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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 28 juin 2011, n° 10-20643

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Auchan France (SA), Eurauchan (SAS)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Beaudonnet

Avoués :

SCP Arnaudy, Baechlin

Avocat :

Me Wilhem

TGI Paris, JLD, du 18 déc. 2008

18 décembre 2008

Dans le cadre d'une enquête demandée par le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, la direction nationale des enquêtes de concurrence, consommation et répression des fraudes a saisi le juge des libertés et de la détention qui, par ordonnance du 4 décembre 2007, l'a autorisée à procéder dans les locaux de plusieurs entreprises ou associations, dont la société Auchan France et la société Eurauchan, aux visites et aux saisies prévues par les dispositions de l' article L. 450-4 du Code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 CE, devenu 101 TUE, relevés dans le secteur de la commercialisation de la viande de volaille ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée.

Les opérations de visites et saisies ont eu lieu dans les locaux communs des sociétés Auchan France et Eurauchan (les sociétés Auchan) le 13 décembre 2007, un procès-verbal a été établi, clos le 14 décembre à 1 heure 45.

Le 13 février 2008, les sociétés Auchan estimant irrégulières les opérations pratiquées le 13 décembre 2007 ont saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir l'annulation des saisies des données informatiques placées sous scellés n° 14 à 19, leur retrait de la procédure et la restitution des données saisies ainsi que des CD et DVD de copie de ces données.

Par ordonnance du 18 décembre 2008, ce juge, après avoir rejeté la demande d'intervention d'un expert en informatique lors de l'audience, a constaté la régularité des opérations de visite et de saisies réalisées le 13 décembre 2007 dans les locaux des sociétés Auchan et a débouté ces sociétés de toutes leurs demandes.

Saisie d'un pourvoi par les sociétés Auchan France et Eurauchan, la chambre criminelle de la Cour de cassation, par arrêt du 8 septembre 2010, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l' ordonnance du 18 décembre 2008 en relevant, au visa de l' article L. 112-2 du Code pénal ensemble l'article 1,3°j de l' ordonnance du 13 novembre 2008, que ce dernier texte, d'application immédiate, donne compétence au premier président de la cour d'appel pour connaître d'un recours sur le déroulement des opérations de visite ou de saisie, et a renvoyé la cause et les parties devant nous ;

Vu le recours déposé et signifié le 1er février 2011 et les conclusions en réplique récapitulatives du 20 avril 2011 par lesquelles les sociétés Auchan France SA et Eurauchan SAS nous demande :

- à titre principal, en raison du caractère global et disproportionné des saisies d'une part, en raison des irrégularités du procès-verbal et du non-respect des modalités d'inventaire d'autre part, de prononcer l'annulation des saisies des données informatiques placées sous scellés fermés n° 14 à 18, leur retrait de la procédure et leur restitution ainsi que des CD et DVD de copie de ces données et de prononcer l'annulation des saisies des données informatiques placées sous scellé fermé n° 19, leur retrait de la procédure et leur restitution ainsi que des CD et DVD de copie de ces données,

- à titre subsidiaire, en raison du caractère global et disproportionné des saisies, de surseoir à statuer et ordonner une expertise sur les diverses modalités de saisies de documents informatiques et de messageries et, en raison des irrégularités du procès-verbal et du non-respect des modalités d'inventaire, de prononcer l'annulation des saisies des données informatiques placées sous scellés fermés n° 14 à 18 énumérés dont les intitulés sont sans lien avec l'objet de l'autorisation de visite et saisie, leur retrait de la procédure et leur restitution ainsi que des CD et DVD de copie de ces données,

Ces sociétés sollicitent une somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 CPC et la condamnation du ministre en ce compris les frais d'expertise engagés.

Vu les conclusions en date du 7 avril 2011 du ministre de l'économie qui, récusant les griefs énoncés, conclut à la régularité des opérations litigieuses et au rejet des demandes d'annulation et de restitution de documents.

Ouï à l'audience publique du 26 avril 2011, en leurs observations orales, le conseil des sociétés Auchan France et Eurauchan, le représentant du Ministre de l'économie, ainsi que le Ministère Public, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer ;

Sur ce :

Considérant que des saisies de données informatiques ont eu lieu, lors des opérations du 13 décembre 2007, à partir des ordinateurs de bureau de Mme X, de Mme Y, de M. Z, de M. A et de M. B et ce, en présence du représentant de l'occupant des lieux ou sur la demande de ce dernier du responsable sécurité des systèmes d'information ; que le procès-verbal mentionne qu'après avoir examiné les données informatiques accessibles depuis l'ordinateur de marque... et de modèle... présent dans chacun de ces bureaux,

"Nous avons constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et de saisie donnée par le juge des libertés et de la détention...(saisies pratiquées à partir des ordinateurs de Mme X et de Mme Y)

"Nous avons procédé à une analyse approfondie de cet ordinateur.

