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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 30 juin 2011, n° 09-10289

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Socplast (SARL), Balnora (SARL)

Défendeur :

Valorplast (SA), Eco-Emballages (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Touzery-Champion, Pomonti

Avoués :

Me Teytaud, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Naboudet-Hatet

Avocats :

Mes Guinnepain, Chaigne, Théophile

T. com. Paris, du 18 déc. 2008

18 décembre 2008

Faits constants et procédure

La société Eco Emballages a été agréée par les pouvoirs publics pour la première fois en 1992 afin de reprendre les déchets d'emballages ménagers auprès de producteurs et des collectivités locales en vue de leur élimination et de la récupération des matériaux, cet agrément ayant depuis lors été renouvelé par périodes de six ans et en dernier lieu par arrêté du 21 décembre 2010 pour la période 2011/2016.

La société Eco Emballages perçoit une contribution financière, dite "point vert", des producteurs industriels ou personnes responsables de la première mise sur le marché de produits commercialisés dans les emballages, qui satisfont ainsi à leurs obligations "pollueur-payeur". En respectant un équilibre financier global du système, la société Eco Emballages reverse aux collectivités cette contribution sous forme de soutiens financiers au tri sélectif.

La société Eco Emballages agit ainsi dans le cadre d'un dispositif de reprise des déchets d'emballages ménagers organisé autour de différents matériaux et de trois modes de reprise de ces déchets :

- la "Garantie de Reprise" par laquelle la société Eco Emballages garantit un prix national unique de reprise au moins égal à zéro.

- la "Reprise Garantie" qui garantit aux collectivités locales la reprise de tous les tonnages à un prix positif ou nul, à un prix négocié entre la collectivité locale et le repreneur de son choix, membre de l'une des deux fédérations professionnelles (FNADE et Federec) ayant contracté avec la société Eco Emballages.

-la "Reprise collective locale" par laquelle ces collectivités sont libres d'organiser la reprise des déchets d'emballages ménagers par le repreneur de leur choix, mais sans qu'elles puissent bénéficier d'une garantie de reprise externe des tonnages triés de déchets.

Les collectivités locales ayant signé avec Eco Emballages un contrat dans le cadre de la garantie de reprise, ont pour repreneur des déchets plastiques la société Valorplast, spécialisée dans le traitement de ce type de déchets.

La société Balnora est spécialisée depuis 1997 dans le traitement des flaconnages plastiques usagés issus de la collecte des déchets ménagers, appelés PET. Souhaitant lui céder ses déchets de PET à l'export, la société Valorplast a engagé des relations contractuelles avec la société Balnora mais ces relations se sont progressivement dégradées.

Selon la société Balnora, elle a sollicité une augmentation des quotas de PET initialement fixés à 4 000 tonnes par mois, ce que la société Valorplast aurait refusé, malgré la hausse des quantités de PET collectées.

Ce refus de la société Valorplast l'aurait conduite à se tourner vers un fournisseur italien, la société Corepla. Mais cette source d'approvisionnement aurait disparu, si bien que la société Balnora serait devenue dépendante du marché français monopolisé, selon elle, par la société Valorplast.

La société Socplast a été créée en 2003 par la société Balnora pour assurer la commercialisation du produit reconditionné sur le marché de l'export, conformément à la politique de la société Valorplast d'écouler les marchandises à l'export auprès d'un unique client indien, la société Futura Fibres.

Mais en août 2004, la société Socplast a rencontré des difficultés d'acheminement des balles compactées de PET en raison du blocage du port de Chennai, lieu de livraison de son client Futura Fibres. Elle a donc trouvé d'autres partenaires, en l'occurrence deux sociétés d'Asie du sud-est.

La société Socplast ayant travaillé avec d'autres clients que la société Futura Fibres, en contradiction avec les engagements contractuels de la société Balnora un accord transactionnel a été signé avec la société Valorplast, en date du 24 décembre 2004, par lequel la société Balnora s'engageait à lui verser la somme de 50 000 euro à titre de pénalité pour n'avoir pas respecté son engagement de vente exclusive à la société Futura Fibres. La société Balnora s'est acquittée de cette somme et un nouveau contrat d'approvisionnement a été conclu entre ces deux sociétés en 2005.

Selon les sociétés Balnora et Socplast, lors de la signature de ce contrat, la société Valorplast a voulu imposer un prix de vente supérieur à celui pratiqué antérieurement.

La société Balnora ayant informé la société Valorplast de son refus de majoration du prix prévu au contrat, la société Valorplast a, le 30 novembre 2005, informé la société Balnora qu'elle entendait mettre un terme à leurs relations au 1er janvier 2006 en invoquant des prévisions faites par Eco Emballages de perte de marché des collectivités territoriales françaises à partir de 2006.

C'est ainsi que par un acte en date du 18 mai 2006, les sociétés Balnora et Socplast, s'estimant victimes de la violation du jeu de la libre concurrence et d'abus de position dominante, ont assigné les sociétés Valorplast et Eco Emballages.

Par un jugement en date du 18 décembre 2008, non assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la société Eco Emballages était étrangère au présent litige, l'a mise hors de cause et a débouté les sociétés Balnora et Socplast de leurs demandes basées sur une entente anticoncurrentielle entre la société Eco Emballages et Valorplast,

- dit que la société Valorplast n'avait pas interdit à la société Balnora d'avoir d'autres fournisseurs qu'elle-même et, en conséquence, qu'elle n'avait pas commis d'abus de position dominante non justifié,

- dit qu'il n'y avait pas eu de refus de vente par la société Valorplast à la société Balnora,

- dit que la société Valorplast n'avait pas rompu abusivement ses relations commerciales avec la société Balnora,

- dit l'accord signé le 24 décembre 2004 valide,

- dit qu'il n'y avait lieu à demander l'avis du Conseil de la concurrence sur la position monopolistique de la filière Eco Emballe/Valorplast,

