CA Montpellier, 5e ch. A, 12 mai 2011, n° 10-6502
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
de Cock; Gonzales
Défendeur :
Etoiles du Comtat (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vouaux-Massel
Conseillers :
M. Bresson, Mme Gregori
Avoués :
SCP Jougla, SCP Salvignol - Salvignol-Guilhem, SCP Argellies-Watremet
Avocats :
Mes Terrier, Michel, Watrin
L'EURL des Etoiles du Comtat a pour activité la vente en ligne d'articles érotiques et intervient notamment sur un site comparateur de prix dénommé " Price Minister ", sous le pseudo " Love Shop ".
Faisant valoir qu'elle avait constaté l'intervention répétée de vendeurs professionnels, exerçant sous un statut d'auto-entreprise, pratiquant la vente à perte, elle a fait assigner, par acte en date du 4 juin 2010, Gérard Gonzales et Maryvonne de Cock devant le Tribunal de commerce de Béziers en sa formation de référé aux fins de voir interdire à ces derniers de poursuivre leurs agissements de concurrence déloyale, sous peine d'une astreinte, de leur interdire, personnellement ou par personne interposée, de commercialiser sur tout site comparateur de prix ou plateforme de mise en relation, et de les condamner à lui verser une somme de 3 000 euro à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
Par ordonnance en date du 19 juillet 2010, le juge des référés du tribunal de commerce a :
- constaté que Gérard Gonzales et Maryvonne de Cock ont commis des actes de concurrence déloyale,
- leur a fait interdiction de poursuivre ces agissements, et ce, sous astreinte de 1 500 euro par infraction constatée à compter de la signification de l'ordonnance, pendant trois mois,
- leur a fait interdiction, agissant personnellement ou par personne interposée, de commercialiser, distribuer ou vendre directement ou indirectement sur tout site comparateur de prix ou plateforme de mise en relation,
- condamné chacun des défendeurs au paiement d'une provision de 3 000 euro à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi,
- débouté l'EURL des Etoiles du Comtat de sa demande de publication de la décision,
- désigné Monsieur Jean-Louis Huc en qualité d'expert afin de recueillir tous éléments aux fins d'évaluation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale et de parasitisme,
- dit que l'expert désigné pourra se faire communiquer par tous détenteurs les livres de commerce, de comptabilité, carnets et bons de commande, bordereaux de livraison, factures d'achat et de vente et, plus généralement, tous documents et pièces comptables et commerciales concernant l'exploitation et les ventes effectuées sur " Price Minister ",
- dit que l'EURL des Etoiles du Comtat devra faire l'avance des frais d'expertise et déposera une consignation de 2 000 euro,
- condamné in solidum Gérard Gonzales et Maryvonne de Cock à verser à la société des Etoiles du Comtat une somme de 3 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par actes reçus au greffe de la présente cour les 2 août et 4 octobre 2010, Maryvonne de Cock et Gérard Gonzales ont relevé appel de cette décision.
Les deux procédures ont fait l'objet, le 18 novembre 2010, d'une ordonnance de jonction sous le numéro 10-06502.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er février 2011, Maryvonne de Cock demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance entreprise,
- de constater l'existence de contestations sérieuses et de se déclarer incompétente,
- à titre subsidiaire, de rejeter les demandes de l'EURL des Etoiles du comtat,
- de condamner l'EURL des Etoiles du Comtat à lui verser les sommes de 3 000 euro pour procédure abusive et de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que " Love Shop " est l'un des plus gros revendeurs d'objets érotiques sur le site " Price Minister " où elle opère un quasi-monopole et qui empêche les petits revendeurs de poursuivre leur activité.
Elle fait valoir l'existence de contestations sérieuses et indique qu'elle fournit l'intégralité des factures des produits commandés auprès du fournisseur.
Par conclusions notifiées le 31 janvier 2011 Gérard Gonzales demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance entreprise,
- de constater l'existence de contestations sérieuses et de déclarer le juge des référés incompétent,
- à titre subsidiaire, de le mettre hors de cause,
- de condamner l'EURL des Etoiles du Comtat à lui verser les sommes de 3 000 euro pour procédure abusive et de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il avance l'absence de caractère contradictoire de la décision rendue en référé à son encontre.
