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Décisions

CJUE, 5e ch., 14 juillet 2011, n° C-303/09

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission européenne

Défendeur :

République italienne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Kasel

Avocat général :

Mme Trstenjak

Juges :

MM.Borg Barthet, Safjan (Rapporteur)

CJUE n° C-303/09

14 juillet 2011

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n'ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin, d'une part, de supprimer le régime d'aides déclaré illégal et incompatible avec le marché commun par la décision 2005-315-CE de la Commission, du 20 octobre 2004, concernant le régime d'aides mis à exécution par l'Italie en faveur des entreprises réalisant des investissements dans les communes frappées par les calamités naturelles de l'année 2002 (JO 2005, L 100, p. 46), et, d'autre part, de récupérer auprès des bénéficiaires les aides octroyées en vertu dudit régime, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE et des articles 2 à 6 de cette décision.

Le cadre juridique

2 Le treizième considérant du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88 CE] (JO L 83, p. 1), est libellé comme suit:

"considérant que, en cas d'aide illégale incompatible avec le marché commun, une concurrence effective doit être rétablie; que, à cette fin, il importe que l'aide, intérêts compris, soit récupérée sans délai; qu'il convient que cette récupération se déroule conformément aux procédures du droit national; que l'application de ces procédures ne doit pas faire obstacle au rétablissement d'une concurrence effective en empêchant l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission; que, afin d'atteindre cet objectif, les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l'effet utile de la décision de la Commission".

3 L'article 14 du règlement n° 659-1999, intitulé "Récupération de l'aide", énonce:

"1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée 'décision de récupération'). La Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général de droit communautaire.

2. L'aide à récupérer en vertu d'une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d'un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l'aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu'à celle de sa récupération.

3. Sans préjudice d'une ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes prise en application de l'article [242 CE], la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire."

4 Aux termes de l'article 23, paragraphe 1, du même règlement:

"Si l'État membre concerné ne se conforme pas à une décision conditionnelle ou négative, en particulier dans le cas visé à l'article 14, la Commission peut saisir directement la Cour de justice des Communautés européennes conformément à l'article [88, paragraphe 2, CE]."

Les antécédents du litige

5 Par sa décision 2005-315, la Commission a déclaré que le régime d'aides d'État mis en œuvre par la République italienne en faveur des entreprises qui ont réalisé des investissements dans les communes frappées par les calamités naturelles de l'année 2002 (ci-après le "régime d'aides en cause") est incompatible avec le marché commun.

6 Le régime d'aides en cause prévoyait l'octroi d'aides destinées à indemniser les dommages subis par les entreprises du fait des calamités qui ont frappé certaines zones géographiques du territoire italien au cours de l'année 2002.

7 Après avoir procédé à une appréciation détaillée du régime d'aides en cause, la Commission a conclu que celui-ci et le montant octroyé à chaque bénéficiaire n'avaient aucun rapport avec les dommages effectivement subis, mais dépendaient du volume des investissements réalisés pendant une certaine période ainsi qu'au cours des années précédentes et de l'existence d'un revenu imposable. Selon la Commission, ce régime ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 2, sous b), CE en tant que régime d'aides visant à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires.

8 La Commission a en outre considéré que la République italienne avait illégalement mis à exécution ledit régime.

9 Dans ces conditions, la Commission a constaté que la République italienne devait prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer les aides illégales auprès des bénéficiaires du régime d'aides en cause, sans préjudice des cas individuels qui remplissent les conditions pour être considérés comme compatibles avec le marché commun en application de la dérogation au titre de l'article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

10 Plus spécifiquement, les articles 1er à 7 de la décision 2005-315 sont libellés comme suit:

"Article premier

Le régime d'aides d'État en faveur des entreprises qui ont réalisé des investissements dans les communes frappées par les calamités naturelles de l'année 2002, visé à l'article 5-sexies du décret de loi n° 282-2002, introduit par la loi de conversion n° 27 du 21 février 2003, qui proroge pour certaines entreprises les bénéfices prévus à l'article 4, premier alinéa, de la loi n° 383 du 18 octobre 2001, illégalement mis en application par l'Italie en infraction à l'article 88, paragraphe 3, du traité, est incompatible avec le marché commun, sans préjudice des dispositions de l'article 3.

