Livv
Décisions

ADLC, 20 septembre 2011, n° 11-D-12

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative au respect des engagements figurant dans la décision autorisant l'acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus

ADLC n° 11-D-12

20 septembre 2011

L'Autorité de la concurrence,

Vu la décision du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 30 août 2006, autorisant l'acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus sous réserve de l'ensemble des engagements pris par ces sociétés le 24 août 2006, ensemble l'avis émis sur l'opération par le Conseil de la concurrence le 13 juillet 2006 ; Vu la lettre, enregistrée le 4 juillet 2008 sous le numéro 08-0075 A, par laquelle le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi le Conseil de la concurrence pour avis sur l'exécution des engagements souscrits par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus ; Vu la décision n° 09-SO-01 du 28 octobre 2009 par laquelle l'Autorité s'est saisie d'office de l'exécution des engagements souscrits par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus (affaire enregistrée sous le numéro 09-0116 R) ; Vu le livre IV du Code de commerce, et notamment son article L. 430-8 ; Vu l'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes n° 2010-0381 du 15 avril 2010 ; Vu l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel n° 2010-13 du 27 mai 2010 ; Vu les rapports du mandataire relatifs à l'état de réalisation des engagements souscrits par le Groupe Canal Plus ; Vu les observations présentées par Vivendi Universal, Groupe Canal Plus et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Vivendi Universal et Groupe Canal Plus entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 24 mai 2011 ; Adopte la décision suivante :

I. Contexte

1. Seront présentés ci-après la décision d'autorisation de l'opération de concentration, et notamment les engagements souscrits par les parties (A) avant que ne soit décrite la procédure suivie par l'Autorité pour contrôler l'exécution de ces derniers (B).

A. La décision d'autorisation de l'opération de concentration

2. Par lettre en date du 30 août 2006 (1) (ci-après la " décision "), et après avis du Conseil de la concurrence n° 06-A-13 du 13 juillet 2006, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (ci-après le " ministre ") a autorisé la création de la société Canal+ France, regroupant les activités de télévision payante de TPS et de Groupe Canal Plus (ci-après " GCP ", désignant également indifféremment toute entité le composant), soit les deux bouquets satellitaires CanalSat et TPS, la chaîne Canal+ et les chaînes thématiques de Multithématiques.

3. Cette opération avait pour effet de fusionner les deux principaux opérateurs des marchés de la télévision payante en France. Les autorités de concurrence ont considéré qu'elle entraînait, outre des effets significatifs sur les marchés amont d'acquisition de droits audiovisuels et intermédiaire de production de chaînes thématiques payantes, " le renforcement de la position dominante de Groupe Canal Plus " sur le marché aval de la distribution de télévision payante, " en raison de la forte addition de parts de marché, de la disparition d'un concurrent potentiel et de l'existence d'effets verticaux significatifs " (2). En effet, l'opération avait pour effet de conférer à GCP le quasi monopole de la distribution de services de télévision payante sur la plateforme du satellite. Les atteintes à la concurrence identifiées tenaient principalement, sur le marché intermédiaire, aux risques d'éviction d'opérateurs concurrents, tant du côté de l'offre (éditeurs) que du côté de la demande (distributeurs) et, sur le marché aval, aux risques d'éviction des concurrents distributeurs, entraînant ainsi le renchérissement des abonnements et la baisse de la qualité de l'offre.

4. Afin de remédier aux problèmes de concurrence identifiés, l'autorisation a été délivrée sous condition de la mise en œuvre de cinquante-neuf engagements souscrits le 24 août 2006 par les parties à la concentration (ci-après les " parties "), que sont Vivendi (société Vivendi et ses filiales) et GCP (société Groupe Canal Plus et ses filiales).

