CA Grenoble, ch. com., 23 juin 2011, n° 09-02030
GRENOBLE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Fagès
Défendeur :
Sportpulsion (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Muller
Conseillers :
M. Bernaud, Mme Pages
Avoués :
SCP Pougnand, Selarl Dauphin & Mihajlovic
Avocats :
Mes Benhamou, Poncet, Delecourt
Le 18 juillet 2005, la SA Sportpulsion conclut avec Monsieur Fagès Pierre un contrat d'agent commercial à durée indéterminée et ayant pour objet la commercialisation du matériel de snowboard de marque Northwave.
Cette dernière met fin à ce contrat par lettre en date du 30 octobre 2007 et sans versement d'indemnité de rupture.
Par jugement du Tribunal de commerce de Grenoble en date du 30 mars 2009, la SA Sportpulsion est déboutée de toutes ses demandes, le contrat conclu entre cette dernière et Monsieur Fagès Pierre est résilié par la SA Sportpulsion compte tenu du contexte économique défavorable.
La société Sportpulsion est condamnée à payer à Monsieur Fagès Pierre les sommes de 35 000 euro à titre d'indemnité compensatrice, celle de 9 750 euro à titre d'indemnité de réemploi, celle de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts compte tenu de la résistance abusive et celle de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration en date du 11 mai 2009, Monsieur Fagès Pierre interjette appel de la décision susvisée.
Au vu de ses dernières conclusions en date du 18 août 2009, Monsieur Fagès Pierre demande la confirmation du jugement en cause en ce qu'il juge la société Sportpulsion débitrice à son égard d'une indemnité de rupture et de réemploi.
Il demande la réformation du jugement pour le surplus et la condamnation de la société Sportpulsion au paiement des sommes suivantes : 71 500 euro au titre de l'indemnité de rupture, 18 500 euro au titre de l'indemnité de réemploi, 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il fait valoir qu'au vu du statut d'ordre public des agents commerciaux, en l'absence de faute grave de l'agent commercial, il ne peut être mis fin à son contrat sans versement d'indemnité de rupture.
Il précise que cette indemnité doit réparer le préjudice subi par référence aux commissions brutes perçues par l'agent au cours des dernières années et correspond à deux ans de commissions.
Il fait valoir la nullité de la clause limitant à un an de commissions l'indemnité de rupture. Il ajoute que la force majeure ne peut en l'espèce limiter son droit à indemnisation.
Au vu de ses dernières conclusions et en date du 2 mars 2010, la SA Sportpulsion demande la réformation du jugement contesté.
Elle fait valoir que les dispositions de l'article 134-12 du Code de commerce ne sont pas en l'espèce applicables.
Elle conclut au débouté des demandes de Monsieur Fagès Pierre compte tenu de la baisse importante d'activité de Snowboard constituant un cas de force majeure.
À titre subsidiaire, elle sollicite le débouté des demandes de Monsieur Fagès Pierre compte tenu de sa faute grave.
Elle demande la confirmation de la décision contestée sur l'indemnité de clientèle et la réduction de l'indemnité sollicitée par Monsieur Fagès Pierre à un an de commission, calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé avec la clientèle créée par ce dernier, sur trois années précédant la rupture, indemnité devant par conséquent être fixée à hauteur de la somme de 5 094,36 euro et en application des dispositions contractuelles.
Elle conclut au débouté de la demande au titre de l'indemnité de réemploi.
À titre encore plus subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement sur les dommages et intérêts et par conséquent le débouté de la demande de Monsieur Fagès Pierre à ce titre.
Elle demande la condamnation de Monsieur Fagès Pierre au paiement de la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'affaire est clôturée par ordonnance en date du 30 mars 2011.
Motifs de l'arrêt :
Les dispositions des articles L. 134-12 et 13 du Code de commerce d'ordre public et donc nécessairement applicables au présent contrat prévoient que la résiliation du contrat d'agent commercial ouvre droit à une indemnité de rupture au profit de l'agent lorsque le mandant met fin unilatéralement à ce contrat et ce indépendamment du motif de la rupture excepté en cas de faute grave de l'agent commercial.