Article 2

L'Italie supprime le régime d'aides visé à l'article 1er dans la mesure où il continue à produire des effets.

Article 3

Les aides individuelles accordées en vertu du régime visé à l'article premier sont compatibles avec le marché commun en application de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité, dans la mesure où elles ne dépassent pas la valeur nette des dommages effectivement subis par chacun des bénéficiaires de ces aides du fait des calamités naturelles visées à l'article 5-sexies précité, compte tenu des montants perçus au titre d'assurances ou d'autres mesures.

Article 4

Les aides individuelles accordées en vertu du régime visé à l'article 1er et qui ne remplissent pas les conditions de l'article 3 sont incompatibles avec le marché commun.

Article 5

1. L'Italie prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires les aides visées à l'article 4.

2. L'Italie suspend tout versement d'aides à compter de la date de notification de la présente décision.

3. La récupération est effectuée sans délai et conformément aux procédures du droit national, à condition que celles-ci permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision.

4. Les aides à récupérer sont majorées des intérêts courus sur la période allant de la date de leur mise à la disposition des bénéficiaires jusqu'à leur récupération effective.

5. Les intérêts sont calculés conformément aux dispositions fixées dans le chapitre V du règlement (CE) n° 794-2004.

6. L'Italie enjoint à tous les bénéficiaires des aides visées à l'article 4 de rembourser, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, les aides accordées illégalement, majorées des intérêts.

Article 6

L'Italie informe la Commission, dans un délai de deux mois après notification de la présente décision, des mesures adoptées pour s'y conformer en complétant le questionnaire joint à la présente décision. En particulier, l'Italie transmet à la Commission, dans le même délai, tous les documents prouvant que les procédures de récupération ont été entamées auprès des bénéficiaires des aides illégalement accordées.

Article 7

La République italienne est destinataire de la présente décision."

La procédure précontentieuse

11 Le 22 octobre 2004, la décision 2005-315 a été notifiée à la République italienne.

12 Afin d'exécuter cette décision, les autorités italiennes ont adopté un certain nombre de mesures et ont informé la Commission de cette adoption. Ainsi, notamment, la procédure d'exécution s'est déroulée de la manière suivante:

- les autorités italiennes ont informé la Commission de l'adoption de la loi n° 29, du 25 janvier 2006 (supplément ordinaire à la GURI n° 32, du 8 février 2006, ci-après la "loi n° 29-2006"), en vigueur depuis le 23 février 2006, dont les dispositions prévoyaient, en particulier, l'interruption du régime d'aides en cause, ainsi que les modalités de l'identification, de la détermination et de la récupération des aides illégalement perçues;

- lesdites autorités ont fait parvenir à la Commission les modalités d'application de la loi n° 29-2006;

- l'Agenzia delle Entrate a adopté des codes de recouvrement pour la restitution des aides illégalement versées, a transmis aux structures territoriales des directives et des instruments pratiques pour la récupération de ces aides et, enfin, a adopté la procédure informatique appropriée pour le suivi de l'état d'avancement de la récupération;

- le législateur italien a tenté de résoudre le problème procédural résultant de la suspension des ordres visant à récupérer lesdites aides, prononcée par les juridictions nationales, en ayant recours à la voie législative, par l'adoption du décret-loi n° 59, du 8 avril 2008 (GURI n° 84, du 9 avril 2008, p. 3, ci-après le "décret-loi n° 59-2008"), en vigueur depuis le 9 avril 2008, converti en loi par la loi n° 101, du 6 juin 2008 (GURI n° 132, du 7 juin 2008, p. 4).