1. Les engagements souscrits

5. Les engagements avaient pour principal objet de permettre aux distributeurs de télévision payante qui subsisteraient après l'opération, et pour l'essentiel les fournisseurs d'accès à internet, d'accéder à des contenus suffisamment attractifs pour constituer des bouquets de chaînes payants qui participeraient à l'animation de la concurrence sur le marché aval de la distribution de télévision payante. Ainsi que l'observe la décision : " Si l'avantage technique des opérateurs ADSL n'est pas nié, il convient de remarquer, comme cela a été démontré, qu'il ne permet en aucun cas à ces derniers de se développer s'ils n'ont pas accès à un contenu attractif. Or l'opération de concentration accroîtrait, en l'absence de remèdes, leur difficulté à se fournir en chaînes et droits attractifs " (3).

6. En amont, des engagements ont donc été pris pour faciliter l'acquisition de droits. Cependant, compte tenu des barrières à l'entrée, tant financières que contractuelles, sur les marchés amont, et de la nécessité de disposer d'un réel savoir-faire pour créer des chaînes de télévision attractives, des engagements ont également été pris afin d'ouvrir les marchés au stade intermédiaire de l'édition de chaînes et de permettre ainsi aux concurrents de GCP d'acheter les chaînes thématiques nécessaires à la composition de bouquets attrayants (4). La concurrence ainsi stimulée en aval devait elle-même inciter les distributeurs tiers à enrichir leur offre en achetant des droits ou en créant des chaînes, ou encore en acquérant d'autres chaînes thématiques auprès d'opérateurs indépendants dont plusieurs engagements garantissaient l'autonomie vis-à-vis de GCP et le maintien sur les marchés intermédiaires. Cette demande des fournisseurs concurrents aurait à son tour dynamisé la concurrence sur les marchés amont et intermédiaire. En effet, pour garantir une animation concurrentielle suffisante sur le marché aval sur lequel les consommateurs exercent leurs choix, il convient de s'assurer que l'émergence d'une offre diversifiée est possible et que les incitations à la concurrence en prix sont préservées. Ceci requiert que le fonctionnement des différents marchés amont et intermédiaire permette à la fois l'existence de contenus variés, tant dans leurs types que dans leurs qualités, leur édition par des chaînes accessibles à plusieurs canaux de distribution, et leur combinaison au sein de bouquets de chaînes différenciés.

7. Les principaux engagements, relatifs à l'accès aux droits, à la mise à disposition de chaînes, à la reprise des chaînes indépendantes et à la distribution des chaînes tierces, sont présentés ci-après. Ils doivent se comprendre à la lumière de ce qui précède sur les conditions du fonctionnement concurrentiel du marché de la télévision payante.

a) L'accès aux droits

8. Ces engagements concernent les droits cinématographiques (engagements 1 à 12), les droits relatifs aux séries américaines à succès (engagement 13) et les droits sportifs (engagements 14 à 17).

9. S'agissant des droits cinématographiques, les engagements mettent en place un encadrement de la durée des contrats cadre5 conclus entre l'entité issue de la fusion et les grands studios américains et l'interdiction de la conclusion de tels contrats avec les producteurs de films français. En outre, les engagements prévoient que soit mis fin à l'exploitation exclusive des droits d'exploitation PPV (pay per view) et VoD (vidéo à la demande) dans le cadre des contrats en cours et l'interdiction pour la nouvelle entité d'acquérir des droits exclusifs dans le cadre de contrats futurs.

10. S'agissant des séries américaines à succès, les engagements imposent à la nouvelle entité une durée maximale des fenêtres de diffusion dans le cadre de ses négociations futures avec les détenteurs de droits.

11. S'agissant des droits sportifs, les engagements limitent la durée des contrats futurs à trois ans et facilitent la résiliation de ceux-ci à l'initiative des détenteurs de droits dans l'hypothèse de contrats d'une durée supérieure.