- dit n'y avoir lieu à publication,

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné les sociétés Balnora et Socplast à verser in solidum à chacune des sociétés Eco Emballages et Valorplast une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 30 avril 2009, les sociétés Balnora et Socplast ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 9 février 2011, les sociétés Balnora et Socplast demandent à la cour de :

- constater la position dominante du groupe de sociétés Eco Emballages/Valorplast dans le secteur du traitement des déchets ménagers plastiques,

- constater l'entente anticoncurrentielle entre les sociétés Eco Emballages et Valorplast dans ce secteur,

- en tant que de besoin, adresser toute question préjudicielle à l'Autorité de la concurrence sur la position monopolistique de la filière Eco Emballages/Valorplast en application de l'article L. 462-3 du Code de commerce,

- annuler et rescinder l'accord transactionnel intervenu le 24 décembre 2004 entre Valorplast et Balnora,

- ordonner la restitution par Valorplast de la pénalité versée par Balnora de 50 000 euro, outre les intérêts de droit au taux légal à compter du règlement,

- condamner solidairement Valorplast et Eco Emballages à verser à Balnora la somme de 1 200 000 euro de dommages et intérêts pour exploitation abusive d'une position dominante ayant eu pour effet d'écarter Balnora et Socplast du marché du retraitement des bouteilles PET et autres violations des articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce ,

- à titre subsidiaire, si la cour l'estimait nécessaire,

- désigner tout expert judiciaire aux fins de déterminer le préjudice causé aux sociétés Balnora et Socplast par exploitation abusive d'une position dominante et autres violations des articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce dont se sont rendues coupables les sociétés Valorplast et Eco Emballages,

- condamner solidairement Valorplast et Eco Emballages à verser à Socplast la somme de 800 000 euro de dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat en situation d'abus de position dominante,

- ordonner la publication de la décision dans dix quotidiens et trois hebdomadaires à tirage national,

- condamner solidairement Valorplast et Eco Emballages à verser à Balnora et Socplast respectivement les sommes de 6 000 euro et 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés Balnora et Scoplast font valoir en premier lieu que les sociétés Eco Emballages et Valorplast détiennent une position dominante dans le secteur du traitement de déchets ménagers plastiques, qu'elles ont exploité abusivement écartant ainsi les sociétés Balnora et Socplast du marché du retraitement des bouteilles PET.

Selon les sociétés Balnora et Socplast, le système de la garantie de reprise a permis la mise en place d'un monopole dans la mesure où le prix de reprise était égal à zéro, justifié selon Eco Emabllages par des contraintes économiques. Mais si ce prix est devenu positif, c'est uniquement suite à un nouveau système de reprise imposé par la Commission européenne. La société Balnora était en situation de dépendance économique puisque cette position dominante l'a empêchée de s'approvisionner en produits substituables dans des conditions équivalentes.

Elle demande donc à la cour de poser une question préjudicielle à l'Autorité de la concurrence ou à la Commission européenne sur la question de la position des sociétés Eco Emballages/Valorplast sur le marché du recyclage des déchets ménagers en PET.

La société Balnora estime que la société Valorplast lui a imposé une restriction des débouchés à l'export en la contraignant à limiter ses débouchés au client indien, la société Futura Fibres. Elle lui reproche de lui avoir imposé un contrôle a priori de la destination finale des produits collectés, ce que n'impose pas la législation européenne. La société Balnora affirme n'avoir pu honorer les quantités de PET qui lui avaient été commandées par ses clients, la société Valorplast ayant refusé de lui vendre ses produits et considère que les sociétés Eco Emballages et Valorplast ne sauraient invoquer le fait de privilégier le recyclage local des déchets pour justifier cette limitation des débouchés à l'export.

Selon les appelantes, les sociétés Eco Emballages et Valorplast ont voulu créer un réseau d'approvisionnement uniquement français et la société Balnora en tant que dernière exportatrice de PET contrariait cette politique commerciale. Elle a donc été contrainte de se soumettre à leur volonté, l'engagement d'exclusivité exigé par la société Valorplast ayant permis de brider les prix du marché et d'éviter le développement de concurrents secondaires dans la filière du plastique.

Les appelantes soutiennent que la rupture du contrat entre les sociétés Valorplast et Balnora a été soudaine et abusive, révélant l'exploitation abusive de sa position dominante par Valorplast, alors que la durée et la constance des relations pouvaient légitimement faire croire à la société Balnora qu'elles se poursuivraient en 2006 et que cette rupture n'est pas due à un désaccord sur le prix.

En effet, le principe de recyclage local ne peut être invoqué car il n'est pas obligatoire. En outre, tant que la traçabilité de l'acheminement est assurée, les produits peuvent être traités sur n'importe quel site de recyclage, quelque soit le pays de destination finale.

Selon les appelantes, cette rupture est en réalité justifiée par une politique du groupe Eco Emballages-Valorplast préjudiciable pour la concurrence. Eco Emballages mène une politique de prix bas qui profite aux producteurs car ils sont actionnaires de cette société.