13 Tout au long de la procédure précontentieuse, la Commission a insisté sur la nécessité de procéder à l'exécution immédiate et effective de la décision 2005-315. En outre, elle a demandé, à plusieurs reprises, des informations et des éclaircissements supplémentaires portant sur les bénéficiaires des aides illégalement versées et les modalités d'adoption des dispositions réglementaires de recouvrement de ces aides. Les autorités italiennes ont informé la Commission, par plusieurs courriers consécutifs, de l'état et des modalités d'exécution de ladite décision.

14 La Commission a attiré l'attention de la République italienne sur le caractère insuffisant de la procédure mise en œuvre pour le recouvrement des aides illégalement perçues. Plus précisément, la décision de la Commission de saisir la Cour dans la présente affaire a été prise eu égard au fait que, plus de trois ans après l'adoption de la décision 2005-315, une partie seulement de ces aides a été récupérée, la Commission n'ayant pas même pu obtenir des informations précises en ce qui concerne un nombre considérable de bénéficiaires.

Sur le recours

Argumentation des parties

15 Dans sa requête, la Commission soutient, tout d'abord, que l'État membre destinataire d'une décision l'obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l'article 249, quatrième alinéa, CE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l'exécution de cette décision.

16 Selon la Commission, l'obligation de récupération constitue une véritable obligation de résultat. En outre, la récupération devrait être non seulement effective, mais aussi immédiate.

17 En ce qui concerne la nécessité d'adopter une loi et les mesures administratives de mise en œuvre correspondantes pour exécuter la décision 2005-315, la Commission aurait rappelé à plusieurs reprises que le choix d'un instrument législatif ne constituait pas le moyen le plus adéquat pour garantir l'exécution immédiate et effective de cette décision.

18 La Commission fait valoir, ensuite, que le seul moyen de défense susceptible d'être invoqué par la République italienne dans la présente affaire est celui tiré d'une impossibilité absolue d'exécuter correctement la décision 2005-315. Or, les autorités italiennes n'auraient jamais invoqué une quelconque impossibilité absolue à cet égard.

19 En tout état de cause, la condition relative à l'existence d'une impossibilité absolue d'exécution ne serait pas remplie lorsque l'État membre défendeur se borne, comme il le fait dans la présente affaire, à se prévaloir des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présente la mise en œuvre de la décision 2005-315.

20 S'agissant des décisions des juridictions nationales ordonnant la suspension des mesures de récupération, la Commission souligne que le principe d'effectivité doit s'appliquer également à l'égard de ces juridictions. En présence d'une éventuelle demande de suspension de l'exécution de la mesure de récupération présentée par le bénéficiaire, le juge national saisi serait tenu d'appliquer les conditions prévues par la jurisprudence de la Cour, afin d'éviter que la décision de récupération ne soit privée de son effet utile.

21 Or, dans la présente affaire, en l'absence d'informations fournies à cet égard par les autorités italiennes, il ne serait pas possible de vérifier si d'éventuelles décisions de sursis à l'exécution des mesures de récupération ont effectivement été adoptées par les juridictions nationales en tenant dûment compte de ladite jurisprudence. La Commission ajoute que la légalité de la décision 2005-315 n'a pas été contestée devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes et qu'aucun juge national n'a saisi la Cour à titre préjudiciel afin que cette dernière effectue un contrôle de la validité de cette décision.

22 En tout état de cause, bien que, en vertu du décret-loi n° 59-2008, en cas de suspension fondée sur des motifs ayant trait à l'illégalité de la décision de récupération, le juge national doive, en principe, ordonner le renvoi préjudiciel immédiat de la question devant la Cour, la Commission estime que cette législation nationale ne semble pas avoir eu d'effet significatif sur la pratique procédurale des juridictions nationales. En effet, plus de quatre ans après l'adoption de la décision 2005-315, les autorités italiennes devraient encore récupérer plus de 25 % des aides pour lesquelles une injonction de paiement a été envoyée.

