CA Pau, 2e ch. sect. 1, 25 août 2011, n° 09-03945
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Inca (SCI)
Défendeur :
Mora & Fils (SARL), Socalma (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bertrand (Rapporteur)
Conseillers :
M. Beauclair, Mme Claret
Avoués :
SCP Longin-Longin-Dupeyron-Mariol, SCP Marbot-Crepin, SCP de Ginestet Duale Ligney
Avocats :
SCP Etchegaray, Associés, Mes Wattine, Donney
La SARL Mora a exploité jusqu'en juin 2008 au centre du bourg de Castets un commerce d'alimentation générale de détail d'une surface de 250 m2 sous l'enseigne "Huit à 8".
Par décision en date du 29 juin 2004, la Commission Départementale d'Equipement Commercial (CDEC) a délivré à la SCI Inca une autorisation d'ouvrir une surface de vente de 1.211 m2 et la création d'une station service sous l'enseigne Intermarché.
Par requête en date du 4 octobre 2004, la SARL Mora et fils et l'association des commerçants du centre bourg de Castets ont saisi le tribunal administratif d'un recours en annulation de ladite autorisation. La SCI Inca a cependant fait édifier le supermarché qui a ouvert ses portes le 21 novembre 2006. Par jugement du 24 avril 2007 le tribunal administratif a annulé l'autorisation d'équipement commercial litigieuse. Le supermarché est cependant demeuré ouvert.
Par décision en date du 13 août 2007, la Commission Départementale d'Equipement Commercial (CDEC) a délivré à la SCI Inca une nouvelle autorisation.
La SARL Mora et fils a de nouveau saisi le tribunal administratif d'un recours en annulation de ladite autorisation. Par ordonnance en date du 24 septembre 2007 le juge des référés du tribunal Administratif a suspendu la nouvelle autorisation. La SCI Inca et la SAS Socalma poursuivent cependant l'exploitation du supermarché.
Saisi d'une assignation de la SARL Mora et fils en date des 30 novembre et 1er décembre 2007, le Tribunal de commerce de Dax a, par jugement en date du 20 octobre 2009 :
- mis hors de cause la SAS Socalma,
- condamné la SCI Inca à payer à la SARL Mora et fils la somme de 180 000 euro à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale subie sur la période de novembre 2006 à août 2007, sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard au-delà de 30 jours à compter de la signification du jugement et celle de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens,
- débouté la SAS Socalma de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- ordonné la publication du jugement dans l'édition "Landes" du journal Sud Ouest rubrique Castets et dans l'édition régionale du Sud Ouest en pages "annonces légales et judiciaires" dans le délai de 8 jours à compter de la signification du jugement.
La SCI Inca demande à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Dax du 20 octobre 2009,
- déclarer irrecevable et à tout le moins non fondée la SARL Mora et fils en toutes ses demandes à l'encontre de la SCI Inca,
- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SCI Inca,
- condamner la SARL Mora et fils à payer à la SCI Inca la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens dont distraction au profit de la SCP Longin.
La SCI Inca fait valoir, à titre liminaire que le tribunal de commerce aurait violé le principe du contradictoire pour avoir tiré conséquence d'une décision administrative prononcée postérieurement au débats, et qu'il n'a pas examiné sa demande subsidiaire aux fins d'expertise. Au fond, elle estime que la SARL Mora et fils ne rapporte pas la preuve de la réunion des trois éléments constitutifs de la concurrence déloyale : la faute, le préjudice et le lien de causalité. Elle soutient que la SARL Mora et fils ne démontre pas l'existence de son intérêt à agir, l'existence de la seule concurrence et d'une atteinte aux intérêts économiques ne suffisant pas. Elle estime qu'il n'existe pas de situation de concurrence entre les deux entités économiques, que n'est pas rapportée la preuve d'un acte déloyal qui lui serait imputable, en rappelant que l'annulation rétroactive de son autorisation d'exploitation ne rend pas rétroactivement son exploitation déloyale, la déloyauté ne peut s'apprécier qu'au moment de l'acte et non de manière rétroactive. Elle relève que la SARL Mora et fils ne rapporte pas l'existence d'un préjudice, relevant que la SARL n'a mis son activité en sommeil qu'au 30 septembre 2009. Elle soutient que l'ouverture de son établissement a amélioré l'attractivité de la commune de Castets et freiné l'évasion des dépenses vers les centres plus attractifs.
