Livv
Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 23 juin 2011, n° 10-00503

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Votte

Défendeur :

Synthèse Diffusion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Parenty

Conseillers :

MM. Deleneuville, Brunel

Avoués :

SCP Levasseur Castille Levasseur, SCP Cocheme Labadie Coquerelle

Avocats :

Mes Catoni, Devignes

T. com. Arras, du 18 nov. 2009

18 novembre 2009

Vu le jugement contradictoire du 18 novembre 2009 du Tribunal de commerce d'Arras qui a débouté M. Michel Votte et l'a condamné au paiement (sans indication du bénéficiaire) d'une somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 25 janvier 2010 par M. Michel Votte ;

Vu les conclusions déposées le 2 décembre 2010 pour ce dernier ;

Vu les conclusions déposées le 17 novembre 2010 pour la SARL Synthèse Diffusion ;

Vu l'ordonnance de clôture du 3 février 2011 ;

Attendu que M. Michel Votte a interjeté appel aux fins d'infirmation, condamnation de la société Synthèse Diffusion à lui payer 34 000 euro à titre d'indemnité compensatrice ainsi que 2 000 euro pour résistance abusive et 3 500 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, exposant qu'il a cessé son activité d'agent commercial pour raison de santé, ce dont il justifie maintenant ;

Attendu que la société Synthèse Diffusion sollicite la confirmation et la condamnation de M. Michel Votte à lui payer 2 000 euro pour la couverture de ses frais irrépétibles ;

Sur ce :

Attendu que M. Michel Votte, après avoir été employé par la société Synthèse Diffusion en qualité de VRP du 2 février au 31 décembre 2001, a été repris par cette dernière comme agent commercial à compter de fin janvier 2002 ; que M. Michel Votte a souhaité prendre sa retraite à compter du 1er avril 2004 ; qu'ayant vainement réclamé une indemnité compensatrice dès le 17 février 2005, au motif qu'il remplissait les conditions pour l'obtenir compte tenu que sa cessation d'activité était motivée par son état de santé, il a, par acte du 16 décembre 2008, assigné la société Synthèse Diffusion en paiement d'une somme de 34 000 euro ; que le tribunal a rendu le jugement entrepris ;

Sur la notification de sa démission par M. Michel Votte

Attendu, qu'alors qu'elle en a accusé réception le 21 janvier 2004, la société Synthèse Diffusion ne peut décemment prétendre n'avoir été informée par M. Michel Votte que le 12 décembre 2004 de sa décision de cesser ses fonctions pour cause de départ en retraite le 1er avril 2004 ; que son rédacteur a manifestement commis une erreur de plume lorsqu'il l'a rédigée et envoyée le 12 décembre 2003 ;

Sur la prétention de M. Michel Votte à une indemnité compensatrice

Attendu que si M. Michel Votte n'a pas réclamé une l'indemnité compensatrice avant le 17 février 2005, il n'en demeure pas moins qu'à cette date il était toujours en droit d'y prétendre, le délai d'un an prévu par l'article L. 132-12 du Code de commerce n'étant pas expiré ;

Attendu qu'il a été jugé (Cass. com. du 8 février 2011, n° de pourvoi : 10-12.876, Publié au bulletin) " que si pour conserver son droit à réparation l'agent commercial doit notifier au mandant qu'il entend faire valoir ses droits dans le délai d'un an de la cessation du contrat, il n'est pas tenu de faire connaître le motif de sa décision.... que la circonstance que M. X n'avait pas mentionné l'existence des problèmes de santé lors de sa demande d'indemnité, ne l'empêchait pas d'établir devant le juge saisi qu'à la date de la cessation de ses fonctions la poursuite de son activité ne pouvait plus être raisonnablement exigée du fait de son état de santé " ;

Attendu que si M. Michel Votte a fait parvenir à la société Synthèse Diffusion un certificat médical daté du 27 octobre 2006, les autres pièces qu'il verse aujourd'hui à la procédure relativement à son état de santé à l'époque de sa décision de mettre fin à son activité d'agent commercial, doivent néanmoins être examinées ;

Attendu que le docteur Patrick Toussaint, du CHU d'Amiens, indique dans une lettre adressée le 24 juin 2003 au médecin traitant de M. Michel Votte, que ce dernier " connaît depuis plus de 30 ans des épisodes lombalgiques intermittents, en général de type mécanique, bien calmés par le repos et les anti-inflammatoires " ;