Elles précisent que les sociétés Eco Emballages et Valorplast entretiendraient des liens capitalistiques, de direction et contractuels. Même en qualité de tiers, la société Eco Emballages est responsable de la faute qu'elle a commise dans le cadre de sa mission de contrôle de l'application de la politique commerciale qu'elle a elle-même définie avec la société Valorplast, unique repreneur pour le retraitement de la filière plastique.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er avril 2011, la société Valorplast demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les demandes des sociétés Balnora et Socplast (cette dernière en particulier pour défaut de lien de droit) par application des articles 6, 9, 15, 16, 31, 32 et 56-2° du Code de procédure civile,

vu la décision du 15 juin 2001 de la Commission européenne, l'arrêt du 6 juin 2002 de la CJCE, l'arrêt du 11 septembre 2009 de la 7ème chambre du pôle 5 de la Cour d'appel de Paris et la décision n° 10 D 29 du 27 septembre 2010 de l'Autorité de la concurrence et le désistement des sociétés Balnora et Socplast de leur procédure devant l'Autorité de la concurrence,

- constater que les demanderesses ne rapportent la preuve ni d'un abus de position dominante, ni d'une entente, faits qui auraient été commis ensemble par les sociétés Eco Emballages et Valorplast, ces dernières n'ayant pas de relations capitalistiques de mère à filiale, ni ne pouvant constituer un groupe, alors qu'elles n'agissent que dans les limites indiquées par la loi et le règlement dans le secteur environnemental du marché de la récupération des emballages ménagers plastiques,

- dire et juger irrecevable la demande d'annulation de la transaction du 24 décembre 2004 entre la SARL Balnora et la SA Valorplast par application des articles 2053 et 2054 du Code civil,

- constater qu'il n'y a lieu de saisir l'Autorité de la Concurrence, la décision du 27 septembre 2010, homologuant les engagements des sociétés Eco Emballages et Valorplast rendant sans objet, ni intérêt, la demande faite en tant que de besoin par les appelantes, constater que la société Balnora a purement et simplement cessé toute activité commerciale depuis le 1er janvier 2006 et qu'ainsi, elle ne peut justifier d'un quelconque préjudice étant, aussi bien à ce titre qu'en ce qui concerne les choix économiques de son gérant, seule responsable de sa situation économique et financière actuelle,

- débouter les appelantes de toutes leurs autres demandes, fins moyens et conclusions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Eco Emballages et condamné in solidum les sociétés Balnora et Socplast à verser à la SA Valorplast la somme de 3 000 euro au titre de frais irrépétibles,

- condamner, en cause d'appel, in solidum les sociétés Balnora et Socplast à verser à la SA Valorplast la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Valorplast soutient en premier lieu qu'elle n'est pas la filiale de la société Eco Emballages. En outre, la société Eco Emballages accomplit une mission générale de mise en place d'une politique environnementale à la fois pour le compte de la collectivité publique et de ses différents actionnaires représentant différentes filiales industrielles, cette mission excluant toute forme d'entente.

De plus, la société Balnora n'a jamais été le seul client de la société Valorplast. Elle représente d'ailleurs moins de 4% du chiffre d'affaires de la société Valorplast. Quant à la société Socplast, elle n'a jamais été en relation avec la société Valorplast. La seule raison pour laquelle ces deux sociétés n'ont plus d'activité depuis 2006 résulte de leurs choix industriels et commerciaux. Les conséquences économiques négatives de ces choix ne sont pas dues à une violation des règles de concurrence. La société Balnora s'est placée dans une situation de dépendance parasitaire à l'égard de la société Valorplast. En outre, elle n'est pas en mesure de justifier qu'elle aurait recherché d'autres fournisseurs dans le domaine de la collecte des emballages plastiques ménagers.

La société Valorplast soutient qu'il a été mis fin normalement aux relations contractuelles le 31 décembre 2005. La transaction du 24 décembre ayant été exécutée, elle n'est pas susceptible d'annulation en application des articles 2053 et suivants du Code civil.

Enfin, elle estime que la société Socplast ne peut valablement réclamer 800 000 euro de dommages et intérêts dans la mesure où elle n'a jamais eu de lien contractuel avec la société Valorplast.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 avril 2011, la société Eco Emballages demande à la cour de :

- à titre principal, dire et juger qu'elle n'a jamais été partie aux relations contractuelles entre la société Valorplast et les sociétés Balnora et Socplast et, en conséquence de la mettre hors de cause,

- à titre subsidiaire, dire et juger que la société Eco Emballages n'est impliquée dans aucune entente et n'a commis aucun abus de position dominante,

- en conséquence, débouter les sociétés Balnora et Socplast de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, condamner solidairement les appelantes à lui verser la somme de 40 000 euro au titre de l' article 700 du Code de procédure civile.

La société Eco Emballages affirme que le litige prend sa cause dans des relations contractuelles auxquelles elle n'a jamais été partie. Conformément à l'effet relatif des contrats, les relations contractuelles entre les sociétés Valorplast, Balnora et Socplast ne lui sont pas opposables.

A titre subsidiaire, la société Eco Emballages soutient avant tout n'être impliquée dans aucune pratique anticoncurrentielle.

La société Eco Emballages affirme que les fautes reprochées à la société Valorplast ne peuvent lui être imputées sur le fondement de l'absence d'autonomie décisionnelle de la société Valorplast dans la conduite de sa politique commerciale, alors qu'elle n'est pas la société mère de la société Valorplast.Non seulement les sociétés Eco Emballages et Valorplast ne forment pas un groupe, mais les liens capitalistiques entre elles sont insuffisants pour démontrer l'influence ou le contrôle de l'une sur l'autre.

La société Eco Emballages soutient en second lieu l'absence d'entente anticoncurrentielle avec la société Valorplast :

Le système d'élimination des déchets d'emballages ménagers a été validé par la Commission européenne (décision d'attestation négative du 15 juin 2001), l'Autorité de la concurrence (décision du 27 septembre 2010). Ainsi validé, ce système ne contrevient pas à l'article 81 du Traité CE (devenu l'article 101 du Traité UE). La décision d'attestation négative validant ce système protège ainsi la convention filière plastique dont la validité ne peut être remise en cause par les appelantes.

Les sociétés Eco Emballages et Valorplast ne se sont pas entendues pour exclure les appelantes du marché. Elles n'ont pas pu s'entendre dans la mesure où la société Eco Emballages n'a pas eu connaissance des pratiques alléguées au moment où elles se sont produites. Les appelantes ne sauraient ainsi se fonder sur les articles 6 et 7 de la convention filière pour prétendre à l'existence d'une entente.