En l'espèce, la SA Sportpulsion a pris l'initiative de la rupture en cause par la lettre de résiliation du 3 octobre 2007 par laquelle elle fait savoir à Monsieur Fagès Pierre qu'elle souhaite mettre fin au contrat d'agent commercial.
Cette résiliation est justifiée par la baisse de l'activité économique confiée à Monsieur Fagès Pierre en exécution de ce contrat nécessitant une réorganisation de l'entreprise.
La nécessité pour les besoins du marché de réorganiser le réseau commercial peut constituer une cause légitime de résiliation du contrat d'agent commercial mais ne peut suffire à justifier de l'existence d'une faute de nature à priver l'agent commercial de l'indemnité compensatrice du préjudice qu'il subit du fait de la rupture.
En effet, la SA Sportpulsion justifie des difficultés économiques liées au secteur d'activité confié à Monsieur Fagès Pierre, la baisse du chiffre d'affaire de ce dernier n'est donc pas imputable à un manquement à son encontre et ne peut dans ces circonstances constituer une faute grave par conséquent non démontrée par le mandant.
L'évolution défavorable de ce secteur d'activité ne peut constituer un cas de force majeure n'étant pas irrésistible pour la SA Sportpulsion, cette dernière envisageant sa réorganisation comme expliqué au soutien de la résiliation du contrat en cause justifiant au contraire ainsi du maintien de son activité dans ce secteur.
La SA Sportpulsion ayant pris l'initiative de la rupture et en l'absence de faute grave ou de force majeure démontrée par cette dernière, elle devra indemniser Monsieur Fagès Pierre du préjudice subi par cette résiliation en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce.
Cette indemnisation compense la perte de revenus liés à l'activité d'agent commercial et donc comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée indépendamment de l'existence d'une clientèle éventuelle apportée par l'agent commercial.
Cette indemnisation comprend par conséquent la perte de commissions et sur une durée de deux ans comme demandé, soit la somme de 71 500 euro au vu des justificatifs produits.
Par contre l'assujettissement à l'impôt de cette indemnité ne constitue pas un préjudice réparable, la somme de 18 500 euro demandée à ce titre comme indemnité de réemploi sera par conséquent rejetée.
La rupture unilatérale de ce contrat par la SA Sportpulsion a nécessairement occasionné à Monsieur Fagès Pierre un préjudice moral qui sera réparé par l'octroi de la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts.
Par contre, Monsieur Fagès Pierre ne justifie pas d'une quelconque faute constitutive d'une résistance abusive lui ayant occasionné un préjudice. Sa demande en dommages et intérêts à ce titre sera par conséquent également rejetée.
Le jugement du Tribunal de commerce de Grenoble en date du 30 mars 2009 sera réformé quant aux montants alloués à Monsieur Fagès Pierre et en ce qu'il accorde une indemnité de réemploi et en réparation au titre de la résistance abusive.
Aucune considération d'équité commande de faire à nouveau application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Grenoble en date du 30 mars 2009 en ce qu'il déboute la SA Sportpulsion de ses demandes et dit que le contrat d'agent commercial de Monsieur Fagès Pierre n'a pas été résilié pour faute grave mais compte tenu du contexte économique et condamne la SA Sportpulsion au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Grenoble en date du 30 mars 2009 en ce qu'il alloue des somme au titre de l'indemnité de réemploi et au titre de la résistance abusive et quant aux montants alloués pour les autres chefs. Statuant à nouveau, Condamne la SA Sportpulsion à payer à Monsieur Fagès Pierre la somme de 71 500 euro à titre d'indemnité de rupture et celle de 1 500 euro au titre de son préjudice moral. Rejette la somme demandée à titre d'indemnité de réemploi et au titre de la résistance abusive. Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile en plus de la somme allouée en première instance. Condamne la SA Sportpulsion aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Pougnand à les recouvrer en application de l'article 699 du Code de procédure civile.