eu de chevauchement de personnel entre la requérante et FMC Foret dans un domaine quelconque ou à un moment quelconque au cours de la période pertinente. Ces témoignages démontreraient la nature indépendante et autonome des opérations de FMC Foret.

73 Étant donné les deux structures organisationnelles entièrement séparées pour la commercialisation de PH, il n'y aurait eu aucune raison de supposer que les gestionnaires d'une de ces structures exerçaient une influence déterminante sur la gestion de l'autre. Or, la Commission aurait omis de démontrer que, malgré l'existence des deux structures séparées, la requérante avait véritablement exercé une influence déterminante sur FMC Foret dans le cadre de la commercialisation de PH.

74 En deuxième lieu, la Commission aurait commis une erreur manifeste, en constatant que les activités commerciales de FMC Foret faisaient " partie intégrante " de celles de la requérante, dans la mesure où cette dernière " [était] également impliquée dans la production de [PH] et [de] PBS " et que FMC Foret " [opérait] comme sa filiale européenne à cet égard " (considérant 394 de la décision attaquée).

75 Un chevauchement de production ne permettrait pas d'inférer l'exercice d'une influence déterminante. On ne pourrait supposer que deux producteurs indépendants situés dans des pays différents se contrôlent ou exercent une influence déterminante l'un sur l'autre, simplement parce que l'un des produits fabriqués est le même.

76 En tout état de cause, le chevauchement de production existerait uniquement pour le PH et non pour le PBS. Cela serait confirmé par les témoignages soumis par la requérante.

77 En constatant que la requérante produisait tant du PH que du PBS, la Commission se serait vraisemblablement fondée sur une déclaration d'un employé de la requérante, M. T. B., rédigée comme suit :

" [FMC] Foret, de plus, vend un assortiment de produits différent de celui vendu par [la requérante]. [La requérante], par exemple, produit effectivement [du PBS] aux États-Unis, alors que [FMC Foret] vend et produit depuis de nombreuses années du [PBS] en Europe. "

78 Selon la requérante, cette déclaration contient une " erreur typographique " évidente et doit être lue, comme suit : " [La requérante], par exemple, [ne] produit [pas] effectivement [de PBS] ". La Commission se serait fondée, à tort, sur cette déclaration, entachée d'une " erreur typographique " évidente, en méconnaissance des autres témoignages affirmant le contraire.

79 Selon la requérante, le fait que le seul produit fabriqué par les deux sociétés en cause était le PH et qu'elles n'opéraient pas sur les mêmes marchés géographiques permettait de conclure qu'elles ne devaient pas coordonner leurs activités.

80 La constatation de la Commission selon laquelle FMC Foret agissait en tant que filiale de la requérante ne serait pas non plus pertinente, car certaines filiales, telles que FMC Foret, seraient considérées comme des " investissements ", ne faisant pas partie des activités de la société mère.

81 Le fait qu'une grande société telle que la requérante acquière une autre société uniquement à des fins d'investissement signifierait qu'elle n'a pas l'intention de s'impliquer dans sa gestion courante. La relation entre la requérante et FMC Foret constituerait un exemple typique des cas, tels que les acquisitions faites par des fonds d'investissements, où une société acquiert 100 % du capital d'une autre société sans exercer d'influence déterminante sur sa gestion.

82 En troisième lieu, en constatant que la requérante a elle-même présenté les activités de FMC Foret " comme une [partie intégrante] de ses activités ", la Commission se serait fondée, à tort, sur de nouveaux éléments à charge, à savoir des informations tirées du site Internet de la requérante (considérant 394 et la note en bas de page 379 de la décision attaquée).

83 D'une part, ces éléments relatifs aux années 2005 et 2006 ne seraient pas susceptibles de démontrer que la requérante avait exercé une influence déterminante sur FMC Foret entre 1997 et 1999. D'autre part, la requérante n'aurait pas eu l'occasion de s'exprimer sur ces éléments lors de la procédure administrative. En utilisant les éléments en question, la Commission aurait donc introduit de nouveaux éléments à charge, se rapportant d'ailleurs à la période postérieure à l'infraction.

84 En quatrième lieu, en indiquant que les déclarations des employés de la requérante ne suffisaient pas à démontrer que FMC Foret fonctionnait sur une base autonome (considérant 394 de la décision attaquée), la Commission aurait rejeté ces éléments de preuve au seul motif qu'ils résultaient des déclarations des employés de la requérante. Ce rejet serait incompréhensible, car les éléments relatifs à l'autonomie de FMC Foret devraient inévitablement provenir de ceux qui étaient impliqués dans sa gestion.

85 Par ailleurs, en constatant que le statut d'autonomie de FMC Foret n'était démontré " que par [les] déclarations " en question, la Commission aurait admis que ces déclarations démontraient effectivement l'autonomie de FMC Foret et étaient donc suffisantes pour renverser la présomption.

86 En outre, le rejet des éléments en cause, au seul motif qu'ils provenaient des déclarations des employés, ne serait pas conciliable avec le fait que la Commission a utilisé les déclarations des employés présentées par les entreprises ayant déposé une demande de clémence.