12. L'objectif de cette série d'engagements était de permettre aux concurrents de GCP sur les marchés intermédiaires de l'édition de chaînes thématiques payantes d'acheter des contenus attractifs sur les marchés amont de l'acquisition de droits pour composer leurs chaînes.

b) La mise à disposition de chaînes

13. Ces engagements concernent la mise à disposition de chaînes éditées par l'entité issue de la fusion auprès des distributeurs de services de télévision payante en métropole (engagements

18 à 33) et dans les territoires d'outremer (engagements 34 et 35).

14. Pour la métropole, les engagements prévoient la mise à disposition de sept chaînes de télévision éditées par GCP ou qu'elle acquérait dans le cadre de la concentration (la chaîne premium TPS Star ainsi que trois chaînes de cinéma, une chaîne de sport et deux chaînes jeunesse) à tous les distributeurs (satellite, ADSL, câble, TNT) dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires. Ils imposent des obligations relatives au maintien de la qualité des chaînes mises à disposition. Les engagements assurent par ailleurs que les contrats en cours à la date de l'opération qui autorisaient des distributeurs tiers à diffuser des chaînes éditées par des actionnaires minoritaires de la nouvelle entité (TF1, Métropole Télévision et Lagardère) puissent être renouvelés. Enfin, ils prévoient que les contrats conclus avec les opérateurs du câble soient maintenus et reconduits et que la nouvelle entité renonce à une distribution exclusive de ses propres chaînes sur la TNT.

15. Pour les territoires d'outremer, les engagements imposent la reconduction des contrats de distribution liant TPS aux opérateurs Parabole Réunion, actif sur le marché de l'Océan indien, et WSG-MTVC, actif sur le marché des Antilles. Ils interdisent toute discrimination entre la nouvelle entité et les distributeurs tiers dans la mise à disposition des chaînes concernées.

16. Ces engagements, qui revêtent un caractère absolument essentiel, visaient à permettre l'émergence d'un marché de gros de chaînes thématiques payantes susceptible d'alimenter les concurrents de GCP sur les marchés aval de la distribution de télévision payante. Ils figurent au cœur du dispositif prévu par la décision pour restaurer des conditions de concurrence suffisantes, les chaînes mises à disposition relevant de " thématiques indispensables à la composition d'un bouquet attractif (...), seul capable d'animer la concurrence à l'aval " (6).

Parmi ces chaînes, la mise à disposition de TPS Star, " élément incontournable et moteur d'abonnement ", était considérée par le ministre comme " l'une des clés du développement de la concurrence à l'aval " (7).

c) La reprise des chaînes indépendantes et la distribution des chaînes tierces

17. Les engagements prévoient que l'entité issue de la fusion assure la reprise d'une proportion minimale de chaînes indépendantes (8) dans son offre de télévision payante et fasse droit aux demandes raisonnables de reprise formulées par ces chaînes (engagements 37 à 39). Ils imposent une distribution des chaînes dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires et énoncent des conditions de forme et de procédure pour la reprise de celles-ci (engagements 40 à 42). Enfin, les engagements encadrent les conditions de distribution des chaînes tierces (9) (engagements 43 à 46).

18. L'objectif de ces engagements était de permettre le maintien des chaînes indépendantes afin qu'elles puissent enrichir les offres commerciales des opérateurs concurrents de GCP sur les marchés aval de la distribution de télévision payante, de façon à maintenir sur les marchés un degré suffisant de concurrence par la variété des offres.

2. Le suivi et la mise en œuvre des engagements

19. Un mandataire indépendant, M. Jacques Vistel, ancien conseiller d'Etat, nommé par les parties et agréé par le ministre, a été chargé du suivi des engagements souscrits et de leur bonne mise en œuvre. Il a régulièrement établi des rapports relatifs à l'état de réalisation des engagements souscrits par GCP, communiqués aux autorités de contrôle (10).

