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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 23 juin 2011, n° 10-00314

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Verrechia (ès qual.), D+ TP (SARL)

Défendeur :

JC Decaux (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schmitt

Conseillers :

Mmes Durand, Verdeaux

Avoués :

SCP de Saint Ferreol-Touboul, SCP Tollinchi Vigneron Tollinchi

Avocats :

Mes Gombert, Fouche

T. com. Marseille, du 23 nov. 2009

23 novembre 2009

Faits, procédure, prétentions des parties

La société D+ TP a signé le 29 septembre 2006 des cahiers des charges contractuels avec la société JC Decaux et la société Avenir sa filiale, définissant des relations de fournisseur agrée.

Se plaignant d'une rupture brutale des relations commerciales intervenue en septembre 2008 par arrêt de toute commande, la société D+ TP a fait assigner le 26 novembre 2008 la société JC Decaux et la société Avenir devant le Tribunal de commerce de Marseille en paiement de la somme de 250 000 euro au titre de dommages et intérêts au visa des articles L. 442-6 du Code de commerce et 1142 du Code civil.

Me Verrechia est intervenu volontairement à la procédure en qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société D+ TP.

Par jugement du 23 novembre 2009 la juridiction consulaire a :

Mis hors de cause la société Avenir,

Dit que la relation commerciale entre la société D+ TP et la société JC Decaux n'était pas établie et que la rupture des relations commerciales entre la société D+ TP et la société JC Decaux n'a pas été brutale au sens des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

Débouté Me Verrechia ès-qualités de ses demandes,

Condamné Me Verrechia, ès-qualités au paiement de la somme de 500 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en frais privilégiés de LJ.

Par acte du 7 janvier 2009 Me Verrechia, ès-qualités, a interjeté appel de cette décision intimant la seule SA JC Decaux.

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 26 juillet 2010, l'appelant demande à la cour de :

Vu les articles L. 442-6 et suivants du Code de commerce,

Vu les dispositions de l'article 1142 et suivants du Code civil,

Réformer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Constater la résiliation de fait au titre des deux contrats de prestations de services aux torts de la SA JC Decaux,

La condamner au paiement de la somme de 250 000 euro à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de la rupture contractuelle, outre les intérêts de droits et capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1153-1 et 1154 du Code civil,

Subsidiairement,

Ordonner une mesure d'expertise afin de définir le montant du préjudice subi en termes de marge brute par la société appelante,

Condamner la société JC Decaux à payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 20 décembre 2010, la SA JC Decaux demande à la cour de :

Vu l'article D. 442-3 du Code de commerce,

Dire irrecevable l'appel de Me Verrechia ès-qualités, pour avoir été interjeté devant une cour d'appel incompétente pour en connaître,

Subsidiairement,

Confirmant le jugement attaqué,

Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce,

Vu l'article 146 du Code de procédure civile,

Constater que le jugement est définitif à l'égard de la société Avenir,

Dire en conséquence la société Avenir hors de cause,

Dire que la société JC Decaux n'entretenait pas de relation commerciale établie avec la société D+ TP,

En conséquence,

Débouter Me Verrechia ès-qualités de son appel,

Très subsidiairement,

Le débouter de ses demandes indemnitaires,

A titre infiniment subsidiaire,

Le débouter de sa demande d'expertise,

Le condamner au paiement de la somme de 5 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture est intervenue en l'état le 27 avril 2011.

Motifs

Sur la compétence de la cour de céans :

Attendu que l'article 8 du décret du 11 novembre 2009 précise, d'une part, qu'il entrait en vigueur le premier jour du mois suivant sa publication, à l'exception des articles 5 et 6 qui entraient en vigueur à sa date de publication, et, d'autre part, que la juridiction " primitivement saisie " demeurait compétente pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à son entrée en vigueur, et ce, conformément aux dispositions de l'article 93 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;

Attendu que l'article 2 du décret ayant créé l'article D. 442-3 du Code de commerce est entré en vigueur le 1er décembre 2009 ;

Attendu qu'aux termes de l'article D. 442-3 du Code de commerce, " Pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et les ressort des juridictions commerciales compétentes en Métropole et dans les départements d'Outre-Mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre. La Cour d'appel de Paris est compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions ";

