CA Aix-en-Provence, 2e ch., 15 juin 2011, n° 11-03547
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Armstrong Metalldecken AG (Sté), Armstrong Building Products (SAS)
Défendeur :
Multi Bât Agencements (SARL), Abitbol (ès qual.), Gorrias (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon
Conseillers :
MM. Fohlen, Jacquot
Avoués :
SCP de Saint Ferreol-Touboul, SCP Bottai Gereux Boulan
Avocats :
Mes Rouhette, Vidal
La SARL Multi Bât Agencements, architecte d'intérieur, dépendant du groupe MBA, était titulaire de différents lots de marchés de travaux pour la construction de la Tour CMA/CGM à Marseille, dont le lot : faux-plafonds métalliques (ossatures et bacs). Elle a conclu, le 16 juillet 2008, avec la société Armstrong Metalldecken AG, société de droit suisse, dépendant ainsi que la SAS Armstrong Building Products, société de droit français, du Groupe de sociétés Armstrong, un contrat relatif à la fabrication et à la fourniture de plafonds métalliques (plaques ou panneaux de 4 types différents successivement mis en œuvre). Le planning d'intervention prévoyait pour date finale de la fourniture : " décembre 2009 ", avec " assistance " qualifiée de " synthèse ", fournie par la société Armstrong Metalldecken AG.
Des difficultés d'exécution du contrat de fabrication et fourniture des faux-plafonds métalliques sont apparues en avril/mai 2009 (retards constatés sur le planning du chantier notamment). La SARL Multi Bât Agencements a pris l'initiative d'une procédure de référé aux fins, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 4° du Code de commerce, d'obtenir la livraison d'éléments de plafonds métalliques (plaques de types standard, spécial, semi-spécial et final et ossatures). Une ordonnance de référé en date du 11 février 2010 a contraint la société Armstrong Metalldecken AG à procéder, sous astreinte provisoire, à la livraison de certains matériaux pour approvisionner le chantier de la Tour CMA/CGM. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt en date du 1er juillet 2010 a réformé cette ordonnance et dit n'y a voir lieu à " livraison des pièces et matériaux ".
La SARL Multi Bât Agencements a fait l'objet d'un redressement judiciaire, le 15 avril 2010, puis a bénéficié d'un plan de redressement par continuation, le 1er mars 2011.
Par jugement contradictoire en date du 16 février 2011, sur assignation en date du 9 août 2010, le Tribunal de commerce de Marseille s'est déclaré territorialement compétent pour connaître de demandes formées par la SARL Multi Bât Agencements sur le fondement de l'article L. 442-6 I 4° du Code de commerce et des articles 1134 et 1135 du Code civil et a condamné in solidum la société Armstrong Metalldecken AG et la SAS Armstrong Building Products à payer à la SARL Multi Bât Agencements *la somme de 267 081,01 euro au titre d'un trop versé sur le contrat conclu pour un montant " initial " de 720 159,24 euro, *la somme de 698 618,48 euro au titre du coût " des solutions de substitution " mises en place par la SARL Multi Bât Agencements pour achever le chantier et *la somme de 30 000 euro au titre du préjudice commercial et lié à l'atteinte à l'image de marque, outre celle de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et l'affichage et la publication dans cinq périodiques de la décision, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions. L'exécution provisoire a été arrêtée, le 1er avril 2011, par ordonnance de référé du Premier Président.
La société Armstrong Metalldecken AG et la SAS Armstrong Building Products ont régulièrement fait appel de ce jugement dans les formes et délais légaux. Une fixation par priorité (article 917 du Code de procédure civile) a été ordonnée, le 14 mars 2011.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n° 98-1231 en date du 28 décembre 1998.