20. A l'exception des engagements relatifs à la VoD et à la mise à disposition de chaînes, souscrits pour une durée de cinq ans, les engagements ont été souscrits pour une durée de six ans, commençant à courir, pour chacun d'entre eux, au plus tard quatre-vingt-dix jours après la date de réalisation de l'opération (11). L'opération ayant été réalisée le 4 janvier 2007, les engagements devaient être mis en œuvre, au plus tard, le 4 avril 2007.

B. La procédure de contrôle du respect des engagements

21. Par lettre en date du 4 juillet 2008, enregistrée sous le numéro 08-0075 A, le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, a saisi le Conseil de la concurrence (devenu l'Autorité de la concurrence) pour avis sur l'exécution des engagements souscrits par les parties, sur le fondement des dispositions de l'article L. 430-8 du Code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, alors applicable (12).

22. Le ministre a demandé au Conseil d'examiner d'éventuels manquements concernant les délais de mise à disposition des chaînes (engagement 21), le rapport qualité/prix des chaînes mises à disposition (engagement 22), les droits cinéma (engagement 3) et les conditions de reprise de chaînes indépendantes (engagements 40 à 43), et notamment, pour ces dernières, les délais de reprise (engagement 40) et la non-discrimination en termes de modalités techniques ou de rémunération (engagement 41).

23. La réforme du Code de commerce, introduite par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et par l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, a modifié la procédure applicable au contrôle du respect des engagements souscrits dans le cadre d'une opération de concentration, avant que le Conseil n'ait pu rendre son avis. L'exercice du contrôle a été transféré du Ministre en charge de l'économie à l'Autorité de la concurrence, en vertu des dispositions nouvelles du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce.

24. Par une décision n° 09-SO-01 (13) en date du 28 octobre 2009, l'Autorité de la concurrence, désormais compétente pour exercer le contrôle, s'est saisie d'office des manquements aux engagements pris en application de la décision du Ministre, conformément aux dispositions du III de l'article L. 462-5 du Code de commerce dans sa version issue de l'ordonnance du 13 novembre 2008 (affaire enregistrée sous le numéro 09-0116 R). Par décision du rapporteur général adjoint du 2 février 2010 (14), les affaires 08-0075 A et 09-0016 R ont été jointes.

25. Un rapport a été notifié aux parties le 21 février 2011 conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 463-2 du Code de commerce. Ce rapport a relevé des manquements aux engagements relatifs à l'accès aux droits (engagements 3 et 14), à la mise à disposition des chaînes de GCP auprès des distributeurs en métropole (engagements 20, 21, 22 et 25) et en outremer (engagements 34 à 36) ainsi qu'à la reprise des chaînes indépendantes (engagements 40 à 46). L'appréciation de l'Autorité de la concurrence dans la présente décision porte uniquement sur des manquements ayant ainsi fait l'objet de la procédure contradictoire.

26. GCP et Vivendi ont déposé des observations en réponse au rapport par mémoires séparés en date du 15 avril 2011. La séance devant l'Autorité de la concurrence s'est tenue le 24 mai 2011.

II. Analyse des manquements aux engagements souscrits

27. Après un bref exposé des principes guidant le contrôle exercé par l'Autorité de la concurrence en application des dispositions du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce (A), seront successivement analysées ci-après l'exécution par GCP des engagements relatifs à la mise à disposition de chaînes auprès des distributeurs métropolitains (B), à la mise à disposition de chaînes auprès des distributeurs de la Réunion (C), à l'accès aux droits (D), et à la reprise des chaînes indépendantes et tierces (E).

A. Le contrôle de l'exécution d'engagements souscrits dans le cadre d'une opération de concentration

28. Lorsqu'elle contrôle l'exécution d'engagements en application des dispositions du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce, l'Autorité de la concurrence tient compte de l'ensemble des circonstances particulières à l'opération de concentration. Son appréciation dépend notamment de la nature des engagements souscrits et du diagnostic qui a conduit les autorités de contrôle à y conditionner l'autorisation de l'opération. A cet égard, l'interprétation et le contrôle d'obligations de nature comportementale est susceptible de revêtir, toutes choses égales par ailleurs, un caractère plus complexe que ceux des mesures de nature structurelle, comme le sont des engagements de céder une activité dans un délai imparti.