Elle relève que l'analyse des chiffres d'affaires de la SARL Mora et fils met en évidence une diminution qui résulte de la volonté de la population de voir implanter un supermarché et de la politique de dénigrement à son égard entreprise par la SARL Mora. Elle relève que le tribunal de commerce a fixé souverainement l'indemnisation sans motivation et sans satisfaire sa demande d'expertise, que la SARL Mora ne peut prétendre être un petit commerçant alors qu'elle relève du groupe Carrefour par sa franchise "Huit à 8". Enfin elle appelle l'attention de la cour sur l'évolution du contexte juridique en matière d'aménagement commercial réformé par la loi 2008-776 du 4 août 2008, et relève que sa surface commerciale répond aux nouveaux critères retenus par les Commissions Départementales d'Aménagement Commercial (CDAC).
La SARL Mora et fils demande à la cour de :
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la SCI Inca contre le jugement du Tribunal de commerce de Dax en date du 20 octobre 2009,
- confirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné la SCI Inca à verser à la SARL Mora et fils la somme de 180 000 euro à titre de dommages-intérêts sous astreinte de 1 000 euro par jour au-delà d'un délai de 30 jours à compter de la signification dudit jugement,
- sur appel incident de la SARL Mora et fils, condamner au surplus la SCI Inca et la SAS Socalma solidairement à lui verser la somme de 376 373 euro à titre de dommages-intérêts pour le préjudice lié à la concurrence déloyale qui lui a été causée entre le 21 novembre 2006 et le 30 septembre 2007, en ce compris la somme de 180 000 euro déjà mise à la charge de la SCI Inca,
- condamne la SCI Inca à verser à la SARL Mora et fils la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens dont distraction au profit de la SCP Marbot Crepin.
La SARL Mora et fils fait valoir que les parties s'étaient accordées devant le premier juge pour produire la décision du tribunal administratif devant intervenir en cours de délibéré. Elle relève que la demande d'expertise a été formulée oralement en fin d'audience et matérialisée par un bout de papier glissé dans le dossier de plaidoiries et que le tribunal n'avait donc pas l'obligation d'y répondre. Elle relève en outre que la cour n'est pas saisie d'une demande d'expertise. Sur l'intérêt à agir, elle rappelle que les autorisations d'exploitation commerciale sont délivrées à la SCI Inca et non à la SAS Socalma, ce qui a justifié la mise hors de cause de la SAS par le tribunal ; que la SCI est donc l'auteur d'un acte de commerce par accessoire, faisant exploiter par un tiers les droits qu'elle tient de son autorisation ; que les deux entreprises exercent dans le même secteur d'activité concurrentiel ; que l'intérêt à agir de la SARL n'a jamais été contesté devant le premier juge ; et que cette cour a déjà statué en la matière. Sur l'acte déloyal, elle relève que ce caractère déloyal a d'ores et déjà été reconnu par cette cour, la SCI Inca répond que l'arrêt cité a été cassé ; que l'annulation prononcée par la juridiction a une portée rétroactive, et l'acte annulé est censé n'avoir jamais existé de sorte que l'exploitation a été menée sans autorisation. Sur le préjudice, elle soutient qu'elle a été contrainte de licencier trois personnes, que ses associés ont opéré des avances en comptes courants pour permettre sa survie ; que l'infraction à une disposition légale constitue une faute génératrice d'un trouble commercial et ouvre une voie d'action complémentaire de l'action en concurrence déloyale ; que le maintien de l'ouverture d'une surface de vente exploitée en infraction constitue en lui-même ladite infraction.
Elle relève que la création du supermarché de Castets a pour objet de capter la clientèle de Castets au profit du dirigeant commun des Intermarchés de Dax et des environs ; que le juge administratif a clairement mis en évidence le préjudice concurrentiel en relevant le déséquilibre entre les différentes formes de commerce au détriment des équipements de dimension plus modestes situés dans le centre ou en périphérie du bourg ; que la SCI Inca a inclus la commune de Linx dans la zone de chalandise sans déclarer l'existence du centre Leclerc qui s'y trouve ; que la consultation des électeurs par la commune sous la dictée de la SCI Inca n'est pas sincère, la question étant orientée.
