CA Nancy, 2e ch. com., 29 juin 2011, n° 09-01421
NANCY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Brune & Co (SARL)
Défendeur :
Villars Maitre Chocolatier (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseillers :
Mme Zecca-Bischoff, M. Bruneau
Avocats :
Mes Oliveira, Moreuil
Président de chambre :
M. Cunin
Avoués :
SCP Leinster Wisniewski Mouton, SCP Chardon & Navrez
Exposé du litige
Par contrat du 28 février 2001 avec effet rétroactif au 1er janvier 2000, la SA Villars Maitre Chocolatier (VMC), société de droit suisse, a donné à la SARL Brune & Co un mandat exclusif d'agence commerciale sur le territoire français concernant la vente de toute sa gamme de produits de chocolats destinés au grand public.
Par courrier du 7 février 2007, la SA Villars Maitre Chocolatier a notifié à la SARL Brune & Co la résiliation du contrat; la SARL Brune & Co a fait valoir le 1er mars suivant ses droits consécutifs à cette rupture.
Les parties se sont opposées notamment sur le montant et la nature de l'indemnisation réclamée par la SARL Brune & Co.
Par acte d'huissier du 21 août 2007, la SARL Brune & Co a fait citer la SA Villars Maitre Chocolatier devant le Tribunal de commerce de Nancy aux fins notamment de la voir condamner à lui payer diverses sommes au titre d'indemnité de fin de mandat et de commissions dues.
Par jugement du 6 avril 2009, le tribunal de commerce a:
- condamné la SA Villars Maitre Chocolatier à payer à la SARL Brune & Co la somme de 1 484,54 euro au titre des commissions dues pour la période de préavis,
- condamné cette société à lui payer la somme de 323 635,72 euro au titre de l'indemnité de fin de mandat,
- débouté la SARL Brune & Co pour le surplus.
La SARL Brune & Co a interjeté appel de cette décision.
Prétentions et moyens des parties
La SARL Brune & Co demande de voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a admis le principe de l'indemnisation au titre de la cessation du contrat, mais l'infirmer en ce qu'il a rejeté les demandes concernant les demandes d'arriéré de commission et sous-estimé le montant de l'indemnité de fin de contrat.
La SARL Brune & Co soutient en premier lieu que d'une part au-delà de son mandat d'agence commerciale, elle s'est vue confier des missions d'animation commerciale et d'administration des ventes pour lesquelles elle n'a pas été rémunérée au titre de l'année 2007, la SA Villars Maitre Chocolatier ayant manqué sur ce point à ses obligations contractuelles; que d'autre part, des commissions qui lui revenaient, soit 9 % des ventes, étaient déduits les ristournes et budgets, soit les négociations tarifaires avec les clients et les services de promotion; que la SA Villars Maitre Chocolatier a déduit des commissions dues des sommes à ce titre sans que soient établies les factures correspondantes conformément à la législation sur ce point, et sans que ces budgets aient été réglés; que ces sommes doivent donc être réintégrées dans les commissions dues; que par ailleurs la SARL Brune & Co ne dispose pas des éléments concernant les accords de référencement 2006 et 2007 pour établir le montant exact des commissions qui lui sont dues, et que la SA Villars Maitre Chocolatier doit communiquer ces données; que par ailleurs, la SARL Brune a légalement droit aux commissions relatives aux ventes réalisées après la rupture du mandat mais consécutives aux diligences effectuées par l'agent durant son mandat, notamment s'agissant des campagnes de référencement annuelles. Qu'enfin, la SA Villars Maitre Chocolatier n'apporte aucun élément probant s'agissant des sommes qu'elle réclame au titre de commissions prétendument payées à tort.
En second lieu, la SARL Brune & Co fait valoir que si la SA Villars Maitre Chocolatier soutient qu'elle a commis des fautes excluant le bénéfice de l'indemnité de fin de contrat, elle n'en rapporte pas la preuve, se fondant sur des éléments faux ou inexacts; que, par ailleurs, le montant de l'indemnité de fin de contrat fixé par le tribunal de commerce est insuffisant dans la mesure où la juridiction n'a pas pris en compte les sommes dues au titre des missions additionnelles effectuées notamment au titre de l'administration des ventes et de la direction commerciale; que ce préjudice est particulièrement important en ce que les relations contractuelles ont duré 6 années dont trois consacrées exclusivement par la SARL Brune à la SA Villars Maitre Chocolatier, dont le chiffre d'affaires a été multiplié par 11; qu'il convient donc de faire application des coefficients habituels en la matière pour établir le montant réel de l'indemnité.
