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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 1 septembre 2011, n° 09-12526

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Abil (SARL)

Défendeur :

Elster (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Touzery-Champion, Pomonti

Avoués :

SCP Calarn-Delaunay, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes La Burthe, Karg

T. com. Meaux, du 26 mai 2009

26 mai 2009

La SARL Abil est une entreprise qui a notamment pour objet la fabrication de pièces en plastique et de capteurs entrant dans la fabrication de compteurs à gaz.

La société Magnol, devenue la SAS Elster est spécialisée dans la fabrication de compteurs de gaz pour des applications domestiques et industrielles. Elle compte parmi ses clients principaux Gaz de France (GDF).

Pour ses pièces Elster a recours à divers fournisseurs ; en 2001, elle a confié à la société Abil l'étude et la réalisation des d'outillages et de boîtes d'index destinés à équiper un le compteur G4MK. Elle lui a également remis des moules pour la fabrication d'émetteurs d'impulsion.

Par lettre en date du 26 mai 2003, la société Elster a informé la société Abil de la clôture du marché des compteurs de gaz G4 à compter du 1er juin 2003 et de la cessation de son approvisionnement en découlant.

La société Abil a alors poursuivi la fabrication des émetteurs d'impulsion.

Par lettre recommandée du 5 février 2007, Elster a notifié à Abil la cessation totale de leurs relations commerciales et lui a demandé restitution des moules en sa possession.

Estimant que la société Elster a commis une faute contractuelle en procédant à une rupture brutale de leurs relations commerciales, d'abord partielle puis totale, la société Abil l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Meaux par acte du 15 novembre 2007.

Par jugement en date du 26 mai 2009, le Tribunal de commerce de Meaux :

- reçoit la société Abil en sa demande mais la dit mal fondée au fond,

la déboute de l'ensemble de ses demandes,

- reçoit la société Elster en sa demande reconventionnelle et la dit partiellement fondée,

- ordonne à la société Abil de restituer à ses frais les outillages 4NEIA et 4NEIB dans un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement,

- dit que la société Abil devra payer les sommes de 5 000 euro à défaut de restitution dans le délai imparti,

- la condamne à verser 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Le 5 juin 2009, la société Abil a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions signifiées le 31 mars 2011, la société Abil demande à la cour de:

- déclarer recevable et bien fondé l'appel qu'elle a interjeté,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- constater que la société Elster a rompu brutalement sans préavis et dans des conditions fautives une relation commerciale établie, partielle en 2003 et totale en 2007, en violation de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce,

- constater que la société Elster a profité comme d'abus de la dépendance économique de la société Abil pour lui imposer, préalablement à la rupture brutale des relations, des conditions de paiement et de prix toujours plus défavorables,

- constater que la société Elster a usé de moyens déloyaux pour obtenir de nombreux avantages en promettant une pérennité des relations commerciales, assurant à la concluante de son efficacité et lui faisant espérer une augmentation des commandes à la veille d'une rupture brutale des relations commerciales,

- constater que la rupture porte sur des produits destinés à être intégrés dans des produits sous marque Elster et dire applicable le doublement du préavis normal envisagé à l'article L. 442-6-I 5°,

- condamner la société Elster à indemniser la société Abil du préjudice subi à l'occasion de l'ensemble des fautes ci-avant à hauteur de 335 336 euro au principal avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir,

- débouter la société Elster de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions signifiées le 15 février 2010, la société Elster demande à la cour de dire recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société Abil contre le jugement du Tribunal de commerce de Meaux du 29 mai 2009, de confirmer ce jugement et débouter la société Abil de ses demandes, et condamner la société Abil au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions du 5 mai 2011, elle produit une nouvelle pièce et développe des arguments concernant le préjudice de la société Abil.

La société Abil soutient que les deux marchés ont été brutalement rompus par la société Elster en 2003 et 2007 :

- le premier marché qui concernait un élément d'un compteur à gaz qui faisait l'objet d'un contrat entre la société Elster et GDF qui s'est terminé en 2003 mais qui a été renouvelé. Elle fait valoir que, connaissant la date de fin de son contrat avec GDF, la société Elster aurait pu pratiquer une rupture avec préavis pour lui éviter la constitution de stocks ;

- le second marché qui portait sur la fourniture d'émetteurs d'impulsions a été rompu par la société Elster qui prétendait de graves défauts de qualité en se fondant sur des documents qui n'auraient pas été antérieurement communiqués à la société Abil.