Elle réclame, au titre de son appel incident dirigé tant contre la SCI Inca que la SAS Socalma, la réparation d'un préjudice qu'elle chiffre à la somme de 376 373 euro au titre de la perte de son chiffre d'affaires du 21 novembre 2006 au 30 septembre 2007.
La SAS Socalma demande à la cour de :
- dire irrecevables et mal fondées les demandes formulées dans le cadre de son appel incident par la SARL Mora et fils à l'encontre de la SAS Socalma,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la SAS Socalma,
- condamner la SARL Mora et fils à payer à la SAS Socalma la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens dont 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens,
- subsidiairement condamner la SCI Inca à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle et condamner la SCI Inca à lui verser la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens dont 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens dont distraction au profit de la SCP de Ginestet Duale Ligney.
La SAS Socalma fait valoir qu'elle a exploité un local commercial donné à bail par la SCI Inca laquelle est supposée détentrice des agréments d'exploitation nécessaires pour délivrer au preneur un bien conforme à sa destination contractuelle, et qu'elle est étrangère aux procédures administratives ayant abouti à l'interdiction d'exploiter qui n'a été délivrée qu'à la SCI Inca. Elle précise en outre qu'il ne peut y avoir solidarité entre elle et ladite SCI. Au fond, elle rappelle le principe de libre concurrence, l'absence de tout élément fautif ou déloyal relevé à son encontre, l'absence de preuve d'un préjudice de l'existence d'un lien de causalité. Subsidiairement, elle soutient que la SCI Inca est tenue d'une obligation de délivrance d'un bien conforme à sa destination contractuelle d'exploitation commerciale, et que sur ce fondement, la SCI doit la relever et garantir de toute condamnation prononcée contre elle au profit de la SARL Mora et fils.
Motifs de la décision.
1- Sur la mise hors de cause de la SAS Socalma.
Le premier juge a justement relevé que la SAS Socalma exploite un fonds de commerce en vertu d'un bail commercial qui lui a été concédé par la SCI Inca laquelle est supposée détentrice de l'ensemble des agréments d'exploitation commerciale ; que la SAS Socalma n'a jamais été attraite précédemment devant les juridictions administratives ou judiciaires ; que l'interdiction d'exploiter n'a été notifiée qu'à la SCI Inca laquelle n'a pas résilié le bail de sorte que l'exploitation du fonds par la SAS Socalma s'est constamment déroulée dans le cadre du bail et que ne peut être retenue aucune solidarité entre la SCI Inca et la SAS Socalma.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis la SAS Socalma hors de cause.
2- Sur le respect du principe du contradictoire et la demande d'expertise
Les parties ont sollicité du premier juge l'autorisation de produire par voie de note en délibéré la décision du tribunal administratif à intervenir entre les mêmes parties, après l'audience de plaidoiries du 15 septembre 2009. Le tribunal a autorisé la production de cette pièce, production à laquelle a procédé la SARL Mora et fils, la SCI Inca adressant au tribunal une note en délibéré en réponse le 15 octobre 2009. Les parties ont donc discuté de la pièce incriminée et il ne peut être retenu que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté.
Les écritures de la SCI Inca en première instance ne mentionnent aucune demande d'expertise. La SCI Inca n'a pas sollicité du greffe du Tribunal de Commerce de Dax copie du procès-verbal d'audience sur lequel elle aurait fait acter sa demande d'expertise. Il en résulte que la SCI Inca ne rapporte pas la preuve qu'elle a saisi le premier juge d'une demande d'expertise. Elle ne peut donc lui reprocher de ne pas avoir statué sur une telle demande.
3- Sur l'intérêt à agir de la SARL Mora et fils et l'existence d'une situation de concurrence.
La SCI Inca est une société civile, qui a donné à bail commercial à la SAS Socalma les locaux commerciaux dans lesquels la SAS Socalma exploite le fonds de commerce de supermarché à l'enseigne Intermarché. Cependant la SCI Inca a, seule, sollicité l'autorisation d'équipement commercial délivrée par la CDEC, étant précisé que cette autorisation d'exploitation n'est pas cessible ni transmissible. La SCI Inca est donc seule détentrice de ladite autorisation. C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que la SCI Inca était l'auteur d'un acte de commerce par accessoire, qui consiste dans l'exploitation par la SAS Socalma des droits qu'elle tient de l'autorisation d'équipement commercial.