Enfin, la SARL Brune demande de voir constater que les contrats d'agent ont été repris par la SA Villars Maitre Chocolatier.
La SARL Brune demande donc de:
- condamner la SA Villars Maitre Chocolatier à lui payer les sommes de 95 728,58 euro TTC et 87 944,27 euro TTC au titre d'arriérés de commissions,
- de la condamner à lui payer les commissions dues sur le chiffre d'affaires réalisé entre mai et décembre 2007, et pour y parvenir de lui enjoindre de communiquer toutes les informations nécessaires, et ce sous astreinte dont la cour se réservera la liquidation,
- d'ordonner le paiement de ces sommes, et dès à présent de lui payer à titre provisionnel la somme de 250 000 euro,
- de condamner la SA Villars Maitre Chocolatier à lui payer la somme de 769 213,16 euro (sauf à parfaire) au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agence, outre intérêts au taux légal;
- de constater que la SA Villars Maitre Chocolatier a repris les contrats de sous-agent,
- de condamner la SA Villars Maitre Chocolatier à lui payer la somme de 20 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SA Villars Maitre Chocolatier demande de voir confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SARL Brune & Co de ses demandes de paiement d'arriérés et de communication de pièces, et de l'infirmer pour le surplus.
La SA Villars Maitre Chocolatier soutient qu'elle n'est débitrice d'aucune somme au titre de rémunérations pour prestations additionnelles pour l'année 2007, dans la mesure où la mission de la SARL Brune & Co avait cessé au 1er janvier 2007; que celle-ci a donc, si elle en démontre la réalité, effectué des prestations qui ne lui ont pas été commandées, et qu'en tout état de cause elle aurait assuré une gestion d'affaire pour laquelle elle ne peut prétendre à aucune rémunération.
S'agissant des sommes concernant les ristournes et budgets, la SA Villars Maitre Chocolatier fait valoir que, conformément aux conditions contractuelles, elles étaient provisionnées conformément aux documents transmis par la SARL Brune & Co et déduites, qu'elles aient été facturées ou non par la clientèle.
S'agissant des opérations conclues après cessation du contrat, la SA Villars Maitre Chocolatier soutient que les sommes à ce titre ne sont dues que si les opérations sont conclues dans un délai raisonnable et qu'elles soient principalement dues à l'activité de l'agent; que les accords passés avec les distributeurs ne constituent que des référencements et qu'ils ne comportent en eux-mêmes aucune obligation d'achat de la part des clients; que la SARL Brune & Co ne démontre pas la preuve de tels achats et qu'il n'appartient pas à la cour de pallier la carence de l'appelante sur ce point. Par ailleurs, la SA Villars Maitre Chocolatier soutient que la SARL Brune & Co a perçu indûment des commissions dont il convient de déduire le montant de ses demandes.
La SA Villars Maitre Chocolatier soutient que la SARL Brune & Co a commis des fautes, révélées après la fin du contrat, qui la privent de l'indemnité de cessation de mandat; qu'il est apparu en effet que d'une part la SARL Brune & Co a signé des accords commerciaux en violation des conditions contractuelles, et au mépris de la politique commerciale définie par la SA Villars Maitre Chocolatier; qu'elle a également violé son obligation de non-concurrence en créant une activité concurrente à celle du mandant. Subsidiairement, la SA Villars Maitre Chocolatier fait valoir que les chiffres retenus par la SARL Brune & Co sont approximatifs, et qu'ils sont partiellement fondés sur des commissions ou des prestations qui ne sont pas dues, ou non acquises à l'expiration du contrat; que par ailleurs il ne peut être tenu compte, comme l'ont fait les premiers juges, de la part de commission rétrocédée aux sous-agents, soit 4 % du total des commissions; que c'est sur cette base que l'indemnisation a été fixée en juillet 2007; que la SARL Brune & Co a été justement indemnisée sur ce point. Enfin, la SARL Brune & Co ne peut solliciter une indemnisation au titre des licenciements auxquels elle a dû procéder, ce point relevant de sa responsabilité d'employeur.