Elles ne se sont pas non plus entendues sur les prix. La société Valorplast fixe librement ses prix de reprise avec la seule contrainte de pratiquer un prix unique dans toute la France au moins égal à zéro. La société Eco Emballages soutient ensuite que ses actionnaires majoritaires ne sont pas des producteurs d'emballages mais des producteurs de biens de consommation. Elle ne poursuit donc pas l'objectif de pratiquer des prix bas dans l'intérêt de ses actionnaires. En tout état de cause, pratiquer des prix de reprise faibles risquerait d'augmenter la contribution acquittée par les producteurs de biens de consommation, ce qui n'a aucun intérêt pour la elle.

Elle affirme ensuite qu'elle n'a pas abusé d'une quelconque position dominante. Les appelantes ne caractérisent ni le comportement susceptible de constituer un abus, ni l'état de dépendance économique qu'elles allèguent. Les sociétés appelantes se sont même positionnées sur le marché du retraitement des déchets via les trois modes de reprise.

Concernant la demande de question préjudicielle, celle-ci n'est possible que lorsqu'il existe un doute quant à la qualification des infractions de pratiques anticoncurrentielles. Or, la société Eco Emballages estimant n'avoir commis aucune de ces pratiques, il n'y a pas lieu de poser une telle question.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Motifs

- Sur la question préjudicielle auprès de l'Autorité de la concurrence concernant la position monopolistique de la filière Eco Emballages/Valorplast :

Les sociétés Balnora et Socplast demandent que soit posée toute question préjudicielle à l'Autorité de la Concurrence, en application de l' article L. 462-3 du Code de commerce, sur l'existence entre Eco Emballages et Valorplast de liens constitutifs d'une position monopolistique aboutissant à une entente anticoncurrentielle et à un abus de position dominante dans un cadre de dépendance économique, en application de l'article L. 420-1 et L. 420-2 du même Code.

Il apparaît cependant que l'Autorité de la concurrence a déjà été sollicitée sur la position monopolistique de la filière Eco Emballages/Valorplast par une société DKT International.

L'Autorité de la concurrence, substituée au Conseil de la concurrence, a rendu une première décision n° 09-D-26 du 29 juillet 2009 estimant que les conditions prévues par l'article L. 464-1 du Code de commerce pour l'octroi des mesures conservatoires sollicitées par la société DKT International n'étaient pas réunies mais considérant que les conditions d'une poursuite de l'instruction au fond étaient remplies.

Cette décision a été confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 septembre 2009.

L'Autorité de la concurrence a rendu une seconde décision n° 10-D-29 du 27 septembre 2010 acceptant et rendant obligatoire à compter de la notification de la décision les engagements pris par les sociétés Eco Emballages et Valorplast, à l'exception du troisième engagement de cette dernière et déclarant sa saisine close sans relever d'abus de la part des sociétés Eco Emballages et Valorplast et sans prononcer de sanction à leur égard.

Parallèlement, les sociétés Balnora et Socplast, qui avaient également saisi l'Autorité de la concurrence sur la position monopolistique de la filière Eco Emballages/Valorplast, se sont désistées, reconnaissant ainsi l'inutilité d'une nouvelle décision de l'Autorité de la concurrence sur ce sujet, de sorte que la demande de question préjudicielle est manifestement sans objet et que le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande des sociétés Balnora et Socplast.

Sur le secteur concerné :

Les communes ou les structures de coopération intercommunales ont, en application de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux et du décret n° 92-377 du 1er avril 1992 pris pour application, codifiés dans le Code de l'environnement, l'obligation d'assurer l'élimination des déchets ménagers, cette mission s'exerçant dans le cadre des directives communautaires fixant les principes applicables en matière de traitement et de valorisation des déchets, sur la base du principe " pollueur/payeur ".

Dans le cas particulier des déchets d'emballages, la directive 94-62-CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et déchets d'emballages encourage les Etats membres à développer les systèmes de tri sélectif et de recyclage de matériaux.

Il incombe à la collectivité d'assurer elle-même ou de faire assurer la collecte, le tri puis le compactage de ces déchets. Ces deux dernières opérations sont achevées dans des centres de tri, souvent gérés par des opérateurs privés liés à la collectivité par un contrat de marché public. La collectivité demeure, après ce compactage, propriétaire des déchets, triés sous forme de balles, qu'elle peut ensuite revendre en vue du recyclage.

Ce recyclage porte sur environ 220 000 tonnes par an, à comparer avec un gisement potentiel de l'ordre du million de tonnes. Toutefois, le retraitement des films génère un coût industriel souvent prohibitif et le retraitement du PVC est quasi inexistant. Hors films plastique le volume de déchets recyclables est d'au moins 400 000 tonnes par an, le plastique étant moins recyclé, en volume, que le verre ou que les papiers et cartons. Le recyclage du plastique permet de fabriquer de multiples objets : dalles, équipements de piscine, bacs, vêtements, équipements automobiles, bouteilles, etc...Le produit recyclé en paillettes sert essentiellement à fabriquer des matières textiles, le produit recyclé sous forme de granulés permet la fabrication de nouveaux emballages ou de films plastique, tandis que le granulé polycondensé est destiné à la fabrication de bouteilles.

Sur la place d'Eco Emballages et de Valorplast et la détermination du marché pertinent :

Dans ces décisions n° 2001-463-CE du 20 avril 2001 et n° 2001-663-CE du 15 juin 2001, la Commission européenne a identifié trois marchés pertinents liés à l'activité générale des éco-organismes comme Eco Emballages :

- le marché dit "marché d'adhésion" qui est celui du service offert aux producteurs utilisant des emballages pour leurs produits destinés aux ménages, dans le cadre de la prise en charge de leurs obligations de contribuer ou de pourvoir à l'élimination des déchets d'emballages, auquel peuvent être rattachés non seulement les systèmes collectifs mais aussi, le cas échéant, les systèmes individuels,

- le marché de la collecte sélective et du tri des emballages par les collectivités, sur lequel les éco-organismes offrent leur soutien aux collectivités, celles-ci participant réciproquement à la mise en œuvre du dispositif en demandant en contrepartie des compensations financières,

- le marché dit de "valorisation" concernant les repreneurs et les filières qui recyclent les matériaux.