Elle affirme avoir été dans une situation de dépendance économique à l'égard de la société Elster qui a exigé de sa part des efforts toujours plus importants en termes de prix et de délai de paiement dans des conditions exorbitantes.

La société Abil fait valoir l'usage par la société Elster de manœuvres déloyales de concurrence. Elle n'aurait eu de cesse d'obtenir des allongements de délais de paiement et des diminutions de prix imposés à la société Abil.

Elle soutient que le préjudice qu'elle a subi tient à la perte de chiffre d'affaires qui aurait dû être réalisé pendant la durée du préavis d'usage mais aussi des encours de production et de stocks de produits accumulés pour permettre la réalisation des marchés normalement prévisibles. La société Abil évalue son préjudice à hauteur de 65 336 euro.

La société Elster soutient qu'elle n'a pas brutalement rompu les relations commerciales avec la société Abil ni en 2003, ni en 2007, exposant que :

- en 2003, les relations commerciales entre les deux sociétés n'étaient pas établies concernant la fabrication des boîtes d'index. La limitation à deux ans des contrats conclus avec GDF, lesquels ne sont jamais reconduits, exclut l'établissement de toute relation durable entre la société Elster et la société Abil, cette relation étant elle-même limitée à deux ans. En outre, la société Abil ne pouvait ignorer l'arrivée à terme du marché des boîtes d'index ;

- en 2007, la rupture était justifiée en raison de la non-exécution persistante par la société Abil de son obligation de livrer des pièces conformes aux commandes de la société Elster, la société Abil ayant multiplié les livraisons de pièces présentant de graves défauts de qualité. La société Elster a donc procédé à de nombreux constats de non-conformité adressés à la société Abil qui n'a proposé aucune solution pour remédier à cette situation. Or, la société Elster ne pouvait pas se permettre de continuer à fournir à GDF des émetteurs défaillants, sous peine de perdre son agrément.

Elle ajoute qu'il n'existait pas d'abus de dépendance économique, ni de comportement déloyal à l'égard de la société Abil, n'ayant jamais été le seul partenaire commercial de la société Abil.

Enfin, elle fait valoir que le préjudice allégué par la société Abil n'est pas fondé, les éléments versés aux débats par celle-ci ne permettant pas d'apprécier sa demande de réparation du préjudice allégué, en l'absence de production de ses comptes annuels, de la liste de ses clients et des éléments de calcul de sa marge brute et qu'en tout état de cause, le calcul auquel la société Abil procède est erroné et le montant qu'elle réclame est disproportionné par rapport au chiffre d'affaires réalisé en approvisionnant la société Elster.

Sur ce

Sur la demande de rejet de conclusions et de pièce

Considérant que la société Elster a déposé des conclusions le 5 mai 2011 et a produit une nouvelle pièce (71) ;

Considérant que le dépôt de celles-ci est intervenu le jour du prononcé de la clôture et qu'il est tardif ; que de plus la pièce produite concerne le chiffre d'affaires de la société Elster depuis 1999 avec un de ses fournisseurs et que les conclusions développent une nouvelle argumentation sur le préjudice ;

Que ce dépôt tardif ne permettait pas à la société Abil de répondre ; qu'il y a lieu en conséquence d'écarter ces nouvelles conclusions et la pièce produite.

Au fond

Considérant que la société Abil a reçu une première commande le 9 mai 2000 par la société Magnol pour la réalisation d'un outillage à deux empreintes destiné au moulage par injection des fenêtres du dispositif indicateur des compteurs G4/ G1/ G25 pour un montant total HT de 240 000 euro ; qu'en cours d'exécution de ce contrat elle a reçu d'Elster des moules pour la fabrication d'émetteurs d'impulsion ;

Que selon contrat du 1er juin 2001, Magnol s'est vue confier par GDF la production de 288 000 compteurs de type G4 dont 38 000 compteurs G4 avec émetteur d'impulsions, le marché se décomposant en deux périodes du 1/06/2001 au 30/05 2002 et du 1/06/2002 au 30/05/2003 ;