Par ailleurs, la SA Villars Maitre Chocolatier fait valoir que la SARL Brune & Co a commis des fautes dans l'exercice de son mandat, qui lui ont causé un préjudice qu'il convient d'indemniser; que de plus des sommes restent dues notamment au titre du financement par la SA Villars Maitre Chocolatier du rachat d'un secteur de commercialisation, somme que la SARL Brune & Co n'a jamais remboursée.
Enfin, la SA Villars Maitre Chocolatier fait valoir que la demande de communication de pièces formulée par la SARL Brune & Co est inutile dans la mesure où celle-ci dispose de tous les éléments pour fonder ses demandes.
La SA Villars Maitre Chocolatier demande donc de:
- dire et juger que la SARL Brune & Co a commis des fautes révélées après la fin du contrat et qui la privent de son droit à indemnité,
- dire et juger que la SARL Brune & Co a indûment perçu, au titre de l'indemnité de fin de contrat et des commissions durant la durée du préavis la somme de 481 411,95 euro, et la condamner au paiement de cette somme,
- subsidiairement, dire que la SARL Brune & Co a été remplie de ses droits, et la débouter de ses autres demandes,
- en tout état de cause, dire et juger que la SARL Brune & Co a commis des fautes dans l'exécution de son mandat et la condamner à indemniser ce préjudice à hauteur de 342 664,77 euro, et la condamner à payer les sommes de 856,76 euro au titre du remboursement de la marge indûment perçue et de 38,38 euro à titre de solde définitif du décompte de commission,
- ordonner en tant que besoin la compensation respective des créances,
- condamner la SARL Brune & Co à lui payer la somme de 50 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2011.
Motifs de la décision
I . Sur les demandes concernant les arriérés de commission
I.1. Sur les commissions réclamées au titre de la direction commerciale et de l'administration des ventes.
Attendu que la SARL Brune & Co soutient qu'elle a effectué au premier semestre 2007 des tâches qui lui étaient contractuellement confiées et rémunérées en sus de sa commission d'agent commercial, et que ces tâches n'ont pas été rémunérées;
Que la société VMC soutient pour sa part que ces missions ont contractuellement cessé au 1er janvier 2007, et qu'aucune rémunération n'est due à ce titre;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 30 septembre 2004, la société VMC informait la SARL Brune & Co de ce que le contrat d'agence commerciale liant les parties était modifié tant dans l'étendue de la mission que dans la rémunération de l'agent commercial;
Que cette lettre précisait que la mission confiée à la SARL Brune & Co était définie en trois fonctions:
- la fonction d'animation commerciale, de gestion et de soutien du réseau de vente et la représentation de la marque, moyennant un taux de commission de 9 %;
- la fonction de "directeur commercial Villars France", définie comme la fonction de "direction commerciale et de marketing opérationnel", pour une indemnité forfaitaire annuelle de 54 882 euro;
- la fonction d' "administration des ventes", moyennant une rémunération complémentaire de 4 %;
Que ce courrier indiquait que l'étendue des missions et les conditions de rémunération seraient revues au 1er octobre 2006, et notamment le maintien ou non de la rémunération complémentaire de 4 %;
Qu'il n'est pas contesté que ces conditions se sont appliquées d'un commun accord jusqu'au 1er janvier 2007;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que la SARL Brune & Co a assuré, au-delà du 1er janvier 2007, des tâches relevant des missions complémentaires, telles que l'établissement du plan d'action commercial pour 2007, la gestion d'échantillons, le suivi de certains accords de coopération;
Qu'il ressort d'un courrier émanant de la société VMC en date du 1er mai 2007 que celle-ci indiquait à ses clients que "faisant suite à la décision de Monsieur Patrick Brune ayant choisi de donner une orientation nouvelle à sa carrière, la Direction des Ventes France sera assurée à partir de cette date par Monsieur Jean-Luc Fourneaux qui ne manquera pas de prendre contact avec vous";
Qu'il ressort par ailleurs d'un courriel échangé le 8 janvier 2007 entre les deux sociétés que les collaborateurs de la société VMC apprenaient que la mission d'administration des ventes de la SARL Brune & Co avait pris fin, mais que néanmoins aucune organisation n'avait été mise en place au sein de cette société pour gérer directement la fonction commerciale;
Qu'il ressort donc de ce qui précède que la SARL Brune & Co a continué à gérer après le 1er janvier 2007 les missions complémentaires définies le 30 septembre 2004 avec l'accord tacite de la société VMC;
