Cass. com., 12 juillet 2011, n° 10-22.739
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
1633 (SA)
Défendeur :
Hachette Livre (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Petit
Rapporteur :
Mme Mandel
Avocat général :
M. Carre-Pierrat
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP Hémery, Thomas-Raquin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2010), que la société 1633, qui édite le magazine "lui", est titulaire de la marque française "lui" déposée le 30 septembre 1966 régulièrement renouvelée et enregistrée sous le n° 1617 879 pour désigner notamment des produits de l'imprimerie dont journaux et périodiques ; qu'ayant eu connaissance que la société Hachette Livre avait fait paraître en octobre 2006 un ouvrage dédié au photographe JP Bourgeois réunissant sous le titre "Elles ont posé pour lui" des photographies réalisées par ce dernier pour le magazine "lui", la société 1633 a assigné cette société en contrefaçon de la marque "lui" et concurrence parasitaire ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Attendu que la société 1633 fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses prétentions émises sur le fondement de la contrefaçon de ses droits de marque, alors, selon le moyen que, constitue un usage commercial à titre de marque et porte atteinte tant à la fonction d'exclusivité qu'à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs l'identité d'origine du produit marqué en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance, et par conséquent un acte de contrefaçon, l'apposition, sur un livre publiant des photographies de charme, du titre "Elles ont posé pour lui", par référence, ainsi que l'admet expressément la cour d'appel, non seulement au photographe mais aussi à la marque "lui" et au titre du magazine "lui" dans lequel ces mêmes photographies avaient été publiées ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 713-2, L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière de l'article 5 de la Directive 89-104 CEE du Conseil de l'Union européenne, n'autorisent l'exercice du droit conféré par ces articles que dans les cas où l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance ; qu'ayant retenu que le titre "Elles ont posé pour lui" ne désigne qu'une œuvre intellectuelle unique composée de clichés choisis dans le fonds photographique de JP Bourgeois alors que le produit, dans lequel cette œuvre est matérialisée, est un livre identifié par la dénomination "Les Editions du Chêne", seule de nature à garantir aux consommateurs la provenance du produit et à constituer une marque, la cour d'appel en a exactement déduit que le titre "Elles ont posé pour lui" au sein duquel était inséré le signe "lui" n'était pas utilisé à titre de marque ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société 1633 fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande fondée sur la concurrence déloyale, par parasitisme et par confusion, alors, selon le moyen : 1°) que constitue un acte de parasitisme, le fait pour une société de se placer dans le sillage d'une autre en tirant profit de la notoriété acquise par ses produits ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si en se référant ainsi qu'elle l'admet expressément, au magazine "lui", dans le titre de son ouvrage consacré à des photographies de charme précédemment publiées dans le magazine, la société Hachette Livre ne s'était pas placée dans le sillage de la société 1633 et tiré ainsi profit de la notoriété acquise en matière de photographies de charme par le magazine "lui", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) que l'acte de parasitisme peut être caractérisé même en l'absence de risque de confusion ; qu'en se déterminant ainsi sur le fondement de l'absence prétendue de risque de confusion, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 3°) qu'en se fondant pour écarter un risque de confusion, sur la seule absence de similitude entre le graphisme du mot "lui" inséré dans le titre "Elles ont posé pour lui" et le graphisme de la marque "lui", sans s'expliquer sur la portée de leur similitude verbale et intellectuelle, après avoir pourtant expressément admis que le mot "lui" dans le titre du livre se référait non seulement au photographe mais avait aussi pour objet de faire référence au magazine "lui", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 4°) qu'en se fondant pour écarter un risque de confusion, sur les seules différences de graphisme relevées entre les signes, sans procéder à une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, dont ces éléments n'étaient que des facteurs parmi d'autres et notamment sans s'expliquer sur la similitude des produits désignés, dès lors que le titre "Elles ont posé pour lui" est apposé tout comme la marque "lui" dans le magazine éponyme, sur une photographie de charme en couverture de l'ouvrage et que cet ouvrage est dédié à des photographies qui avaient été publiées par le magazine "lui", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 5°) qu'en se déterminant sur le fondement de la mention distincte par le livre, de l'identité de la société d'édition responsable de sa diffusion, sans préciser en quoi cette circonstance serait de nature à écarter tout risque de confusion quant à l'origine du produit, pour un consommateur d'attention moyenne, qui ne connaît pas nécessairement l'identité de l'éditeur du magazine "lui", la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que JP Bourgeois a contribué à la qualité et à la notoriété du magazine "lui" en lui fournissant, dans le cadre d'une longue collaboration, un nombre important de ses œuvres photographiques, l'arrêt retient que le choix du titre "Elles ont posé pour lui", qui vise ce photographe désigné par le pronom personnel "lui", ne procède d'aucune usurpation mais de l'exercice légitime de la liberté d'expression et d'information dès lors qu'il repose sur un fait constant; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur l'absence de risque de confusion pour écarter l'existence de tout acte de parasitisme, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que sous le couvert d'un défaut de base légale, le moyen, pris en ses trois dernières branches, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'absence de création d'un risque de confusion entre le magazine "lui" et le recueil de photographies diffusé sous le titre "Elles ont posé pour lui" ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que le premier moyen pris en ses trois dernières branches ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.