Qu'elle a alors confié la fabrication de pièces spécifiques à ce type de compteurs à la société Abil;

Que, si, par courrier du 26 mai 2003 Magnol a avisé Abil de la clôture du marché des compteurs G4 à compter du 1er juin 2003 et de l'arrêt définitif de ses approvisionnements de pièces plastiques, il convient de relever que GDF a lancé un appel d'offres pour les compteurs de gaz à usage domestique G4 et G5 en juillet 2002 et que le 1er juin 2003 Magnol a été déclarée adjudicataire des compteurs G4 et G6 ; qu'à nouveau elle a été déclarée adjudicataire de ce marché en 2005 ;

Que selon contrat du 24 juin 2003, Magnol s'est vu confier un marché de 415 000 compteurs G4 par an dont 355 000 G4 standards et 60 000 compteurs avec émetteurs à impulsion de même que 10 000 compteurs de type G6 dont 9 000G6 standards et 1 000G6 avec émetteur d'impulsion ;

Que dès lors Magnol a continué d'être le fournisseur de GDF pour les compteurs G4 ;

Qu'il convient de relever que les relations commerciales entre Magnol et Elster préexistaient au contrat passé par Elster avec GDF pour ce type de compteur ; que les prestations initialement confiées à Abil en 2000 portant sur la fabrication de moules et d'outillages se sont poursuivies, commande d'avril 2001, de mars 2002, de février 2003 ; que se sont ensuite ajoutées des commandes pour des " fenêtres plates G4 " en relation avec le contrat passé avec GDF ;

Que les deux sociétés ont donc eu des relations commerciales qui se sont nouées en 2000 et qui se sont poursuivies de façon ininterrompue avec un chiffre d'affaires en augmentation jusqu'en 2003, que le chiffre d'affaires 2002 a été de 477K euro, et de 394k euro pour 2003, pour n'être plus que de 136 236 euro en 2004, de 99 655 euro en 2005 et 65 336 euro en 2006 ;

Que la diversité des prestations régulièrement fournies ne permettait pas à Abil de supposer que celles-ci étaient liées au contrat entre Elster et GDF auquel elle n'était pas partie et qui d'ailleurs a été renouvelé ;

Que si Elster a mis au point un nouveau compteur dont certaines composantes pouvaient être différentes et si elle a décidé de renoncer à utiliser les pièces fabriquées par Abil, elle devait aviser, dans un délai raisonnable son prestataire d'autant qu'elle-même fournit une fiche retraçant des appréciations établies par un de ses salariés en décembre 2002 qui indique " nous cessons toute activité avec ce fournisseur en juillet 2003 " ; que contrairement à ce que soutient Elster il n'est pas démontré que la société Abil ait eu connaissance de cette fiche dont il résulte en revanche que dès cette date la décision d'Elster était arrêtée ;

Qu'ainsi la société Elster a, de façon parfaitement déloyale, pris prétexte de la date d'expiration d'un contrat avec GDF pour cesser brutalement ses commandes portant sur le marché des fenêtres équipant le compteur de type G4 en ne lui laissant qu'un marché très restreint portant sur des émetteurs d'impulsion ;

Que si Elster prétend que ce second marché a été rompu en raison de défauts affectant les produits de Abil, il convient de relever que le 18 avril 2005, Abil produit une fiche d'évaluation pour janvier 2005 faisant état d'une note de 60/60 et portant la mention manuscrite " RAS " ;

Que Magnol a également écrit le 22 novembre 2005 indiquant faire partie depuis le 12 septembre du groupe Elster et avoir pour objectif de réduire le prix d'achat de matières premières et de composants de 20 % d'ici 2008 précisant que cette politique " sous-entend une parfaite collaboration avec à terme un nombre restreint de fournisseurs stratégiques... Nous sollicitons dans un premier temps une remise exceptionnelle de 5 % sur l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé avec votre société et nous vous remercions de nous verser le montant calculé pour le 31 janvier 2006 " ;

Que par ce même courrier Magnol a informé son fournisseur de son souhait d'obtenir des conditions de paiement allongées de 20 jours, délai porté à 90 jours à compter du 1er mars 2006, ajoutant " votre accord sur ces propositions seront pour nous un signe d'engagement fort pour la pérennité de nos relations commerciales " ;