"Après avoir procédé à leur authentification numérique, nous avons extrait des fichiers informatiques issus de cet ordinateur.

"Nous avons élaboré un inventaire informatique de ces fichiers.

"Nous avons gravé, sur DVD vierge non réinscriptible, ces fichiers et avons finalisé la gravure afin d'interdire tout ajout, retrait ou modification de son contenu.

"Avant d'être placé sous scellé n° 14 (extractions de l'ordinateur de Mme X), sous scellé n° 15 (extractions de l'ordinateur de Mme Y), sous scellé n° 16 (extractions de l'ordinateur de M. Z), sous scellé n° 17 (extractions de l'ordinateur de M. A), sous scellé n° 18 (extractions de l'ordinateur de M. B)

"Chacun de ces quatre DVD a été copié en deux exemplaires, l'un destiné aux enquêteurs de la DGCCRF et l'autre laissé aux sociétés Auchan France et Eurauchan."

"L'inventaire informatique des fichiers saisis a été gravé sur CD-R et placé en annexe 3 au présent procès-verbal".

Qu'a en outre été placé sous scellé fermé n° 19, après copie en deux exemplaires, l'un destiné aux enquêteurs de la DGCCRF et l'autre laissé aux sociétés Auchan France et Eurauchan un CD portant la mention "Archives Volaille" ;

Considérant que, pour demander l'annulation des saisies des données informatiques placées sous scellés fermés n° 14 à 19, les sociétés Auchan invoquent d'une part l'irrégularité des saisies en raison de leur caractère global et disproportionné, d'une part des irrégularités du procès-verbal et le non-respect des modalités d'inventaire ;

Sur la régularité des saisies :

Considérant qu'invoquant l'atteinte portée à leurs libertés fondamentales par les méthodes de saisies globales malgré l'existence de méthodes de saisies ciblées garantissant la sécurité et l'efficacité des opérations de saisies, les sociétés Auchan sollicitent l'annulation de l'ensemble des saisies et, à défaut une expertise technique permettant d'évaluer les possibilités de saisies sélectives de messages dans une messagerie électronique sans compromettre leur authenticité et de documents et fichiers informatiques entrant dans un champ d'investigation précis ; qu'elles soutiennent que les saisies informatiques effectuées sont irrégulières en raison de leur caractère global et disproportionné; que la méthode de saisie globale, sans vérification de la pertinence des documents concernés, conduit inévitablement à la saisie de documents sortant du champ de l'enquête et porte atteinte aux libertés individuelles et aux droits fondamentaux des sociétés et de leurs salariés ; qu'il n'y a aucune justification technique à une saisie globale et que le respect des droits fondamentaux impose que l'administration adapte ses méthodes de saisie et privilégie une approche ciblée en amont de la procédure ;

Considérant que les demanderesses font valoir, en premier lieu, que les inspecteurs ne sont pas autorisés à recourir à cette méthode de recherche qui conduit à la saisie globale de répertoires référençant un nombre limité de messages ou fichiers contenant des mots-clés et entraînant ainsi la saisie de nombreuses données sans lien avec l'objet de l'enquête autorisée ; qu'elles soutiennent que le nombre de documents saisis hors du champ de l'enquête constitue la manifestation d'un manque de rigueur et de transparence dans le choix des mots-clés et qu'en ne leur communiquant pas les mots-clés choisis, l'administration a méconnu les droits de la défense ; qu'en outre, elles ne sont pas à même d'apprécier les conditions de réalisation des opérations, n'ayant reçu dans le procès-verbal aucune information sur la méthode, les critères et les outils utilisés pour réaliser les opérations techniques de saisies sur les supports informatiques investigués, et en particulier sur les précautions prises pour parer à tout risque d'atteinte à l'intégrité des supports originaux ;

Qu'elles ajoutent qu'une saisie ciblée est techniquement possible sans altération de l'intégrité et de l'authenticité des données informatiques et produisent en ce sens le rapport d'une expertise par elles demandée à un expert agréé ;