Il soutient que le compte Internet visé par l'EURL des Etoiles du Comtat avait été ouvert à son insu par Maryvonne de Cock et qu'il n'a rien à voir avec les activités de cette dernière.
Au terme de ses conclusions notifiées le 3 février 2011 l'EURL des Etoiles du Comtat sollicite la confirmation de l'ordonnance dont appel, sauf à voir porter à la somme de 6 000 euro le montant de la provision à lui verser par les appelants sur dommages et intérêts.
Elle sollicite en outre l'allocation d'une somme de 3 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir l'absence d'éléments comptables détenus par Maryvonne de Cock, qui ne respecterait aucune de ses obligations légales, que ce soit en terme comptable ou fiscal.
Elle soutient que Gérard Gonzales a pris la suite de Maryvonne de Cock et qu'il ne peut prétendre qu'il n'est pour rien dans cette activité.
Elle prétend enfin que Maryvonne de Cock n'a pas cessé son activité et continue de vendre sur eBay ou sous d'autres pseudos.
Elle fait valoir enfin le comportement relevant du parasitisme adopté par les appelants.
Motifs de la décision
L'appel, interjeté dans les formes de la loi avant toute signification avérée, est recevable.
Il convient de relever en premier lieu que l'assignation, régulièrement délivrée tant à Gérard Gonzales qu'à Maryvonne de Cock, vise bien des agissements qui leur sont reprochés à tous les deux par l'EURL des Etoiles du Comtat et comporte des demandes qui les visent expressément tous les deux également.
Gérard Gonzales ne peut ainsi valablement prétendre que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté, en ce qui le concerne, en première instance.
Ladite assignation, en date du 4 juin 2010, se fonde sur les dispositions des articles 872 et 873 du Code de procédure civile pour solliciter de la juridiction des référés d'une part de constater les agissements de concurrence déloyale commis par Maryvonne de Cock et à Gérard Gonzales, d'autre part de faire interdiction à ces derniers de poursuivre leurs agissements, mais également de procéder à tout commerce sur site comparateur de prix ou plateforme de mise en relation, enfin de les condamner à lui verser, à titre provisionnel, des dommages et intérêts.
En application des dispositions des articles sus-visés le juge des référés peut, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ordonner toute mesure ou accorder une provision au créancier. Il peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.
Pour obtenir de la juridiction des référés la constatation de l'existence d'une concurrence déloyale, l'interdiction de vente et une provision sur dommages et intérêts, l'EURL des Etoiles du Comtat se contente de produire au débat des éléments comptables et un courrier du groupe Price Minister ne présentant aucun caractère probant.
En l'absence d'une constatation effective, pouvant être raisonnablement opérée par le juge des référés, de la pratique de vente à perte par Maryvonne de Cock et Gérard Gonzales, il ne peut valablement être fait une quelconque interdiction de vente à ces derniers, ni être alloué à l'EURL des Etoiles du Comtat une quelconque provision à valoir sur des dommages et intérêts pour son éventuel préjudice.
L'ordonnance entreprise doit par conséquent être infirmée et l'EURL des Etoiles du Comtat sera intégralement déboutée de ses demandes ne relevant pas, en l'état, de la juridiction des référés.
N'étant pas démontré que l'EURL des Etoiles du Comtat a agi dans la présente procédure par volonté de nuire, intention malicieuse ou erreur équivalente au dol et qu'elle a ainsi causé un préjudice à Maryvonne de Cock et Gérard Gonzales, ces derniers seront déboutés de leurs demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
L'EURL des Etoiles du Comtat qui succombe supportera la charge des entiers dépens.
L'équité ne commande cependant pas de faire bénéficier Maryvonne de Cock et Gérard Gonzales des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit les appels de Maryvonne de Cock et de Gérard Gonzales ; Infirme l'ordonnance entreprise et, Statuant à nouveau, Dit n'y avoir lieu, en l'état, à référé; Déboute Maryvonne de Cock et Gérard Gonzales de leurs demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne l'EURL des Etoiles du Comtat aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP J.-P. Jougla et S. Jougla et de la SCP Salvignol-Guilhem, avoués, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.