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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 19 juillet 2011, n° 09-00837

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

AL Conseils Immobiliers (EURL)

Défendeur :

Immobilière Demolière (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Hoffbeck

Conseillers :

MM. Cuenot, Allard

Avocats :

Selarl Arthus Conseil, Mes Boucon, Jehl

TGI Strasbourg, ch. com., du 26 janv. 20…

26 janvier 2009

Attendu que l'EURL AL Conseils Immobiliers a intenté contre la SARL Immobilière Demolière une instance en recouvrement d'échéances dues au titre d'un contrat de franchise ;

Que la SARL Immobilière Demolière a demandé reconventionnellement l'annulation du contrat de franchise, et la restitution des sommes versées à ce titre ;

Attendu que par jugement du 26 janvier 2009, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a annulé le contrat de franchise, débouté l'EURL AL Conseils Immobiliers de ses demandes, et condamné l'EURL AL Conseils Immobiliers à restituer à la SARL Immobilière Demolière le droit d'entrée de 11 960 euro ;

Qu'il a condamné enfin l'EURL AL Conseils Immobiliers à payer à la SARL Immobilière 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que l'EURL AL Conseils Immobiliers a relevé appel de ce jugement le 11 février 2009, dans des conditions de recevabilité non contestées ;

Attendu qu'au soutien de son recours, l'EURL AL Conseils Immobiliers indique essentiellement que le contrat de franchise avait effectivement un objet, et qu'il a été exécuté ;

Qu'elle souligne notamment qu'il y a eu négociation du bail commercial, rédaction des statuts d'une société, intervention dans le financement, et conseils dans l'aménagement du local ;

Qu'elle fait valoir qu'elle est intervenue également dans le recrutement du personnel, et qu'elle a délivré un manuel opératoire ;

Qu'elle prétend qu'elle serait intervenue également par la suite, après l'ouverture de l'agence ;

Qu'elle conclut en conséquence à l'infirmation du jugement entrepris, et au rejet des demandes de la société Immobilière Demolière ;

Qu'elle reprend sa demande de condamnation à lui payer des échéances impayées pour un montant de 1 794 euro, ainsi qu'une indemnité de 17 043 euro pour l'inexécution du contrat de franchise ;

Qu'elle demande enfin de constater que la société Immobilière Demolière n'a pas versé la preuve de ses accusations selon lesquelles M. Levy aurait été interdit bancaire et serait à l'origine de multiples faillites ;

Qu'elle sollicite 3 000 euro en compensation de son obligation de plaider ;

Attendu que la SARL Immobilière Demolière conclut à la confirmation du jugement entrepris, en faisant valoir essentiellement que la transmission d'un savoir-faire spécifique, constituant l'objet essentiel de la franchise, faisait défaut dans les rapports avec l'EURL AL Conseils Immobiliers ;

Qu'elle conteste la valeur des éléments qui lui ont été transmis ;

Que sur les imputations de diffamation formées à son encontre par l'EURL AL Conseils Immobiliers, elle indique que la demande est prescrite, et qu'elle ne serait pas justifiée au fond, dans la mesure où plusieurs entreprises de M. Levy ont effectivement déposé le bilan ;

Qu'elle se porte appelante à titre incident sur le rejet de sa demande de dommages et intérêts, et qu'elle sollicite 20 000 euro ainsi que 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que les pièces versées aux débats montrent qu'en septembre 2003, M. André Demolière est entré en contact avec M. Alain Levy dans le cadre d'un projet d'installation d'une agence immobilière dans la galerie du magasin Cora de Dorlisheim ;

Attendu que M. Alain Levy, agent immobilier, était apparemment mandaté par le gérant du centre commercial, M. Didier, pour trouver un exploitant d'une cellule dans cette galerie marchande ;

Attendu qu'une sorte de projet commun a été établi entre M. Demolière et M. Levy, sous forme d'un contrat de franchise ;

Attendu qu'un contrat de réservation de franchise a été signé le 17 octobre 2003, et qu'il prévoyait le règlement immédiat par M. Demolière d'un montant de 5 382 euro, sur un total de droit d'entrée de 11 960 euro ;

