Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 1 septembre 2011, n° 08-24095

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Diffusion Meubles Comptemporains et Style (SARL)

Défendeur :

Sofalux (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Touzery-Champion, Pomonti

Avoués :

SCP Bernabe-Chardin-Cheviller, SCP Regnier-Bequet-Moisan

Avocats :

Mes Bornstein, Pollard, Benita, Johannsen

T. com. Créteil, du 25 nov. 2008

25 novembre 2008

Faits constants et procédure

La société Sofalux est un fabricant et distributeur de canapés et objets de décoration pour la maison.

Le 1er juin 2004, la société Sofalux a signé un contrat d'agent commercial avec la société Diffusion Meubles Contemporains et Style (la société DMCS).

En septembre 2006, la société Sofalux a informé la société DMCS de la rupture du contrat à échéance du 31 décembre 2006.

Le 6 juin 2007, contestant les conditions de la rupture, la société DMCS a assigné la société Sofalux devant le Tribunal de commerce de Créteil.

Par un jugement en date du 25 novembre 2008, assorti de l'exécution provisoire assortie d'une caution, le Tribunal de commerce de Créteil a :

Constaté l'existence d'une faute grave de la part de la société DMCS dans l'exécution de son contrat d'agent commercial,

L'a déboutée de sa demande d'indemnité en réparation du préjudice causé par la rupture dudit contrat,

Condamné la société Sofalux à payer à la société DMCS la somme de 1 170,16 euro outre les intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2007,

Ordonné à la société DMCS de restituer à la société Sofalux le matériel commercial qu'elle lui a confié comprenant les tarifs, liasses et documentations, dans les 15 jours suivant la notification du jugement et sous astreinte de 20 000 euro par jour de retard à compter du 20e jour de la signification du jugement,

Condamné la société DMCS à payer la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL DMCS a interjeté appel de cette décision le 22 décembre 2008.

Par ses dernières conclusions signifiées le 17 février 2011, la société DMCS demande à la cour de :

Dire qu'elle est recevable et bien fondée en sa demande,

Condamner la société Sofalux à lui verser la somme de 1 170,16 euro au titre des arriérés de commissions,

Constater l'absence de faute grave de la société DMCS,

Infirmer le jugement du 25 novembre 2008, hors la disposition concernant les arriérés de commissions,

Condamner la société Sofalux au paiement des sommes de 19 495,22 euro TTC en réparation du préjudice causé par la rupture du contrat d'agent commercial et 6 000 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

Condamner la société Sofalux au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société DMCS soutient en premier lieu qu'en sa qualité d'agent commercial, elle a le droit de percevoir une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d'agent commercial.

La société DMCS estime que la rupture du contrat ne saurait être justifiée par la baisse de son chiffre d'affaires, qui n'est aucunement liée à son inactivité, mais à une tendance générale du marché, la société Sofalux affirmant elle-même que les résultats ont été décevants pour l'ensemble de ses agents, et pas seulement pour la société DMCS.

Elle ajoute que c'est le comportement même de son mandant qui n'a pas facilité le développement de son chiffre d'affaires, comme en attestent des agents commerciaux, relevant le comportement singulier du gérant de la société Sofalux envers ses clients et éventuels nouveaux clients.

La société DMCS affirme n'avoir pas commis de faute grave dans l'exécution de son mandat d'agent commercial.

Selon la société DMCS, le reproche de la société Sofalux selon lequel la société DMCS ne lui aurait pas fourni de rapport d'activité durant l'exercice du mandat n'est pas pertinent. En effet, durant toute la relation contractuelle, la société Sofalux n'a jamais réclamé de tels rapports.

La société DMCS affirme s'être régulièrement déplacée auprès des clients pour leur montrer les catalogues de la société Sofalux et considère que l'argument de la société Sofalux selon lequel les clients se sont plaints de son comportement n'est donc pas fondé.

Enfin, la société DMCS formule des demandes relatives à l'indemnité compensatrice, aux arriérés de commissions et à la réparation du préjudice moral résultant de l'envoi à ses clients d'un courrier pour les informer de l'insuffisance des résultats de la société DMCS ayant justifié de mettre un terme au contrat d'agence commerciale, qui a porté atteinte à sa probité et à son honneur.

Par ses dernières conclusions signifiées le 27 novembre 2009, la société Sofalux demande à la cour de :

Débouter la société DMCS, notamment de sa demande de dommages et intérêts comme nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile,

En l'absence de préjudice,

Confirmer purement et simplement la décision entreprise,

Condamner la société DMCS au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Sofalux rappelle que la faute grave est définie selon la jurisprudence comme celle portant atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rendant impossible le maintien du lien contractuel, ce qui est le cas en l'espèce.

La société Sofalux considère que la rupture du contrat n'est pas soudaine puisque, moins de 6 mois après la conclusion du contrat, elle a informé la société DMCS de sa déception à la vue des résultats obtenus, alertant ainsi à plusieurs reprises son agent commercial de ce qu'il n'atteignait pas les objectifs visés au contrat, notamment le développement de la clientèle en Corse. Elle soutient que des mails prouvent qu'elle a reproché à la société DMCS l'absence de rapports d'activité.