En France, afin d'aider les collectivités et les entreprises productrices d'emballages à remplir leurs obligations, les pouvoirs publics ont agréé depuis 1992 la société Eco Emballages qui a pour mission d'organiser et de superviser la collecte et la réutilisation des déchets d'emballage. Eco Emballages organise le système de collecte sélective et de valorisation des déchets d'emballages ménagers pour cinq catégories de matériaux : l'acier, le verre, le papier, l'aluminium et les plastiques, dès lors que les producteurs de ces déchets ne pourvoient pas eux-mêmes à ces opérations, situation désormais quasi-inexistante. Eco Emballages vient d'être à nouveau agréée par arrêté du 21 décembre 2010 pour la période 2010/2016.

Eco Emballages perçoit une contribution financière, dite "point vert", des producteurs, industriels ou personnes responsables de la première mise sur le marché de produits commercialisés dans des emballages, qui satisfont ainsi à leurs obligations de "pollueur/payeur". En respectant un équilibre financier global du système, Eco Emballages reverse aux collectivités cette contribution sous forme de soutiens financiers au tri sélectif, les collectivités territoriales concluant avec Eco Emballages un contrat définissant l'octroi de ces aides. Le soutien à la tonne triée est versé par Eco Emballages en contrepartie du recyclage effectif des déchets.

Pour chaque type d'emballages ménagers à valoriser, Eco Emballages a conclu une convention avec une "filière" spécialisée dans la reprise et parfois dans le recyclage du matériau considéré, Valorplast représentant la filière plastique. Créée en 1993, elle émane principalement de fabricants de produits en plastique et mène une activité d'intermédiaire entre les collectivités et les industriels recyclant et valorisant les déchets d'emballages en plastique triés. Valorplast s'engage à garantir la reprise de toute tonne triée en vue de son recyclage et à l'acheminer vers un recycleur, en respectant notamment le principe de proximité (l'optimisation des coûts de transport conduit à livrer les unités les plus proches) et le principe de solidarité (toutes les collectivités territoriales, quelles que soient leur taille et leur situation géographique, bénéficient des mêmes conditions de reprise).

Valorplast achète donc aux collectivités, à un prix uniforme, évoluant trimestriellement, les déchets d'emballages en plastique triés et les revend à différents opérateurs en vue de leur valorisation. Le prix minimum de reprise, compte tenu de la garantie de reprise, est égal à zéro alors que dans certaines situations il pourrait être négatif, ce qui, à l'origine représentait une sécurité pour les collectivités, lesquelles n'avaient alors pas à payer le retraitement du plastique et étaient assurées de la reprise de l'ensemble des emballages en plastique triés, outre le versement du soutien à la tonne triée, payé par Eco Emballages trimestriellement.

Le développement de structures industrielles de recyclage a créé une situation de forte demande, nationale et internationale, de produits. L'évolution à long terme des prix de reprise de Valorplast a été fortement dépendante de l'existence de ces filières industrielles. Lors de la mise en place du système en 1993, l'opération de recyclage n'était pas rentable et coûtait environ 15 euro la tonne à Valorplast, ce coût étant compensé par Eco Emballages, en vertu des accords liant les deux sociétés. Le recyclage est devenu bénéficiaire à partir de 2001 mais le prix effectivement versé aux collectivités est resté nul jusqu'à ce que Valorplast ait remboursé Eco Emballages, ce qui a été réalisé en 2004 et a permis au repreneur de proposer alors aux collectivités un prix de reprise positif.

Le prix de reprise, comme ses éléments constitutifs, sont publics. Valorplast n'affiche pas d'objectif lucratif et ses prix d'achat sont la résultante des prix de revente aux industriels du recyclage et des aides qu'elle perçoit d'Eco Emballages.

L'offre de Valorplast peut aussi être choisie par une collectivité qui contracte, non avec Eco Emballages mais avec sa filiale Adelphe qui était initialement un éco-organisme indépendant créé pour assurer le recyclage du verre mais dont la compétence a été étendue aux cinq catégories de matériaux.

Depuis le 1er janvier 2005, les professionnels du traitement des déchets qui interviennent en amont des recycleurs se sont regroupés en deux structures , le Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (FNADE) et la Fédération de la récupération, du recyclage et de la valorisation (Federec) qui proposent aux collectivités locales une offre alternative, appelée "reprise garantie" fondée sur les mêmes principes que la 'garantie de reprise' à l'exception de la solidarité, dans la mesure où les prix de reprise proposés peuvent varier d'une collectivité et d'un repreneur à l'autre.

Il existe enfin, depuis l'origine, une troisième voie, la "reprise collectivité locale" qui permet à la collectivité le libre choix total de son repreneur, opérateur ou simple intermédiaire , et le cas échéant de meilleures opportunités de prix, ce système n'apportant pas toutes les garanties des systèmes précédents.

Il ne peut être contesté qu'Eco Emballages occupe une position dominante sur le marché de la collecte sélective et du tri des emballages puisque la quasi-totalité des collectivités territoriales françaises ont signé un partenariat avec elle et avec Valorplast comme repreneur exclusif pour la filière plastique.

Valorplast possède, quant à elle, également une position dominante sur le marché du retraitement des déchets PET, puisqu'elle disposait jusqu'en 2006 de 97 % de parts de marché et dispose encore actuellement de 70 % de ce marché. L'essentiel de son activité (plus de 70 %) concerne la " garantie de reprise ". La "reprise garantie" représente 24 % des tonnages et la "reprise collectivité locale" environ 5 % des tonnages pour moins de 2 millions d'habitants (1,1 million pour Lille et son agglomération, 230 000 pour Metz et 500 000 pour les deux syndicats intercommunaux).