Attendu qu'un document d'information pré-contractuel avait été remis à M. André Demolière, et que sa lecture montre qu'il était singulièrement vide en réalité sous l'apparence d'une rédaction d'une quinzaine de pages consacrées à des généralités ;

Attendu qu'il a été curieusement envisagé la création d'une société entre M. Levy et M. Demolière, et qu'un premier projet de SARL dénommée Demolev a été établi, suivi d'un autre projet de société destinée à être appelée Mercure ;

Que ce montage était assez singulier, puisque par sa participation à l'entreprise franchisée, M. Levy aurait eu la double qualité de franchiseur et de franchisé, dispensateur d'un savoir-faire professionnel et réceptionnaire de celui-ci ;

Attendu que M. Levy s'est occupé de négocier le bail commercial pour la cellule dans la galerie du magasin Cora, et qu'il a présenté une demande de prêt à une banque pour le compte de la société en formation Mercure ;

Attendu qu'il est intervenu dans l'aménagement du local, de dimensions assez modestes cependant, et qu'il a dirigé un conseil en recrutement sur M. Demolière ;

Attendu qu'un contrat de franchise définitif a été signé le 8 avril 2004 ;

Que le bail avec la société Cora a été signé peu après, mais au nom d'une SARL Demolière, après l'abandon du projet de société Mercure ;

Attendu que pour la signature du bail commercial, la société AL Conseils a perçu une commission de 8 204,56 euro, et que pour le droit d'entré dans la franchise, M. Levy a demandé un complément de prix de 6 578 euro, lequel paraît avoir été payé de manière échelonnée avec quelques difficultés par la société Demolière ;

Attendu que des courriers montrent que la société Demolière n'a pas eu immédiatement sa licence d'agent immobilier, et que des discussions ont eu lieu sur les modalités d'un partage d'honoraires pour des mandats traités en pratique par la société Demolière, mais confiés nominalement à la société AL Conseils Immobiliers déjà titulaire d'une licence depuis 2002 ;

Attendu que la société AL Conseils Immobiliers a abandonné les premières échéances de franchise dues pour le début de l'année 2005, mais qu'elle a sollicité le règlement des échéances minimales à compter du reste de l'année 2005 ;

Attendu que par courrier du 7 avril 2006, M. André Demolière a répondu qu'il ne souhaitait pas obtempérer à ces demandes, au motif qu'à part les courriers concernant la franchise, M. Levy ne pouvait justifier d'aucune aide depuis la création de l'agence ;

Attendu que dans les faits, la société AL Conseils Immobiliers n'est plus intervenue que de manière très discrète après l'installation de l'agence Demolière, et que l'on ne voit guère que la trace d'une information sur la loi dite SRU et le droit de rétractation des candidats à une acquisition immobilière ;

Attendu que M. Demolière conteste la réception en juillet 2004 d'un document constitutif d'un manuel opératoire des agents immobiliers ;

Que l'examen de ce fascicule montre qu'il n'est pas totalement vide, et qu'il contient pour l'essentiel des informations juridiques assez générales cependant ;

Attendu qu'il faut noter que M. Levy n'avait pas d'autre franchisé que l'agence Demolière ;

Attendu qu'en l'état des éléments précédents, la cour confirme que le contrat entre l'EURL AL Conseils Immobiliers et la SARL Immobilière Demolière est effectivement nul en tant que contrat de franchise, à défaut de transmission d'un savoir-faire spécifique ;

Qu'il est constant en effet que selon la jurisprudence française et selon les règlements européens, l'objet essentiel du contrat de franchise est la transmission d'un savoir-faire spécifique, non divulgué, à un franchisé qui adhère à un concept particulier ;

Attendu qu'il est assez évident au résultat des précédentes observations de fait qu'il n'y a pas eu de transmission d'un savoir-faire spécifique, et que l'EURL AL Conseils Immobiliers en est restée au stade d'informations générales et publiques ;

Qu'elle n'avait développé aucun concept particulier, et aucune méthode propre de travail ;

Qu'il a déjà été observé d'ailleurs que le document d'information précontractuel était d'une vacuité assez manifeste ;

