CA Aix-en-Provence, 2e ch., 11 mars 2010, n° 08-04819
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Priouet
Défendeur :
Bareyre (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon
Conseillers :
MM. Fohlen, Jacquot
Avoués :
SCP Blanc-Cherfils, SCP Latil Penarroya-Latil Alligier
Avocats :
Mes Joly, Bruschi
Exposé du litige
Selon contrat du 3 mai 2004, la société Bareyre a confié à Arnaud Priouet la commercialisation au nom et pour son compte de ses produits de menuiserie avec exclusivité pour le Sud Est de la France. Selon courrier recommandé du 27 juin 2006, la société Bareyre a mis un terme au mandat en invoquant un ensemble de faits. Par courrier en réponse du 12 juillet 2006, Arnaud Priouet a réclamé paiement des indemnités compensatrice et de préavis prévues aux articles L. 134-11 et L. 134-12 du Code de commerce.
La société Bareyre, n'ayant procédé à aucun règlement, Arnaud Priouet l'a assignée en paiement devant le Tribunal de commerce de Marseille qui par jugement contradictoire du 18 février 2008 a rejeté la demande et a condamné Arnaud Priouet à payer à la société Bareyre la somme de 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Arnaud Priouet est régulièrement appelant du jugement selon déclaration du 13 mars 2008 et expose dans ses conclusions du 4 juillet 2008 que:
- seule une faute grave peut dispenser le mandant qui prend l'initiative de la rupture de régler les indemnités légales auxquelles il est tenu;
- le manquement à l'obligation de loyauté invoqué par la société Bareyre n'est pas établi;
- la clientèle essentiellement composée de magasins " Bricomarché " est satisfaite de son intervention ainsi qu'il ressort du rapport de visite établi par Monsieur Regnier à la demande de la société Bareyre;
- il a satisfait à son obligation d'information, la société Bareyre n'établissant pas les renseignements qu'elle entendait recevoir;
- il a augmenté la clientèle en apportant quatre nouveaux "Bricomarché" à la société Bareyre;
- la société Bareyre procède par pures allégations.
Arnaud Priouet conclut à l'infirmation du jugement déféré et au paiement par la société Bareyre des sommes de 36 731,12 euro et 5 490 euro à titre d'indemnités compensatrice et de préavis et de 3 500 euro pour frais de procédure.
Dans ses conclusions d'intimée du 24 juin 2009, la société Bareyre fait valoir que:
- Arnaud Priouet feint d'ignorer la motivation très circonstanciée de la lettre de rupture du 27 juin 2006 et la centaine de pièces qu'elle produit;
- il procède à une production " sélective " des courriers qui lui ont été adressés et omet les courriers des 9 et 21 novembre 2005, 31 janvier et 26 avril 2006 réclamant des informations sur le secteur représenté et la tenue d'une réunion;
- le contrat d'agence commerciale étant conclu dans un intérêt commun suppose une obligation de loyauté de l'agent commercial et un devoir réciproque d'information;
- Arnaud Priouet est dans l'incapacité de réfuter dans son assignation introductive d'instance les griefs articulés dans la lettre de rupture;
- plusieurs " Bricomarché " se sont directement plaints auprès d'elle de l'absence de visite d'Arnaud Priouet;
- Arnaud Priouet a une conception toute particulière de son activité en refusant de participer aux réunions au motif qu'il peut exercer son activité comme il l'entend;
- il ne réfute aucun des arguments retenus par le tribunal pour rejeter sa demande bien qu'il soit appelant et les premiers juges ont tiré les conséquences de son comportement.
La société Bareyre conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation d'Arnaud Priouet à lui payer la somme de 3 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2010.
Discussion
L'article L. 134-1 du Code de commerce qualifie l'agent commercial de mandataire exerçant son activité à titre indépendant chargé de conclure des contrats de vente, d'achat de location ou de prestations de services au nom et pour le compte d'opérateurs économiques.
Cette qualité de mandataire impose à l'agent commercial de rendre compte au mandant de l'exécution de sa mission et l'article L. 134-4 lui impose un devoir d'information. Cette obligation figure expressément aux articles 5-1 et 6-2 du contrat souscrit le 3 mai 2004 par Arnaud Priouet. Enfin la liberté dans l'organisation de sa mission et l'indépendance de l'agent commercial (également rappelée à l'article 6-2 du contrat) n'interdisent nullement au mandant de lui adresser des instructions tenant à la politique commerciale qu'il entend développer et/ou maintenir dans le secteur concédé.
L'article 5-5 a ainsi prévu l'obligation pour l'agent commercial de visiter au moins une fois par mois les clients listés en annexe du contrat et au besoin de réaliser, à l'occasion de ces passages, toutes opérations nécessaires au bon fonctionnement de l'espace bois du client telles nettoyage du rayon, présentation etc...
La société Bareyre a essentiellement pour clients dans le secteur concédé à Arnaud Priouet des magasins de bricolage pour la plupart exerçant sous l'enseigne " Bricomarché ". Or:
- il ressort du rapport de visite établi par Monsieur Regnier dont s'empare Arnaud Priouet, qu'il n'a pas effectué les déplacements mensuels convenus auprès des clients listés;
- il n'a pas informé la société Bareyre de faits significatifs tels agrandissements, cessions de magasins, changement de direction ou d'enseignes;
- il n'a pas répondu aux demandes de renseignements et d'informations de clients contraints de s'adresser directement à la société Bareyre qui a elle-même dû adresser de multiples lettres et courriels à son agent pour lui demander d'intervenir;
- il n'a fourni aucun compte-rendu détaillé de sa prospection nonobstant les demandes réitérées de la société Bareyre, soutenant que les informations transmises verbalement à Monsieur Regnier étaient suffisantes, et qu'il était libre d'organiser son activité;
- il a enfin refusé de participer aux réunions commerciales malgré les demandes renouvelées qui lui ont été adressées y compris par courriers recommandés.
C'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que les manquements contractuels de l'agent commercial étaient constitutifs de la faute grave visée à l'article L. 134-13 du Code de commerce excluant le paiement de toute indemnité.
Aucune circonstance économique ou d'équité ne conduit la cour à écarter l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Arnaud Priouet qui succombe dans son recours en supportera les dépens.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel; Confirme le jugement déféré rendu par le Tribunal de commerce de Marseille; Y ajoutant: Condamne Arnaud Priouet à payer à la société Bareyre la somme de 2 000 (deux mille euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Le condamne aux dépens et autorise la SCP Latil Penarroya-Latil Alligier, Avoués, à les recouvrer au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.