CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 juin 2011, n° 08-07111
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Thien Po France (SARL)
Défendeur :
Michicat (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Le Fèvre
Conseillers :
MM. Roche, Vert
Avoués :
SCP Mira-Bettan, Me Couturier
Avocats :
Mes Bourgancier, Grelin, Papin
LA COUR,
Vu le jugement du 6 mars 2008 du Tribunal de commerce de Paris qui, dans un litige opposant la société Thien Po France et la société Michicat, son ancien agent commercial, relatif aux conditions de rupture du contrat les ayant liés, a notamment condamné la société Thien Po France à payer à la société Michicat la somme de 25 000 euro à titre d'indemnité compensatrice, celle de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, a débouté les parties de toutes les demandes plus amples et contraires;
Vu l'appel de la société Thien Po France et ses conclusions du 15 avril 2010 par lesquelles elle demande notamment à la cour de confirmer le jugement entrepris en qu'il a débouté la société Michicat de sa demande d'indemnité au titre d'un prétendu préjudice qui résulterait de l'empêchement d'exercer une activité professionnelle; infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Thien Po France à verser à la société Michicat la somme de 25 000 euro à titre d'indemnité compensatrice du préjudice causé; Statuant à nouveau, dire que la résiliation du contrat d'agent commercial conclu entre la société Thien Po France et la société Michicat est justifiée par la faute grave imputable à cette dernière; dire n'y avoir lieu à réduire la clause de non-concurrence, en conséquence, débouter la société Michicat de l'ensemble de ses demandes,à titre reconventionnel, la condamner à payer à la société Thien Po France la somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 15 000 euro pour le non-respect de son obligation de non-concurrence;
Vu les conclusions du 25 mai 2010 par lesquelles la société Michicat demande notamment à la cour de dire bien jugé en son principe l'octroi de "l'indemnité de brusque rupture" du contrat d'agent commercial, réformer sur le quantum pour un montant de 28 872, 79 euro, subsidiairement le confirmer, réformer la décision déférée sur l'indemnisation du préjudice lié au respect de la clause de non-concurrence, fixer la libération de la société Michicat de la clause de non-concurrence à la date du 30 avril 2006, condamner la société Thien Po France au paiement d'une somme de 15 000 euro de ce chef, débouter la société Thien Po France de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, la condamner au paiement de la somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure abusive;
Considérant que le 16 février 2004, Monsieur Jourdan et la société Thien Po France ont conclu un contrat d'agent commercial, d'une durée indéterminée, ayant pour objet la commercialisation, par Monsieur Jourdan, de produits de bijouterie dans le quart sud-est de la France, moyennant paiement de commissions mensuelles déterminées en fonction du chiffre d'affaires réalisé; que le 1er juin 2004, un contrat de même nature et de même durée a été conclu entre la société Michicat, Monsieur Jourdan en étant le représentant légal, et la société Thien Po France; qu'un avenant à ce contrat a été conclu entre les parties le 1er décembre 2004 dont l'article 9 intitulé "objectifs à réaliser" stipule: "l'agent commercial assure au mandant que, dans le cadre du présent contrat, il provoquera, de la période de janvier à mars 2005, un chiffre d'affaire de 130 000 euro"; que, le 30 mai 2005, la société Thien Po France a adressé à la société Michicat une lettre recommandée avec accusé de réception portant résiliation du contrat pour non-réalisation des objectifs de chiffre d'affaires convenus; que le 11 août 2005, la société Michicat prenait acte de la cessation du contrat à l'initiative de la société Thien Po France tout en en contestant le bien-fondé;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 134-12 du Code de commerce, "en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi"; que la société Thien Po France soutient qu'elle n'est pas débitrice de ce chef, invoquant les dispositions de l'article L. 134-13 du même Code selon lesquelles cette indemnité n'est pas due en cas de faute grave de l'agent commercial; que la société Thien Po France reproche essentiellement à la société Michicat de n'avoir réalisé, de janvier à mai 2005, que 55 % de l'objectif convenu, soit 116 320 euro sur les 210 000 euro prévus;
Considérant néanmoins que la non-réalisation de l'objectif visé par un contrat d'agent commercial ne saurait, à elle seule, priver celui-ci de son droit à indemnisation; qu'il appartient à la société Thien Po France pour voir sa demande prospérer sur ce chef de rapporter la preuve de manquements graves de l'agent commercial dans l'exécution de son mandat qui seraient à l'origine de la non-réalisation de cet objectif;
