Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 juin 2011, n° 08-21914

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Guillemin

Défendeur :

Simon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fevre

Conseillers :

MM. Roche, Vert

Avoués :

SCP Monin d'Auriac de Brons, SCP Roblin Chaix de Lavarenne

Avocats :

Mes Verdier, Hollier-Larousse

T. com. Paris, du 5 nov. 2008

5 novembre 2008

LA COUR,

Vu le jugement du 5 novembre 2008 du Tribunal de commerce de Paris qui, dans le litige opposant Madame Michel Simon à Monsieur Christian Guillemin, auquel étaient reprochés une violation de ses obligations contractuelles ainsi qu'un usage illicite de la marque " Juricim ", a dit que Monsieur Guillemin s'était rendu coupable d'actes de contrefaçon et de détournement de clientèle, et avait violé les dispositions du contrat d'agent commercial le liant à Madame Simon, lui a interdit l'usage du signe Juricim, a constaté la résiliation à bon droit du contrat par Madame Simon, a condamné Monsieur Guillemin à lui verser les sommes de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts et 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, a par ailleurs condamné Madame Simon à verser au défendeur la somme de 9 382,62 euro au titre de commissions impayées, a autorisé cette dernière à faire procéder à la publication du dispositif du jugement et a ordonné son exécution provisoire;

Vu l'appel de Monsieur Guillemin et ses conclusions du 20 mars 2009 par lesquelles il demande notamment à la cour de réformer le jugement entrepris; dire qu'en se refusant à payer les commissions dues, Madame Simon a provoqué la résiliation du contrat à ses torts exclusifs; la condamner à lui verser les sommes de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts et 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions du 17 décembre 2009 de Madame Simon par lesquelles elle demande notamment à la cour de dire que Monsieur Guillemin s'est rendu coupable de contrefaçon de la marque " Juricim ", de violation de ses obligations contractuelles ainsi que de détournement de clientèle; dire que ses violations constituent des fautes graves justifiant la résiliation immédiate par Madame Simon du contrat d'agent commercial la liant à Monsieur Guillemin; condamner ce dernier à lui verser la somme de 200 000 euro à titre de dommages et intérêts, outre 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant que Madame Simon a conclu le 14 novembre 2005 un contrat d'agent commercial avec Monsieur Guillemin en vue de commercialiser un concept de gestion juridique des cimetières sous la marque " Juricim "; que Madame Simon a procédé au dépôt de sa marque " Juricim " le 19 juin 2004; que le contrat stipulait notamment une clause d'exclusivité en vertu de laquelle " l'agent ne peut accepter, pour ce secteur, la représentation de services concurrents à ceux définis à l'article 3 "; que la mandante, estimant que Monsieur Guillemin s'était rendu coupable d'actes de contrefaçon de la marque " Juricim " et avait par ailleurs contrevenu à ses obligations contractuelles, a procédé à la résiliation sans préavis du contrat le 3 février 2007;

Considérant que la contrefaçon est l'utilisation sans droit d'un élément de propriété intellectuelle protégé; que Monsieur Guillemin, au titre de son statut d'agent commercial, avait certes pour mission de promouvoir les services de la marque " Juricim "; qu'en revanche, il ne pouvait licitement faire usage de l'appellation " Juricim " en son nom et pour son propre compte; qu'il ressort du procès-verbal d'une saisie-contrefaçon effectuée le 22 janvier 2007 au siège de la société Agaphone que Monsieur Guillemin a procédé au démarchage de différentes communes en se présentant sous le nom de " Pierre Legrand, directeur régional du cabinet Juricim domicilié au 68 bis boulevrad Perreire à Paris, ayant pour email [email protected] "; que cet usage personnel du signe Juricim en tant que nom commercial et adresse électronique, sans l'autorisation de son titulaire, ne faisait pas partie des prérogatives conférées à Monsieur Guillemin aux termes de son contrat d'agent commercial; qu'en conséquence, en s'appropriant la marque " Juricim ", Monsieur Guillemin a outrepassé son statut d'agent commercial et s'est rendu coupable d'actes de contrefaçon;

Considérant par ailleurs que l'article 10 du contrat stipule que : " Pendant toute la durée du contrat jusqu'à l'issue d'une période de deux ans à compter de la cessation de celui-ci, l'agent n'a pas le droit d'effectuer pour son propre compte des opérations commerciales qui pourraient faire concurrence à celles de ce dernier, sauf autorisation expresse de son mandant ", que l'appelant a pourtant contacté, comme cela est établi notamment par le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 13 novembre 2007 dans les locaux de la commune de Couzeix ainsi que par le procès-verbal précédemment cité, pendant la durée de son mandat, les communes de Goules, Couzeix et Bessines pour le compte de sociétés concurrentes, Finalys Environnement et Elabor, en vue de leur proposer des services analogues à ceux développés sous la marque " Juricim "; que Monsieur Guillemin a ce faisant violé une de ses obligations contractuelles essentielles ainsi que son obligation de loyauté à l'égard de son cocontractant;

Considérant qu'en outre l'article 2 du Contrat d'agent commercial du 14 novembre 2005 stipule que : "L'agent exercera son activité dans le secteur suivant: "départements 87 (Haute Vienne), 23 (Creuse), 03 (Allier) et 63 (Puy de Dôme)" et s'engage à ne pas agir en dehors de la zone qui lui est attribuée"; qu'il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Maître Legrain le 22 janvier 2007 que, en violation de cette stipulation, Monsieur Guillemin a prospecté en dehors de la zone concédée et sous le nom de Christian Guillemin, au mois de janvier 2006 des communes des départements de la Corrèze et du Lot et, au mois de mai 2006, sous le nom de Pierre Legrand, des communes du département de l'Aveyron ;

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, et des motifs pertinents et non contraires du premier juge que la cour adopte, il y a lieu de considérer que les fautes relevées ci-dessus constituent une faute grave de M. Guillemin justifiant la résiliation unilatérale du contrat d'agent commercial et privant ainsi M. Guillemin de l'indemnité compensatrice prévue contractuellement ainsi que par l'article L. 134-12 du Code de commerce ;

Considérant que la cour déclarant bien fondée la résiliation unilatérale du contrat en date du 3 février 2007 à l'initiative de Mme Simon, il y a lieu de rejeter la demande de " résolution du contrat " formée par M. Guillemin au motif du refus de cette dernière de lui payer ses commissions dues ;

Considérant que les premiers juges ont également par des motifs pertinents fixé à 30 000 euro le montant du préjudice subi par Mme Simon ; qu'il n'apparait pas en revanche nécessaire d'ordonner la publication de l'arrêt ni de faire droit, à la demande de production de pièces formée par Mme Simon, inutile à ce stade de la procédure ;

Considérant qu'il est équitable d'accorder à Madame Simon la somme 3 000 euro pour ses frais irrépétibles d'appel;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a autorisé la publication du jugement aux frais de M. Guillemin. Condamne M. Guillemin à payer à Mme Simon la somme de 3 000 euro pour les frais irrépétibles d'appel. Rejette le surplus des demandes. Condamne M. Guillemin au paiement des dépens de l'instance avec recouvrement conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.