Vu les conclusions de la société Armstrong Metalldecken AG et de la SAS Armstrong Building Products en date du 13 mai 2011 tendant à faire juger :
- que le Tribunal de commerce de Marseille était territorialement incompétent en application de la clause attributive de compétence figurant sur 78 confirmations de commandes/factures émises par la société Armstrong Metalldecken AG,
- qu'une telle clause est valable au regard de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 (son acceptation expresse n'étant pas requise par la jurisprudence, l'acceptation tacite par paiement des factures contenant la clause suffisant),
- que la nature délictuelle de l'action fondée sur l'article L. 442-6 I 4° du Code de commerce n'empêche pas que la clause attributive de compétence produise effet à l'égard de tout litige né du contrat,
- subsidiairement, que *l'article 14 du Code civil ne peut être invoqué par la SARL Multi Bât Agencements à l'encontre de la société Armstrong Metalldecken AG, la Convention de Lugano excluant l'application d'un tel texte, *que s'il était retenu la nature délictuelle de l'action, le lieu où le dommage s'est produit est en Suisse où la rétention des livraisons a eu lieu, *que sur le fondement de l'article 46 du Code de procédure civile à l'égard de la SAS Armstrong Building Products, le lieu où le dommage a été subi est celui où la SARL Multi Bât Agencements a son siège social, soit à Paris,
- subsidiairement au fond, que le marché n'avait pas le caractère forfaitaire, le prix indiqué étant un prix "approximatif", seuls les prix unitaires des différents matériaux étant intangibles pour des pièces variant au nombre non déterminé, outre que des coûts supplémentaires pour des dimensions autres que celles mentionnées au marché, étaient envisagés,
- que le prix de " l'assistance technique " n'était pas " fixe ", un prix unitaire par jour étant seul déterminé,
- que la société Armstrong Metalldecken AG n'a commis aucun manquement dans l'exécution de ses obligations contractuelles notamment tarifaires et que le contrat prévoyait le paiement des matériaux préalable à leur livraison si bien qu'aucun reproche ne peut lui être fait d'avoir retenu des livraisons,
- que les retards pris dans la fabrication et la livraison des plaques sont imputables à la SARL Multi Bât Agencements qui a effectué des paiements tardifs et qui n'a su prendre les mesures exactes des plaques,
- que la SAS Armstrong Building Products n'a pas engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la SARL Multi Bât Agencements, la preuve de manquements de cette nature n'étant pas faite par la SARL Multi Bât Agencements ;
Vu les conclusions récapitulatives de la SARL Multi Bât Agencements en date du 12 mai 2011 tendant à faire juger :
- que le Tribunal de commerce de Marseille était bien compétent territorialement, la clause attributive de compétence n'étant pas insérée dans le contrat du 16 juillet 2008, mais figurant sur des confirmations de commande est inopposable, de plus l'action intentée est de nature délictuelle, fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce (menace brandie par la société Armstrong Metalldecken AG de ne plus alimenter le chantier), ce qui détermine la compétence du Tribunal de commerce de Marseille, selon l'article 46 du Code de procédure civile lieu où le dommage a été subi (préjudice d'image, préjudice de non-achèvement du chantier...) et lieu où le fait dommageable s'est produit,
- que la SAS Armstrong Building Products a engagé sa responsabilité délictuelle en intervenant régulièrement sur le chantier aux côtés de la société Armstrong Metalldecken AG et en participant à des réunions, son "implication" constante dans l'opération étant avérée,
- que le prix du marché est " un prix ferme et non révisable ", un prix forfaitaire excluant des prix unitaires par éléments, outre une assistance technique rémunérée à hauteur de 75 000 euro pour la prise (qualifiée de " synthèse ") des côtes des différents types de plaques à fabriquer à la charge de la société Armstrong Metalldecken AG,
- que malgré le caractère forfaitaire du marché, la société Armstrong Metalldecken AG s'est livrée à un " chantage " en exigeant à l'occasion de chaque commande un prix supérieur sous la menace de ne plus approvisionner le chantier et en fixant, le 4 novembre 2009, le prix du marché à 1 700 000 euro, soit 2,5 fois le prix forfaitaire, 720 159,24 euro,
- que, par ailleurs, la société Armstrong Metalldecken AG a manqué à plusieurs autres obligations contractuelles (non-respect des délais de livraison, erreurs de dimensions...),
- que les conditions d'application d l'article L. 442-6 du Code de commerce sont réunies, la société Armstrong Metalldecken AG ayant tenté d'obtenir des conditions de paiement du prix manifestement abusives sous la menace d'un arrêt d'approvisionnement du chantier,
- que la société Armstrong Metalldecken AG doit restituer la somme versée au-delà du prix forfaitaire (267 081,01 euro) et indemniser la SARL Multi Bât Agencements de ses préjudices : retards de livraisons qui ont entraîné un sous-emploi de main d'œuvre (702 336 euro), coût de prise des côtes assurée par la SARL Multi Bât Agencements (1 459,48 euro), coût d'intervention d'autres entreprises pour substituer la société Armstrong Metalldecken AG 698 618,48 euro, atteinte à l'image (30 000 euro), outre la publication et l'affichage de la décision à intervenir.