87 Ainsi, la Commission aurait réservé un traitement " discriminatoire " aux éléments de preuve soumis par la requérante, en omettant d'appliquer les mêmes règles que celles appliquées aux témoignages des entreprises ayant déposé une demande de clémence. La Commission aurait dû reconnaître une crédibilité particulière aux déclarations des employés de la requérante, eu égard au fait qu'elles provenaient de témoins directs, ceux-ci étant des cadres supérieurs de l'entreprise concernée, que l'information avait été fournie après mûre réflexion et qu'il existait un ensemble d'éléments de preuve cohérents.

88 La Commission aurait omis d'apprécier objectivement la valeur qualitative des témoignages en cause, et notamment de prendre en compte le fait qu'il s'agissait de preuves directes, que les témoins acceptaient leur responsabilité personnelle au regard de leur témoignage et étaient disponibles pour se soumettre à des questions lors de l'audition.

89 Par ailleurs, la preuve de l'autonomie de FMC Foret ne proviendrait pas exclusivement des déclarations des employés de la requérante, mais résulterait également des autres éléments invoqués à l'appui, notamment :

- le fait que tous les procès-verbaux de conseil d'administration de FMC Foret auraient été établis en espagnol, ce qui serait un cas unique au sein de la requérante, et que le contenu de ces procès-verbaux révélerait également que les questions opérationnelles n'étaient jamais discutées, le contrôle effectif et pratique de FMC Foret étant confié à ses dirigeants ;

- le fait que les annuaires de chaque société, produits par la requérante pour chacune des années en cause, démontreraient qu'il n'y avait pas d'employés travaillant pour les deux sociétés en même temps et, ainsi, qu'il n'y avait pas de domaines dans lesquels les deux sociétés collaboraient de manière institutionnelle ;

- le fait que les activités et la gamme de produits de FMC Foret se seraient développées indépendamment de celles de la requérante et qu'elles répondraient aux opportunités particulières de FMC Foret, ainsi qu'aux demandes de sa clientèle : FMC Foret aurait commencé à produire du PBS bien avant que la requérante en devienne actionnaire et, par conséquent, détiendrait une gamme unique de produits, qui ne recouperait que dans une faible mesure celle de la requérante, le développement de ces produits n'aurait pas été le fruit d'une collaboration entre les deux sociétés et la documentation interne (corporate brochure) de FMC Foret confirmerait la nature indépendante des opérations ;

- le fait que la clientèle de chaque société serait géographiquement différente.

90 Dans la décision attaquée, la Commission aurait omis d'examiner certains arguments avancés par la requérante. En effet, elle n'aurait même pas mentionné le fait que les procès-verbaux du conseil d'administration de FMC Foret étaient établis en espagnol, qu'aucun membre du personnel n'avait travaillé pour les deux sociétés au même moment, que FMC Foret avait développé ses activités indépendamment de celles de la requérante, que celle-ci avait développé sa gamme de produits de façon indépendante et que chaque société opérait sur des marchés géographiquement distincts. Elle aurait examiné ces questions, pour la première fois, dans le mémoire en défense.

91 Enfin, concernant la charge de la preuve, la requérante soutient que, pour renverser la présomption, elle n'était pas tenue d'apporter la preuve démontrant qu'elle n'avait pas exercé d'influence déterminante sur sa filiale. Il suffirait qu'elle démontre qu'il ne serait pas conforme à la sécurité juridique de se fonder sur la présomption, en produisant les éléments de preuve susceptibles de " faire apparaître qu'une conclusion parfaitement raisonnable serait " qu'elle n'avait pas exercé d'influence déterminante.

92 En outre, la Commission ne pourrait rejeter un élément de preuve contraire au motif qu'il ne suffit pas à établir que la requérante n'exerçait " aucun " contrôle sur sa filiale européenne. Certains types de contrôle seraient sans rapport avec la gestion des activités de la requérante, par exemple, l'obligation de fournir des comptes ou d'adhérer à certaines règles de bonne gestion.

93 À cet égard, la requérante, d'une part, soutient avoir apporté des éléments de preuve suffisants pour renverser la présomption en cause et, d'autre part, argue que la Commission n'a pas utilisé le critère juridique approprié, en ce qui concerne la détermination de l'exercice d'une influence déterminante.

94 La Commission conteste les arguments de la requérante.

- Appréciation du Tribunal

95 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, les conditions retenues par la jurisprudence de l'Union en ce qui concerne la responsabilité de la société mère pour le comportement infractionnel de sa filiale.

96 Selon une jurisprudence constante, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97-08 P, Rec. p. I-8237, point 58, et la jurisprudence citée)

97 En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d'une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens de l'article 81 CE (arrêt Akzo Nobel e.a.-Commission, point 96 supra, point 59).

98 Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, d'une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d'autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 96 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

99 Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme responsable de l'infraction en cause, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n'apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 96 supra, point 61, et la jurisprudence citée).

100 Afin d'apprécier si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération l'ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l'objet d'une énumération exhaustive (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 96 supra, point 74 ; voir, également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a.-Commission, T-112-05, Rec. p. II-5049, point 65).

101 Il y a lieu d'observer que la requérante ne conteste pas le droit de la Commission de se prévaloir, en l'espèce, de la présomption résultant du fait qu'elle détenait l'intégralité du capital de sa filiale ayant pris part à l'infraction en cause.

102 Elle avance néanmoins certains arguments relatifs à l'application de cette présomption qu'il convient d'examiner en premier lieu.

103 D'une part, la requérante soutient que l'influence exercée par la société mère sur le comportement de sa filiale doit être analysée au regard de la gestion de l'activité commerciale de l'entreprise qui est concernée par l'infraction en cause.

