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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 23 juin 2011, n° 09-04122

AMIENS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Electrolux Home Products France (SAS)

Défendeur :

Copel Distribution (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. de Mordant de Massiac

Conseillers :

M. Bougon, Mme Bousquel

Avoués :

SCP Le Roy, Me Caussain

Avocats :

Mes Pivet, Marchand, Grappin

T. com. Compiègne, du 7 sept. 2009

7 septembre 2009

Faits

La SAS Electrolux Home Product France et la SA Eurelco, devenue la SA Copel Distribution en cours de première instance, grossiste en appareils électroménagers, ont entretenu des relations commerciales au moins à partir de l'année 1997,

Par courrier RAR daté du 21 juillet 2006 et reçu le 26 juillet 2006 par la SA Eurelco, la SAS Electrolux Home Product France dénonçait, en référence à un entretien ayant eu lieu le 27 avril 2006, les conditions de vente qui étaient consenties à la SA Eurelco à destination du marché algérien, et lui signifiait qu'elle n'exécuterait plus ses ordres de commandes spécifiques pour le marché algérien à compter de la date de la lettre mais continuerait à honorer ses ordres de commandes aux " conditions générales de vente habituelles " dont la SA Eurelco bénéficiait en qualité de distributeur dans le cadre de son activité sur le marché français.

Par courrier RAR daté du 7 août 2006, la SA Eurelco a protesté, contesté que la décision susvisée lui ait été annoncée lors de l'entretien du 27 avril 2006, souligné que son commerce se réalisait entre sociétés ayant leur siège social en France, dont 4 faisaient, ensuite, de l'exportation à destination du Maghreb, de l'Afrique et de l'Océan indien, rappelé effectuer le service après-vente des produits livrés, et avoir aidé la SAS Electrolux à commercialiser la marque Faure,

Par courrier RAR du 29 août 2006, la SAS Electrolux Home Product France affirmait qu'elle avait informé la SA Eurelco, lors de l'entretien du 27 avril 2006 de la nouvelle organisation du groupe Electrolux en ce qui concerne la distribution des produits au Maghreb, et qu'elle n'honorerait plus les commandes de produits à destination de cette région, faisant l'objet d'une " identification spécifique " en relation avec leur destination, mais qu'elle continuerait d'honorer les commandes destinées au marché français dans le cadre des conditions générales de vente, jointes en copie au courrier, rappelant que les produits livrés sur un territoire sont exclusivement destinées à ce pays.

La SAS Electrolux Home Product France a, ensuite honoré des commandes passées par la SA Eurelco les 5 et 6 juillet 2006,

Par LRAR adressée à la SAS Electrolux Home Product France le 18 septembre 2006, la SA Eurelco demandait à son fournisseur d'honorer une commande qu'elle soutenait avoir passée par fax le 13 juillet 2006 de 684 cuisinières dont elle joignait la copie et qui n'a pas été honorée.

Toute relation commerciale a cessé entre les parties après les dernières livraisons susvisées.

Procédures

C'est dans ce contexte que la SA Eurelco a, par acte du 30 mai 2007 , fait assigner la SAS Electrolux Home Product France devant le Tribunal de commerce de Compiègne aux fins notamment, au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce, d'entendre constater que la requise a engagé sa responsabilité en rompant brutalement les relations commerciales établies depuis plus de 10 ans entre les parties sans préavis écrit tenant compte de la durée de cette relation, fixer à 18 mois le préavis qui aurait dû être fixé compte tenu de la spécificité des produits vendus, et de s'entendre condamner à régler à la SA Eurelco à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, la somme de 45 000 euro au titre de la perte de gratification et celle de 234 000 euro au titre du manque à gagner correspondant à sa marge sur un chiffre d'affaire évalué à la somme de 1 800 000 euro sur 18 mois.

Par jugement rendu le 7 septembre 2009, le Tribunal de commerce de Compiègne a, notamment : Pris acte du changement d'intitulé de la société Eurelco, aujourd'hui dénommée Copel Distribution, constaté qu'Electrolux a engagé sa responsabilité en rompant brutalement unilatéralement une relation commerciale de plus de 10 ans sans préavis écrit tenant compte de la durée de cette relation, fixé à 18 mois le délai de prévenance qui aurait dû être respecté par la société Electrolux, condamné la société Electrolux à payer à la société Copel Distribution à titre de dommages-intérêts la somme de 234 000 euro au titre du manque à gagner sur la durée du préavis, et celle de 45 000 euro à titre de dommages-intérêts pour perte de gratification.