Attendu que la rémunération forfaitaire au titre de la fonction de direction commerciale est due, à hauteur de 19 367,50 euro hors taxes, représentant le montant de cette rémunération forfaitaire sur la période du 1er janvier au 31 mai 2007; qu'il y a lieu d'infirmer la décision entreprise sur ce point et de condamner la société VMC à payer à la SARL Brune & Co ladite somme;
Attendu par ailleurs que, pour chiffrer sa demande au titre de l' "administration des ventes", la SARL Brune & Co produit des tableaux récapitulatifs où elle fait apparaître les sommes représentant le chiffre d'affaires qu'elle prétend avoir réalisé et les commissions correspondantes;
Que cependant elle n'apporte aucun élément justifiant des sommes retenues au titre du chiffre d'affaires réalisé; qu'il convient donc de rejeter la demande sur ce point;
I. 2. Sur les commissions concernant les budgets de coopération commerciale
Attendu que la SARL Brune & Co soutient qu'elle reste créancière de la part de la société VMC de sommes déduites de ses commissions au titre de participation sur les budgets de coopération commerciale pour les années 2001 à 2005;
Attendu que l'article 10.1 du contrat d'agent commercial prévoit que " durant toute la période de son contrat, l' " agent" percevra, sur les ventes de son secteur, une commission égale à 9 % du montant net hors taxes des factures correspondantes, déduit de toutes les ristournes et budgets";
Attendu que l'article L. 441-3 du Code de commerce dispose que tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation; que le vendeur est tenu de délivrer la facture dès réalisation de la vente ou la prestation de service, et l'acheteur est tenu de la réclamer;
Attendu que la société VMC soutient que les sommes déduites des commissions dues à la SARL Brune & Co au titre des budgets de coopération commerciale pour les années 2001 à 2005, plus communément intitulés "marges arrières", sont provisionnées et que les créances correspondant à ces sommes conformément aux dispositions de l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ne sont pas éteintes; qu'il doit en être tenu compte dans l'assiette du calcul des commissions, qu'elles aient été réglées ou non aux clients;
Attendu que les engagements pris à l'égard des clients de la société VMC antérieurement à la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 ne sont pas atteints par la prescription; que, dès lors, la demande de la SARL Brune & Co sur ce point doivent être rejetées;
Attendu en revanche qu'aux termes des dispositions de l'article 42 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, les accords de négociation commerciale sont conclus pour une durée annuelle; que, dès lors, les facturations relatives aux budgets de coopération commerciale pour les exercices 2006 et 2007 ont nécessairement été éditées dans l'année de l'accord auquel elles se rattachent; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande sur ce point;
I.3. Sur les demandes au titre des commissions dues de mai 2007 à décembre 2007
Attendu que la SARL Brune & Co soutient que les accords de référencement conclus par elle pour l'année 2007 ont donné lieu à des commissionnements postérieurs à la date de rupture du contrat d'agent commercial, et qu'elle est en droit d'obtenir paiement de ces sommes;
Que la société VMC fait valoir que les accords de référencement ne comportent aucun engagement d'achat, et que la SARL Brune & Co ne démontre pas que les commandes enregistrées postérieurement à l'expiration du contrat résultent de son activité;
Attendu que l'article L. 134-7 du Code de commerce dispose que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclu dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat;
Attendu en premier lieu qu'il convient de rappeler que l'article 42 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 prévoit que les accords de négociation commerciale sont conclus pour une durée annuelle; que si ces accords ne comportent pas d'engagement d'achat de la part des distributeurs, ils créent entre le fournisseur et le distributeur un cadre de relation stable et ouvrent la possibilité d'un flux d'affaires durant l'année pour laquelle ils ont été conclus;
Attendu en second lieu qu'il ressort des pièces du dossier que la SARL Brune & Co a exercé son mandat d'agent commercial jusqu'au 6 mai 2007 date de l'expiration de ce contrat;
Attendu en troisième lieu qu'aucun élément n'est apporté sur l'organisation que la société VMC a mis en place pour assurer les fonctions d'animation commerciale remplies par la SARL Brune & Co jusqu'à la fin de son contrat;
