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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 23 juin 2011, n° 09-00520

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Arnaud Dubrisay Services (SARL)

Défendeur :

Depagne (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Muller

Conseillers :

M. Bernaud, Mme Pages

Avoués :

Selarl Dauphin & Mihajlovic, SCP Grimaud

Avocats :

Mes Fromont, Bellon

T. com. Grenoble, du 19 déc. 2008

19 décembre 2008

La SAS Depagne exerce une activité industrielle de production de matériels de raccordement, de protection et de distribution électriques en basse tension et d'éclairage public. Elle confie à la SARL Arnaud Dubrisay Services, selon contrat d'agent commercial en date du 27 octobre 1993 et à compter du 1er octobre 1990, le mandat d'assurer en son nom et pour son compte la prospection et la commercialisation exclusive de tous les produits de son catalogue.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 novembre 2006, la SAS Depagne résilie ce contrat pour faute grave sans préavis ni indemnité.

Par jugement du Tribunal de commerce de Grenoble en date du 19 décembre 2008, l'ensemble des demandes de la SARL Arnaud Dubrisay Services sont rejetées.

Il est dit que la rupture du contrat d'agent commercial est du 9 novembre 2006.

La SARL Arnaud Dubrisay Services est condamnée à restituer l'ensemble des produits à la SAS Depagne et au paiement de la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration en date du 27 janvier 2009, la SARL Arnaud Dubrisay Services interjette appel à l'encontre de cette décision.

Au vu de ses dernières conclusions en date du 27 mai 2009, la SARL Arnaud Dubrisay Services demande la réformation de la décision susvisée.

Elle demande la condamnation de la SAS Depagne au paiement de la somme de 199 848 euro au titre de l'indemnité de résiliation du contrat d'agent commercial du 27 octobre 1993, ainsi que celle de 24 981 euro au titre de l'indemnité de préavis outre celle de 28 246,20 euro au titre au titre du paiement d'une commission et celle de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'il n'est pas fait la démonstration d'une quelconque faute grave. Elle précise qu'elle n'a jamais exercé une activité concurrente directe ou indirecte.

Elle explique que la résiliation anticipée et abusive justifie des différentes sommes demandées.

Au vu de ses dernières conclusions en date du 5 avril 2011, la SAS Depagne demande la confirmation du jugement susvisé.

Elle fait valoir que les agissements commerciaux déloyaux de la société ADS et ou de son dirigeant sont constitutifs d'un manquement essentiel aux obligations contractuelles découlant de son contrat d'agent commercial, qu'ils constituent une faute grave la privant de toute indemnité de clientèle ainsi que de toute indemnité de préavis et de toute demande financière.

Elle ajoute que la restitution tardive du matériel de publicité et des stocks justifient de la condamner au paiement de la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts.

Elle demande également sa condamnation au paiement de la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la faute commise ne présenterait pas un degré de gravité suffisant, elle demande que l'indemnité soit calculée en tenant compte de l'exact préjudice du mandataire au vu de son comportement, des revenus provenant de sa seule industrie et sur la base d'une moyenne de commission calculée sur ses 24 derniers mois d'activité au profit du mandant et la fixer sur la base de ces termes.

Par ordonnance en date du 20 avril 2011 l'affaire est clôturée.

Motifs de l'arrêt :

Sur l'existence d'une faute grave à l'encontre de la société ADS:

Le contrat d'agent commercial conclu entre la SAS Depagne et la SARL Arnaud Dubrisay Services en date du 27 octobre 1993 prévoit que le secteur d'activité territoriale où la SARL Arnaud Dubrisay Services doit agir pour le mandant est l'Oise, Paris, la Seine et Marne, les Yvelines, l'Essonne, les Hauts de Seine, la Seine St Denis, le Val de Marne et le Val d'Oise.

Il prévoit également que l'agent doit avant toute prise de nouvelles représentations d'articles et de produits susceptibles de concurrencer indirectement ou directement ceux commercialisés par le mandant ou exercer une activité concurrente, directement ou indirectement, à celle du mandant pour son propre compte, ou pour le compte d'un tiers, obtenir l'accord écrit et préalable du mandant.

Cette obligation d'obtention d'accord préalable ainsi définie, à la différence du secteur d'activité de l'agent commercial ou de la clause de non-concurrence en cas de cessation du contrat d'agent commercial n'est pas limitée par un secteur géographique. L'agent commercial devant ainsi faire connaître à son mandant l'exercice de toute activité concurrente, manifestation de son obligation de loyauté et d'information.

La constitution de la société ADS Normandie sans en informer et sans demander d'autorisation écrite préalable contrairement à l'article 2-4 du contrat d'agent commercial conclu entre les parties et par la même personne que la SARL Arnaud Dubrisay Services, ayant une activité concurrente au vu de son activité est donc contraire aux dispositions contractuelles.

Dans son courrier en date du 19 septembre 2006, adressé à la SAS Depagne, Arnaud Dubrisay confirme être à l'origine de la constitution de la société ADS Normandie, société ayant une activité d'agent commercial et dans le même secteur d'activité.

Le non-respect de cette obligation d'information préalable manifeste un manque de loyauté de la part de l'agent commercial, porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien des relations contractuelles. Ce manquement constitue la faute grave alléguée par la SAS Depagne.

La lettre de résiliation du contrat d'agent commercial en cause en date du 9 novembre 2006 faisant état de la cessation du contrat, compte tenu de l'exercice de cette activité concurrente non autorisée par le mandant prive l'agent commercial de toute réparation conformément à l'article L. 134-13 du Code de commerce.

Le jugement du Tribunal de commerce de Grenoble rejetant toute demande en paiement de la SARL Arnaud Dubrisay Services à ce titre et la condamnant à restituer le matériel sera confirmé.

Sur la demande en dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice constitué par la restitution tardive du stock :

Le jugement contesté condamne la SARL Arnaud Dubrisay Services à restituer le matériel de la SAS Depagne.

Cette dernière fait état d'une restitution tardive soit en date du 7 décembre 2009 alors que le jugement mentionnant cette obligation date du 19 décembre 2008.

La seule mention dans ses conclusions d'appel initiales de la non-restitution alléguée ne peut suffire à justifier de cette restitution tardive, dont il n'est au surplus justifié d'aucun préjudice consécutif.

La demande d'indemnisation à ce titre sera par conséquent rejetée en totalité.

Sur les autres demandes :

L'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SAS Depagne.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Grenoble en toutes ses dispositions. Rejette la demande en dommages et intérêts de la SAS Depagne. Condamne la SARL Arnaud Dubrisay Services à payer à la SAS Depagne la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en plus de la condamnation à ce titre de la décision de première instance. Condamne la SARL Arnaud Dubrisay Services aux entiers dépens de première instance et d'appel.