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 16 mai 2011.
Attendu que les demandes en paiement de la SARL Multi Bât Agencements sont fondées sur l'article L. 442-6 (I) 4 du Code de commerce et sur les articles 1134 et 1135 du Code civil ; qu'elle allègue une violation de la société Armstrong Metalldecken AG et de la SAS Armstrong Building Products aux dispositions du premier texte légal cité et des manquements de la société Armstrong Metalldecken AG à ses obligations contractuelles ; que la clause attributive de compétence territoriale " en cas de litige afférent au présent contrat " qui est invoquée, vise tous les litiges nés du contrat ; qu'une telle clause visant tout manquement d'un cocontractant (spécialement un comportement contraire à l'article L. 442-6 du Code de commerce, quel que soit le comportement incriminé (en l'espèce, la tentative de la part de la société Armstrong Metalldecken AG d'obtenir des conditions manifestement abusives sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales), doit trouver application, peu important que les dispositions impératives constitutives de lois de police française régissent le fond du litige et peu important que l'action ait un fondement de nature quasi-délictuelle ou délictuelle ; que l'article L. 442-6 du Code de commerce qui régit une partie du présent litige n'a pas un caractère impératif tel que la clause attributive de compétence territoriale invoquée ne puisse jouer et soit écartée ; qu'il convient de rechercher si la clause attributive de compétence territoriale invoquée par la société Armstrong Metalldecken AG a été valablement conclue entre les parties ;
Attendu que le contrat dont s'agit est régi par la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 ; qu'aux termes de l'article 23 de ladite Convention, " si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État lié par la Convention, sont convenues d'un tribunal d'un État lié par la Convention pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal est compétent. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de compétence est conclue :
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, [...] " ;
que la société Armstrong Metalldecken AG, postérieurement à la conclusion du contrat en date du 16 juillet 2008 qui ne comportait aucune clause attributive de compétence territoriale, a adressé à la SARL Multi Bât Agencements une série de 78 " confirmations de commande " sur lesquelles figurait une clause attributive de compétence territoriale au profit " du Tribunal de Saint-Gall, Suisse " ; que ces confirmations de commandes valant facturation n'ont pas été signées par la SARL Multi Bât Agencements, malgré un emplacement réservé à cet effet ; qu'il ne peut être déduit de ces envois, du paiement des sommes figurant sur les " confirmations de commande " et d'une absence de " protestation ", l'acceptation tacite par la SARL Multi Bât Agencements de la clause attributive de compétence territoriale après formation d'une convention verbale portant sur ce point ; que le contrat établi préalablement au premier envoi d'une " confirmation de commande " ne prévoyait pas qu'un tribunal déterminé serait compétent en cas de litige ; que les " confirmations de commande " ou factures émises en exécution de ce contrat, non revêtues de la signature d'un représentant de la SARL Multi Bât Agencements, ne peuvent valoir acceptation de la clause attributive de compétence territoriale ;
Attendu qu'il convient donc, en l'absence de clause attributive de compétence territoriale valable, de faire application de l'article 5 de la Convention de Lugano qui dispose qu'une " personne domiciliée sur le territoire d'un État lié par la Convention peut être attraite, dans un autre État lié par la Convention, 1. a ) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée (le lieu qui sert de base à la demande étant en matière de vente de marchandises, le lieu d'un État lié par la Convention où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées) ou 3. en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire " ; que les plaques et éléments des faux-plafonds ont été et devaient être livrés à Marseille sur le chantier de la Tour CMA/CGM et le fait dommageable incriminé : l'arrêt de l'approvisionnement du chantier s'est produit au même lieu ; que le Tribunal de commerce de Marseille a donc justement retenu sa compétence à un double chef ;