Que le 6 février elle l'a à nouveau avisé sans discussion préalable d'un paiement à 90 jours le 5 du mois suivant indiquant " l'acceptation de cette proposition sera pour nous un signe d'engagement sur la pérennité de nos relations commerciales " ce que Abil a alors refusé " sauf à renégocier les prix " ;

Que ces échanges ne laissaient supposer aucun grief d'Elster quant à la qualité des productions ;

Que M. Michel Charrue, ancien responsable des achats de la société Magnol attestait que Abil est devenue fournisseur de Magnol en 2000 et que " Abil a toujours satisfait à ses obligations de fournisseur dans des conditions satisfaisantes et en particulier sur l'aspect qualitatif des produits livrés à savoir : les outillages (moules), les pièces plastiques composant le compteur G4M et G4MK ainsi que les émetteurs d'impulsion pour les compteurs G4, G6 et G10 " ;

Que si la société Elster produit des fiches relatant des défauts, il convient d'observer que celles-ci sont en contradiction avec le souhait exprimé par Magnol de pérenniser leurs relations commerciales ;

Qu'elle fournit des fiches intitulées " constat de non conformité fournisseur " pour la plupart de 2001 à 2003, dont elle est le rédacteur ; que si celles-ci mentionnent que l'information a été donnée au fournisseur, Abil le conteste formellement et Elster ne rapporte pas la preuve contraire ;

Que Elster verse des courriers de retour adressés à Abil entre le 1er mars 2005 et le 15 mars 2006 et portant retour d'émetteurs qu'elle estimait non conformes visant au titre des défauts une mauvaise sérigraphie, des bavures, un mauvais collage du cache de protection, un manque de bouchons, des pièces cassées, affectant de une à 15 pièces sur des lots de 240 à 500 pièces ;

Que pour un certain nombre d'émetteurs, les fiches produites relevaient des défauts identiques mais faisaient état d'une acceptation à titre dérogatoire ;

Que les retours visés sont donc infimes au regard du marché et des commandes passées ;

Qu'il convient de noter que le défaut récurrent relevé concernait la qualité de la sérigraphie qui s'effaçait ; qu'il s'avère que des pièces étaient commandées en urgence par le service achats et que la conséquence relevée sur la fiche pièce 49 par Elster était une encre qui n'était pas encore sèche à réception, Elster mentionnant " il ne faut pas gratter les pièces à réception ; Instructions en fabrication, manipulation précautionneuse des émetteurs sans toucher à la sérigraphie " ; que dès lors ce défaut ne peut être reproché à Abil ;

Que par ailleurs il n'est pas démontré que les défauts allégués soient imputables à Abil qui le 30 septembre 2002 expliquait déjà qu'elle n'acceptait pas la décision de refus de lot du fait de bavure et proposait d'étudier une modification de l'outillage au regard du plan en sa possession, indiquant " les bavures incriminées sont dues au collage de la broche laquelle n'est pas refroidie. Nous vous proposons ou bien de convenir ensemble d'une dérogation permanente ou bien de procéder à une modification du moule. L'erreur d'indice est expliquée par une demande de modification indicée 1 que vous nous aviez demandée et qui a été annulée par la suite " ;

Que s'agissant de ce problème de bavure Abil signalait le 27 novembre 2002 avoir observé ce problème autour de la patte d'encliquetage sur les capteurs en cours de production ainsi que sur les composants plastiques en stock, et demandait une dérogation pour les 300 capteurs livrés et les 800 en cours de production, indiquant que les 3000 composants plastique en stock seront détruits et une nouvelle production lancée immédiatement, ajoutant " si la bavure ne vous paraissait pas acceptable nous effectuerions alors un ébavurage manuel qui prolongerait le délai demandé d'environ 2 semaines " ; qu'ainsi Abil justifie avoir traité ce problème dès lors qu'elle en a eu connaissance ; que de plus il n'est pas démontré que les problèmes de bavure aient constitué un défaut d'une réelle gravité, rendant inacceptables les pièces produites ;