Considérant qu'il convient en premier lieu de relever une hausse déraisonnable de l'objectif commercial fixé dans cet avenant par rapport au chiffre d'affaires réalisé en 2004, démontrant le caractère irréaliste de l'objectif, étant remarqué qu'aucun des autres agents commerciaux de la société Thien Po n'a réalisé les objectifs contractuellement prévus; qu'il convient en second lieu de relever que si l'objectif fixé à la société Michicat était resté tel que celui fixé dans le contrat du 1er juin 2004, la société aurait réalisé 83 % du chiffre d'affaires (l'objectif annuel fixé étant dans ce contrat de 400 000 euro) lors de la résiliation du contrat, comme cela ressort des pièces comptables versées aux débats;
Considérant que la société Michicat justifie avoir apporté de nombreux nouveaux clients à la société Thien Po et avoir fait preuve de sérieux dans son activité de prospection; que c'est donc par des motifs pertinents que les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas rapporté la preuve d'une faute grave de la société Michicat de nature à la priver de l'indemnité compensatrice; que le jugement entrepris sera donc confirmé sur le principe de la condamnation de la société Thien Po France au paiement d'une indemnité compensatrice;
Considérant, s'agissant du quantum de l'indemnité considérée, que la société Thien Po France estime que le montant de 25 000 euro accordé par les premiers juges de ce chef est manifestement exagéré; que ce montant doit être proportionné à la durée effective du contrat; que la somme précitée, qui correspond approximativement à une année de commissionnement, n'apparaît pas proportionnée à la durée effective du contrat, ayant eu une durée d'un an, du 1er juin 2004 au 30 mai 2005; qu'en conséquence, le quantum de l'indemnité compensatrice sera réduit à l'équivalent d'un semestre de commissionnement, soit la somme de 12 500 euro;
Sur le droit à une indemnité d'empêchement indu d'activité professionnelle:
Considérant qu'aux termes de l'article 4, b du contrat, "après la résiliation du présent contrat, pour quelque cause que ce soit, l'agent (...) s'engage formellement à ne pas travailler, sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement, à titre personnel ou par personne physique ou morale interposée, pour une entreprise concurrente de Thien Po France, ou de collaborer, sous quelque forme que ce soit, avec une telle entreprise. Cette interdiction est limitée à une durée de 24 mois commençant à courir à compter de la cessation des fonctions du représentant, quelle qu'en soit la cause. Cette obligation de non-concurrence est limitée au secteur et à la clientèle prévue au présent contrat et à ses éventuels avenants"; que l'article 4 c ajoute que "lors de la rupture, la société pourra délier l'agent de l'obligation de non-concurrence, ou en réduire la durée suivant les modalités prévues par la convention collective";
Considérant qu'il convient de relever d'une part que, la clause susvisée stipule seulement une faculté, et non une obligation, pour la société Thien Po France de libérer la société Michicat de cette obligation lors de la rupture du contrat et d'autre part que la société Michicat ne démontre pas avoir sollicité sa libération, ni la réduction du quantum de l'obligation de non-concurrence antérieurement à la présente procédure; qu'en ce qui concerne la critique relative à la durée excessive de l'obligation de non-concurrence, il ne saurait être pris argument de la durée effective d'exécution du contrat dans la mesure où la concurrence de l'agent peut s'exercer pleinement et durablement au préjudice du mandant sans que le contrat qui les liait ait, quant à lui, été exécuté pendant une longue période; que la société Michicat sera donc déboutée de sa demande d'indemnité d'empêchement indu d'activité professionnelle et le jugement entrepris confirmé sur ce point;
Considérant que la société Thien Po forme une demande en dommages et intérêts à l'encontre de la société Michicat au motif d'une violation de la clause de non-concurrence susvisée;
Mais considérant qu'il convient de relever que la simple présence physique de M. Jourdan à un salon de bijouterie du 5 au 7 février à Lyon est insuffisante à caractériser que celui-ci y travaillait effectivement en violation de ladite clause; qu'il n'est pas davantage établi qu'il exerçait une quelconque fonction dans la société CMRJ, concurrente de la société Thien Po; qu'en définitive cette dernière ne rapporte la preuve d'aucun fait précis de nature à constituer une violation par la société Michicat de son obligation de non-concurrence; que la demande formée de ce chef sera donc rejetée;
Considérant que la cour faisant droit partiellement aux demandes de la société Michicat, la procédure engagée par celle-ci ne saurait être considéré comme abusive; que la demande formée de ce chef par la société Thien Po sera rejetée;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Michicat la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel;
Par ces motifs: Confirme le jugement entrepris sauf sur le quantum de l'indemnité compensatrice. En réduit le montant à la somme de 12 500 euro. Rejette le surplus des demandes. Condamne la société Thien Po France au paiement des dépens avec recouvrement conformément à l'article 699 du Code de procédure civile et à payer à la société Michicat la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.