CA Pau, 1re ch., 31 août 2011, n° 09-04601
PAU
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Au Chêne Liège (SA)
Défendeur :
Carmouze
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Castagne
Conseillers :
M. Défix, Mme Beineix
Avoués :
SCP Marbot Crépin, SCP de Ginestet Duale Ligney
Avocats :
Me Dubernet de Boscq, Selarl Biais
Faits - Procédure - Prétentions
Suivant un contrat daté du 4 octobre 1999, M. Patrick Carmouze a exercé la mission d'agent commercial de la SA Au Chêne Liège dont le siège est situé à Soustons (40).
À la suite de la rupture des relations contractuelles entre les parties, M. Carmouze a fait assigner la société Au Chêne Liège suivant acte d'huissier du 8 décembre 2008, en paiement d'une indemnité compensatrice.
Suivant jugement du 15 décembre 2009, le Tribunal de commerce de Dax a condamné la société Au Chêne Liège à payer au demandeur la somme de 108 300,16 euro augmentée des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 7 juillet 2008 avec capitalisation et déconsignation de la somme séquestrée, en exécution d'un jugement du Juge de l'exécution de Dax, ainsi que la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Il a rejeté les demandes reconventionnelles présentées par la société défenderesse.
La SA Au Chêne Liège, représentée par son liquidateur amiable, a formé appel contre cette décision suivant déclaration au greffe du 24 décembre 2009.
La SA Au Chêne Liège a, dans le dernier état de ses conclusions (12 octobre 2010), sollicité principalement l'infirmation intégrale du jugement et la condamnation de l'intimé à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile et la somme de 3 000 euro sur celui de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle a également sollicité la mainlevée de la mise sous séquestre ordonnée par le juge de l'exécution.
La société Au Chêne Liège a expliqué que dans le cadre d'une procédure de liquidation amiable décidée par elle en raison des difficultés économiques rencontrées, elle a mis un terme au contrat d'agent commercial la liant avec M. Carmouze par lettre du 30 juin 2008 prévoyant un délai de préavis de trois mois en concluant un contrat de sous-traitance avec la société Bouchons Franco-Portugais à qui elle confiait la fabrication de produits commandés par les clients de l'agent commercial.
Elle a soutenu avoir cédé le contrat d'agent commercial à l'issue de ce préavis sans formalisme requis et dans les mêmes conditions d'exercice pour l'agent de telle sorte que cette reprise du contrat aux conditions antérieures privait ce dernier du droit à une indemnité de rupture, M. Carmouze ayant pris l'initiative de la rupture en négociant peu de temps après un autre contrat avec un concurrent.
Elle a donc considéré que le tribunal de commerce relevant la réalité de l'entretien des relations contractuelles entre M. Carmouze et la société Bouchons Franco-Portugais sous l'égide de la société appelante, a jugé à tort que la preuve de l'établissement d'un contrat d'agent commercial n'était pas rapportée alors que la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 n'exige pas un contrat écrit.
La société Au Chêne Liège a insisté sur les éléments de fait concourant à la démonstration de l'identité des conditions d'exercice du mandat que l'agent a acceptées et de l'absence de préjudice subi du fait du mandant initial.
À titre subsidiaire, la société appelante a demandé la confirmation du mode de calcul de l'indemnité de rupture proposé par elle et retenu par le tribunal. S'agissant du préjudice, elle a rappelé que l'agent avait apporté sa clientèle au concurrent direct " le Prêteux Bourgeois " et a poursuivi la commercialisation des mêmes types de produits (bouchons de liège ou plastiques) auprès de la même clientèle et a demandé qu'en tout état de cause, soit déduit de l'indemnité éventuellement fixée le montant des commissions perçues postérieurement au 30 septembre 2008 qu'il appartiendrait alors à M. Carmouze de justifier sauf à le débouter de sa demande.