Qu'il convient enfin de rappeler que le contrat d'agence a duré 7 années, et que la SARL Brune & Co a constitué et animé un réseau de sous-agents; qu'il n'est pas contesté que le chiffre d'affaires de la société VMC généré par l'activité de l'agent a été multiplié par 11 pendant la durée du contrat;
Attendu qu'il convient donc de considérer que les opérations conclues en 2007 ont principalement pour origine l'activité de la SARL Brune & Co, et que, compte tenu de l'annualité des accords de référencement et de ce que le contrat a été rompu en mai 2007, les opérations conclues jusqu'en décembre 2007 l'ont été dans un délai raisonnable;
Qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande sur ce point;
Qu'il y a donc lieu d'une part de condamner la société VMC à payer à la SARL Brune & Co la somme de 100 000 euro à titre provisionnel; et d'enjoindre à celle-ci de remettre à la SARL Brune & Co tous éléments comptables permettant de calculer le droit à commission pour la période du 7 mai au 31 décembre 2007 selon les modalités indiquées au dispositif;
I.4. Sur les commissions versées indûment
Attendu que la société VMC produit sur ce point un tableau relatif aux créances douteuses concernant les clients en France, ainsi qu'une attestation émanant de son expert-comptable validant le tableau; qu'il y a donc lieu de faire droit à cette demande;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la SARL Brune & Co disposait sur la société VMC d'une créance au titre de commissions impayées d'un montant de 1 484,54 euro; qu'il convient donc d'ordonner la compensation des créances respectives, et de condamner la SARL Brune & Co à payer à la société VMC le solde, soit la somme de 38,38 euro;
II. Sur l'indemnité de fin de contrat
II. 1. Sur le droit à indemnité
Attendu que l'article L. 134-12 du Code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandat, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi; que l'article L. 134-13 du même Code précise que cette réparation n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial; que la faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel; qu'elle s'entend d'une faute grave consistant un manquement caractérisé à une obligation essentielle découlant du contrat et en rendant la continuation impossible;
Attendu que l'article L. 134-11 du même Code précise que chaque partie peut mettre fin au contrat moyennant un préavis de trois mois à compter de la troisième année du contrat, ce préavis ne s'appliquant cependant pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties;
Qu'une faute révélée après la fin du contrat peut être invoquée par le mandant même si celle-ci a été révélée après la fin du contrat;
Attendu que la société VMC reproche à la SARL Brune & Co un certain nombre de fautes dont certaines n'auraient été révélées qu'après la fin du contrat;
Attendu qu'il y a lieu en préliminaire de constater que, dans le courrier du 7 février 2007 par lequel elle signifie à la SARL Brune & Co la fin du contrat d'agent commercial, la société VMC ne forme aucun grief à l'encontre de son agent; qu'elle a versé en juillet 2007 une somme de 379 384,95 euro à titre d'indemnité de cessation de contrat, tout en émettant cependant des réserves concernant la refacturation de certaines charges avec une marge, et les conditions commerciales accordées à certains clients;
Attendu en premier lieu que la société Villars Maître Chocolatier reproche à la SARL Brune & Co d'avoir irrégulièrement utilisé le titre de "directeur commercial France" après le 1er janvier 2007, de lui avoir refacturé certains frais avec une marge, et enfin d'avoir créé une activité concurrente et d'avoir incité un sous-agent à commercialiser des produits issus de cette activité en violation des accords de non-concurrence prévus contractuellement;
Mais attendu d'une part que, comme il a été rappelé plus haut, la SARL Brune & Co a exercé la fonction de direction commerciale jusqu'au 6 mai 2007; qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir utilisé le titre correspondant à la fonction;
Attendu d'autre part qu'aucun élément ne permet de considérer que la facturation à la société VMC par la SARL Brune & Co de frais avec une marge de 15 % soit contraire aux dispositions contractuelles liant les parties, ni même contraire au devoir de transparence et de loyauté invoqué;
Qu'enfin, il ressort du dossier que la société VMC avait autorisé Monsieur Patrick Brune, gérant de la SARL Brune & Co, à diriger la SARL Karékao, qui exerçait une activité similaire à celle de la société VMC, et à commercialiser certains de ses produits par cette société;