Attendu que si la Cour de Paris est compétente pour connaître des appels formés contre les décisions du Tribunal de commerce de Marseille, désormais seul compétent à connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce dans le ressort des Cours d'appel d'Aix-en-Provence, Bastia, Montpellier et Nîmes, il n'en demeure pas moins que la procédure engagée l'a été le 26 novembre 2008, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 11 novembre 2009 et que, sauf à conférer un effet immédiat au seul niveau de l'appel, contraire à l'interprétation stricte du nouvel article D. 442-3 dernier alinéa du Code de commerce, disposition particulière dérogatoire du droit commun, la cour de céans demeure seule compétente pour connaître de l'appel de Me Verrechia ès-qualités ;

Attendu que l'exception de compétence opposée par l'intimée sera en conséquence écartée ;

Attendu qu'il convient de constater que le jugement est définitif, en tant qu'il a mis hors de cause la société Avenir, qui n'a pas été intimée :

Sur la nature des relations des parties :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels " ;

Attendu que la société D+ TP créée fin 2006 a conclu avec la société JC Decaux le 29 septembre 2006 un contrat ayant pour objet de " définir aux entreprises prestataires de services suivants : Pose/Dépose des mobiliers de publicité extérieure, toute intervention se rapportant aux activités relatives à la publicité extérieure, les conditions et les procédures qualitatives qu'elles se doivent de respecter pour être fournisseurs agréés de la société JC Decaux SA ", ce contrat étant dénommé " cahier des charges contractuel destiné aux entreprises prestataires de services " ;

Attendu que la société D+ TP était donc prestataire des services ci-dessus définis de la société JC Decaux ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que pour l'exercice 2006 le volant d'affaires facturées par D+ TP à la société JC Decaux a été de 19 955 euro, de 209 443,31 euro pour 2007 et de 83 670,79 euro pour 2008, la société D+ TP n'ayant plus reçu de commandes de travaux à compter de mai 2008 ;

Attendu que la société D+ TP s'est plainte le 19 septembre 2008 auprès de la société JC Decaux de la rupture brutale, sans préavis écrit, de la relation commerciale établie en tant que sous-traitante et lui a réclamé une indemnisation de ce chef ;

Attendu que le tableau produit par la société JC Decaux démontre que les travaux confiés à la société D+ TP représentaient 8,33 % de celui de l'ensemble de ses sous-traitants en 2006, 25,62 % en 2007 et 27,84 % en 2008, étant noté que, pour tous, le flux des commandes développé en 2007 a diminué considérablement en 2008, soit de 145 % pour la société CEPM, de 226 % pour la société PMP et de 150 % pour l'appelante ;

Attendu que la société JC Decaux passait commande aux prestataires de services agréés qu'elle dénommait " sous-traitants ", de travaux de pose et dépose de mobilier urbain qu'elle-même devait réaliser dans le cadre de marchés publics dont elle était attributaire pour un temps limité ;

Attendu que les chiffres de 2008 démontrent la baisse de l'activité de la société JC Decaux au titre des travaux réalisés dans la région Paca, en raison de la non-obtention de nouveaux marchés, celui relatif au contrat de mobilier urbain de la communauté urbaine Marseille n'ayant été remporté qu'en janvier 2009 ;

Attendu qu'eu égard à la nature des prestations en cause et des contrats dans le cadre desquels elles intervenaient, il existait un aléa quant à la régularité des commandes passées aux entreprises et leur volume, tenant à l'incertitude sur le renouvellement desdits marchés et leur attribution à la société JC Decaux, aléa que ne pouvait ignorer la société D+ TP ;

Attendu que, prestataire de services de JC Decaux pour des travaux particuliers et limités, commandés au fur et à mesure des besoins, elle ne pouvait légitimement s'attendre à la stabilité de la relation commerciale nouée avec cette société et à la permanence d'un volume d'affaires sur lequel la société JC Decaux ne s'était d'ailleurs pas engagée ;

Attendu qu'elle ne peut donc soutenir que la société JC Decaux a rompu brutalement une relation commerciale " établie " au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Attendu qu'elle ne peut non plus se plaindre de n'avoir pas plus diversifié sa clientèle, ce choix résultant de sa stratégie commerciale ;

Attendu que le jugement querellé sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'il n'est pas contraire à l'équité de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que Me Verrechia, ès-qualités, sera condamné aux entiers dépens, tirés en frais privilégiés de procédure collective ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière commerciale, Ecarte l'exception d'incompétence opposée devant la cour par la société JC Decaux, Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute Me Verrechia, ès-qualités, de ses demandes, fins et conclusions, Déboute la société JC Decaux de sa demande de frais irrépétibles, Condamne Me Verrechia, ès-qualités, aux entiers dépens, tiré en frais privilégiés de procédure collective distraits au profit de la SCP Tollinchi avoué, sur son affirmation d'en avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.