29. Par ailleurs, le contrôle effectué ne relève pas d'une appréciation globale mais porte sur le respect des engagements pris un par un, dont chacun a valeur obligatoire. En effet, la décision d'autorisation de l'opération de concentration est délivrée sous la condition de la bonne exécution de l'ensemble des engagements retenus, qui sont tous nécessaires à la résolution des atteintes à la concurrence identifiées. Ainsi, la circonstance qu'une partie des engagements ait été respectée ne saurait faire échec à un constat d'inexécution. A l'inverse, le respect formel de la lettre d'un engagement peut être insatisfaisant s'il s'avère que l'entreprise qui était tenue de le mettre en œuvre a par ailleurs pris des mesures aboutissant à le vider en tout ou en partie de sa portée. Dans de tels cas, il appartient à l'Autorité d'apprécier les suites à donner aux manquements constatés, en fonction notamment de la nature de l'engagement concerné.

30. A la différence d'injonctions imposées par l'autorité de contrôle, les engagements sont proposés par les parties à l'opération de concentration. Celles-ci sont tenues de proposer des engagements suffisants pour remédier aux problèmes de concurrence identifiés. Il appartient aux parties de s'assurer dès ce stade que les engagements retenus, tels que modifiés pour intégrer le cas échéant les préoccupations que leur premier état peut avoir suscité chez l'autorité de contrôle, peuvent effectivement être exécutés, dès lors que ces derniers conditionnent la délivrance de l'autorisation de l'opération. Dans ces conditions, les parties ne sauraient invoquer, au stade du contrôle de leur exécution, l'impossibilité ou la difficulté de se conformer aux engagements souscrits, dont elles ont elles-mêmes approuvé le contenu et le délai de mise en œuvre.

31. Enfin, pour contrôler la bonne exécution des engagements souscrits dans le cadre d'une opération de concentration, un mandataire peut, dans les cas les plus complexes, avoir été désigné pour en surveiller la réalisation et rendre compte auprès de l'autorité de contrôle.

Dans un tel cas, si les rapports établis par le mandataire sont de nature à éclairer utilement l'analyse effectuée par l'Autorité, cette dernière n'est pas liée par les appréciations portées par le mandataire dans le cadre de l'exercice de sa mission de suivi des engagements.

B. Sur le respect des engagements relatifs à la mise à disposition des Chaînes de GCP à destination des distributeurs en métropole

32. Seront examinées ci-après l'exécution de l'engagement 20, relatif à l'obligation de non discrimination entre les plateformes (1), 21 et 56, s'agissant du délai de mise à disposition des chaînes (2), et 21 et 22, s'agissant du maintien de la qualité des chaînes (3).

1. Sur le respect de l'engagement 20, relatif à l'obligation de non

Discrimination entre les plateformes

33. Aux termes de l'engagement 20 : " La mise à disposition de l'ensemble des chaînes ci-dessous devra garantir l'absence de discrimination entre les plateformes détenues par la Nouvelle Entité et les plateformes détenues par des tiers, notamment en ce qui concerne les avancées technologiques (Haute Définition notamment) ".

34. Cette obligation de non-discrimination concerne la mise à disposition par GCP aux distributeurs en métropole des chaînes énumérées sous l'engagement 21, à savoir la chaîne premium TPS Star, trois chaînes cinéma (Cinéstar, Cinéculte et Cinétoile), la chaîne de sport Sport + et deux chaînes jeunesse (Piwi et Télétoon).

a) La portée de l'engagement

35. GCP soutient que l'engagement 20 vise uniquement à prévenir les discriminations entre les plateformes en ce qui concerne le " format " des chaînes mises à disposition, aucune discrimination entre deux plateformes ne pouvant être caractérisée lorsque l'une d'entre elles ne dispose pas encore des chaînes en cause. Elle fait valoir que cette appréciation serait partagée par le mandataire.