104 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante citée au point 100 ci-dessus, afin d'apprécier si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de tenir compte de l'ensemble des éléments invoqués au regard des liens organisationnels, économiques et juridiques entre les sociétés concernées, dont l'importance varie selon les cas.

105 Il n'y a pas notamment lieu de restreindre cette appréciation aux seuls éléments se rapportant à la politique commerciale stricto sensu de la filiale, telle que la stratégie de distribution ou des prix. En particulier, la présomption en cause ne saurait être renversée par la seule démonstration que c'est la filiale qui gère ces aspects spécifiques de sa politique commerciale sans recevoir de directives à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a.-Commission, point 100 supra, points 63 et 64, confirmé par arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a.-Commission, point 96 supra, points 65 et 75).

106 Il en résulte que l'autonomie de la filiale, au sens de la jurisprudence précitée, ne saurait être établie par la simple démonstration qu'elle gère de manière autonome des aspects spécifiques de sa politique relative à la commercialisation des produits concernés par l'infraction.

107 D'autre part, la requérante soutient que, afin de renverser la présomption en cause, il lui suffisait de produire les éléments de preuve de nature à " jeter un doute " sur la conclusion résultant de cette présomption, en faisant apparaître qu'une " conclusion parfaitement raisonnable " était qu'elle n'avait pas exercé d'influence déterminante sur sa filiale.

108 Or, il résulte d'une jurisprudence constante citée au point 99 ci-dessus que la présomption en cause ne peut être renversée que par des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer l'autonomie de la filiale. Dès lors, contrairement à ce que laisse supposer l'argument de la requérante, un simple commencement de preuve ne saurait suffire à renverser cette présomption.

109 Ainsi, dès lors que la société mère apporte un ensemble d'éléments de preuve susceptible de démontrer l'autonomie de sa filiale (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe-Commission, T-314-01, Rec. p. II-3085, point 136, et du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T-69-04, Rec. p. II-2567, point 56), en démontrant que cette dernière n'applique pas, pour l'essentiel, les directives qu'elle émet et se comporte, dès lors, de façon autonome sur le marché (arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a.-Commission, point 100 supra, point 62), la Commission ne pourra pas lui imputer le comportement de la filiale, à moins de réfuter cette preuve contraire.

110 C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'examiner les arguments soulevés par la requérante dans le cadre du présent moyen.

111 En premier lieu, la requérante conteste la pertinence des circonstances retenues au considérant 391 de la décision attaquée, lesquelles sont relatives aux liens personnels entre les sociétés concernées.

112 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, à l'appui du constat de la responsabilité de la requérante, la Commission ne s'est pas limitée à invoquer la présomption liée au contrôle entier exercé par la requérante sur FMC Foret, à travers FMC Chemical Holding, mais a également fait valoir d'autres circonstances.

113 La Commission a relevé notamment, au considérant 391 de la décision attaquée, que, au moment des faits, trois personnes exerçaient leurs fonctions au sein de plusieurs sociétés concernées. M. A. B., qui a participé directement à certains contacts illicites, était, au moment des faits, à la fois vice-président de la requérante et PDG de FMC Foret. M. W. B. était, durant une partie de la période infractionnelle, membre du conseil d'administration de FMC Foret et de celui de FMC Chemical Holding, ainsi que vice-président exécutif de la requérante. M. G. W. était, durant une partie de la période infractionnelle, membre du conseil d'administration de FMC Foret et de celui de FMC Chemical Holding.

114 Il y a lieu d'observer, tout d'abord, que la requérante n'est pas fondée à soutenir que, en faisant valoir ces circonstances additionnelles, la Commission aurait admis que la présomption en cause avait été renversée.

115 En effet, il ressort des considérants 391, 394 et 395 de la décision attaquée, que la Commission a maintenu sa conclusion, exposée dans la communication des griefs, selon laquelle la constatation de la responsabilité de la requérante était fondée sur la présomption résultant du contrôle entier, bien qu'étant indirect, de FMC Foret.

116 Cette conclusion n'est aucunement contredite par le fait que la Commission a exposé d'autres circonstances relatives à l'exercice d'une influence de la requérante sur sa filiale, à savoir, en l'espèce, des liens personnels entre les sociétés concernées et le rôle de M. A. B. dans les contacts collusoires (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 96 supra, point 62).

117 Ensuite, concernant la pertinence des circonstances rapportées au considérant 391 de la décision attaquée, il convient d'observer que l'identité des personnes faisant partie du conseil d'administration des sociétés concernées constitue un indice pertinent de l'absence d'autonomie de la filiale (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T-54-03, non publié au Recueil, points 550 à 558).

118 Il en est de même de la participation directe de l'une des personnes concernées aux contacts illicites. En effet, la participation d'un membre du personnel de la société mère aux réunions collusoires peut constituer un élément de nature à démontrer qu'elle connaissait la participation de sa filiale à l'infraction et, partant, qu'elle était impliquée d'une manière active dans les agissements anticoncurrentiels (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, KNP BT/Commission, T-309-94, Rec. p. II-1007, points 47 et 48), cet élément pouvant donc, a fortiori, être retenu comme un indice de son influence déterminante sur la filiale (voir, en ce sens, arrêt Lafarge/Commission, point 117 supra, point 546).