S'il est libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qui lui convient (Loi Le Chapelier des 2 et 17 mars 1791), ce principe de libre concurrence connaît une limite laquelle oblige les concurrents à soumettre leur activité aux règlements qui les régissent.
La SARL Mora et fils exerce la même activité que celle autorisée par la CDEC, la distribution de produits alimentaires. Les parties se trouvent donc en concurrence. La SARL Mora et fils a donc intérêt à agir à l'encontre de la SCI Inca titulaire des autorisations d'équipement commercial qui ont été annulées.
4- Sur le caractère déloyal de la concurrence.
L'action en concurrence déloyale est fondée sur les dispositions de l'article 1383 du Code civil aux termes duquel tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Ce texte impose à celui qui s'en prévaut de rapporter la preuve de l'existence d'un fait générateur de responsabilité, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre l'un et l'autre.
Le fait générateur de responsabilité en matière de concurrence déloyale réside dans le caractère fautif d'une intervention sur le marché, soit dans la violation de devoirs dans l'exercice de la liberté de concurrence, ou encore dans la rupture de l'égalité dans les moyens de concurrence.
En l'espèce, il convient de rappeler que les deux entités économiques interviennent sur le même marché concurrentiel, la distribution de produits en particulier alimentaires, et de s'arrêter sur la chronologie de l'affaire :
- par décision en date du 29 juin 2004, la CDEC délivre à la SCI Inca une autorisation d'équipement commercial portant sur l'exploitation d'un supermarché à l'enseigne Intermarché d'une superficie de 1 211 m2,
- par requête en date du 4 octobre 2004 le tribunal administratif est saisi d'un recours en annulation contre cette décision,
- le supermarché est édifié et ouvre ses portes le 29 novembre 2006, la procédure administrative contentieuse étant en cours,
- par jugement en date du 24 avril 2007, le tribunal administratif a prononcé l'annulation de l'autorisation d'équipement commercial du 29 juin 2004. La SCI Inca a interjeté appel de cette décision, appel enregistré le 25 juin 2007,
- par assignation en date du 19 juillet 2007, la SARL Mora et fils a saisi le juge des référés qui par ordonnance en date du 10 août 2007 a, entre autre, ordonné la fermeture du supermarché sous astreinte. Par arrêt de ce siège en date du 22 octobre 2007 l'ordonnance a été infirmée,
- par arrêt en date du 22 janvier 2009 la Cour d'appel administrative de Bordeaux a confirmé le jugement du 24 avril 2007,
- entre temps le 13 août 2007, la SCI Inca a obtenu une nouvelle autorisation d'équipement commercial,
- par ordonnance en date du 24 septembre 2007, le juge des référés du tribunal administratif a prononcé la suspension de l'autorisation du 13 août 2007, suspension annulée par arrêt du Conseil d'Etat en date du 26 mars 2008,
- par jugement en date du 29 septembre 2009, le Tribunal administratif de Pau a annulé l'autorisation du 13 août 2007,
- par arrêt en date du 29 juillet 2010, la Cour d'appel administrative de Bordeaux, statuant sous l'empire de l'ancienne loi, a annulé l'autorisation du 13 août 2007,
- le 14 janvier 2010, la SCI Inca a obtenu une dernière autorisation de la CDAC statuant sous l'empire de la loi nouvelle.
Il convient de rappeler que la décision du tribunal administratif a autorité erga omnes et est exécutoire dès sa notification en raison du caractère non suspensif de l'appel en matière administrative. La lecture de la chronologie ci-dessus permet de constater, d'une part et sans contestation possible, que du 24 avril 2007 date du premier jugement d'annulation au 13 août 2007, date de la deuxième autorisation, la SCI Inca a fait exploiter sans autorisation.