Qu'il a été également relevé sur différents lots des pattes d'encliquetage cassées notamment dans des cartons abimés ; que dès lors il n'est pas démontré que ce problème soit le fait de la société Abil ;

Qu'en conséquence Elster ne démontre pas que la société Abil a procédé à des livraisons de pièces présentant de graves défauts de qualité et dont elle aurait été à l'origine qui auraient justifié une rupture brutale des relations commerciales ;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de dire qu'à deux reprises la société Elster a rompu brutalement et abusivement ses relations commerciales avec la société Abil ;

Considérant que la société Abil devait bénéficier d'un préavis ; que s'agissant des premières relations commerciales, de leur durée de 3 ans et de la spécificité de la production exigeant une grande réactivité et la constitution de stocks pour répondre aux demandes de la société Elster, il y a lieu de le fixer à 2 mois ;

Que s'agissant de la seconde rupture des relations commerciales qui portaient encore sur un matériel très ciblé destiné également à intégrer des compteurs GDF et pour lequel Abil était soumise aux mêmes contraintes que précédemment, il y a lieu de le fixer à 3 mois ;

Considérant que si l'article L. 442-6 5° du Code de commerce dispose que " lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale du préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur " ;

Que les fabrications confiées à Abil étaient destinées à être intégrées dans des produits sous marque de la société Elster ; elles ne constituent pas en elles-mêmes un produit sous marque ; qu'il n'y a pas lieu de doubler la durée du délai de préavis ;

Considérant que le chiffre d'affaires avec Elster a été de 583 497 euro en 2001 et de 477 053 euro en 2002 ; que la baisse de ce chiffre d'affaires à 136 236 euro en 2004 démontre que l'essentiel des relations commerciales portait sur le marché rompu ; que toutefois le préjudice de Abil doit être apprécié en déduisant le marché substituant ; que Abil évalue à 30 % la perte résultant de cette rupture soit au regard de la moyenne des chiffres d'affaires 2001 et 2002 une perte de chiffres d'affaires de 159 172 euro soit un chiffre d'affaire mensuel moyen de 13 264 euro;

Que les éléments comptables produits par Abil révèlent un taux de marge brute de l'ordre de 70 % ;

Qu'en conséquence le préjudice qui s'évalue en termes de marge brute doit être fixé à 19 168 euro pour la première rupture ;

Considérant que le chiffre d'affaires moyen de 2004 et 2005 s'établit à 117 945 euro soit une marge brute annuelle de 82 561 euro et une marge brute mensuelle de 6 880 euro ; qu'il y a lieu d'allouer à la société Abil la somme de 20 640 euro ;

Considérant que le préjudice total de la société Abil est de 39 808 euro.

Sur l'abus de dépendance économique et de comportement déloyal

Considérant que la société Abil n'a jamais eu pour seul partenaire la société Elster ; que si en 2002 elle réalisait 72 % de son chiffre d'affaires avec Elster, ce pourcentage n'était plus que de 42 % en 2003 ;

Que si Elster a tenté d'obtenir des diminutions de prix et des délais de paiement, la société Abil était en mesure de les refuser ce qu'elle a d'ailleurs fait en 2005 ;

Qu'enfin la société Abil ne justifie pas d'un préjudice autre que celui découlant de la rupture brutale des relations commerciales ;

Qu'il y a lieu de rejeter la demande de la société Abil à ce titre.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Et considérant que la société Abil a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif et de rejeter la demande de la société Elster à ce titre.

Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris, Ecarte des débats les conclusions en date du 5 mai 2011 de la société Elster et la pièce les accompagnant cotée 71, Constate que la société Elster a rompu brutalement, sans préavis à deux reprises une relation commerciale établie, partiellement en 2003, totalement en 2007, Fixe à 2 mois le préavis au titre de la rupture partielle intervenue en 2003 et à 3 mois le préavis au titre de la rupture totale intervenue en 2007, Fixe à 19 168 euro le préjudice au titre du préavis de deux mois, à 20 640 euro le préjudice au titre du préavis de 3 mois, Condamne la société Elster à payer à la société Abil les sommes de 19 168 euro et 20 640 euro avec intérêts de droit à compter de l'arrêt, Condamne la société Elster à payer à la société Abil la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, fin ou conclusions, Condamne la société Elster aux entiers dépens lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.