36. Il résulte toutefois des termes dépourvus d'ambiguïté de l'engagement 20 que, si celui-ci vise " notamment " les avancées technologiques (Haute Définition), la portée de l'obligation de non discrimination entre les plateformes détenues par GCP et celles détenues par des tiers qu'il énonce est générale. Elle s'applique donc également au calendrier de mise à disposition des chaînes entre les différentes plateformes.

37. GCP soutient qu'il ne pouvait lui être imposé de subordonner le lancement de son offre au bon vouloir des autres opérateurs dans la reprise des chaînes concernées. Cependant, la mise à disposition des chaînes visées par l'engagement 21 ne saurait être confondue, ainsi que le fait GCP, avec la simple ouverture de négociations avec les distributeurs tiers. En effet, la mise à disposition suppose que les fournisseurs d'accès à internet soient effectivement mis en mesure d'intégrer les chaînes dans leur offre commerciale, et doit donc prendre en compte les délais normaux de négociation entre GCP et les distributeurs.

b) Appréciation de l'exécution de l'engagement

38. Le premier cahier des charges de mise à disposition des chaînes visées par l'engagement 21 a été transmis par GCP aux distributeurs le 2 avril 2007. Parallèlement, GCP a lancé sa nouvelle offre CanalSat (" Le Nouveau CanalSat ") le 21 mars 2007. Cette transmission, préalable à l'ouverture des négociations avec les opérateurs, ne saurait être assimilée à la mise à disposition effective des chaînes auprès des distributeurs tiers.

39. Le calendrier de la signature des contrats avec les distributeurs tiers et du lancement des offres commerciales de ces derniers, tel qu'il ressort des indications de GCP (15), est suivant : 73

< emplacement tableau >

40. Les données relatives à la signature des contrats avec Orange Sat, Darty ADSL et Bytel ADSL sont communiquées à titre d'information, mais ne sont pas pertinentes pour l'examen de l'engagement 20 puisque ces opérateurs ont lancé leurs services après l'année 2007.

41. Il résulte de ces éléments que les chaînes en cause ont été mises à disposition de la plateforme CanalSat, détenue par GCP et proposée en auto-distribution à l'ensemble des abonnés des fournisseurs d'accès à internet par ADSL, le 21 mars 2007, avant que la mise à disposition des chaînes auprès des distributeurs (Orange ADSL, Free ADSL et SFR ADSL) n'ait été rendue possible par GCP, et avant même la transmission à ces derniers du cahier des charges de mise à disposition des chaînes le 2 avril 2007. Ces éléments permettent d'établir l'existence d'une discrimination contraire à l'engagement 20.

42. Par ailleurs, GCP fait valoir que le lancement de l'offre " Le Nouveau CanalSat " était la simple traduction des efficiences recherchées par la concentration et qu'en retarder la commercialisation aurait été contraire à l'objet même de l'opération autorisée par le ministre. Toutefois, la recherche des efficiences dans le cadre d'une concentration ne saurait être effectuée en violation des engagements souscrits par l'entreprise afin de remédier aux problèmes de concurrence identifiés par l'autorité de contrôle, qui ont valeur obligatoire. Le lancement par GCP de sa nouvelle offre " Le Nouveau CanalSat " ne pouvait ainsi intervenir antérieurement à la mise à disposition des chaînes auprès des tiers.

c) Les conséquences du manquement

43. Le calendrier de mise à disposition des chaînes a conduit GCP à favoriser la migration des abonnés au bouquet TPS vers " Le Nouveau CanalSat ", en leur proposant une offre contenant " de nouvelles chaînes dans les différentes thématiques et des contenus exclusifs sans changement de tarifs " (16), alors que les fournisseurs d'accès à internet par ADSL n'étaient pas encore en mesure de proposer une offre de détail incluant tout ou partie des chaînes visées par l'engagement 21, correspondant pour la plupart à des chaînes indispensables à la composition d'un bouquet attractif.