Pour statuer ainsi le tribunal a, notamment, considéré que la SAS Electrolux Home Product France et la SA Copel Distribution, grossiste en appareils électroménagers, sont en relations d'affaires depuis au moins l'année 1997, que l'ancienneté et la consistance de leurs relations commerciales ne sont pas discutées par les parties, que de nombreuses factures à l'export ont été émises par la SAS Electrolux Home Product France entre 1997 et 2006, que la SA Copel Distribution a réalisé avec la SAS Electrolux Home Product France un chiffre d'affaires d'environ 1 200 000 euro par an de 2004 à 2006, que la SA Copel Distribution se faisait livrer des quantités importantes de produits livrés ensuite au Maghreb, en Afrique francophone et dans l'Océan indien, avait son propre réseau commercial et assurait tout problème éventuel de service après-vente, le tribunal a observé qu'aucun compte rendu de la réunion informelle de la réunion du 27 avril 2006 ne figure au dossier, et qu'aucune confirmation écrite ne montre que la décision du groupe Electrolux a eu pour conséquence la substitution de l'entité italienne à l'entité française, que la SA Copel Distribution n'a pas failli à ses obligations et qu'il y a donc bien eu brusque rupture des relations établies depuis plus de 10 ans, sans préavis écrit tenant compte de la durée de ces relations, le tribunal a ajouté que la SAS Electrolux Home Product France a eu connaissance de la commande effectuée le 13 juillet 2006 par la SA Copel Distribution et aurait pu l'honorer, même si elle ne l'avait pas reçue en son temps, au vu du courrier RAR adressé par la SA Copel Distribution le 18 septembre 2006, concernant les produits vendus, le tribunal a estimé qu'il s'agissait de produits spécifiques ayant une marque précise, et pour lequel l'effort commercial du distributeur a été certain, que le délai de préavis ne pouvait être inférieur à 9 mois, cette durée devant être doublée en considération du fait que la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, le tribunal a calculé le préjudice en fonction du chiffre d'affaires manqué pendant les 18 mois correspondant au préavis dont elle aurait pu bénéficier, soit, 1 800 000 euro correspondant à la moyenne des 3 années précédant la rupture, en appliquant à ce chiffre la marge de 13 % pratiquée sur les produits Arthur Martin Groupe Electrolux, soit, en tout, une perte de marge de 234 000 euro, outre une remise de 2,5 % soit, 45 000 euro,

La SAS Electrolux Home Product France a interjeté appel de la décision par déclaration formée au secrétariat-greffe de la cour d'appel de céans, le 28 septembre 2009.

Demandes en appel

La SAS Electrolux Home Product France, appelante, demande notamment à la cour dans ses dernières écritures déposées au secrétariat greffe de la juridiction de céans le 27 avril 2010 d'annuler, et subsidiairement, de réformer le jugement entrepris en toute ses dispositions, de constater que la SAS Electrolux Home Product France n'a pas procédé à une rupture brutale des relations commerciales ayant existé avec la société Eurelco, qu'elle a respecté un préavis auprès de cette dernière, devenue la SA Copel Distribution, qui ne justifie d'aucun préjudice découlant directement de la fin des relations commerciales avec la SAS Electrolux Home Product France, et de débouter la SA Copel Distribution de ses demandes.

Elle soutient que: l'attestation de l'expert-comptable produite en première instance par la SA Copel Distribution (pièce n° 16) sur laquelle le tribunal s'est fondé pour calculer la marge de cette dernière sur les produits Arthur Martin ne lui avait pas été communiquée, en violation de l'article 16 du Code de procédure civile, que le tribunal a invoqué les dispositions de l'article L. 442-6, 37&; L. 442-6 40&; et L. 442-6, 40°; L. 442-6, alors qu'au 21 juillet 2006, l'article L. 442-6 ne comportait que 18 paragraphes et que le tribunal devait se référer aux textes en vigueur au 21 juillet 2006, que le tribunal n'aurait pas motivé sa décision concernant la durée du préavis de rupture, et aurait repris les termes de la demande contenue dans l'assignation sans référence aux critères de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