La société Sofalux estime que compte tenu des fautes graves qu'elle a commises, la société DMCS ne peut pas bénéficier d'une indemnité compensatrice. En revanche, elle ne conteste pas être débitrice d'une somme de 1 170,76 euro à l'égard de la société DMCS en règlement des arriérés de commissions.

Concernant la demande de réparation du préjudice moral subi par la société DMCS, la société Sofalux fait valoir qu'elle n'a eu pour seul objectif que de couper court à toute rumeur sur la cessation des relations contractuelles et que, d'ailleurs, la société DMCS a été en mesure de continuer ses relations avec d'autres clients au bénéfice d'autres mandants.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Motifs

La société DMCS n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, lequel repose sur des motifs pertinents, non contraires à l'ordre public, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

- Sur l'arriéré de commissions :

Le contrat d'agent commercial du 1er juin 2004 a été rompu par la société Sofalux par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 septembre 2006 pour le 31 décembre 2006.

Il est constant que jusqu'à cette date des commandes ont été passées par les clients de la société DMCS pour lesquelles elle devait percevoir une commission de 5 % des sommes facturées.

La société DMCS réclame à ce titre une somme de 1 170,16 euro à laquelle la société Sofalux acquiesce de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.

- Sur l'imputabilité de la rupture du contrat d'agence :

La société Sofalux se prévaut de la faute grave imputable à son agent commercial pour lui refuser l'indemnité de rupture à laquelle il aurait normalement droit.

La faute grave est définie selon la jurisprudence comme celle portant atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rendant impossible le maintien du lien contractuel.

Aux termes de l'article 2 du contrat d'agence, la société DMCS avait notamment pour obligation de réaliser un chiffre d'affaires annuel minimum de 200 000 euro HT et il était expressément précisé que la réalisation de ce chiffre d'affaires minimum annuel était un élément déterminant du contrat.

Or, il est constant que le chiffre d'affaires réalisé par la société DMCS pour le compte de la société Sofalux a été de 209 160 euro en 2004, de 158 291 euro en 2005 et de 100 155 euro en 2006.

En conséquence, non seulement ce chiffre d'affaires a fortement baissé pendant l'exécution du contrat d'agence, mais il n'a pas atteint, pour les deux dernières années, le minimum requis.

Parallèlement, le chiffre d'affaires global réalisé par les autres agents commerciaux de la société Sofalux est passé de 1 330 592 euro en 2004 à 1 504 711 euro en 2005 et 1 458 449 euro en 2006, soit une augmentation sensible en 2005 et une quasi-stagnation en 2006.

Il est impossible, dans ces conditions, comme voudrait le faire la société DMCS, d'imputer les difficultés rencontrées par cette dernière à une quelconque carence de la société Sofalux dans l'exécution de ses obligations contractuelles.

Les quelques attestations, peu circonstanciées, produites en annexe par la société DMCS ne sont pas de nature à modifier les conséquences de l'analyse objective des chiffres cités ci-dessus.

D'ailleurs, la société Sofalux a alerté son agent commercial sur sa déception face aux résultats obtenus par rapport aux résultats escomptés dès le 24 novembre 2004.

Elle a ensuite informé très clairement la société DMCS de son intention de mettre fin au contrat si la situation n'évoluait pas favorablement par courriel du 3 mars 2006 en la menaçant d'une "remise en cause de notre collaboration si les choses n'évoluent pas concrètement cette année".

Les reproches de la société Sofalux à l'égard de son agent commercial étaient encore réitérés dans un courrier électronique du 9 mai 2006.

Force est de constater que la société DMCS n'a pas réagi à ces critiques et n'a fait valoir aucune réserve quant à leur contenu.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la baisse du chiffre d'affaires et la non-réalisation d'objectifs établissaient une activité insuffisante de l'agent commercial et constituaient une faute grave justifiant la rupture du contrat d'agence sans indemnité, relevant surabondamment que la société DMCS n'avait pas rempli certaines autres obligations telles que l'établissement de rapports périodiques d'activité hebdomadaire et la tenue à jour du fichier des clients.

Le jugement dont appel doit donc être confirmé en toutes ses dispositions, la restitution du matériel commercial ordonnée sous astreinte par le jugement n'étant pas contestée par la société DMCS.

- Sur la demande de la société DMCS en réparation d'un préjudice moral :

La société DMCS demande la réparation du préjudice moral résultant pour elle de l'envoi à ses clients d'un courrier pour les informer de l'insuffisance des résultats de la société DMCS ayant justifié de mettre un terme au contrat d'agence commerciale, estimant qu'il a été ainsi porté atteinte à sa probité et à son honneur.

Cependant, il doit être relevé qu'il s'agit d'une demande nouvelle, formée pour la première fois en cause d'appel et, par conséquent, irrecevable en application de l'article 564 du Code de procédure civile, la demande de la société DMCS devant les premiers juges ne portant que sur l'arriéré de commissions, l'indemnité de rupture du contrat d'agence et l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à la société Sofalux une indemnité de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare irrecevable la demande de la société DMCS tendant à la réparation du préjudice moral résultant pour elle de l'envoi par la société Sofalux à ses clients d'un courrier d'information, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Condamne la société DMCS à payer à la société Sofalux la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société DMCS aux dépens d'appel, Autorise la SCP Regnier-Bequet-Moisan, avoués, à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.