119 À cet égard, la requérante ne conteste pas l'exactitude des faits exposés au considérant 391 de la décision attaquée, mais soutient, d'une part, que les personnes en cause, en particulier M. A. B., exerçaient des fonctions purement administratives et n'étaient pas associées à la gestion courante de l'entreprise et, d'autre part, que la position occupée par MM. W. B. et G. W. au sein du holding, à travers lequel la requérante contrôlait FMC Foret, n'était pas pertinente, le seul objectif du holding étant de détenir des participations.

120 Or, ces arguments ne sont pas de nature à infirmer la pertinence des éléments en cause au regard de l'appréciation de l'autonomie de la filiale.

121 En effet, d'une part, l'argument de la requérante tiré des fonctions purement administratives des personnes concernées repose sur une prémisse erronée, selon laquelle l'influence de la société mère doit être examinée par rapport à la " gestion journalière " de la société et une simple " surveillance de la stratégie commerciale " de cette dernière n'est pas pertinente à cet égard.

122 Étant donné que l'influence en cause s'apprécie au regard de la politique commerciale de l'entreprise au sens large, et non au regard des seuls aspects spécifiques de sa gestion " quotidienne " (voir points 104 et 105 ci-dessus), l'identité des membres des personnels en cause constitue un élément pertinent, même à supposer que leur rôle soit limité à celui de coordination et de contrôle de la stratégie commerciale de l'entreprise.

123 D'autre part, s'agissant du fait que MM. W. B. et G. W. ont également occupé des fonctions au sein de FMC Chemical Holding, il y a lieu d'observer que, bien que cette circonstance ne puisse être considérée comme un indice fort de l'exercice d'une influence, elle n'est pas pour autant dépourvue de pertinence, s'agissant du holding à travers lequel la requérante contrôlait FMC Foret. Il est constant, en outre, que M. W. B. a exercé des fonctions au sein de chacune des trois sociétés concernées.

124 Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission n'aurait pas dû retenir, aux fins de corroborer la présomption en cause, les indices supplémentaires relevés au considérant 391 de la décision attaquée. C'est donc également à bon droit que la Commission a, aux considérants 392 à 394 de la décision attaquée, écarté les arguments similaires de la requérante invoqués lors de la procédure administrative, tirés du manque de pertinence des éléments en cause.

125 En deuxième lieu, la requérante indique avoir présenté, dans sa réponse à la communication des griefs, un ensemble d'éléments de preuve suffisants pour démontrer l'autonomie de sa filiale et soutient que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en concluant le contraire.

126 Il ressort du dossier que, dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante a fait valoir, en substance, que sa participation dans le capital de la filiale, acquise progressivement entre 1966 et 1992, était un simple investissement financier sans effet sur l'autonomie de cette dernière. Elle a notamment soutenu n'avoir exercé aucune influence sur FMC Foret, les affaires de cette dernière ayant été conduites par ses propres dirigeants de manière indépendante.

127 Cette thèse était, selon la requérante, démontrée par les éléments suivants annexés tant à sa réponse à la communication des griefs qu'à la requête : premièrement, les annuaires internes des sociétés concernées relevant de la période infractionnelle, attestant, selon la requérante, qu'il n'y avait pas eu d'imbrication entre elles en termes du personnel, deuxièmement, les déclarations des quatre employés des sociétés concernés, à savoir MM. T. B., A. B., G. W. et S. S. attestant, selon la requérante, l'absence de toute coordination entre les deux sociétés, en particulier en ce qui concerne la commercialisation des produits en cause, troisièmement, une documentation interne (corporate brochure) de FMC Foret, dont il résulterait que cette dernière, historiquement, avait développé ses produits avant sa reprise par la requérante et, ensuite, a mené ses opérations de manière indépendante et, quatrièmement, les extraits des procès-verbaux du conseil d'administration de la filiale, démontrant, selon la requérante, que les réunions de celui-ci se tenaient en espagnol et que les opérations de gestion n'étaient jamais discutées. Il ressort, en outre, du dossier que la requérante a également soumis à la Commission son rapport annuel de 1995, élément dont elle ne se prévaut pas devant le Tribunal.

128 Il convient donc d'examiner, à l'aune des critères énoncés aux points 96 à 109 ci-dessus, les arguments de la requérante invoquant les éléments en cause.

129 Premièrement, il y a lieu de relever que la thèse de la requérante selon laquelle sa filiale, contrôlée à travers un holding intermédiaire, était traitée comme un simple investissement, constitue une simple affirmation et ne constitue donc pas, en tant que telle, une preuve d'autonomie suffisante.

130 En effet, le fait que l'objet social de la société mère permette de conclure qu'elle constituait un holding dont le rôle était, statutairement, de gérer ses participations dans le capital d'autres sociétés n'est pas suffisant, à lui seul, pour renverser la présomption en cause (voir, en ce sens, arrêt Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 109 supra, point 70). Cet élément est d'autant plus insuffisant que, en l'espèce, la requérante ne prétend pas que sa société était un holding, mais que sa filiale était contrôlée à travers un holding, et n'avance d'ailleurs aucun élément de preuve attestant le rôle de ce dernier.

131 Deuxièmement, s'agissant de la thèse de la requérante, appuyée par les déclarations de MM. T. B., A. B., G. W. et S. S., tirée de l'existence, au sein du groupe, de " deux structures organisationnelles entièrement séparées pour la production et la vente du PH ", il y a lieu de relever que la circonstance qu'une société mère n'intervienne pas sur le même marché que sa filiale n'atteste pas l'autonomie de cette dernière.