Qu'elles font valoir, en second lieu, que " de telles méthodes de saisies globales " portent atteinte au droit de toute personne au respect de sa vie privée, de son domicile et de sa correspondance, au principe de confidentialité des communications entre l'avocat et son client, au droit des entreprises concernées de ne pas contribuer à leur propre incrimination, au droit à un recours effectif et à un procès équitable en contestation du déroulement des visites et saisies, aux droits de la défense définis par l'article 6 CEDH ; qu'elles ajoutent que le respect des droits fondamentaux impose que l'administration adapte ses méthodes de saisie et privilégie une approche ciblée, sélective, en amont de la procédure et invoquent les pratiques d'autres autorités de la concurrence dont la Commission européenne ;

Considérant que le Ministre ne conteste pas que, pour saisir les données informatiques placées sous scellés, les inspecteurs de la CCRF ont utilisé une méthode de recherche par mots-clés; qu'il indique que la structure insécable d'un fichier de messagerie Outlook Express (ainsi par exemple le fichier de stockage boîte de réception.dbx) implique nécessairement, afin de pouvoir recueillir les messages contenant un mot-clé, la saisie globale des fichiers de messagerie susceptibles de comprendre, outre des éléments entrant dans le champ de l'autorisation, des messages sans lien avec l'objet de l'enquête et qu'une telle saisie globale est, à ce jour, le seul moyen de garantir l'authenticité du fichier de messagerie et son inviolabilité ; qu'il précise que l'empreinte numérique, le nom des fichiers, leur taille et leur chemin - qui sont garants de leur origine, de leur nature, de leur authenticité et de leur intégrité - sont obtenus avant tout passage sur l'ordinateur du corps d'enquête et leur copie et que, contrairement à ce que suppose l'expertise invoquée, le logiciel " encase "n'est jamais installé sur les ordinateurs inspectés mais sur celui de l'administration ; qu'il ajoute que les techniques alternatives proposées par l'expert conduisent l'une à la création de nouveaux fichiers sur l'ordinateur cible et l'autre à une copie physique intégrale du disque dur et donc à la saisie globale contestée et que l'existence (non démontrée) d'autres méthodes de saisie informatique ne saurait conduire à l'abandon de la méthode actuelle validée par la jurisprudence et combinant efficacité et respect des intérêts protégés des personnes visitées ; qu'il observe que les atteintes invoquées aux libertés individuelles et droits fondamentaux des sociétés Auchan et de leurs salariés relèvent d'une pétition de principe ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu par les sociétés demanderesses :

- le procès-verbal n'avait pas à mentionner plus précisément les techniques mises en œuvre pour procéder aux saisies informatiques en indiquant notamment le matériel informatique et le logiciel utilisés par les enquêteurs ; qu'aucun des éléments versés aux débats ne permet de douter ni de la sécurité de la méthode utilisée, ni de l'intégrité ou de l'authenticité des éléments saisis pas plus que de la conformité de la copie aux éléments originaux existant qui sont restés sur l'ordinateur visité;

- il n'est pas interdit aux enquêteurs de recourir à une méthode de recherche par mots-clés, méthode qui permet la vérification de la pertinence des saisies à opérer ;

- les enquêteurs n'ont pas à communiquer les mots-clés qu'ils retiennent aux entreprises soupçonnées de pratiques anticoncurrentielles, étant rappelé qu'agissant en tant qu'enquêteurs et disposant préalablement d'informations de provenance et de nature diverses propres à orienter leurs recherches, ils sont astreints au secret professionnel et étant observé que la non connaissance par l'entreprise visitée des mots-clés dont font usage les enquêteurs ne saurait porter atteinte aux droits de la défense dès lors que l'entreprise est en mesure de connaître le contenu des données appréhendées ; que tel est le cas en l'espèce, les sociétés Auchan - qui ont conservé en original l'intégralité des fichiers saisis et qui disposent de l'inventaire des fichiers saisis (empreinte numérique, nom des fichiers, taille et chemin) et de la copie des fichiers mis sous scellés - étant en mesure de confronter cet inventaire et la copie avec les originaux des fichiers présents sur les ordinateurs perquisitionnés ;