23 En ce qui concerne, enfin, l'obligation d'information qui incombe à la République italienne en vertu tant de l'article 6 de la décision 2005-315 que de l'article 10 CE, la Commission relève que cet État membre ne lui a pas communiqué, dans les délais prescrits, toutes les mesures qu'il aurait dû prendre afin de se conformer à ladite décision.

24 La République italienne fait valoir que le droit de l'Union n'impose pas de suivre une procédure spécifique aux fins de la récupération des aides d'État illégalement versées, mais il exige uniquement que l'application des procédures nationales permette l'exécution immédiate et effective de la décision 2005-315.

25 C'est précisément afin d'assurer une telle exécution immédiate et effective que les autorités italiennes auraient jugé nécessaire d'adopter la loi n° 29-2006. En effet, dans l'ordre juridique italien, l'instrument normatif constituerait le moyen le plus approprié pour satisfaire aux exigences résultant du principe d'effectivité.

26 La République italienne relève également que, dans la volumineuse correspondance échangée entre la Commission et les autorités italiennes, ces dernières auraient signalé notamment les difficultés liées, d'une part, à la nécessité de calculer les montants dus et d'exclure de la récupération les bénéficiaires pour lesquels l'aide devait être considérée comme compatible avec le marché commun ainsi que, d'autre part, au fait que des recours formés par les bénéficiaires, accueillis par les juridictions nationales, excluaient la possibilité de procéder à la récupération des montants illégalement perçus.

27 S'agissant de l'argument de la Commission tiré de l'absence d'effectivité des procédures juridictionnelles nationales, la République italienne souligne les efforts du législateur ainsi que de l'autorité fiscale nationale. Dans ce contexte, cet État membre relève également qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir récupéré les aides illégalement versées lorsqu'une décision juridictionnelle fait obstacle à la récupération de celles-ci.

28 En ce qui concerne le moyen tiré par la Commission de la violation de l'obligation d'information, la République italienne soutient que l'obligation de récupération prévue par la décision 2005-315 n'est pas applicable à l'égard des bénéficiaires qui ont obtenu l'aide en violation des conditions établies par la réglementation nationale. En effet, la situation de ces derniers relèverait plutôt du régime de l'évasion fiscale. En outre, cet État membre a produit, en défense, un état complémentaire des sommes recouvrées en application de cette décision.

Appréciation de la Cour

29 Il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour que l'État membre destinataire d'une décision l'obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l'article 249 CE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l'exécution de cette décision (arrêt du 5 octobre 2006, Commission/France, C-232-05, Rec. p. I-10071, point 42 et jurisprudence citée).

30 Ledit État membre doit parvenir à une récupération effective des sommes dues (voir arrêts Commission/France, précité, point 42, et du 22 décembre 2010, Commission/Italie, C-304-09, non encore publié au Recueil, point 32). Une récupération tardive, postérieure aux délais impartis, ne saurait satisfaire aux exigences du traité (arrêts du 14 février 2008, Commission/Grèce, C-419-06, points 38 et 61, ainsi que Commission/Italie, précité, point 32).

31 Conformément à l'article 5, paragraphe 3, de la décision 2005-315, la République italienne était tenue de récupérer sans délai les aides illégalement perçues auprès des bénéficiaires. En outre, cet État membre était tenu, en vertu de l'article 6 de ladite décision, d'informer la Commission, dans un délai de deux mois après notification de cette même décision, des mesures adoptées pour s'y conformer.

32 Or, dans la présente affaire, il n'est pas contesté que, plusieurs années après la notification à la République italienne de la décision 2005-315 et après l'expiration des délais fixés par celle-ci, une partie des aides illégales n'a pas encore été récupérée par cet État membre. Une telle situation est manifestement inconciliable avec l'obligation de ce dernier de parvenir à une récupération effective des sommes dues et constitue une violation du devoir d'exécution immédiate et effective de cette décision.