D'autre part, l'arrêt du 22 janvier 2009 de la Cour d'appel administrative de Bordeaux a confirmé le jugement du 24 avril 2007, faisant disparaître la décision de la CDEC du 29 juin 2004, et l'arrêt du 29 juillet 2010 de la même juridiction a confirmé le jugement du 29 septembre 2009, faisant disparaître la décision de la CDEC du 13 août 2007 de sorte que la SCI Inca fait exploiter sans autorisation depuis l'ouverture des portes du supermarché soit depuis le 29 novembre 2006, ainsi que l'a relevé le premier juge, jusqu'au 14 janvier 2010.
L'exploitation du commerce en l'absence de toute autorisation nécessaire suffit à caractériser la déloyauté de la concurrence, constitutive de la faute. C'est à bon droit que le premier juge a retenu que la SCI Inca se trouve rétroactivement dépourvue de toute autorisation d'exploitation et que le maintien de l'ouverture illégale de la surface de vente Intermarché par la SCI Inca constitue depuis l'origine une situation de concurrence déloyale. Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.
5- Sur le préjudice et le lien de causalité.
Sur le préjudice, il ressort des pièces versées aux débats, que le chiffre d'affaires de la SARL Mora et fils a baissé par rapport à l'année 2006 : de 39 % en 2007, et de 55 % en 2008, et la marge brute de 41 % en 2007 et de 59 % en 2008. La SARL Mora et fils est déficitaire dès 2007 (- 21.783 euro) et cesse son activité en 2008 après paiement de tous ses créanciers. Cette chute de chiffre d'affaires a pour conséquence une dégradation du résultat qui caractérise le préjudice subi par la SARL Mora et fils.
Il ne peut être opposé à la SARL Mora et fils qu'elle aurait participé à son propre préjudice par ses interventions judiciaires alors qu'il est établi ci-dessus que la SCI Inca exploitait sans autorisation valable, et plus particulièrement sans autorisation aucune du 24 avril 2007 date du premier jugement d'annulation au 13 août 2007, date de la deuxième autorisation. La question soumise à référendum local sur l'ouverture d'un supermarché était biaisée en ce qu'elle ne permettait pas aux citoyens consultés de prendre l'exacte mesure de la réponse qui leur était demandée, ne les invitant pas à réfléchir sur les conséquences de cette ouverture sur le reste du tissu commercial local. Enfin l'appartenance à une franchise relevant du groupe Carrefour n'est pas de nature à minorer le préjudice résultant d'un fait de concurrence déloyale.
La SARL Mora et fils réclame en réparation de ce préjudice une somme de 376 373 euro correspondant à la perte de chiffre d'affaires pour la période du 21 novembre 2006 au 30 septembre 2007. D'une part, le préjudice subi par la victime de la concurrence déloyale n'est pas sa perte de chiffre d'affaires mais la perte de sa perte d'exploitation et la perte de valeur du fonds de commerce. La demande sur appel incident de la SARL Mora et fils aux fins de voir condamner la SCI Inca et la SAS Socalma au paiement d'une indemnité égale à la perte de son chiffre d'affaires ne peut donc prospérer pour le montant réclamé.
Il apparaît au vu des éléments comptables produits que le premier juge, qui n'a pas limité le préjudice à la seule perte de marge eu égard à l'antériorité de la présence du magasin dans le bourg de Castets et des circonstances de la cause, a justement évalué le préjudice subi à la somme de 180 000 euro.
Les décisions administratives produites aux débats ont établi que l'ouverture de la grande surface Intermarché de Castets a engendré un réel déséquilibre sur le marché local et notamment pour les commerces du centre bourg et de la périphérie, les fragilisant. Elles établissent le lien de causalité entre le fait de concurrence déloyale et le préjudice subi par la SARL Mora et fils.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.
6- Sur les demandes accessoires
La SCI Inca succombe, elle supportera la charge des dépens augmentée d'une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SARL Mora et fils succombe dans son appel incident à l'encontre de la SAS Socalma elle supportera donc les dépens afférents audit appel incident.
L'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice de la SAS Socalma.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant, Condamne la SCI Inca à payer à la SARL Mora et fils la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice de la SAS Socalma. Condamne la SCI Inca aux entiers dépens de l'appel principal dont distraction au profit de la SCP Marbot Crepin et condamne la SARL Mora et fils aux dépens de l'appel incident dont distraction au profit de la SCP de Gineste Duale Ligney avoué de la SAS Socalma.