Considérant qu'il est exact, ainsi que le soulignent les demanderesses, que la méthode de saisie globale de fichiers de messagerie conduit à la saisie de certains messages ou documents sortant du champ de l'enquête car figurant dans les mêmes fichiers que des messages utiles à l'enquête ; que l'administration souligne, sans être utilement contredite, que la nécessité d'une saisie globale des fichiers de messagerie résulte non seulement de la structure insécable d'un fichier de messagerie Outlook express mais encore de l'obligation de ne modifier ni l'état de l'ordinateur visité, ni les attributs de fichiers ; que les demanderesses ne peuvent contester de façon générale cette méthode en produisant le rapport d'un expert qui n'a pas assisté aux opérations de visite et de saisie et dont les hypothèses sont contestées par l'administration, ni arguer du fait que d'autres méthodes seraient envisageables ; qu'en possession des originaux et d'une copie des données saisies et de leur inventaire, elles se bornent à contester la méthode utilisée sans établir qu'en l'espèce, des fichiers saisis auraient été altérés ou saisis bien que non au moins pour partie utiles à l'enquête et ce, alors, d'une part, qu'il n'est pas interdit à l'administration de saisir des documents pour partie utiles à la preuve des agissements en cause et alors, d'autre part, que les entreprises visitées disposent devant nous d'un recours effectif leur permettant de contester la régularité des opérations de saisies ;

Considérant, s'agissant du CD placé sous scellé n° 19, c'est à juste titre que le ministre fait valoir qu'intitulé par les demanderesses " Archives Volailles ", il entrait dans le champ de l'autorisation ; qu'il est, en outre, avéré que ce CD, dont copie a été remise aux sociétés Auchan, contient des éléments pour partie utile à la preuve des agissements recherchés ;

Considérant, en second lieu, que la 'méthode' de saisie globale ne saurait en elle-même porter atteinte aux principes et droits légitimes invoqués ; qu'il résulte du procès-verbal que les saisies de documents informatiques et de fichiers ont eu lieu en présence des représentants des sociétés demanderesses qui n'ont pas formulé d'observations, que ces éléments ont été réunis sous plusieurs scellés fermés, que les originaux et une copie en ont été laissés aux sociétés Auchan, que les documents et fichiers saisis ont été inventoriés sur un CD annexé au procès-verbal de saisie remis à ces sociétés qui disposent ainsi de la faculté de vérifier le contenu des données appréhendées, qu'il n'est pas établi que les fichiers saisis ne comportent pas au moins pour partie des éléments utiles à la preuve des agissements reprochés et que les sociétés Auchan disposent devant nous d'un recours effectif leur permettant de contester la régularité des opérations de saisies et, le cas échéant, d'invalider la saisie d'éléments qu'elles estimeraient avoir été appréhendés irrégulièrement ou en violation des droits invoqués, étant rappelé que la présence dans les documents saisis de tels documents ou données n'a pas pour effet d'invalider la saisie des autres éléments ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés demanderesses doivent être déboutées de leurs demandes fondées sur 'le caractère global et disproportionné des saisies' et tendant à titre principal à l'annulation totale des saisies des données informatiques placées sous scellés n° 14 à 19, et à titre subsidiaire à l'organisation d'une mesure d'instruction sans rapport concret avec le litige en ce qu'elle tend à apprécier la possibilité pour les enquêteurs de procéder aux saisies autrement qu'ils ne l'ont fait ;

Sur la régularité du procès-verbal de saisie et le respect des modalités d'inventaire :

Considérant que les sociétés Auchan font valoir, en premier lieu, que le procès-verbal décrit de façon insuffisante le déroulement des opérations de visites et saisies en ce qu'il ne permet pas de connaître et de vérifier les méthode, critères, et outils utilisés pour réaliser les opérations techniques de saisies sur les supports informatiques investigués et en ce que, s'agissant des scellés n° 16 à 19, il n'indique ni le lieu où ces saisies ont été effectuées, ni la raison de ces saisies ;

Qu'elles soutiennent, en second lieu, que les modalités d'inventaire n'ont pas été respectées ; qu'elles exposent que les scellés n° 14 à 19 sont des scellés fermés, qu'il s'agit par application de l' article 56, alinéa 4 du Code de procédure pénale, de scellés par nature provisoires ce dont il résulte qu'aucun inventaire n'a été établi à ce jour et qu'en toute hypothèse, l'annexe 3 du procès-verbal ne vaut pas inventaire car n'explicite pas le contenu des scellés n° 14 à 18 (pas d'intitulé précis des répertoires et pièces saisis ni d'indication des éléments prouvant le lien entre le document saisi et l'objet de l'autorisation) et ne fait aucune mention du contenu du scellé n° 19 ;

Qu'elles ajoutent, à titre subsidiaire, que s'il fallait considérer qu'il y a eu inventaire, celui-ci ne porte pas sur le scellé n° 19 et ne peut être validé s'agissant des répertoires et fichiers des scellés n° 14 à 19 qu'elles énumèrent (tels que " boite de réception ", " éléments envoyés ", " la famille "...) dont les intitulés sont sans lien avec l'objet de l'autorisation ;