44. Ainsi que le relève le CSA dans son avis du 27 mai 2010, " la méconnaissance des obligations figurant à l'engagement 20 a pu avoir un effet sur la capacité de recrutement de nouveaux abonnés des distributeurs concurrents du groupe Canal+. En effet, au cours du premier semestre 2007, selon la société France Télécom, 90 000 abonnés ont migré des offres TPS vers des offres CanalSat sans qu'elle soit en mesure de leur proposer une offre alternative composée de chaînes dégroupées du groupe Canal+. (...) Ce manquement a créé un préjudice difficilement réversible aux distributeurs concurrents, alors même que le groupe Canal+ n'était pas contraint d'effectuer le lancement de sa nouvelle offre en mars 2007 " (17).

2. Sur le respect des engagements 21 et 56, s'agissant du délai de mise à disposition des chaînes

45. Si la mise à disposition des chaînes visées à l'engagement 21, auprès des fournisseurs d'accès à internet qui en avaient fait la demande, a été considérée précédemment comme un manquement à l'engagement 20, en tant qu'elle caractérise une discrimination entre plateformes compte tenu du lancement précoce de l'offre " Le Nouveau CanalSat ", il convient également d'apprécier le respect du calendrier de mise à disposition de ces chaînes au regard des engagements 21 et 56.

46. Aux termes de l'engagement 21 : " Les parties s'engagent à (...) mettre à disposition sur une base non exclusive : a. la chaîne premium TPS Star ; b. trois chaînes cinéma :

- une chaîne de cinéma populaire (Cinéstar),

- une chaîne de cinéma découverte (Cinéculte),

- et une chaîne de cinéma classique (Cinétoile) ;

c. la chaîne de sport généraliste Sport+ ;

d. deux chaînes jeunesse Piwi et Télétoon (...) ".

47. Cet engagement avait pour objet de prévenir l'éviction des concurrents de la nouvelle entité sur le marché aval de la distribution de télévision payante liée à l'assèchement de l'offre de chaînes. Un tel risque d'assèchement apparaissait comme une des conséquences de la fusion, d'une part, et des exclusivités de distribution conclues au bénéfice de GCP sur les chaînes appartenant aux actionnaires minoritaires de Canal+ France, d'autre part. L'engagement permettait de mettre à disposition des distributeurs tiers un contenu attractif afin que ces derniers puissent commercialiser un bouquet compétitif et ainsi d'animer la concurrence sur le marché aval (18).

48. Selon l'engagement 56, les engagements étaient souscrits pour une durée commençant à courir au plus tard quatre-vingt-dix jours après la date de réalisation de l'opération, soit le 4 avril 2007 (cf. supra, point 20).

a) La portée de l'engagement

49. Selon GCP, l'engagement 21, lu en combinaison avec l'engagement 56, ne peut être interprété comme imposant la reprise effective des chaînes par les fournisseurs d'accès à internet au 4 avril 2007, dès lors que cette reprise ne dépendait pas uniquement de GCP. En effet, GCP n'aurait pu anticiper la durée des processus de négociation des conditions commerciales et techniques et d'adaptation des modalités techniques relatifs à la mise à disposition des chaînes. Elle fait valoir qu'elle n'avait pas de maîtrise de l'intégration des chaînes dans les offres des fournisseurs d'accès à internet.

50. L'engagement 21 impose à GCP de " mettre à disposition " les chaînes auprès des distributeurs tiers. Ainsi qu'il a été souligné ci-dessus (point 37), la mise à disposition ne saurait être confondue avec la reprise effective des chaînes par les opérateurs concurrents et le lancement de leurs offres, qui dépendaient de ces derniers. La mise à disposition supposait que les fournisseurs d'accès à internet soient mis en mesure d'intégrer les chaînes dans leur offre dans le délai imparti. GCP devait donc prendre en compte les délais normaux de négociation avec les distributeurs tiers sur la base du cahier des charges proposé.