Attendu au fond que la SARL Multi Bât Agencements ne dispose d'aucune action soit, de nature contractuelle, soit de nature délictuelle ou quasi-délictuelle à l'encontre de la SAS Armstrong Building Products avec laquelle elle n'est pas liée contractuellement ; que le fait que la SAS Armstrong Building Products, autre filiale du Groupe Armstrong, qui fabrique en France, des éléments, (panneaux ou plaques pour faux-plafonds) ait été destinataire, avec d'autres opérateurs, de quelques courriers ou mails au cours de l'exécution du chantier ne lui donne pas la qualité de partie à un contrat ; que la SARL Multi Bât Agencements ne démontre que la SAS Armstrong Building Products, par son comportement ou son implication lors de réunions de chantier ou d'autres réunions de travail a commis une faute caractérisée et notamment s'est rendue coupable de menaces ou pressions visant à obtenir de SARL Multi Bât Agencements et au profit de la société Armstrong Metalldecken AG des conditions de paiement de prix manifestement abusives ; que la SARL Multi Bât Agencements sera déboutée de sa demande dirigée contre la SAS Armstrong Building Products ;
Attendu que le document intitulé " accord & conditions " en date du 16 juillet 2008, valant document contractuel, vise une offre FR080101.101 du 9 juillet 2008 et son annexe ; que la clause 5.1 du contrat, intitulée " Prix ", stipule : " Prix ferme et non révisable. Valeur décembre 2009 " ; que la clause initialement envisagée qui prévoyait une " adaptation " des prix " pendant le déroulement du projet ", a été rayée ; que l'annexe détaillait précisément le nombre d'éléments, notamment 32 types de plaques avec un descriptif selon leur forme, outre des éléments pour l'ossature, et mentionnait leur prix unitaire ; que la multiplication du nombre précis des différents éléments (à l'unité près pour certaines plaques dénombrées, parfois, en plusieurs milliers d'exemplaires) par leur prix unitaires était opérée, représentant une somme de 517 324,99 euro pour les 32 types de plaques et 127 834,25 euro pour les autres éléments d'ossature décrits précisément, soit 645 159,24 euro au total ; que le " prix base " était uniquement valable pour une commande de la totalité du projet, (commande qui devait être effectuée en une seule fois) et les quantités précisément décrites pouvaient varier de + ou - 5 % ; que tous ces éléments réunis induisent qu'il s'agit bien d'une vente à un prix forfaitaire global de matériaux précisément décrits et recensés en nombre et à la valeur unitaire, puis globale exactement fixées, ces matériaux devant être mis en œuvre dans la construction d'un immeuble déterminé ;
Attendu qu'une prestation qualifiée dans le contrat de " synthèse " et décrite comme " mise à disposition de deux techniciens dessinateurs sur le site de Marseille prix estimatif pour environ 120 jours à 625 euro/le jour soit 75 000 euro, frais de déplacement inclus, MBA (la SARL Multi Bât Agencements) déterminera le besoin et le nombre de jours nécessaires sur site afin d'arrêter la synthèse permettant à Gema (la société Armstrong Metalldecken AG) de produire les plans d'exécution de la fabrication des bacs sous sa seule responsabilité " , était à la charge de la société Armstrong Metalldecken AG et rémunérée à hauteur de 75 000 euro ; que cette prestation consistait notamment à effectuer des relevés de côtes permettant à la société Armstrong Metalldecken AG de fabriquer certaines plaques dites d'ajustage à des dimensions précises ; que le déroulement du chantier faisait que la fabrication de certaines plaques dites d'ajustage et leur pose intervenaient en fin de chantier pour tous les étages concernés (27 ou 31), après que le relevé des cotes des plaques dites standard déjà posées a été effectué ; que ce processus de pose (prise de cotes après la pose des plaques standard pour les faux-plafonds de tous les étages et participation de la société Armstrong Metalldecken AG à ces relevés) est attesté par des documents techniques unifiés, des experts en bâtiment, le maître d'œuvre de l'opération (cf sa lettre du 7 juillet 2009 le rappelant expressément) et même des mails de la société Armstrong Metalldecken AG (cf le 21 septembre 2009 " nous aimerions terminer la prise de ces mesures " ; que la société Armstrong Metalldecken AG reconnaît expressément dans un mail du 12 juin 2009 qu'il " avait été convenu de fournir une aide sur le chantier à hauteur de 120 heures pour effectuer les prises de cotes qui sont nécessaires pour la fabrication des plaques spéciales " et elle a détaché sur le chantier l'un de ses salariés (Monsieur Mignot) pour apporter l'assistance technique et " pour prendre les cotes des plaques nécessaires à la fabrication " ;