132 En effet, l'influence déterminante en cause s'apprécie au regard de l'ensemble des liens économiques, organisationnels et juridiques unissant la société mère et sa filiale, la gestion quotidienne par cette dernière de l'activité relative à l'infraction, même à la supposer établie, n'étant pas un indice suffisant de son autonomie (voir point 105 ci-dessus). En particulier, la division des tâches constituant un phénomène normal au sein d'un groupe, tel que celui visé en l'espèce, aucune conclusion ne saurait être tirée du fait que la société mère et sa filiale opèrent sur des marchés distincts et n'ont pas de liens de fournisseurs à clients.

133 Ces considérations s'appliquent, a fortiori, au cas d'espèce, étant donné que la requérante commercialisait, certes sur un marché géographique distinct, l'un des produits en cause, le PH, cette circonstance indiquant, à tout le moins, qu'elle était en mesure d'influer sur la politique commerciale de sa filiale dans le même domaine.

134 Il convient ainsi d'écarter l'argumentation de la requérante visant à établir que FMC Foret a organisé son activité de production et de vente du PH en Europe indépendamment de l'activité similaire exercée par la requérante aux États-Unis, marché distinct compte tenu des contraintes de transport, que les sociétés en cause disposaient de gammes de produits distinctes, et qu'il n'y avait eu aucun recoupement au niveau de leur clientèle.

135 Ces circonstances, même à les supposer établies, n'étant pas de nature à démontrer l'autonomie de la filiale concernée, c'est donc également à bon droit que la Commission a rejeté, au considérant 394 de la décision attaquée, l'argumentation tirée des éléments en cause comme ne constituant pas une preuve suffisante de l'autonomie de FMC Foret.

136 Par ailleurs, la requérante soutient, à tort, que la Commission a dénaturé son argument, d'une part, en le présentant comme tiré de l'existence d'un " département distinct pour la fabrication du [PH] à livrer au marché américain " et, d'autre part, en indiquant que la requérante était " également impliquée dans la production [...] de [PBS] " (considérant 394 de la décision attaquée).

137 En effet, d'une part, bien que la Commission n'ait pas présenté l'argument de la requérante tiré de l'existence de deux structures organisationnelles distinctes selon les termes exacts dans lesquels il avait été formulé, cette présentation n'a pas pu avoir d'incidence sur son appréciation, dès lors qu'il s'agit, en tout état de cause, d'un élément n'étant pas susceptible d'établir l'autonomie de FMC Foret.

138 D'autre part, s'agissant de l'indication du fait que la requérante commercialisait du PBS, il convient d'observer que la Commission admet qu'il s'agit là d'une erreur, tout en précisant que cette erreur provient de la déclaration de M. T. B. fournie par la requérante, ce que cette dernière ne conteste pas.

139 Il convient d'observer que, eu égard aux termes de la déclaration en cause, reproduits au point 77 ci-dessus, la requérante ne saurait prétendre qu'il s'agit d'une " erreur typographique " évidente.

140 Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir cité un élément qui, bien qu'erroné, ressortait des informations fournies par la requérante, dans le cadre des éléments de preuve contraires qu'il lui incombait de produire. En tout état de cause, aucune conclusion ne pouvant être tirée de la circonstance que les deux sociétés opéraient sur des marchés différents, la légalité de la décision attaquée ne saurait en être affectée.

141 Troisièmement, ne constitue pas un indice significatif de l'autonomie de la filiale l'argument de la requérante tiré d'une prétendue absence de chevauchement de personnel des sociétés en cause, fondé, d'une part, sur des noms figurant dans leurs annuaires et, d'autre part, sur la déclaration de M. T. B. selon laquelle ces sociétés avaient maintenu " leurs propres directeurs commerciaux, contrôleurs, gestionnaires en ressources humaines, gestionnaires commerciaux et marketing, leurs gestionnaires de production, leurs gestionnaires en matière de technologie ainsi que leur force de travail opérationnelle ".

142 D'une part, l'argument en cause est infirmé par les liens entre les sociétés concernées résultant de l'identité de certains membres de leurs conseils d'administration, exposés au considérant 391 de la décision attaquée.

143 D'autre part, l'absence de chevauchement du personnel impliqué dans la gestion opérationnelle de l'entreprise, invoquée par la requérante, ne saurait attester l'autonomie de sa filiale, dès lors que l'appréciation en cause ne vise pas seulement la politique commerciale stricto sensu de l'entreprise (voir point 105 ci-dessus).

144 Quatrièmement, la requérante argue de l'absence de système d'information et de rapports entre elle-même et FMC Foret, à l'exception des rapports financiers et d'autres informations comparables à celles données à un simple investisseur, en invoquant, d'une part, les déclarations en ce sens de MM. A. B. et G. W. et, d'autre part, le fait que, à la différence des autres filiales de la requérante, les procès-verbaux du conseil d'administration de FMC Foret étaient seulement établis en espagnol, leur contenu confirmant d'ailleurs que les questions " opérationnelles " de l'entreprise n'étaient pas discutées.

145 Il y a lieu d'observer, à cet égard, que, étant donné que l'autonomie de la filiale ne s'apprécie pas au regard des seuls aspects de la gestion opérationnelle de l'entreprise, le fait que la filiale n'ait jamais mis en œuvre, au profit de la société mère, une politique d'information spécifique sur le marché concerné ne saurait suffire à démontrer son autonomie.