Elle fait ensuite valoir, à titre subsidiaire, qu'aucun contrat n'a été signé entre les deux parties quant à un volume annuel d'achat, qu'elle n'a pas refusé de recevoir toute commande mais continuait à gérer celles destinées au marché français, la filiale italienne d'Electrolux gérant le marché export, que le fait que la SA Copel Distribution n'ait approché cette filiale que plusieurs mois après le 21 juillet 2006 lui est étranger, que l'arrêt des commandes de la SA Copel Distribution n'est imputable qu'à cette dernière, que la commande du 13 juillet 2006 ne lui est pas parvenue, et qu'elle a géré après le 21 juillet 2006, les commandes passées par la SA Copel Distribution les 5 et 6 juillet 2006, l'appelante ajoute qu'à supposer que la rupture soit établie, un préavis a bien existé puisque lors de l'entretien du 27 avril 2006, l'arrêt de la gestion des produits destinés au Maghreb avait été indiquée, de plus, la SA Copel Distribution s'est vu proposer dès le mois d'avril 2006 un fournisseur de substitution à savoir Electrolux Italia, d'autre part, aucun accord interprofessionnel, ni arrêté ministériel, ni usage commercial n'est invoqué ni établi par les premiers juges pour justifier la durée de préavis retenue, alors qu'aucun préjudice n'est justifié par la SA Copel Distribution qui a attendu le 30 mai 2007 pour assigner au fond, n'était pas en relation de dépendance économique avec la SAS Electrolux Home Product France, commercialisait des produits de grande série figurant au catalogue de tout groupe d'électroménager, et a pu satisfaire les commandes de ses propres clients auprès d'autres fournisseurs, elle ajoute que la SA Eurelco ne réalisait avec l'appelante que 6,65 % de son chiffre d'affaires (en 2002 et 2005), 10,39 % en 2006, et 21,72 % en 2004, et que son chiffre d'affaires a été croissant en 2007, de plus, l'appelante ajoute que la marge brute sur CA n'est aucunement justifiée en l'absence d'éléments permettant de calculer précisément la marge sur les produits Electrolux, et qu'il en est de même de la gratification retenue pour un montant de 45 000 euro.

La SA Copel Distribution demande notamment à la cour dans ses dernières écritures déposées au secrétariat greffe de la juridiction de céans le 9 juin 2010 de débouter la société appelante de ses demandes tendant à l'annulation du jugement entrepris, de ses autres demandes, et de confirmer la décision entreprise,

Elle fait notamment valoir, en réponse à la demande d'annulation du jugement formée par l'appelante que l'attestation de l'expert-comptable n'a pas fondé la décision du jugement qui a constaté que la marge était toujours supérieure à 13 % au vu des bilans détaillés des années 2003 à 2007, et que le tribunal a observé que la requise ne pouvait pas ne pas avoir connaissance du taux de marge commerciale de 13 % constant depuis 2003, que le tribunal a bien fait référence à l'article L. 442-6 du Code de commerce, mais a ajouté la référence des notes de jurisprudence figurant dans le Code sous l'article, et qu'il ne peut y avoir d'équivoque possible, que d'autre part, le tribunal a parfaitement motivé sa décision concernant la durée du préavis puisqu'il a indiqué que les parties ont convenu qu'un préavis d'une durée d'un an est généralement la norme, qu'il a rappelé les dispositions de l'article L. 442-6 5°, et en a tiré les conséquences.