33 S'agissant des moyens invoqués par la République italienne pour sa défense, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le seul moyen de défense susceptible d'être invoqué par un État membre contre un recours en manquement introduit par la Commission sur le fondement de l'article 88, paragraphe 2, CE est celui tiré d'une impossibilité absolue d'exécuter correctement la décision en cause (voir, notamment, arrêts du 20 septembre 2007, Commission/Espagne, C-177-06, Rec. p. I-7689, point 46; du 13 novembre 2008, Commission/France, C-214-07, Rec. p. I-8357, point 44; Commission/Italie, précité, point 35, et du 5 mai 2011, Commission/Italie, C-305-09, non encore publié au Recueil, point 32).

34 La condition relative à l'existence d'une impossibilité absolue d'exécution n'est pas remplie lorsque l'État membre défendeur se borne à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présentait la mise en œuvre de la décision, sans entreprendre une véritable démarche auprès des entreprises en cause afin de récupérer l'aide et sans proposer à la Commission des modalités alternatives de mise en œuvre de la décision qui auraient permis de surmonter ces difficultés (voir arrêt du 5 mai 2011, Commission/Italie, précité, point 33 et jurisprudence citée).

35 La Cour a également jugé qu'un État membre qui, lors de l'exécution d'une décision de la Commission en matière d'aides d'État, rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission doit soumettre ces problèmes à l'appréciation de cette dernière en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, l'État membre et la Commission doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions de l'Union des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l'article 10 CE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et, notamment, de celles relatives aux aides (arrêt du 22 décembre 2010, Commission/Italie, précité, point 37 et jurisprudence citée).

36 À cet égard, il convient de relever que ni dans ses rapports avec la Commission au cours de la procédure précontentieuse ni dans le cadre de la procédure devant la Cour la République italienne n'a invoqué une impossibilité absolue d'exécution de la décision 2005-315.

37 En effet, cet État membre s'est borné à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présentait la mise en œuvre de ladite décision.

38 En particulier, l'argumentation de la République italienne tirée des difficultés liées à la nécessité de calculer les montants dus et d'exclure de la récupération en cause les bénéficiaires pour lesquels l'aide devait être considérée comme compatible avec le marché commun ne saurait prospérer. Le fait que cet État membre éprouve la nécessité de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée, en vue d'effectuer un examen préalable afin d'identifier les bénéficiaires des avantages visés par la décision 2005-315, n'est pas de nature à justifier la non-exécution de cette décision (voir arrêt du 5 mai 2011, Commission/Italie, précité, point 37 et jurisprudence citée).

39 Il est vrai que, au cours de la procédure de récupération, le législateur italien a entrepris une démarche sérieuse en vue de garantir l'efficacité de cette récupération en adoptant, dans un premier temps, la loi n° 29-2006 et, dans un deuxième temps, le décret-loi n° 59-2008. En particulier, il ressort du dossier que cette loi prévoyait l'interruption du régime d'aides en cause, ainsi que les modalités de l'identification, de la détermination et de la récupération des aides illégalement perçues. Or, en vue d'accélérer le règlement des litiges déjà en cours, ce décret-loi était destiné à résoudre le problème procédural causé par la suspension des ordres visant à récupérer ces aides, prononcée par les juridictions nationales (arrêt du 5 mai 2011, Commission/Italie, précité, point 38).

40 Cependant, l'adoption des mesures mentionnées au point précédent n'a pas permis de remédier au retard dans la récupération des aides visées par la décision 2005-315. En effet, l'entrée en vigueur de ces mesures a été postérieure aux délais impartis par cette décision pour procéder à la récupération et leur intervention s'est avérée inefficace, dès lors que plusieurs années après la notification de la décision 2005-315 et jusqu'à la date d'introduction du présent recours, une partie des aides illégales n'a pas été récupérée par la République italienne.