146 En outre, l'argument de la requérante visant à démontrer l'absence de système d'information spécifique est dénué de pertinence au regard du fait, indiqué au considérant 391 de la décision attaquée, que M. A. B., PDG de FMC Foret, était aussi vice-président de la requérante et était donc en mesure d'informer cette dernière sur la politique commerciale de la filiale.

147 Il résulte de toutes ces considérations que la Commission a constaté, à bon droit, que les éléments invoqués par la requérante, considérés dans leur ensemble, ne comportait pas de preuves suffisantes pour démontrer l'autonomie de FMC Foret et que le faisceau des éléments de preuve à sa disposition, notamment ceux rapportés au considérant 391 de la décision attaquée, témoignait du contraire (considérant 394 de la décision attaquée).

148 Cette constatation n'est pas non plus infirmée par les arguments de la requérante dirigés, de façon plus générale, à l'encontre des considérations retenues par la Commission en ce qui concerne les arguments et les éléments de preuve en cause.

149 À cet égard, premièrement, étant donné que l'autonomie de la filiale s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques entre les sociétés concernées, la Commission a pu, à bon droit, faire référence dans le cadre de cette appréciation aux indices supplémentaires rapportés au considérant 391 de la décision attaquée.

150 En particulier, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n'était pas tenue de réfuter de manière détaillée l'argumentation de la requérante tirée de l'absence de chevauchement de personnel et de l'absence de système d'information et de rapports, dès lors que c'est à juste titre que la Commission a considéré, au considérant 394 de la décision attaquée, que cette argumentation était infirmée par les indices rapportés au considérant 391 de ladite décision, relatifs aux liens personnels entre les sociétés concernées et au rôle de M. A. B dans les contacts collusoires.

151 Deuxièmement, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission a commis des erreurs dans le cadre de l'appréciation des déclarations des employés qu'elle lui a soumises lors de la procédure administrative.

152 Tout d'abord, contrairement à ce que prétend la requérante, le considérant 394 de la décision attaquée ne contient pas une admission du fait que les déclarations en cause constituaient la preuve suffisante de l'autonomie de FMC Foret. En effet, audit considérant, la Commission a relevé que " le 'statut d'autonomie' de FMC Foret n'[était] pas démontré, à part cela, que par des déclarations d'employés ". Or, il ressort tant du contexte de cette phrase, s'inscrivant dans le cadre de l'appréciation des arguments de la requérante, que de l'emploi des guillemets, que la Commission a uniquement fait état de l'argument tel qu'il était invoqué par la requérante, sans pour autant constater que celle-ci avait, de fait, démontré le " statut d'autonomie " de FMC Foret.

153 Ensuite, c'est également à tort que la requérante reproche à la Commission d'avoir rejeté les déclarations en cause au seul motif qu'elles provenaient d'employés des sociétés concernées et de ne pas avoir attribué à ces éléments de preuve une valeur probante comparable à celle des déclarations des employés des entreprises ayant sollicité la clémence.

154 En effet, il ressort du considérant 394 de la décision attaquée, lu dans son ensemble, que la Commission a apprécié les déclarations en cause, à bon droit, comme comportant des éléments de preuve, mais a conclu, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des informations pertinentes, que ces éléments ne suffisaient pas à démontrer l'autonomie de FMC Foret.

155 Dès lors, la requérante ne saurait valablement soutenir que la Commission a exclu d'accorder une valeur probante aux déclarations en cause.

156 Par ailleurs, par le même argument, la requérante argue, à tort, de la valeur probante particulièrement élevée des déclarations en question, comparable à celle accordée à certaines déclarations faites par les entreprises ayant formulé une demande de clémence.

157 En effet, le fait d'accorder, au cas par cas, une valeur probante importante aux déclarations faites dans le cadre d'une demande de clémence résulte de la considération selon laquelle il s'agit d'un aveu d'infraction et donc, en principe, de déclarations allant à l'encontre des intérêts du déclarant (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a.-Commission, T-67-00, T-68-00, T-71-00 et T-78-00, Rec. p. II-2501, point 211). Or, les déclarations des employés soumises par la requérante en l'espèce ont été faites exclusivement dans l'intérêt de celle-ci et ne s'inscrivent donc pas dans le même contexte qu'une demande de clémence.

158 Troisièmement, la requérante soutient que la Commission a omis de prendre en compte certains éléments, à savoir les annuaires des sociétés, la documentation interne (corporate brochure) de FMC Foret et les procès-verbaux de son conseil d'administration.

159 Il convient de relever qu'il résulte des considérants 392 à 394 de la décision attaquée que la Commission a apprécié l'argumentation de la requérante invoquant l'autonomie de sa filiale au regard de l'ensemble des éléments qui lui ont été soumis.

160 À cet égard, étant donné que l'appréciation résultant des considérants 392 à 394 de la décision attaquée répond, à suffisance de droit, à l'argumentation de la requérante prise dans son ensemble, le simple fait que la Commission n'a pas mentionné certains éléments soumis par la requérante ne saurait conduire à infirmer cette appréciation.

