Livv
Décisions

Cass. com., 29 mars 2011, n° 09-71.990

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Molinard (Sté)

Défendeur :

Jacadi (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Gadiou, Chevallier, SCP Gatineau, Fattaccini

T. com. Grasse, du 10 sept. 2007

10 septembre 2007

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 septembre 2009), que la société Molinard, reprochant aux sociétés Joy Box Holding, aux droits de laquelle vient la société Jacadi, et PB licence, de commercialiser une eau pour bébés dans un conditionnement imitant le sien, les a assignées en concurrence déloyale ; que, devant la cour d'appel, elle a sollicité la confirmation du jugement ayant condamné ces sociétés au titre de la "concurrence parasitaire" et prononcé des mesures d'interdiction, publication, et confiscation et, se prévalant de ses droits sur sa marque dénominative "Une souris verte", a demandé de dire qu'elles avaient, en adoptant pour signe distinctif pour leur parfum l'expression "Emeraude la souris", porté atteinte à cette marque, et de les condamner à des dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Molinard fait grief à l'arrêt d'avoir dit irrecevable sa demande d'indemnisation au titre de la contrefaçon de marque, alors, selon le moyen, que n'est pas nouvelle en cause d'appel la prétention qui tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Molinard commercialisant un parfum pour bébé accompagné d'une peluche souris dénommée " souris verte ", demandait dans son assignation la condamnation des sociétés Jacadi et PB licence à cesser la commercialisation de leur parfum pour bébé accompagné d'une peluche souris verte et dénommé " Emeraude la Souris " ainsi qu'à l'indemnisation du préjudice subi du fait de cette commercialisation à hauteur de 500 000 euros ; qu'était dès lors virtuellement comprise dans cette demande et tendant aux mêmes fins, celle élevée en cause d'appel de voir dire que les mêmes sociétés Jacadi et PB licence "en adoptant pour signe distinctif de leur parfum l'expression "Emeraude la Souris" ont porté atteinte aux dispositions de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle par similitude intellectuelle à la marque " Une souris Verte n° 013115417 " et de solliciter à ce titre la somme de 500 000 euros ; qu'en affirmant le contraire à raison de l'invocation pour la première fois en cause d'appel d'une atteinte à la marque protégée par le Code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la demande initiale était cantonnée à la réparation du préjudice résultant d'agissements déloyaux et parasitaires, la société Molinard ayant pris le soin de préciser qu'il ne serait pas question d'une action en contrefaçon dans la présente affaire, et qu'elle a ensuite, dans ses dernières conclusions, formé une demande tendant à voir sanctionner l'atteinte au signe distinctif lui appartenant ; que la cour d'appel a exactement décidé que cette demande, visant à voir constater et sanctionner l'atteinte à un droit privatif sur sa marque dénominative, ne tendait pas aux mêmes fins que la demande en concurrence déloyale, tendant à la réparation du préjudice consécutif à des agissements fautifs résultant de l'imitation de son conditionnement, et n'était pas comprise dans cette demande, de sorte que, présentée pour la première fois en cause d'appel, elle était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Molinard fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de l'intégralité de ses demandes, alors, selon le moyen : 1°) que se rend coupable de concurrence déloyale l'opérateur économique qui, pour commercialiser son propre produit, s'immisce dans le sillage d'un concurrent en reprenant des caractéristiques marquantes et essentielles de son produit afin de profiter de son pouvoir attractif et des efforts commerciaux déjà réalisés ; qu'il n'est pas nécessaire que l'ensemble des caractéristiques du produit soient reprises, ni que toute valeur attractive du produit concurrent soit détruite ; qu'or en l'espèce, pour retenir que la société Jacadi n'avait pas commis de concurrence déloyale en commercialisant son parfum pour bébé accompagné d'une souris verte dénommée " Emeraude la souris", la cour d'appel a relevé qu'elle n'avait pas copié l'ensemble des éléments caractéristiques du parfum pour bébé dénommé " La souris verte" commercialisé par la société Molinard au point de détruire toute valeur attractive de ce produit ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs impropres à exclure des actes de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que se rend coupable de concurrence déloyale l'opérateur économique qui, pour commercialiser son propre produit, s'immisce dans le sillage d'un concurrent pour profiter des bénéfices résultant des frais et investissements ; qu'en l'espèce, la société Molinard soutenait que l'immixtion volontaire dans le sillage de son parfum pour bébé " souris verte" résultait de l'utilisation par la société Jacadi d'une souris de couleur verte de surcroît baptisée "Emeraude la souris" (renvoyant ainsi à la couleur verte), quand rien d'autre que cette volonté ne justifiait le choix de cette couleur et de ce nom ; qu'en s'abstenant de prendre en considération le choix de la couleur verte associée au nom "Emeraude la souris" pour apprécier l'existence de faits de concurrence déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société Molinard ne peut prétendre obtenir une protection de son idée d'associer dans un coffret une eau de parfum ou une senteur à une peluche ; qu'il relève que la forme, la physionomie, la taille et la couleur des conditionnements des flacons et des peluches considérés sont dissemblables, que d'un côté il s'agit d'un cartonnage blanc, mentionnant en caractère vert "une souris verte", renfermant un flacon carré transparent, avec la même inscription, le bouchon étant coiffé d'une peluche type marionnette de forme animale vert acidulé, que de l'autre c'est un boitage en carton vert clair, portant en petits caractères sur le fond la mention "Emeraude la souris ", renfermant un flacon dépoli blanc, et, maintenue au fond par un lien, une peluche stylisée de souris vert pâle de forme vaguement anthropomorphe et de plus grande taille ; qu'il ajoute que le coffret "une souris verte" contient le texte de la comptine pour enfant, alors que le coffret de la société Jacadi n'y fait aucune référence directe ni indirecte, la société, qui a utilisé un modèle de souris qu'elle commercialisait déjà, ayant entendu privilégier l'univers de la " petite souris " qui recueille dans une boîte les dents de lait perdues par les jeunes enfants; que la cour d'appel, qui s'est déterminée au regard de l'ensemble des facteurs pertinents, sans omettre de prendre en considération le choix de la couleur et du nom, a pu déduire de ces constatations et appréciations souveraines que les sociétés Jacadi et PB Licence n'avaient commis aucune faute de concurrence déloyale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.