Les sociétés Eco Emballages et Valorplast, n'occupent donc pas une position dominante sur le même marché, ce qui contredit a priori les reproches formulés par les appelantes à leur encontre.

La conformité de ce dispositif, aux termes duquel Eco Emballages propose aux collectivités le choix entre les trois modalités d'organisation de la reprise des déchets d'emballages préalablement collectés et triés, tel que décrit dans l'introduction de la présente décision, au droit communautaire a été analysée et admise par la Commission européenne le 15 juin 2001, par la Cour de justice de la Communauté européenne le 6 juin 2002 et par la Cour de cassation le 21 octobre 2003.

- Sur l'existence de pratiques anticoncurrentielles :

Les sociétés Balnora et Socplast reprochent aux sociétés Eco Emballages et Valorplast des pratiques anticoncurrentielles telles que définies par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.

*S'agissant tout d'abord de l'abus de position dominante tel que prévu à l'article L. 420-2 du Code de commerce :

Eco Emballages fait tout d'abord valoir à juste titre sa qualité de tiers quant aux relations contractuelles entre les appelantes et Valorplast, dans lesquelles les sociétés Balnora et Socplast trouvent pourtant la cause de leurs demandes.

De même, seule la société Balnora est contractuellement liée à la société Valorplast, la société Socplast n'intervenant qu'en qualité de sous-traitant.

Il convient de rappeler qu'il a été démontré ci-dessus que les sociétés Eco Emballages et Valorplast n'occupaient pas une position dominante sur le même marché.

Il appartiendrait donc aux sociétés appelantes de démontrer que les sociétés Eco Emballages et Valorplast occupent une position dominante collective, ce qu'elles ne font pas.

En effet, les liens capitalistiques existant entre ces deux sociétés sont insuffisants pour démonter l'influence ou le contrôle d'une de ces entités sur l'autre.

Le capital social de la SA Eco Emballages est réparti à raison de 70 % détenu par la société Ecopar, constituée de producteurs de biens de consommation et de leurs associations professionnelles, 20 % détenu par la société Interfilières Matériaux, regroupant les cinq filières (verre, papier-carton, acier, aluminium et plastique) et 10 % détenu par des entreprises opérant dans la distribution, leurs organismes professionnels et les administrateurs d'Eco Emballages.

Valorplast détient de manière indirecte 4 % du capital social d'Eco Emballages. Cela résulte de la détention par chacune des cinq filières de 20 % du capital de l'Interfilières Matériaux qui détient elle-même 20 % du capital d'Eco Emballages, l'Interfilières Matériaux étant représentée au conseil d'administration d'Eco Emballages et y disposant d'un siège d'administrateur sur quinze.

En revanche, Eco Emballages n'est, ni actionnaire, ni administrateur de Valorplast, de sorte qu'il n'existe pas de relation de mère à filiale entre ces deux sociétés.

Pour les mêmes raisons, il n'est pas démontré qu'Eco Emballages et Valorplast constitueraient un groupe de sociétés. La société Interfilières Matériaux ne dispose que d'un siège d'administrateur sur quinze au conseil d'administration d'Eco Emballages, étant précisé que chaque administrateur n'a qu'une seule voix quelque soit le nombre d'actions détenues.

Il faut rappeler que la notion de groupe ne se déduit pas des relations contractuelles entre les deux sociétés qui ne démontrent au demeurant pas le contrôle ou l'influence déterminante d'Eco Emballages sur Valorplast.

*S'agissant ensuite de l'existence entre les sociétés Eco Emballages et Valorplast d'une entente anticoncurrentielle telle que prévue par l'article L. 420-1 du Code de commerce :

Les sociétés Balnora et Socplast estiment que les liens contractuels existant entre Eco Emballages et Valorplast sont constitutifs d'une entente anticoncurrentielle ce qui résulterait notamment des articles 6, relatif à la politique commerciale, et 7, relatif à la traçabilité et aux conditions de recyclage du contrat liant les deux sociétés.

A la lecture des ces articles, il n'est effectivement pas contestable qu'Eco Emballages, d'une part, participe à l'orientation de la politique de Valorplast, notamment au regard du respect de "l'égalité de traitement entre clients" et des "règles du commerce", d'autre part, "en coordination avec Valorplast peut procéder ou faire procéder au contrôle des conditions de recyclage des clients".

Cependant, cette participation d'Eco Emballages au fonctionnement de Valorplast s'explique par les exigences légales qui pèsent sur la première telles que figurant au cahier des charges établi par le Ministère de l'écologie.

Les sociétés Balnora et Socplast ne sauraient tirer argument de ce que ce cahier des charges contient une annexe relative à la fixation du prix de reprise en matière de plastiques qui mentionne Valorplast comme unique référent.

Cela n'implique pas pour autant une entente des sociétés Eco Emballages et Valorplast sur les prix.

Valorplast fixe librement les prix de reprise, la seule condition imposée par les pouvoirs publics étant que ce prix soit au moins égal à zéro et soit le même sur tout le territoire national.

Il n'est pas démontré qu'il y ait eu entente entre Eco Emballages et Valorplast sur les prix, alors que les actionnaires d'Eco Emballages sont en grande majorité des producteurs de biens de consommation qui n'ont pas pour activité l'achat de matières premières plastiques et n'ont pas intérêt à privilégier un système de financement des activités de recyclage des déchets avec des prix de reprise faibles, ce qui risquerait de conduire à une augmentation de la contribution "point vert" à leur charge.

Au demeurant, le système d'élimination des déchets d'emballage ménager, dont fait partie la convention filière plastique conclue entre Eco Emballages et Valorplast a été validé par la Commission européenne dans sa décision d'attestation négative du 15 juin 2001 et est contrôlé par les pouvoirs publics ainsi que par l'Autorité de la concurrence, sous réserves des engagements déposés par les sociétés Eco Emballages et Valorplast.