161 Quatrièmement, la requérante critique l'utilisation d'un élément rapporté par la Commission au considérant 394 de la décision attaquée, dans les termes précédant la note en bas de page 379, selon lesquels, dans son rapport annuel de 2004 et son communiqué de presse du 6 février 2006, elle " présent[ait elle-même] FMC Foret comme une [partie intégrante] de ses activités ", et dont il résultait, selon la Commission, que " FMC opér[ait] comme sa filiale européenne à cet égard ".

162 Il convient d'observer que la Commission, interrogée sur ce point lors de l'audience, a admis que la requérante n'avait pas eu la possibilité, lors de la procédure administrative, de soumettre ses observations sur les éléments figurant à la note en bas de page 379 de la décision attaquée.

163 Les éléments en cause doivent ainsi être écartés comme moyens de preuve.

164 Néanmoins, concernant la violation des droits de la défense, il incombe encore à la requérante de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si ces éléments non communiqués devaient être écartés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a.-Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, point 73).

165 À cet égard, la requérante soutient que les vices entachant les considérations en cause ont nécessairement eu une conséquence sur le contenu de la décision attaquée, compte tenu de la faiblesse des autres éléments invoqués par la Commission à l'appui de la constatation de sa responsabilité solidaire.

166 Or, il y a lieu de relever que, s'agissant d'éléments invoqués par la Commission uniquement à titre confirmatif, ainsi qu'il ressort de la dernière phrase du considérant 394 de la décision attaquée, le fait qu'ils doivent être écartés en tant qu'éléments de preuve ne saurait avoir une incidence sur la légalité de la constatation de la responsabilité de la requérante, laquelle ressortant, à suffisance de droit, d'autres considérations formulées dans la décision attaquée.

167 En effet, les considérations exposées par la Commission, à savoir la présomption de l'exercice d'une influence déterminante de la requérante sur sa filiale contrôlée à 100 %, cette présomption n'ayant pas été renversée par la requérante et, d'ailleurs, étant renforcée par les éléments factuels rapportés au considérant 391 de la décision attaquée, étaient suffisantes pour constater la responsabilité en cause.

168 Enfin, dès lors qu'il ressort de l'ensemble des considérants 391 à 394 de la décision attaquée, que la Commission s'est fondée, à bon droit, sur l'exercice d'une influence déterminante de la requérante sur sa filiale, la requérante ne saurait valablement prétendre que la Commission s'est prévalue d'un critère erroné, du seul fait que, au considérant 394, quatrième phrase, de ladite décision, il est fait référence au fait qu'un argument particulier de la requérante ne suffisait pas à établir qu'elle n'exerçait " aucun contrôle " sur sa filiale.

169 À la lumière de l'ensemble de ces considérations, il y a lieu de conclure que la Commission a estimé, à bon droit, que les éléments produits par la requérante, pris dans leur ensemble, n'étaient pas de nature à établir l'autonomie de FMC Foret et, partant, à réfuter la constatation de l'exercice de son influence déterminante sur le comportement de sa filiale, résultant de la présomption.

170 De surcroît, cette constatation est confortée par les indices supplémentaires, tirés des liens personnels entre les sociétés concernées ainsi que du rôle de M. A. B. dans l'infraction (considérant 391 de la décision attaquée), lesquels n'ont pas non plus été remis en cause par la requérante.

171 Par ailleurs, la requérante n'a pas établi que la Commission aurait commis une erreur dans l'appréciation de la valeur probante ou du contenu des éléments apportés pour renverser la présomption, ni qu'elle aurait omis d'apprécier les éléments dans leur ensemble (voir points 153 à 155 et 158 à 160 ci-dessus).

172 Elle n'a pas non plus démontré que la prétendue violation des droits de la défense, résultant de l'emploi des éléments non communiqués, aurait été susceptible d'avoir une incidence quelconque sur les conclusions retenues dans la décision attaquée (voir points 166 et 167 ci-dessus).

173 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le présent moyen n'est pas fondé et, partant, de rejeter les conclusions en annulation.

Sur les conclusions en réduction du montant de l'amende

Arguments des parties

174 La requérante conteste la détermination du montant de son amende. Elle fait valoir que, dans le cadre de l'appréciation de la nature de l'infraction et, dès lors, de sa gravité, la Commission a réduit les destinataires de la décision attaquée à une seule et même catégorie, indiquant qu'ils s'étaient concertés pour mettre en place un projet collusoire secret et institutionnalisé, en pleine connaissance de l'illégalité de leurs actes (considérant 454 de la décision attaquée).

175 Aucun élément de preuve ne permettrait de soutenir la constatation que FMC Foret se serait concertée avec les autres pour mettre en place une collusion institutionnalisée. Les éléments exposés dans la décision attaquée ne permettraient pas de démontrer que FMC Foret aurait été impliquée dans l'établissement du projet de collusion, mais, tout au plus, qu'elle aurait été entraînée dans un cadre de collusion institutionnalisée par les plus grandes entreprises et dans une grande mesure à l'encontre de ses propres intérêts. Son rôle aurait été essentiellement passif et sa participation aux rencontres aurait été sporadique par nature.

176 La requérante soutient que, selon la Commission elle-même, FMC Foret s'était simplement jointe à l'entente trois ans environ après son commencement. Les autres parties de l'entente auraient déjà été impliquées auparavant dans une entente identique sur le même marché.

177 En tant que nouvel entrant, FMC Foret n'aurait rien eu à gagner dans le cadre de l'entente, mais tout à gagner en jouant le jeu de la concurrence. La Commission aurait elle-même admis qu'il y avait une différence entre les autres parties à l'entente et FMC Foret, indiquant que la participation de cette dernière " a[vait] souvent pris d'autres formes que celle des autres entreprises " (considérant 323 de la décision attaquée).

