Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 15 juin 2011, n° 08-19370

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Distri Club Medical (SA)

Défendeur :

Pharm'assistance 87 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fevre

Conseillers :

MM. Roche, Vert

Avoués :

SCP Ribaut, SCP Fanet Serra

Avocats :

Mes Duperray, Delirant

T. com. Paris, du 19 sept. 2008

19 septembre 2008

LA COUR,

Vu le jugement du 19 septembre 2008 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a, dans un litige opposant la société Distri Club Medical (DCM) et la société Pharm'assistance 87 (Pharm), notamment condamné cette dernière à payer à la société DCM la somme de 6 543,42 euro avec intérêts aux taux légal à compter du 20 février 2007, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, condamné la société DCM à payer à la société Pharm la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu l'appel de la société DCM et ses conclusions du 4 février 2011 par lesquelles elle demande notamment à la cour de constater qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations contractuelles et réformer le jugement entrepris sur ce point, dire que la résiliation du contrat par l'intimée est fautive et qu'elle a causé un préjudice à la société DCM, constater que la société Pharm a violé plusieurs de ses obligations contractuelles, dire que les factures dues à la société DCM sont fondées et réformer le jugement entrepris en ce qu'il a refusé le paiement de certaines d'entre elles; le confirmer en ce qu'il a accordé la société DCM le paiement de la redevance générale par la société Pharm; réformer le jugement entrepris en ce qu'il a refusé à la société DCM le bénéfice de la clause de non-affiliation; dire que la violation de son obligation par la société Pharm cause un préjudice significatif à la société DCM, réformer le jugement entrepris en ce qu'il condamné la société DCM aux entiers dépens et à payer à la société Pharm la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en conséquence, condamner la société Pharm à lui verser les sommes de 13 086, 84 euro TTC, 21 549, 91 euro TTC, 9 134,27 euro TTC, 13 086,84 euro TTC et 10 000 euro respectivement au titre de l'indemnité contractuelle pour résiliation fautive, de dommages-intérêts supplémentaires, des factures impayées augmentées des pénalités de retard à compter de la date d'échéance des factures, de l'indemnité contractuelle pour violation de l'obligation de non-affiliation et de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions du 29 mars 2011 par lesquelles la société Pharm demande notamment à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée la société Pharm de sa demande de dommages-intérêts et l'a condamnée à verser, au titre des redevances 2006, une somme de 6 543, 22 euro à la société DCM, condamner la société DCM à lui verser la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant que la société DCM, gérant un réseau de distribution de matériels médicaux, et la société Pharm, commercialisant ce type de produits, ont conclu un contrat de franchise en octobre 1997, puis, en remplacement de celui-ci, un second contrat de franchise le 1er février 2004 et ce pour une durée déterminée de 5 ans expirant le 31 janvier 2009;

Considérant que, par courrier du 29 septembre 2006 la société Pharm, a reproché à la société DCM une violation du contrat consistant dans le fait d'avoir installé un nouveau distributeur, la société DCM 23, dans le département de la Creuse outre le nord de la Haute-Vienne; qu'en effet, selon la société Pharm, cette partie nord lui a été tacitement attribuée au fur et à mesure de l'exécution du contrat; qu'à l'issue de plusieurs échanges de courriers où les parties ont exposé leurs positions respectives mais antagonistes, la société Pharm a notifié la résiliation anticipée du contrat de franchise par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 décembre 2006 prenant effet le 10 janvier 2007, au motif de la violation par la société DCM de son obligation de respecter le territoire contractuellement concédé; que la société DCM, contestant les manquements contractuels allégués à son encontre reproche à son tour à la société Pharm divers manquements outre la résiliation anticipée fautive du contrat de franchise, tenant d'une part dans le non-paiement de redevances dues, d'autre part dans l'affiliation à un réseau concurrent en violation des stipulations contractuelles;

Sur la violation par la société DCM de la zone commerciale attribuée:

Considérant que le contrat précité comporte un article 21 ainsi rédigé: "Modification du contrat: Toute modification de l'une des stipulations du présent contrat ne sera valable et ne pourra prendre effet que si elle est stipulée par écrit et signée par les deux parties elles-mêmes ou en leur nom"; qu'il est constant qu'il n'y a pas eu de modification écrite;

Considérant que, par contrat du 1er février 2004, la société Pharm s'est vue attribuer le centre et le sud de la Haute-Vienne; qu'elle reproche à la société DCM d'avoir installé un concurrent en cours de contrat dans le nord de ce département, qui lui aurait été tacitement attribué; que selon la société DCM, la zone litigieuse ne fait pas partie du territoire commercial contractuellement concédé à la société Pharm; que si la société Pharm, sur qui pèse la charge de la preuve au regard des dispositions de l'article 1315 du Code civil, produit aux débats un ensemble de factures dont certaines tendent à établir l'existence d'une activité commerciale dans le nord de la Haute-Vienne, de telles pièces n'établissent cependant en rien la connaissance d'une telle activité par la société DCM ni a fortiori le fait que celle-ci y ait participé, ne fût-ce qu'indirectement; que la volonté tacite de la société DCM de modifier l'étendue du territoire originairement octroyé à la société Pharm n'est pas établie;

Considérant que le contrat ne comportait aucune obligation d'information de l'implantation d'un nouveau franchisé;

Considérant que la société Pharm reproche aussi à la société DCM d'avoir manqué à son obligation d'assurer une jouissance paisible du territoire contractuellement concédé, alléguant que le nouveau franchisé, DCM 23, aurait entrepris d'occuper le territoire concédé, notamment en implantant son siège social à la frontière des deux zones commerciales (à Ambasac), en distribuant ses cartes de visites à Limoges et en participant à un salon professionnel également à Limoges;