Sur le fond, l'intimée observe notamment que SAS Electrolux Home Product France lui a notifié sa décision de ne plus satisfaire ses commandes à l'export le 21 juillet 2006, à compter de la date de cette lettre, et que l'appelante n'a pas satisfait à une commande formée le 13 juillet 2006, rappelée le 8 septembre 2006, que l'ancienneté et la constance des relations commerciales entre les deux parties ne sont pas contestables, que le changement d'organisation dans le mode de distribution constitue une rupture dans les relations, qui ne saurait se faire sans préavis, qu'il s'agit de produits spécifiques, de marque précise, et qu'un préavis de 9 mois minimum est indispensable pour trouver un nouveau distributeur et réorganiser les politiques de commercialisation, que ce préavis doit être multiplié par deux en application des dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, l'intimée ajoute que le tribunal a parfaitement argumenté et estimé le montant de son préjudice, que le Maghreb représentait 80 % de son export sous la marque Arthur Martin Electrolux, la SA Copel Distribution souligne également que la commande du 13 juillet 2006 a été adressée par fax à l'appelante et lui a été, à nouveau adressée en pièce jointe à sa lettre de réclamation RAR concernant cette commande reçue par la SAS Electrolux Home Product France le 19 septembre 2006, sans que cette dernière ait, pour autant, honoré cette commande, que la société italienne Electrolux International a refusé de livrer des produits à l'intimée puisque dans un mail du 22 mars 2007 il lui est indiqué que " la marque Arthur Martin est réservée à nos distributeurs en Tunisie Algérie et Maroc ", que le fait qu'elle ait amélioré son chiffre en 2007 ne signifie pas qu'elle n'ait pas subi de préjudice alors que cette évolution vient de la vente de téléviseurs à écran plat, qu'il faut au moins un an pour retrouver un fournisseur qui accepte de produire des produits spécifiques pour reconstituer un réseau, qu'elle a justifié du préjudice subi du fait de la perte des produits export de l'appelante qui représentait environ 20 % de son chiffre d'affairess, et que ce n'est qu'au bout de 18 mois qu'elle a pu commercialiser la marque concurrente Indesit, l'intimée ajoute que le pourcentage de gratification est justifié par la production des contrats d'accord de coopération commerciale de 2004.

En cet état,

Sur la recevabilité de l'appel :

La SAS Electrolux Home Product France ayant formé son recours dans les délais et forme prévus par la loi, et la recevabilité de l'acte n'étant pas contestée, la cour recevra l'intéressée en son appel.

Sur le bien-fondé de l'appel :

Sur la demande d'annulation du jugement entrepris par l'appelante :

L'article 458 du Code de procédure civile dispose que ce qui est prescrit, notamment par l'article 455 (alinéa 1er) du Code de procédure civile doit être observé à peine de nullité,

Cet article dispose notamment que le jugement doit être motivé,

L'article 16 du Code de procédure civile dispose que le juge ne peut retenir, dans sa motivation que les moyens, les explications, et les documents invoqués par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement,

En l'espèce, les premiers juges ont cité l'attestation de l'expert-comptable litigieuse produite par l'intimée qui mentionnait la marge pratiquée à l'export sur la marque Arthur Martin et ont noté que l'appelante contestait en avoir reçu communication, mais ils n'ont pas motivé leur décision concernant la marge retenue sur cette pièce puisqu'ils ont indiqué page 7 de leur décision que la société Electrolux " après examen des bilans ", " ne pouvait pas ignorer que la marge était de 13 % ", le tribunal ne se fonde donc pas sur la pièce litigieuse pour évaluer la marge mais sur les bilans dont l'appelante avait eu connaissance, il n'y a donc pas lieu d'annuler la décision entreprise pour ce motif,

Le tribunal, qui doit, aux termes de l'article 12 du Code de procédure civile, trancher le litige conformément aux règles qui lui sont applicables a mentionné à plusieurs reprises dans les motifs de sa décision l'article L. 442-6 du Code de commerce et l'article L. 442-6, 5° qu'il a cité,

Les premiers juges ont cité également des articles " L. 442-6 & 37 " et " L. 442-6 &40 " dans leurs motifs concernant le préjudice, Au vu des numéros annotant dans le Code de procédure civile de l'époque les jurisprudences citées en suite de l'article L. 442-6 et de la correspondance entre ces numéros, la teneur des jurisprudences correspondantes, et ceux cités dans le jugement, d'une reproduction maladroite de ces jurisprudences que le tribunal a reprise à son compte, et non de la transcription d'alinéas d'articles de loi, il convient d'observer qu'aucune forme précise n'est imposée pour la motivation des jugements, et il n'y a donc pas lieu, pour l'ensemble de ces motifs à annulation du jugement entrepris de ce chef,

Concernant la durée du préavis, le tribunal a considéré : " qu'aucune condition générale de vente la prévoyant ne liait les parties ", que les parties ont indiqué que le délai d'un an était la norme, et que, les produits vendus étaient spécifiques et portaient une marque précise pour lesquels l'effort commercial de la requérante avait été certain, le tribunal a cité les textes qu'il estimait applicables, et a donc souverainement apprécié la durée du préavis en fonction des éléments susvisés, il a donc motivé sa décision, et la contestation de l'appelante s'analyse comme une contestation du fondement de la motivation,