178 Le rôle passif de FMC Foret serait également mis en évidence par sa participation beaucoup plus sporadique aux réunions collusoires, ses représentants ayant participé physiquement à 14 des 30 réunions situées entre mai 1997 et décembre 1999, sur les 73 réunions qui auraient eu lieu pendant toute la durée de l'entente. Dans le cadre de certaines autres réunions, FMC Foret aurait prétendument été jointe ou informée par téléphone et n'aurait donc pas pu influer sur les discussions.

179 La requérante conteste la thèse de la Commission selon laquelle, dans la mesure où la durée de la participation de FMC Foret à l'infraction avait été prise en considération au considérant 467 de la décision attaquée, il n'était pas nécessaire d'en tenir compte à nouveau au moment d'apprécier la gravité de celle-ci. La circonstance qu'une entreprise soit entrée sur le marché tardivement pourrait démontrer son rôle moins actif dans l'infraction et le même principe devrait s'appliquer aux situations dans lesquelles une entreprise entre dans une entente bien après qu'elle ait été mise en place. La durée de la participation d'une entreprise à l'infraction serait une question distincte de celle concernant le rôle actif ou passif joué par celle-ci (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, points 171 à 174).

180 La Commission conteste les arguments de la requérante.

Appréciation du Tribunal

181 À l'appui de sa demande visant à la réduction du montant de l'amende, la requérante invoque les circonstances de la participation de sa filiale à l'infraction, en soutenant, d'une part, que la gravité de la participation de celle-ci à l'infraction serait moins importante que celle d'autres entreprises et, d'autre part, que la Commission aurait dû lui reconnaître le bénéfice d'une circonstance atténuante tiré de son rôle passif dans l'infraction.

182 S'agissant, tout d'abord, de l'omission alléguée de tenir compte des circonstances en cause dans le cadre de l'appréciation de la gravité de l'infraction et de la détermination du montant de départ de l'amende, il convient de rappeler que ladite appréciation s'effectue au regard de l'ensemble de l'infraction à laquelle toutes les entreprises ont participé.

183 Dès lors, l'argumentation de la requérante tirée des circonstances de la participation de FMC Foret à l'infraction en cause n'est susceptible d'être examinée que dans le cadre de l'examen des griefs relatifs à l'appréciation des circonstances atténuantes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T-73-04, Rec. p. II-2661, points 102 et 104).

184 S'agissant, ensuite, du grief tiré du refus d'accorder à FMC Foret le bénéfice de la circonstance atténuante liée à son prétendu rôle passif dans l'infraction, il convient de relever que le Tribunal a considéré, dans son arrêt de ce jour, FMC Foret-Commission (T-191-06, non encore publié au Recueil, points 334 à 341), qu'un ensemble d'éléments comparables à ceux invoqués par la requérante en l'espèce n'attestait pas le rôle exclusivement passif ou suiviste de FMC Foret dans l'entente, s'agissant notamment du caractère prétendument sporadique de sa participation aux réunions collusoires, des modalités spécifiques de cette participation, ainsi que des éléments relatifs à sa prétendue stratégie concurrentielle sur le marché.

185 En particulier, il y a lieu de rappeler que FMC Foret a été représentée ou informée en ce qui concerne la plupart des réunions collusoires visées par la décision attaquée, au cours de la période allant du 29 mai 1997 au 13 décembre 1999. La requérante ne saurait ainsi valablement prétendre, à cet égard, que la participation de FMC Foret était sensiblement plus sporadique que celle des autres parties de l'entente. Dans la mesure où la requérante invoque les modalités particulières de la participation de FMC Foret à certaines réunions collusoires, à savoir le fait qu'elle n'y a pas participé physiquement, mais qu'elle en a été informée par téléphone, il y a lieu d'observer que ces modalités s'accordent avec la nature clandestine de l'entente et ne témoignent pas d'un rôle exclusivement passif ou suiviste.

186 Par ailleurs, s'agissant de l'argument de la requérante tiré de la durée de la participation de FMC Foret à l'entente, il convient de relever que cet élément a été pris en compte dans le cadre de la détermination du montant de l'amende (considérant 467 de la décision attaquée).

187 En outre, la requérante ne saurait se prévaloir valablement de la solution adoptée dans l'arrêt Cheil Jedang/Commission, point 179 supra (point 171), dans lequel le Tribunal a pris en compte, dans l'appréciation du rôle passif, l'entrée tardive sur le marché de l'entreprise concernée. En effet, à la différence des circonstances de l'affaire ayant donné lieu audit arrêt, en l'espèce, FMC Foret était présente sur les marchés concernés dès le début de l'entente et le fait que sa participation à celle-ci n'a été établie qu'à partir du 29 mai 1997 n'atteste pas, eu égard notamment aux autres circonstances de l'espèce, de son rôle passif.

188 Au vu de ce qui précède, le grief tiré d'une prétendue circonstance atténuante liée au rôle exclusivement passif ou suiviste de FMC Foret dans l'entente ne saurait être accueilli.

189 Par conséquent, il convient de rejeter les conclusions en réduction du montant de l'amende et, partant, le présent recours dans son ensemble.

Sur les dépens

190 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) FMC Corp. est condamnée aux dépens.