Attendu que le document intitulé " accord & conditions " en date du 16 juillet 2008 mentionnait en son article 5.5 intitulé " conditions de paiement " qu'il devait intervenir " à réception de la confirmation de commande, avant la livraison de la marchandise, par virement bancaire, chèque non admis, facturation par camion " ; que l'article 5.6 prévoyait un délai de fabrication de 4 à 5 semaines " après réception de la commande précise " émanant de la SARL Multi Bât Agencements ;
Attendu que des difficultés d'avancement des travaux du lot faux-plafonds métalliques confié à la SARL Multi Bât Agencements sont apparues au mois d'avril 2009 ; que le maître d'œuvre, la société SRA Architectes, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 avril 2009, a mis en demeure la SARL Multi Bât Agencements de résorber son retard, lui reprochant des retards dans la livraison des plaques ou bacs et également une mauvaise organisation du chantier, un manque d'effectif des poseurs, un manque d'encadrement, un manque de suivi dans les stocks et approvisionnements des bacs métalliques ; que, le 7 juillet 2009, une nouvelle mise demeure encore plus sévère était adressée à la SARL Multi Bât Agencements visant de nombreux manquements (sous-effectif patents en personnels 13 au lieu de 20) sans rapports avec l'activité du fournisseur des plaques et indiquant notamment que " les problèmes évoqués avec la société Gema intervenant comme sous-traitant de votre fournisseur Armstrong n'ont d'autre but que de tenter de masquer les carences MBA dans l'organisation mise en place pour ce projet et la mauvaise communication entre responsables d'études MBA et l'usine Gema " ; que le maître d'œuvre attribue les retards pris et l'échec du plan de " rattrapage " des délais principalement à " la carence flagrante " de la SARL Multi Bât Agencements dans la conduite du chantier ;
Attendu que la SARL Multi Bât Agencements a accepté des délais de fabrication et des conditions de paiement (avant livraison des marchandises), rigoureux ; qu'elle ne démontre pas que jusqu'à la fin du mois d'août 2009, les retards dans la livraison des marchandises soient imputables essentiellement à la société Armstrong Metalldecken AG qui a effectivement appliqué sans souplesse le contrat et " a retenu " à de nombreuses reprises, conformément au contrat, les livraisons de marchandises dans l'attente des paiements ; que la SARL Multi Bât Agencements ne peut se plaindre de la rigueur des conditions d'un contrat auquel elle est partie ;
Attendu cependant que la SARL Multi Bât Agencements qui s'est effectivement prévalu tardivement du caractère forfaitaire du prix du contrat et qui avait réglé intégralement ce prix était, en droit de réclamer, comme elle l'a fait, le 9 novembre 2009, la livraison des plaques d'ajustage " restantes " (représentant, selon elle, 10 % du marché) ; que la société Armstrong Metalldecken AG qui a réclamé en réponse, le 8 décembre 2009, le paiement d'une somme de 132 605 euro au titre des factures qu'elle estimait impayées pour l'assistance technique et d'une autre de 31 879,07 euro HT au titre de factures pour des plaques fabriquées, prêtes à être livrées, et qui conditionnait la reprise de d'approvisionnement du chantier à ces deux paiements, ne pouvait le faire ; qu'ayant reçu en paiement le montant du marché forfaitaire et n'ayant pas obtenu d'accord pour un dépassement du prix forfaitaire, y compris pour la prestation d'assistance technique, elle ne pouvait suspendre ou même cesser l'approvisionnement du chantier ; qu'il est à noter que la SARL Multi Bât Agencements invoque un surenchérissement du prix du marché à 1 700 000 euro, sans aucunement démontrer que de telles sommes ont été exigées d'elle, lors d'une réunion tenue, le 4 novembre 2009 (le seul fait d'en faire état dans sa lettre du 9 novembre 2009 étant inopérant) ; qu'il n'en demeure pas moins que la société Armstrong Metalldecken AG a exigé, à tort, (par suite d'une interprétation erronée d'un contrat à la rédaction approximative), le paiement des sommes, fussent-elles plus modiques ;