Considérant que l'article 4.3 du contrat stipule que "le franchiseur en garantit la jouissance paisible. À ce titre, il défendra le franchisé contre toute contrefaçon ou imitation", "le franchisé est tenu d'informer immédiatement le franchiseur de toute atteinte à l'un quelconque des éléments de la marque dans le territoire"; qu'il s'ensuit que la société DCM n'est responsable que dans la mesure de son information par le franchisé des contraventions commises sur son territoire commercial par un autre franchisé; qu'en l'espèce, la société Pharm ne démontre pas avoir satisfait à cette exigence; qu'en outre, aucun élément produit aux débats ou s'évinçant des faits de la cause ne permet d'inférer la connaissance nécessaire par la société DCM des faits imputés à DCM 23; qu'il convient en conséquence de débouter la société Pharm de ses demandes formées du chef de la violation du territoire commercial;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Pharm était mal fondée de résilier le contrat de façon anticipée le 10 janvier 2007 au motif d'une violation par le franchiseur de ses obligations et est donc mal fondée dans ses prétentions formées de ce chef;

Considérant que la société DCM demande que lui soient payés des dommages-intérêts compensant distinctement le manque à gagner résultant de la résiliation anticipée du contrat et la divulgation de savoir-faire auprès d'un réseau concurrent résultant de la réaffiliation subséquente;

Considérant que l'article 19.1 du contrat stipule "dans tous les cas où la résiliation est le fait du franchisé ou résulte d'un manquement du franchisé aux obligations mises à sa charge au titre du présent contrat, le franchisé s'engage à verser au franchiseur une indemnité à titre de clause pénale irréductible et sans que cela fasse obstacle à l'attribution de tous autres dommages-intérêts, dont le montant sera égal au total des redevances versées par lui en exécution des dispositions du paragraphe 10.3 durant les douze derniers mois précédant la rupture. Cette résiliation ne préjuge en rien des poursuites que le franchiseur pourrait engager à l'encontre du franchisé, afin de recouvrir les sommes échues ou à échoir jusqu'au terme du présent contrat"; qu'une clause pénale ne saurait être irréductible; que la somme due au titre de cette clause est d'un montant de 13 086,84 TTC; que cependant cette somme apparaît manifestement excessive eu égard au préjudice effectivement subi par la société DCM; qu'elle sera réduite à la somme de 2 000 euro;

Considérant sur la demande en dommages et intérêts pour violation de l'obligation de non-réaffiliation que l'article 17.3 du contrat stipule qu'en cas de violation de l'obligation de non-réaffiliation, "le franchisé sera tenu du paiement d'une indemnité forfaitaire et non réductible égale au montant des redevances versées ou dues au titre des douze derniers mois"; que s'agissant d'une contrepartie financière d'un manquement de la société Pharm à une de ses obligations, cette clause constitue une clause pénale réductible en application de l'article 1152 du Code civil; que cette clause est applicable dès lors qu'il est constant que la société Pharm a adhéré au cours de l'été 2007 à l'enseigne Acti Santé en violation de l'article 17.3 qui interdisait à la société Pharm d'adhérer à un groupement concurrent pour une durée d'un an à compter de la fin du contrat; que cependant le montant de 13 086,84 euro réclamé au titre de cette clause est manifestement excessif au regard du préjudice effectivement subi par la société DCM; qu'il sera réduit à la somme de 2 000 euro;

Sur le non-paiement de redevances dues par la société Pharm:

Considérant que le jugement entrepris a condamné la société Pharm à payer à la société DCM, la somme de 6 543, 22 euro, correspondant à la redevance fixe pour l'année 2006;

Mais considérant que la société Pharm justifie s'être acquittée de ces redevances antérieurement à la procédure, que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point; qu'en second lieu, s'agissant de la somme de 3 926,27 euro, correspondant à la redevance variable au titre des années 2005 et 2006, la société DCM prétend que le délai de 4 mois stipulé à l'article 10.3 du contrat, dont le non-respect entraîne la déchéance du droit au paiement, ne lui est pas applicable dans la mesure où, selon elle, ce délai n'a pas pu être respecté par la faute de la société Pharm qui ne lui aurait pas communiqué ses résultats d'exploitation en temps utile; que cependant la société DCM ne verse aux débats aucune mise en demeure de se faire adresser lesdits résultats par la société Pharm; qu'en conséquence, le jugement entrepris, qui a fait une exacte application de l'article 10.3 précité, sera confirmé de ce chef et la société DCM déboutée de sa demande; qu'en troisième lieu, s'agissant de la somme de 1 973,40 euro, correspondant à la moitié de la redevance publicitaire pour l'année 2006, la société DCM soutient que ce montant est dû en raison de la convention nationale de mai 2004 qui a porté le taux publicitaire de 0,5 % à 1 %; que néanmoins en l'absence de production aux débats de cette convention, ainsi que de l'acceptation qu'en aurait faite la société Pharm, seules les stipulations contractuelles régulièrement convenues et soumises à la cour de céans peuvent être appliquées; qu'en conséquence, dans la mesure où seul le taux de 0,5 % fait la loi des parties, la demande de la société DCM doit être rejetée; qu'en dernier lieu, s'agissant des autres factures produites, la société DCM n'établit pas la réalité des prestations qui en sont l'objet; que la demande formée de ce chef sera donc rejetée;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par ces motifs: infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Condamne la société Pharm à payer à la société DCM la somme de 2 000 euro TTC au titre de l'indemnité contractuelle pour résiliation fautive et la somme de 2 000 euro au titre de l'indemnité contractuelle pour violation de l'obligation de non-affiliation. Rejette toutes demandes plus amples ou contraires. Condamne la société Pharm au paiement des dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.