Il existe certes un contrôle par Eco Emballages du recyclage effectif des matériaux, au sens de la directive 94-62-CE, notamment de la "traçabilité des quantités et des qualités jusqu'au recycleur final", la preuve du recyclage complet conditionnant le versement des soutiens à la tonne triée aux collectivités.

Les modalités de preuve du recyclage varient selon le mode de reprise. Dans le cas de la "garantie de reprise", c'est Valorplast qui garantit elle-même la traçabilité, l'éco-organisme ayant simplement la possibilité de "vérifier tous les éléments lui permettant de s'assurer de la traçabilité". Un "certificat de recyclage" apporté directement à Eco Emballages est en revanche exigé pour la "reprise de garantie" ou la "reprise collectivité locale".

En cas d'exportation des déchets hors de l'Union européenne, il est prévu que le recyclage soit effectué dans des conditions équivalentes à celles prévues par la législation communautaire qui portent, s'agissant des normes environnementales, sur le tri, le stockage et la destination des déchets, la prise en compte du milieu environnant et la protection de l'eau, mais également sur les conditions de travail et de sécurité.

Ce contrôle par Eco Emballages ne saurait cependant justifier l'affirmation des sociétés Balnora et Socplast selon laquelle "Eco Emballages contrôle l'ensemble des clients de Valorplast et détermine cette dernière dans ses choix de politique commerciale".

En effet, ce contrôle est consubstantiel à la mission d'Eco Emballages telle que définie par les pouvoirs publics et figurant dans son cahier des charges.

Il ne saurait être reproché à Eco Emballages d'avoir fait procéder à des audits des conditions de recyclage de l'ensemble des sites de recyclage des repreneurs qui interviennent auprès des collectivités locales, Valorplast y compris.

C'est dans le cadre de cette mission de contrôle qu'Eco Emballages a effectué un contrôle du site de recyclage de la société "Futura Fibres" à laquelle Balnora revendait les déchets qu'elle avait préalablement achetés à Valorplast. Cela n'établit pas pour autant qu'Eco Emballages serait intervenue dans les relations commerciales entre les sociétés Balnora et Socplast et Valorplast.

D'ailleurs, ce contrôle est intervenu plus de deux ans avant le non renouvellement du contrat entre Valorplast et Balnora.

Le bien-fondé de ces contrôles n'a non seulement pas été remis en cause par l'Autorité de la concurrence dans sa décision du 27 septembre 2010 mais a été renforcé puisqu'Eco Emballages s'est engagée à communiquer à cette dernière le résultat des contrôles des opérations de recyclage réalisées auprès des repreneurs pendant une période de trois ans.

*Sur l'existence d'une situation de dépendance économique des sociétés Balnora et Socplast :

Ill appartient aux sociétés Balnora et Socplast d'établir leur situation de dépendance économique vis à vis de l'auteur ou des auteurs de l'abus, ce qu'elles ne font pas.

Il convient de rappeler que la société Balnora avait obtenu la fourniture par Valorplast de 3 000 à 4 000 tonnes de balles de bouteilles de PET ainsi que l'agrément de la société indienne Futura Fibres comme destinataire final pour la transformation en textiles synthétiques.

La société Balnora avait toute liberté pour acheter du PET auprès d'autres fournisseurs, comme par exemple la société Triselec, tant sur le marché national que communautaire, et pour vendre lesdits produits comme elle l'entendait.

Les sociétés Balnora et Socplast ne peuvent donc soutenir qu'elles étaient obligées de poursuivre leurs relations commerciales sous peine d'être dans l'impossibilité de s'approvisionner en produits substituables, les conditions d'approvisionnement étant soumises à la loi du marché.

En outre, les appelantes sont intervenues sur le marché du retraitement des déchets plastiques par le biais des différents modes de reprises, "garantie de reprise", "reprise garantie" et "reprise collectivité locale", étant ainsi en relation commerciale avec Triselec, le sitcom Sud Grad, Paprec et European Paper Recycling.

Dès lors, les sociétés Balnora et Socplast n'étaient pas dans une situation de dépendance économique qui consiste à ne pas disposer de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d'approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables.

En définitive, ce que les sociétés Balnora et Socplast considèrent comme des atteintes au droit de la concurrence ne sont en fait que des restrictions proportionnées au regard des objectifs poursuivis dans le cadre de la filière de recyclage des déchets.

Sur les demandes des sociétés Balnora et Socplast :

Les appelantes estiment qu'Eco Emballages et Valorplast leur ont imposé de manière arbitraire des restrictions de débouchés à l'export en les contraignant à limiter leurs ventes à un seul client.

Il a déjà été exposé que l'exportation des déchets hors de l'Union européenne est organisé pour que le recyclage soit effectué dans des conditions équivalentes à celles prévues par la législation communautaire qui portent, s'agissant des normes environnementales, sur le tri, le stockage et la destination des déchets, la prise en compte du milieu environnant et la protection de l'eau, mais également sur les conditions de travail et de sécurité.

Il ne s'agit donc nullement de restrictions arbitraires mais d'un contrôle du respect par les entreprises participant au marché du retraitement des déchets plastiques de la législation communautaire.

D'ailleurs, après la rupture des relations commerciales, Eco Emballages a délivré le 25 avril 2006 à Socplast une lettre de " non-objection de reprise des matériaux " par les filières constituées avec les sociétés Rethman Recycling à Taïwan et Futura Fibres à Chennai en Inde.

Par ailleurs, Balnora et Socplast ne peuvent sérieusement soutenir que Valorplast aurait refusé de leur vendre ses produits, ce qui constituerait une restriction aux lois de la concurrence alors qu'elles reconnaissent que le quota de PET contractuellement prévu entre les parties leur a bien été livré pendant toute la durée des relations commerciales.