Qu'il convient donc de rejeter les demandes sur ce point;
Attendu que la société Villars Maître Chocolatier soutient que la SARL Brune & Co a manqué à ses obligations contractuelles et commis une faute grave en passant avec des clients des accords contraires aux directives qui lui avaient été données;
Mais attendu qu'il ressort des pièces du dossier que les éléments sur lesquels s'appuie la société VMC sur ce point, les accords commerciaux passés avec le groupe Carrefour en juin 2006 et le 28 janvier 2007, étaient connus d'elle à la date de la lettre de résiliation du contrat d'agent commercial; que ce courrier n'en fait cependant pas état, et prévoit un délai de préavis de trois mois; qu'il ressort de cet élément que la société VMC n'a pas estimé nécessaire de se prévaloir de ces points lors de la rupture du contrat, et qu'elle n'était donc plus fondée à les soulever postérieurement pour refuser le paiement de l'indemnité de cessation de contrat;
Qu'il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise sur ce point;
II. 2. Sur le montant de l'indemnité
Attendu qu'il ressort des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce rappelées plus haut que l'indemnité compensatrice est déterminée en réparation du préjudice subi; qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'en fixe le montant, mais qu'une disposition contractuelle ne peut en limiter par avance celui-ci; que cette indemnité comprend les rémunérations de toute nature acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature;
Attendu que la société VMC soutient que ne peuvent être intégrées dans le calcul du montant de l'indemnité ni la prétendue commission additionnelle de 3 % "versée au titre du merchandising", qui n'est pas justifiée et dont la demande n'a pas été présentée en première instance, ni les commissions et forfaits complémentaires; que par ailleurs l'indemnité ne peut être calculée que sur un taux de 5 %, la SARL Brune & Co rétrocédant 4 % à ses sous-agents;
Attendu que la SARL Brune & Co ne justifie pas d'un accord entre les parties sur une indemnité complémentaire de 3 %, celle-ci ne figurant ni dans le contrat d'origine ni dans l'avenant du 30 septembre 2004;
Attendu en revanche qu'il convient de prendre en compte les compléments prévus dans cet avenant, ces sommes correspondant à des missions rémunérées en tant que telles, et toujours assurées lors de la rupture du contrat;
Attendu par ailleurs qu'il convient de prendre en compte le taux de commission de 9 % correspondant à la rémunération de base de l'agent, celui-ci ayant la liberté, dans le cadre de son organisation, de recourir à des sous-agents ou de gérer en propre les fonctions qui lui incombent au titre du contrat;
Qu'il convient également de prendre en compte les frais de licenciement du personnel, étant précisé qu'il n'est pas contesté que la SARL Brune & Co a, à la suite de la résiliation du contrat, changé d'activité;
Attendu qu'il ressort du dossier que le montant des commissions perçues par la SARL Brune & Co s'est élevé, pour les années 2005 et 2006, aux sommes respectives de 306 949,82 euro et 413 643,85 euro;
Que les frais de licenciement se sont élevés à la somme de 12 260 euro;
Qu'il doit être en revanche déduit le montant de l'indemnisation de l'agent Soudy, réglée par la société VMC pour le compte de la SARL Brune & Co, qui n'est pas contesté par les parties;
Attendu qu'eu égard à ces éléments, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité de cessation de contrat due à la SARL Brune & Co à la somme de 950 000 euro; qu'il y a lieu d'infirmer la décision entreprise sur ce point et de condamner la société VMC au paiement de cette somme, sous déduction de la somme de 379 384,95 euro versée lors la rupture du contrat, et celle versée au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance;
III. Sur les autres demandes
III. 1. Sur la demande présentée par la société VMC au titre de fautes commises par la SARL Brune & Co
Attendu que la société VMC soutient que la SARL Brune & Co a commis des fautes dans le cadre de son mandat lors des négociations avec le groupe Carrefour; qu'elle soutient d'une part que la SARL Brune & Co a, pour l'année 2006, signé un accord national avec ce groupe en violation des conditions contractuelles, et sans que le client ait accepté une hausse de tarif, et, que qu'elle a par ailleurs signé en 2007 un accord national avec ce même groupe à des conditions non agréées par la société VMC;