Considérant, cependant, en premier lieu, d'une part qu'ainsi qu'il a été dit, le procès-verbal n'avait pas à mentionner plus précisément les techniques mises en œuvre pour procéder aux saisies informatiques, d'autre part, s'agissant des scellés 16 à 18, que le procès-verbal, établi sur les lieux des opérations de visite et saisie, indique qu'il s'agit de fichiers informatiques respectivement extraits des ordinateurs portables de M. Z, manager (scellé 16) de M. A, directeur métiers bouche (scellé 17) et de M. B, chef de groupe (scellé 18), qu'enfin l'objet de l'enquête a été indiqué aux occupants des lieux ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l' article R. 450-2 du Code de commerce : " ...Les procès-verbaux prévus à l'article L. 450-4 relatent le déroulement de la visite et consignent les constatations effectuées. Ils sont dressés sur-le-champ. Ils comportent l'inventaire des pièces et documents saisis... "

Qu'aux termes de l'article L. 450-4 du même Code : " ...Les inventaires et mises sous scellés sont réalisés conformément à l'article 56 du Code de procédure pénale .... "

Que ce dernier texte prévoit, en son alinéa 4, que " Tous objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés. Cependant, si leur inventaire sur place présente des difficultés, ils font l'objet de scellés fermés provisoires jusqu'au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs et ce, en présence des personnes qui ont assisté à la perquisition suivant les modalités prévues à l'article 57 " ;

Que l'article 56 du Code de procédure pénale précise en ses alinéas suivants les modalités de saisie de données informatiques ;

Considérant que ces textes ne soumettent l'inventaire des pièces et documents saisis à aucune forme, que cet inventaire peut être fait sous forme informatique ;

Considérant que le procès-verbal du 13 décembre 2007, signé des représentants des occupants des lieux, mentionne qu'il a été élaboré un inventaire informatique des fichiers saisis, cet inventaire étant gravé sur CD-R et placé en annexe 3 au procès-verbal et qu'une copie de l'ensemble des documents a été remise aux représentants de l'occupant des lieux ; que ne peut par conséquent être invoquée une absence d'inventaire, les demanderesses n'étant pas fondées à soutenir que le fait que les scellés n° 14 à 19 sont des scellés fermés signifie qu'il s'agit de scellés provisoires non encore inventoriés ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, l'inventaire placé en annexe 3 du procès-verbal (scellés 14 à 18) - dont l'impression papier versée aux débats montre qu'il indique la taille de chaque fichier en octet, son empreinte numérique (combinaison de chiffres et de lettres constituant le 'Code génétique' du fichier) et le chemin d'accès des fichiers (arborescence informatique) - constitue un inventaire conforme aux prescriptions légales ; qu'en effet les fichiers saisis sont ainsi identifiés sans que ne puisse être exigé que soit établi un relevé détaillé de l'intégralité des messages et pièces jointes contenus dans chaque fichier ;

Considérant, en dernier lieu, que, non seulement les documents informatiques extraits des cinq ordinateurs (scellés n° 14 à 18) ont été identifiés et inventoriés dans un état figurant sur un CD annexé au procès-verbal dont copie a été remise aux sociétés visitées, mais encore qu'avant encore d'être placés sous scellés, les fichiers saisis ont été gravés sur DVD dont une copie a été laissée aux saisies; qu'en outre, une copie du CD 'Archives Volaille' a été remise aux sociétés visitées avant sa mise sous scellé n°19 ; que les sociétés demanderesses sont ainsi en mesure de connaître le contenu de l'intégralité des données appréhendées ;

Que les demanderesses, qui soutiennent que des intitulés de fichiers (tels " boîte de réception ", " recette soupe au chou ", " à lire "...) sont sans lien avec l'objet de l'autorisation, ne précisent pas l'extension des fichiers incriminés qui, seule, permettrait de connaître leur nature et donc de déterminer s'ils contiennent plusieurs documents dont certains en rapport avec l'objet de l'autorisation ;

Considérant qu'il en résulte que les sociétés demanderesses doivent être déboutées de leurs demandes fondées sur 'des irrégularités du procès-verbal et un non-respect des modalités d'inventaire' et tendant à titre principal à l'annulation totale des saisies des données informatiques placées sous scellés n° 14 à 19 et à titre subsidiaire à celle de celles placées sous scellés n° 14 à 18 ;

Que, par suite, le recours doit être rejeté ;

Par ces motifs, LA COUR, Rejetons le recours exercé par les sociétés Auchan France SA et Eurauchan SAS ; Les déboutons de leur demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Les condamnons aux dépens.