Elles ne peuvent pas plus soutenir qu'au fur et à mesure que des concurrents sont apparus, il y a eu une diminution des ventes à Balnora jusqu'à son élimination complète alors qu'encore dans le dernier contrat du 31 décembre 2005, les quantités livrées par Valorplast étaient maintenues au même niveau que précédemment.

Au demeurant, Valorplast ne peut vendre que la quantité de déchets collectée par les collectivités locales qui ont signé un accord avec elle, de sorte que l'augmentation du tonnage vendu à un repreneur, tel que Balnora ou Socplast, ne pourrait intervenir qu'au détriment des autres repreneurs et que le refus d'augmenter les quantités vendues à ces deux sociétés ne peut s'assimiler à un refus de vente.

Selon les appelantes, la convention de décembre 2004 a été signée sous la menace de rupture des relations commerciales.

Mais il convient de rappeler que la signature de cette convention est intervenue alors que la société Balnora n'avait pas respecté ses engagements contractuels, ce que cette dernière ne conteste pas.

En effet, il est établi que la société Socplast a travaillé avec d'autres clients que la société Futura Fibres, en vendant 604 tonnes de polyéthylène à la société Shun Lee Dealer en Ghine et 1 213 tonnes de ce produit à la société Rethmlann Recicling à Taïwan et que c'est dans ces conditions que Valorplast a suspendu sa collaboration avec Balnora.

Par conséquent, si c'est effectivement pour éviter la rupture des relations commerciales qu'un accord transactionnel a été signé avec la société Valorplast, en date du 24 décembre 2004, par lequel la société Balnora s'engageait à lui verser la somme de 50 000 euro à titre de pénalité pour n'avoir pas respecté son engagement de vente exclusive à la société Futura Fibres, c'est elle même, par l'intermédiaire de son sous-traitant et partenaire exclusif Socplast, qui s'est mise dans cette situation de contravention à ses engagements contractuels, ce qu'elle ne saurait reproché à son cocontractant.

Il n'existe donc pas de motif d'annuler l'accord transactionnel du 24 décembre 2004.

La société Balnora s'est acquittée de cette somme de 50 000 euro à titre de pénalité et un nouveau contrat d'approvisionnement a été conclu entre les deux sociétés le 31 décembre 2004 pour l'année 2005.

Selon les sociétés Balnora et Socplast, après la signature de ce contrat, la société Valorplast a voulu imposer un prix de vente supérieur à celui pratiqué antérieurement et, devant le refus de la société Balnora, elle a pris l'initiative de rompre les relations commerciales à fin décembre 2005 ce qui constituerait une rupture abusive des relations commerciales sans motif légitime sanctionnée par les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Indépendamment du fait de savoir si la hausse du prix de vente sollicitée par Valorplast à hauteur de 12 euro la tonne de PET était ou non justifiée par la demande de produits qui avait augmenté, il est établi que devant le refus de Balnora d'accepter cette augmentation, elle n'a pas été mise en œuvre. En effet, Valorplast écrit le 23 mars 2005 à Balnora :

"Nous accusons réception de notre e-mail du 21 mars 2005 qui faisait suite à notre demande de majoration ponctuelle de 12 euro/t de nos prix de vente de balles de PET pour les deuxième et troisième trimestre 2005.

Nous avons bien noté que vous n'êtes pas favorable à notre proposition.

En conséquence, pour la suite de nos relations, nous nous en tiendrons strictement aux termes de notre contrat."

Il convient de rappeler que le contrat précédent avait été rompu en 2004 pour violation par Balnora de ses obligations contractuelles et même si le litige avait trouvé une solution dans la signature de la transaction du 24 décembre il avait été mis fin aux relations commerciales antérieures entre les parties, Balnora ayant acquiescé à la mise à sa charge de l'imputabilité de cette rupture.

Le nouveau contrat signé pour l'année 2005 est expressément stipulé conclu pour une durée déterminée d'un an, commençant le 1er janvier 2005 et se terminant le 31 décembre 2005. Les parties ont convenu de "se rencontrer pendant le dernier trimestre 2005, afin de convenir d'un éventuel prolongement du présent contrat".

Dès lors, aucune des parties n'était tenue de poursuivre le contrat au-delà de son terme et ce d'autant plus qu'il y avait manifestement un désaccord sur le prix et qu'il ne saurait être reproché à Valorplast d'avoir tiré les conséquences du refus de Balnora de revoir le prix de vente de la balle de PET à la hausse. Balnora pouvait s'attendre, dès mars 2005 à ce que le contrat ne soit pas reconduit au-delà de l'échéance contractuelle.

Les premiers juges ont, à juste titre, retenu que Valorplast avait écrit à Balnora les 30 novembre et 8 décembre 2005 pour indiquer qu'elle ne renouvellerait pas le contrat, remplissant ainsi son obligation contractuelle d'informer son cocontractant de ses intentions.

Force est de constater que Balnora n'a pas répondu à ce courrier ; elle n'a fait aucune contre-proposition et n'a engagé aucune négociation, en particulier sur le prix qui faisait manifestement l'objet d'un désaccord entre les parties.

Dès lors les sociétés Balnora et Socplast ne peuvent se plaindre d'une rupture brutale des relations commerciales par la société Valorplast.

Le jugement dont appel doit donc être confirmé en toutes ses dispositions et les parties déboutées de leurs plus amples demandes.

L'équité commande d'allouer aux sociétés Eco Emballages et Valorplast, chacune, une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déboute les parties de leurs plus amples demandes, condamne in solidum les sociétés Balnora et Socplast à payer à chacune des sociétés Eco Emballages et Valorplast la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum les sociétés Balnora et Socplast aux dépens d'appel, Autorise la SCP Naboudet & Hatet et Maître Teytaud, avoués, à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.