Attendu que la SARL Multi Bât Agencements peut invoquer les dispositions de l'article L. 442-6 (I) 4 du Code de commerce, comme celles, d'ailleurs, de l'article 1134 du Code civil relatives à l'exécution de bonne foi des contrats ; que la société Armstrong Metalldecken AG a interrompu brutalement l'exécution du contrat en exigeant de la SARL Multi Bât Agencements des conditions tarifaires manifestement abusives, par rapport aux obligations qui avaient été définies et négociées entre les parties ;
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution des sommes versées au-delà du " prix forfaitaire et non révisable " ; que la réparation du double manquement au contrat et à la loi sera assurée par l'allocation d'une somme de 195 000 euro eu égard aux éléments de préjudice communiqués au débat par les parties ; qu'il convient de considérer que le marché à hauteur au total de 720 159,24 euro HT, était exécuté à environ 90 % de son montant lorsque la société Armstrong Metalldecken AG a interrompu, indûment, l'approvisionnement du chantier ; que la SARL Multi Bât Agencements ne peut obtenir le paiement de deux factures qu'elle a établies à titre d'indemnités pour retards dans la livraison aux mois de septembre et octobre 2009 dès lors que ces retards ne sont pas imputables à la société Armstrong Metalldecken AG qui est seulement responsable d'avoir mis fin au contrat en novembre 2009, outre que le sous-emploi de salariés de la SARL Multi Bât Agencements n'est nullement établi (aucun document notamment nominatif sur la situation desdits salariés) ; que le coût des " solutions de substitution " mises en œuvre par la SARL Multi Bât Agencements (698 618,48 euro) apparaît particulièrement élevé et injustifié, s'agissant d'effectuer une fraction (10 %) d'un marché de 645 159,24 euro, soit environ une fourniture de plaques, fussent-elles d'ajustage, d'une valeur de 65 000 euro ; qu'un surenchérissement du prix peut être admis eu égard à l'urgence à terminer le chantier et à la spécificité des plaques d'ajustage, mais qu'il conviendra d'en limiter le montant ; que la SARL Multi Bât Agencements ne peut obtenir un préjudice d'image ou d'atteinte à sa réputation aux yeux " d'interlocuteurs ", opérateurs du secteur économique dès lors que si atteinte il y a eu, notamment aux yeux du maître d'œuvre, celui-ci a pu apprécier que la SARL Multi Bât Agencements a grandement participé aux carences constatées dans l'exécution de son lot ;
Attendu que s'agissant de rapports purement privés et d'un comportement de la société Armstrong Metalldecken AG ne dénotant pas d'excès caractérisé de sa part (elle a effectué une mauvaise lecture ou interprétation (possible) du contrat du 16 juillet 2008), il n'y a pas lieu d'ordonner des mesures de publicité sur le fondement de l'article L. 442-6 III du Code de commerce ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre, en cause d'appel, la condamnation prononcée par les premiers juges étant maintenue ;
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Déclare recevable l'appel interjeté par la société Armstrong Metalldecken AG et par la SAS Armstrong Building Products. Au fond, confirme le jugement déféré en ses dispositions condamnant la société Armstrong Metalldecken AG (uniquement) à payer à la SARL Multi Bât Agencements la somme de 267 081,01 euro avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2009 et celle de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. La réforme en toutes ses autres dispositions. Statuant à nouveau et le modifiant, condamne la société Armstrong Metalldecken AG à porter et payer à la SARL Multi Bât Agencements la somme de 195 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement frappé d'appel. Déboute la SARL Multi Bât Agencements des ses demandes formées contre la SAS Armstrong Building Products. Condamne la société Armstrong Metalldecken AG aux dépens dont distraction au profit de la SCP d'Avoués Associés JM Bottai - PY Gereux - F. Boulan qui en a fait la demande, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.