Attendu que deux examens radiographiques, des 22 mars et 25 avril 2003, ont mis en évidence " une lombarthrose multi-étagée évoluée, avec importante atteinte inter-apophysaire postérieure L3 à L5 ", pathologie confirmée par un examen scanographique du rachis lombaire du 25 avril 2003 ;

Attendu que le compte rendu d'examen rédigé le 19 septembre 2003 par le docteur Marie-Christine Goutet-Postel, confirme que M. Michel Votte souffrait de lombalgie depuis 30 ans avec aggravation sensible depuis un an, le médecin concluant : " quant à la reprise du travail, elle paraît bien aléatoire à 6 mois d'une retraite supposée compte tenu d'importants déplacements en voiture pour sa profession " ;

Attendu qu'il s'induit de ces pièces que l'état de santé de M. Michel Votte, âgé alors de 61 ans comme né le 10 juin 1943, ne lui permettait plus, raisonnablement, de poursuivre son activité d'agent commercial, exigeant de passer quotidiennement de longues heures en voiture, au-delà du 1er avril 2004, lui ouvrant le droit à la réparation prévue aux articles L. 134-12 et L. 134-14 du Code de commerce, peu important qu'il n'ait allégué son mauvais état de santé que postérieurement à son arrêt d'activité ;

Sur le montant de l'indemnité compensatrice

Attendu que la circonstance qu'après son départ, la société Synthèse Diffusion aurait réalisé un chiffre d'affaires insignifiant avec les clients de M. Michel Votte est sans conséquence sur le montant de l'indemnité qui est due à ce dernier, l'intéressé ne pouvant être sanctionné pour la défaillance de son mandant dans la poursuite de la relation qu'il entretenait avec ses contacts ; que la société Synthèse Diffusion ne peut, dès lors, utilement soutenir que M. Michel Votte aurait " discrètement cédé sa clientèle à un tiers ou un ami " sans le démontrer, ce qu'elle ne fait pas, ni davantage prétendre qu'elle " n'a pas retrouvé d'agent commercial pour cette clientèle située essentiellement dans l'Oise " pour priver M. Michel Votte de l'indemnité à laquelle il a droit en considération de son activité passée déployée au service des intérêts de la société Synthèse Diffusion ;

Attendu que l'indemnité liquidée par M. Michel Votte sur la base de deux années de commissions n'est pas excessive ; que le litige opposant actuellement la société Synthèse Diffusion à sa cliente, la société ETPO, reposant sur une soi-disant erreur de conseil imputable à M. Michel Votte, n'étant pas définitivement jugé, l'indemnité due à ce dernier ne peut être réduite de ce chef ; qu'il incombera à la société Synthèse Diffusion, qui a appelé son ex-agent commercial en la cause, de solliciter sa garantie pour toute condamnation qu'elle aura éventuellement à supporter de ce fait ;

Attendu inversement que M. Michel Votte ne peut prétendre augmenter l'indemnité qui lui est due à concurrence de l'impôt exigible sur la plus-value réalisée, dont il est acquis qu'il ne constitue pas un préjudice ;

Attendu en conséquence que la société Synthèse Diffusion sera condamnée à payer à M. Michel Votte la somme de 31 600 euro, représentant la moyenne sur deux années des commissions qui lui ont été versées au cours de ses 26 derniers mois d'activité ; que les intérêts au taux légal courront à compter de l'assignation, avec anatocisme ;

Attendu qu'il est équitable de condamner la société Synthèse Diffusion à payer à M. Michel Votte la somme de 3 500 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que M. Michel Votte ne démontrant pas que la résistance de la société Synthèse Diffusion serait abusive et lui aurait occasionné un préjudice, sa demande de dommages et intérêts sera rejetée ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe, Infirme le jugement entrepris, statuant à nouveau, Condamne la SARL Synthèse Diffusion à payer à M. Michel Votte la somme de 31 600 euro à titre d'indemnité compensatrice, augmentée des intérêts au taux légal, avec capitalisation, à compter du 16 décembre 2008, Condamne la SARL Synthèse Diffusion à payer à M. Michel Votte la somme de 3 500 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute M. Michel Votte de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, Condamne la SARL Synthèse Diffusionaux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.