41 À cet égard, il y a lieu d'observer que les démarches législatives destinées à garantir l'exécution, par les juridictions nationales, d'une décision de la Commission obligeant un État membre à récupérer une aide illégale, qui sont, comme en l'espèce, prises tardivement et qui s'avèrent inefficaces, ne satisfont pas aux exigences découlant de la jurisprudence visée aux points 29 et 30 du présent arrêt (arrêts précités du 22 décembre 2010, Commission/Italie, point 42, et du 5 mai 2011, Commission/Italie, point 40).

42 En outre, la République italienne fait valoir que la situation d'un certain nombre de bénéficiaires des aides en cause relève du régime de l'évasion fiscale et que, dans ce cas, l'obligation de récupérer les aides illégales n'est pas applicable.

43 À cet égard, il convient d'observer que la question de savoir si l'avantage accordé aux entreprises intéressées était conforme à la législation interne ou bien, au contraire, constituait un cas d'évasion ou de fraude fiscale est sans incidence sur l'obligation de l'État membre en cause de récupérer les aides dans les délais impartis (arrêt du 5 mai 2011, Commission/Italie, précité, point 42). D'éventuelles difficultés liées à la nécessité de contrôler les déclarations fiscales, dans le cadre des procédures nationales appropriées, ne sauraient justifier à elles seules, ainsi qu'il ressort des points 34 et 38 du présent arrêt, la non-exécution de la décision 2005-315 dans les délais prescrits.

44 Par ailleurs, il ressort du dossier que la République italienne n'a jamais demandé à la Commission de modifier la décision 2005-315 en vue de lui permettre de surmonter les difficultés liées à la mise en œuvre effective et immédiate de cette dernière.

45 S'agissant, en outre, de l'argument relatif à la faculté, pour les juridictions nationales, d'adopter des mesures de suspension au cours de la procédure de récupération de l'aide, il y a lieu de rappeler que de telles mesures peuvent être accordées sous réserve que soient réunies les conditions énoncées dans la jurisprudence (voir, notamment, arrêts du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest, C-143-88 et C-92-89, Rec. p. I-415, ainsi que du 9 novembre 1995, Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (I), C-465-93, Rec. p. I-3761).

46 En particulier, des mesures provisoires de suspension peuvent être ordonnées par une juridiction nationale si celle-ci a des doutes sérieux sur la validité de l'acte de l'Union et à la condition que la Cour soit saisie de la question de validité de l'acte contesté. Or, dans la présente affaire, les juridictions de l'Union n'ont pas été saisies d'une question portant sur la légalité de la décision 2005-315. En tout état de cause, il convient de constater que la République italienne n'a pas démontré que les autres conditions énoncées par la jurisprudence mentionnée au point précédent étaient remplies.

47 Il résulte de ce qui précède que le présent recours est fondé en ce que la Commission reproche à la République italienne de ne pas avoir pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès des bénéficiaires la totalité des aides octroyées en vertu du régime d'aides en cause qui a été déclaré illégal et incompatible avec le marché commun par la décision 2005-315.

48 Compte tenu de la conclusion énoncée au point précédent, il n'y a pas lieu de statuer sur le chef des conclusions de la Commission visant à faire condamner la République italienne pour ne pas l'avoir informée des mesures mentionnées audit point, étant donné que cet État membre n'a précisément pas procédé à l'exécution de la décision 2005-315 dans les délais prescrits (arrêt du 22 décembre 2010, Commission/Italie, précité, point 57 et jurisprudence citée).

49 En conséquence, il convient de constater que, en n'ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès des bénéficiaires la totalité des aides octroyées en vertu du régime d'aides déclaré illégal et incompatible avec le marché commun par la décision 2005-315, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 5 de cette décision.

Sur les dépens

50 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1) En n'ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès des bénéficiaires la totalité des aides octroyées en vertu du régime d'aides déclaré illégal et incompatible avec le marché commun par la décision 2005-315-CE de la Commission, du 20 octobre 2004, concernant le régime d'aides mis à exécution par l'Italie en faveur des entreprises réalisant des investissements dans les communes frappées par les calamités naturelles de l'année 2002, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 5 de cette décision.

2) La République italienne est condamnée aux dépens.