Elle a demandé, dans le corps de ses conclusions sans reprise dans le dispositif, la remise d'un chèque client d'un montant de 3 085,68 euro que l'intimé retiendrait abusivement alors qu'il aurait perçu une commission sur cette vente. Cette prétention a été expressément abandonnée à l'audience.
Elle a demandé le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
M. Patrick Carmouze, dans ses dernières conclusions déposées le 30 novembre 2010, a demandé la confirmation partielle du jugement entrepris.
Il a tout d'abord affirmé que le contrat avait été rompu dès le 30 juin 2008 avec offre d'indemnité et ne pouvait revivre par une proposition de poursuite de contrat avec une société ACVB puis avec la société Bouchons Franco-Portugais dans le cadre d'une reprise d'activité jamais concrétisée en fin de préavis. Il a ainsi opposé la chronologie des faits et les échanges de correspondance faisant apparaître l'admission initiale par la société Au Chêne Liège du principe d'une indemnité de rupture fixée à 119 324,14 euro avant de la rabaisser à 50 000 euro pour enfin s'y refuser dans un cadre contractuel qualifié de confus.
Pour fonder sa réclamation, M. Carmouze a soutenu que le contrat ne s'est pas poursuivi et que l'appelante n'a pas trouvé de successeur.
Sur le préjudice, il a considéré que l'appelante n'a aucun droit sur les commissions perçues postérieurement au 30 septembre 2008 en opposant le courrier de celle-ci du 30 septembre 2008 lui précisant qu'il était libre de collaborer avec tout autre bouchonnier.
M. Carmouze a nié la rétention d'un chèque client présenté comme n'ayant jamais été émis par le débiteur dans le cadre d'une relation contractuelle litigieuse sur la qualité et le montant de la prestation.
Il a réclamé la somme calculée initialement par la société Au Chêne Liège conformément aux bases légales (119 324,14 euro HT) outre les intérêts capitalisés de droit à compter de la mise en demeure. Il a demandé en outre la condamnation de la société appelante à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par cette procédure qu'il estime abusive et certaines allégations qu'il estime diffamatoires ainsi qu'une somme de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec bénéfice de distraction.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 25 janvier 2011.
Sur ce, LA COUR :
Attendu qu'il est constant que la SA Au Chêne Liège a écrit, le 30 juin 2008, à M. Carmouze pour mettre " définitivement fin " au contrat d'agent commercial à l'issue d'une période de préavis de trois mois débutant à la date de première présentation de la lettre de rupture en expliquant avoir vainement tenté de trouver un éventuel repreneur de l'activité développée par cette société qu'elle a décidé d'interrompre en raison des difficultés économiques rencontrées ;
que le contrat avait cessé de produire ses effets le 30 septembre 2008 et que si la société Au Chêne Liège avait écrit en septembre 2008 pour l'informer d'une possible reprise de l'activité par une société ACVB, M. Carmouze avait répondu le 16 septembre 2008 qu'il n'entendait signer un nouveau contrat qu'en cas de garantie de solvabilité du repreneur et de démonstration de la réalité de la cession du fonds de commerce ; qu'il a précisé ne pas vouloir revenir sur la décision de rupture qui lui avait été notifiée et maintenir sa demande d'indemnité qu'il avait formulée par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 juillet 2008 ;
que le 30 septembre 2008, la société Au Chêne Liège écrivait à nouveau à M. Carmouze pour l'informer qu'un projet de cession de son fonds de commerce à la société Bouchon Franco-Portugais avait échoué et qu'à compter de ce jour, le contrat d'agent commercial avait pris fin en ajoutant " Vous êtes donc libre de collaborer avec tout autre bouchonnier afin de poursuivre vos activités d'agent commercial dans votre domaine professionnel " ; que par un autre courrier non daté mais se référant à un entretien du 1er octobre 2008, la société mandante proposait d'indemniser M. Carmouze à hauteur de 50 000 euro ; que par courrier du 20 octobre 2008, ce dernier a rappelé des accords transactionnels dont il demandait confirmation sous peine d'introduire une action en paiement au montant initialement demandé ;