Mais attendu en premier lieu que l'article 6.1 du contrat prévoit que "l'agent doit respecter strictement les directives du mandant pour les tarifs, conditions de livraison et de paiement à faire à la clientèle; il doit provoquer des instructions particulières pour les affaires de très grande importance"; que d'une part le sens de ce terme n'est pas précisé, et que d'autre part il n'apparaît pas du dossier qu'en juin 2006, la société VMC se soit opposée à la conclusion par la SARL Brune & Co d'un accord national avec le groupe Carrefour;
Attendu en second lieu que l'accord passé en novembre 2006 permettait à la société VMC de modifier ses tarifs sous réserve d'un préavis d'une durée de deux mois; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société VMC n'ait pu modifier ses tarifs à compter du 1er juin 2007;
Qu'il y a donc lieu de rejeter les demandes sur ce point;
III.2. sur la demande au titre de la refacturation de frais
Attendu que la société VMC demande de voir condamner la SARL Brune & Co à lui payer la somme de 856,86 euro au titre d'une marge indûment perçue;
Qu'elle apporte au dossier une facture en date du 4 décembre 2006 portant sur la facturation de livres de cuisine, faisant état d'une marge de 15 %;
Que, cependant la société VMC ne démontre pas en quoi cette facturation de marge est abusive en l'espèce;
Qu'il y a lieu de rejeter la demande sur ce point;
III. 3. Sur la reprise des sous-agents
Attendu que la SARL Brune & Co demande de voir dire que la société VMC a repris les contrats qu'elle avait conclu avec les sous-agents;
Attendu qu'il ressort d'un courriel en date du 9 juillet 2009 que la société VMC a passé des conventions avec les sous-agents de la SARL Brune & Co;
Que si la société VMC soutient qu'elle n'a pas repris les contrats existants, elle n'en justifie notamment pas par la production des contrats conclus entre elle et les sous-agents;
Qu'il convient de faire droit à la demande sur ce point;
Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais par elles exposés et non compris dans les dépens; qu'il convient de rejeter les demandes sur ce point;
Attendu enfin que les dépens de l'instance seront supportés par moitié par chacune des parties;
Par ces motifs: LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement rendu le 6 avril 2009 par le Tribunal de commerce de Nancy, sauf en ce qu'il a reconnu le droit à indemnité de rupture de contrat d'agence commerciale de la SARL Brune & Co, ainsi que son droit aux commissions pour la période de préavis; Statuant à nouveau: Condamne la société Villars Maitre Chocolatier à payer à la SARL Brune & Co la somme de dix neuf mille trois cent soixante sept euros et cinquante centimes (19 367,50 euro) HT au titre des arriérés de commission outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation; Condamne la société Villars Maitre Chocolatier à payer à la SARL Brune & Co la somme provisionnelle de cent mille euro (100 000 euro) au titre des commissions pour la période du 7 mai au 31 décembre 2007; Enjoint à la société Villars Maitre Chocolatier de communiquer à la SARL Brune & Co toutes informations comptables permettant d'établir le montant des provisions passées au titre des accords de référencement pour les exercices 2006 et 2007, ainsi que les factures réglées à ce titre pour ces exercices, et ce sous astreinte de deux cents euro (200 euro) par jour passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision à la société VMC; Enjoint à la société Villars Maitre Chocolatier de communiquer à la SARL Brune & Co toutes informations comptables permettant d'établir le montant des commissions dues pour cette période, et ce sous astreinte de deux cents euro (200 euro) par jour passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision à la société VMC; Condamne la SARL Brune & Co à payer à la société Villars Maître Chocolatier la somme de trente huit euro et trente huit centimes (38,38 euro); Condamne la société Villars Maitre Chocolatier à payer à la SARL Brune & Co la somme de neuf cent cinquante mille euro (950 000 euro) au titre de l'indemnité compensatrice de fin de contrat, sous déduction de la somme de trois cent soixante dix neuf mille trois cent quatre vingt quatre euro et quatre vingt quinze centimes (379 384,95 euro) versée lors la rupture du contrat, et celle versée au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance; Constate que la société Villars Maître Chocolatier a repris à son compte les contrats passés entre la SARL Brune & Co et ses sous-agents; Rejette les autres demandes; Confirme ledit jugement en ses dispositions concernant l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que concernant les dépens; Dit que les dépens de l'instance seront supportés par moitié par chacune des parties, dont distraction au profit des avoués de la cause.