Il n'y a donc pas lieu, non plus, d'annuler la décision entreprise pour ce motif,

La SAS Electrolux Home Product France sera donc déboutée de ses demandes visant à voir annuler le jugement entrepris

Sur le fond :

La SA Copel Distribution fonde ses demandes sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce dans les motifs de ses écritures, mais ne spécifie pas ce fondement dans le dispositif de ses dernières écritures, en demandant à la cour de constater qu'Electrolux a engagé sa responsabilité l'obligeant à réparer le préjudice causé par son fait en rompant brutalement une relation commerciale établie depuis plus de 10 ans, sans préavis écrit tenant compte de la durée de cette relation, il faut donc également examiner si les conditions de la responsabilité contractuelle de droit commun sont réunies, à savoir, une faute contractuelle, un préjudice, et un lien de causalité entre les deux.

L'article L. 442-6 du Code de commerce dispose que :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice subi, le fait, par tout producteur, commerçant ou industriel... (5°) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels,

Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur, à défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée, les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. "

Il convient de déterminer si les conditions de cet article sont, en l'espèce, réunies

1) Une relation commerciale, pour être établie, ne nécessite pas forcément de contrat écrit, mais elle doit être suivie, stable et habituelle.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les parties ont entretenu des relations d'affaires de 1997 à 2006, soit durant près de 9 ans, elles étaient donc établies au sens de l'article susvisé.

2) Il doit y avoir rupture des relations, même partielle,

L'intention manifestée par l'appelante de ne plus fournir à la SA Eurelco les produits destinés au marché " Maghrébin ", ne saurait s'analyser comme une rupture totale des relations puisqu'il n'est pas contesté que l'intimée fournissait aussi des clients français et européens, ainsi que des pays de l'Océan Indien, et d'Afrique,

Le fait que l'appelante n'ait pas honoré la commande dont le double lui a été incontestablement adressé par LRAR en septembre 2006 ne saurait non plus s'analyser à elle seule comme une rupture des autres relations liant les parties, à défaut d'autres commandes non honorées, alors que certaines des commandes passées les 5 et 6 juillet 2006 ont été livrées après cette date, et que la SA Eurelco a complètement cessé, ensuite, ses commandes à l'appelante, si bien que la responsabilité de la rupture totale des relations des parties à partir de l'automne 2006 ne saurait être imputée à l'une ou l'autre d'entre elles. La rupture " partielle " évoquée par le texte peut résulter d'un changement d'organisation dans le mode de distribution d'un fournisseur, ce qui est le cas en l'espèce, cependant elle doit aussi s'interpréter comme correspondant à une modification " substantielle " de la relation commerciale, opérée de façon unilatérale, ce qui est le cas, par exemple dans le cas d'une diminution significative des commandes, en effet, toute réduction du volume et /ou de l'importance des commandes ne saurait, en soi, constituer une rupture partielle, sans que cela ne remette en cause la nécessaire adaptation des courants d'affaires aux besoins de chacun des partenaires, la réduction doit apparaître substantielle et sensible.

Il faut donc déterminer si les commandes de produits à destination du Maghreb représentaient, en l'espèce, une part significative des commandes totales passées par l'intimée à l'appelante, et obligeaient cette dernière à une adaptation significative.

Les factures ne font pas ressortir ce renseignements puisque les marchandises commandées par la SA Eurelco à la SAS Electrolux Home Product France étaient, pour la plupart, aux termes des mentions figurant sur les factures, livrées directement par la SAS Electrolux Home Product France à des entreprises clientes de la SA Eurelco se trouvant en territoire français,

La SA Copel Distribution ne produit pas de pièce probante faisant ressortir la part de ses commandes à Electrolux destinée, in fine, au marché Maghrébin, ou même à l'export non européen, les fax échangés avec le service Export de la SAS Electrolux Home Product France étant insuffisants à l'établir, de même que le fax isolé de la société Ait France du 2 mars 2005 demandant des renseignements en vue d'une commande de lave linges à destination du marché libyen, les bilans et éléments comptables produits, globaux, ne permettent pas non plus de le déterminer, tandis que l'intimée se contente d'affirmer, sans en justifier suffisamment que le Maghreb représentait 80 % de son commerce à l'export et qu'elle n'y commercialisait que la marque Arthur Martin,