Attendu qu'il faut rappeler cependant que la jurisprudence admet qu'un contrat nul en tant que franchise peut être requalifié en un autre contrat valide, tel qu'un accord de distribution ou un mandat ;

Attendu qu'en l'espèce, la cour observe qu'il y a eu tout de même une certaine aide de la société AL Conseils Immobiliers à la SARL Immobilière Demolière lors de l'installation dans la galerie du magasin Cora ;

Attendu que cette cour estime qu'il y a eu en ce cas un contrat d'entreprise valide, assez analogue au contrat d'un consultant ;

Attendu qu'il reste à chiffrer le prix de ce contrat d'assistance à l'installation, et que la cour estime que le premier règlement de 5 382 euro opéré par M. André Demolière constitue un prix normal pour ce contrat de consultant ;

Attendu qu'il en résulte que l'EURL AL Conseils Immobiliers devra restituer le surplus du droit d'entrée dans la franchise d'un montant de 6 578 euro ;

Que la cour confirme naturellement le rejet de sa demande de paiement des échéances ultérieures du contrat de franchise, et d'indemnité de résiliation d'un montant de 17 043 euro ;

Attendu que la cour confirme le rejet des plus amples demandes indemnitaires de la SARL Demolière qui n'a pas subi d'autre préjudice ;

Attendu qu'en ce qui concerne les imputations à l'égard de M. Levy, la cour observe qu'il n'en est tiré aucune conséquence particulière de la part de l'EURL AL Conseils Immobiliers ;

Que celle-ci se borne en effet à demander de constater que la société Immobilière Demolière n'a pas versé aux débats la preuve de ses accusations contre M. Levy ;

Que la demande de paiement d'une indemnité de 17 043 euro est en effet une demande de règlement de l'indemnité de résiliation du contrat de franchise, facturée à ce montant, et non pas une demande de réparation du préjudice prétendument subi à la suite des imputations de la société Immobilière Demolière, même si la place de cette demande dans le dispositif des conclusions de l'EURL AL Conseils Immobiliers suscite une équivoque ;

Attendu que cette demande n'a aucun objet véritable sur le fondement de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Qu'il est par ailleurs exact et reconnu par M. Levy qu'il a dû déposer à deux reprises le bilan de précédentes entreprises ;

Que la cour constate que la demande de l'EURL AL Conseils Immobiliers n'a pas d'objet ;

Attendu que l'équilibre des précédentes dispositions conduit la cour à limiter à 1 000 euro la compensation que doit obtenir la SARL Immobilière Demolière sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la cour rejette toutes autres demandes plus amples, et met l'intégralité des dépens de première instance et d'appel à la charge de l'EURL AL Conseils Immobiliers, en rappelant qu'il n'y a pas de dépens spécifiques relatifs à un appel incident ;

Par ces motifs : LA COUR, Reçoit l'appel de l'EURL AL Conseils Immobiliers contre le jugement du 26 janvier 2009 du Tribunal de grande instance de Strasbourg, au fond, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le contrat de franchise passé le 8 avril 2004, et en ce qu'il a débouté l'EURL AL Conseils Immobiliers de toutes les demandes présentées sur le fondement de ce contrat; Reforme le jugement entrepris pour le surplus, et Condamne l'EURL AL Conseils Immobiliers à restituer à la SARL Immobilière Demolière une somme de 6 578 euro (six mille cinq cent soixante dix huit euro) et ses intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris, le surplus étant acquis à l'EURL AL Conseils Immobiliers au titre d'un contrat de louage d'ouvrage; Confirme le rejet de la demande indemnitaire présentée par la SARL Immobilière Demolière; Constate que la demande présentée par l'EURL AL Conseils Immobiliers au titre des allégations à l'encontre de M. Levy n'a pas d'objet sur le fondement de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881; Condamne l'EURL AL Conseils Immobiliers à payer à la SARL Immobilière Demolière une compensation unique de 1 000 euro (mille euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'ensemble des deux instances; Rejette toutes autres demandes plus amples ; Condamne l'EURL AL Conseils Immobiliers aux entiers dépens de première instance et d'appel, rappel étant fait qu'il n'y a pas de dépens spécifiques relatifs à un appel incident.