que pour réponse à ce courrier, la société Au Chêne Liège a contesté devoir une quelconque indemnité au motif que l'agent ne peut refuser de poursuivre le mandat avec le successeur qui se proposait de poursuivre le contrat dans des conditions rigoureusement identiques en indiquant que la société Bouchon Franco-Portugais avait fait parvenir un contrat confirmant son engagement dans ce sens et que M. Carmouze n'avait pas signé ;
Mais attendu que le projet de reprise de l'activité de la société mandante par la SAS Bouchon Franco-Portugais a été repoussé par une délibération de l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société Au Chêne Liège, le 26 septembre 2008, et que la rupture définitive du contrat d'agent commercial a été expressément confirmée à l'agent à date d'échéance du préavis de telle sorte que M. Carmouze était clairement libéré des liens contractuels et qu'il pouvait légitimement réclamer l'indemnité compensatrice due en vertu de l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
que les propositions contractuelles postérieures sont sans incidence sur la perfection de la rupture cela d'autant qu'un premier projet de contrat prévoyait la commercialisation de bouchons de la marque Trémon dont la société Bouchon Franco-Portugais ne disposait pas des droits et comportait, comme le second projet communiqué, une période d'essai incompatible avec le principe d'une reprise de contrat ;
que le contrat de sous-traitance passé par la société Au Chêne Liège avec cette société pour la durée correspondante à la période de préavis ne saurait non plus caractériser cette reprise d'activité ;
que l'existence de discussions voire d'un début de collaboration par ailleurs affirmée mais non démontrée, entre M. Carmouze et la société Le Bouchon Franco-Portugais, est sans incidence sur la solution du litige s'agissant d'une période de pourparlers en vue d'un contrat qu'il restait libre de négocier avec quelque bouchonnier que ce soit à compter du 1er octobre 2008 ;
Qu'il s'en suit que les premiers juges ont à bon droit accueilli en son principe la demande en paiement d'une indemnité de rupture présentée par M. Carmouze ;
Attendu que le montant de cette indemnité est traditionnellement évalué au montant des deux années de commissions en tenant compte de la moyenne des revenus par année sur les trois dernières années ; que le tribunal a exactement retenu ce calcul en fixant l'indemnité à la somme de 108 300,16 euro sur la base des éléments fournis par la seule société Au Chêne Liège ;
Que les propositions à visée transactionnelle avant ou après l'expiration du préavis ne sauraient être retenues pour n'avoir par réuni le consentement des parties et qu'il sera relevé que la somme réclamée résulte d'un compte non daté et sans entête, prétendument adressé d'un fax de l'entreprise sans autre élément attestant des conditions de son envoi de nature à l'imputer à un représentant légal de la société Au Chêne Liège ;
Que les commissions perçues par M. Carmouze après l'expiration du délai de préavis et provenant d'autres sociétés étrangères au mandat n'ont pas à être déduites de l'indemnité fixée ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'il n'est démontré aucune faute imputable à la société Au Chêne Liège dans l'exercice de son droit de se défendre en justice ; que M. Carmouze sera débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu qu'il serait en revanche, inéquitable de laisser à la charge de ce dernier les frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer en appel ; que la société Au Chêne Liège sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que les dépens seront mis à la charge de la société Au Chêne Liège qui échoue en son appel ;
Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Dax du 15 décembre 2009 en toutes ses dispositions. Déboute M. Patrick Carmouze de sa demande en paiement de dommages-intérêts. Condamne la SA Au Chêne Liège à payer à M. Patrick Carmouze la somme de trois mille euro (3 000 euro) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SA Au Chêne Liège aux dépens d'appel. Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, la SCP de Ginestet - Duale - Ligney, avoués, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.