C'est à celui qui invoque une prétention de la prouver, et la SA Copel Distribution n'établit pas que la rupture partielle des relations commerciales intervenue à l'initiative de la SAS Electrolux Home Product France par courrier du 21 juillet 2006 était suffisamment substantielle et sensible pour représenter une rupture entraînant une modification substantielle de la relation commerciale au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce, qui ne saurait, en conséquence, trouver application, même en l'absence de préavis, ce dernier n'ayant indubitablement pas été donné, aucun document produit ne permettant de vérifier la teneur de l'entretien ayant eu lieu en avril 2006,

À ce sujet, il convient d'observer surabondamment que, contrairement à ce qui a été indiqué par le tribunal, des conditions particulières de vente qui font clairement référence aux relations commerciales entre les parties ont été produites au dossier par la SA Copel Distribution pour l'année 2006, ces conditions ont été signées par la SA Eurelco qui les a donc acceptées, mais elle soutient qu'elles ne lui ont pas été retournées par l'appelante, il est indiqué au paragraphe 1 de ces conditions, intitulé "durée du présent contrat" que "les présentes conditions sont conclues pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006 et que le contrat pourra être résilié à tout moment par l'une ou l'autre des parties par LRAR moyennant un préavis d'un mois", il ressort également de ces conditions particulières que 4 marques étaient fournies : Arthur Martin, Faure, AEG et Zanussi. Les conditions particulières établies en 2005 et signées par les deux parties reprenaient ces mentions,

En l'espèce, les produits qui ont cessé d'être livrés à destination du Maghreb concernent donc des appareils d'électroménager qui sont également fabriqués par plusieurs entreprises concurrentes de l'appelante, que l'intimée, qui travaillait avec plusieurs marques différentes de celles mentionnées ci-dessus, et n'avait pas d'accord d'exclusivité ni de lien de dépendance avec l'appelante, ni ne justifie d'investissements particuliers dans le cadre de la relation entre les parties, ne justifie pas avoir essuyé des difficultés ou un refus d'autres entreprises fabriquant des produits similaires de la livrer rapidement, et il n'est justifié d'un refus de livraison de la filiale italienne d'Electrolux qu'en ce qui concerne la marque Arthur Martin, avant que d'autres pourparlers s'engagent entre cette filiale et l'intimée.

L'intimée ne produit pas non plus de pièces justifiant de frais afférents à la recherche de fournisseurs, ni ne justifie, par des documents comptables ou fiscaux de perte financière directement liée à la cessation immédiate des relations commerciales à destination du Maghreb avec l'appelante, la SA Copel Distribution ne justifie donc pas, non plus, du préjudice qu'elle invoque, ni du montant des sommes dont elle demande le règlement à ce titre, elle doit donc être déboutée de ses demandes de dommages-intérêts formées à l'encontre de l'appelante sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de cette dernière.

La SA Copel Distribution doit donc être déboutée de toutes ses demandes formées à l'encontre de la SAS Electrolux Home Product France, et le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

La partie perdante devant, aux termes de l'article 696 du Code de procédure civile, être condamnée aux dépens, la cour condamnera la SA Copel Distribution, qui succombe à supporter les dépens de première instance et d'appel,

La partie perdante devant, en outre, aux termes de l'article 700 du même Code, être condamnée à payer à l'autre partie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, une somme arbitrée par le juge en tenant compte de l'équité et de la situation économique de la partie condamnée, la cour condamnera la SA Copel Distribution à payer à la SAS Electrolux Home Product France une somme de 1 500 euro, tous frais de première instance et d'appel confondus,

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit la SAS Electrolux Home Product France en son appel, Déboute la SAS Electrolux Home Product France de ses demandes visant à voir annuler le jugement entrepris ; Déclarant l'appel au fond, bien fondé, infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, Déboute la SA Copel Distribution de toutes ses demandes ; Condamne la SA Copel Distribution aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Le Roy, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne SA Copel Distribution à payer à la SAS Electrolux Home Product France somme de 1 500 euro, tous frais de première instance et d'appel confondus conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties du surplus de leurs demandes.