51. Cette nécessité est soulignée par le mandataire, qui indique qu'il était évident que les propositions initiales formulées par GCP feraient l'objet de négociations et ce, d'autant que certaines conditions techniques et financières pouvaient difficilement être acceptées telles quelles par les fournisseurs d'accès à internet (19). Elle est également relevée par le Ministre (20), lequel considère que la mise à disposition effective des chaînes devait intervenir au plus tard le 4 avril 2007 et impliquait dès lors la réalisation préalable de l'engagement 26 par lequel GCP devait fournir aux distributeurs tiers les modalités de distribution des chaînes dans des délais permettant à ceux-ci de les intégrer dans leur offre de télévision à la date impartie.

b) Appréciation de l'exécution de l'engagement

52. Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, GCP a transmis aux distributeurs le premier cahier des charges de mise à disposition des chaînes visées à l'engagement 21 le 2 avril 2007. La conclusion des contrats avec les opérateurs ADSL est intervenue au plus tôt le 17 juillet 2007, s'agissant de 9Cegetel, et le lancement des offres incluant ces nouvelles chaînes est intervenu au plus tôt le 16 août 2007 s'agissant d'Orange (21) (cf. supra points 38 et 39).

53. GCP fait valoir que le délai écoulé entre la réalisation de l'opération de concentration, le 4 janvier 2007, et la transmission du premier cahier des charges, le 2 avril 2007, s'explique par l'ampleur des travaux préparatoires nécessaires à la rédaction de ce cahier. Il convient toutefois de souligner que l'autorisation de l'opération, assortie des engagements souscrits par les parties, a été délivrée le 30 août 2006, soit plus de huit mois avant l'entrée en vigueur des engagements, le 4 avril 2007, délai suffisant pour permettre à GCP d'anticiper la mise en œuvre de ces derniers.

54. A cet égard, il convient de noter, comme le ministre le relève dans sa lettre de saisine, que GCP a, dès le 21 mars 2007, mis à disposition de ses propres plateformes CanalSat et CanalSatDSL les six chaînes de TPS qui devaient être mises à disposition des opérateurs tiers. Ces chaînes et celles de GCP étaient diffusées depuis 5 ans par plusieurs fournisseurs d'accès à internet, sans que GCP ait formalisé les conditions techniques de distribution. Elles étaient également déjà mises à disposition des câblo-opérateurs. En outre, GCP disposait, en tant que distributeur de télévision payante, d'une expérience de 15 ans dans la conclusion de contrats avec les éditeurs de chaînes commercialisées dans ses offres. Enfin, la mise à disposition des chaînes a été, quant à elle, effective auprès de Parabole Réunion sur le marché de l'Océan Indien dès le 25 avril 2007.

55. Par ailleurs, le mandataire a relevé le caractère peu diligent du calendrier de négociation mis en place par GCP (22). A une première proposition soumise seulement deux jours avant l'expiration du délai imparti, s'est ajouté un processus de négociation passant par la communication globale à l'ensemble des fournisseurs d'accès à internet intéressés, au fur et à mesure de l'avancement des négociations, des diverses modifications adoptées. Cette méthode a provoqué des retards dans la mise en œuvre de l'engagement 21.

56. En tout état de cause, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus (point 30), GCP ne saurait invoquer l'impossibilité de se conformer à ses obligations dans le terme fixé, dès lors qu'elle a elle-même proposé les engagements en cause et le délai de leur mise en œuvre, et que le Ministre n'a autorisé l'opération de concentration qu'à la condition que les engagements pris par les parties, nécessaires pour remédier aux problèmes de concurrence identifiés, soient respectés.

57. Il résulte de ces éléments que GCP n'a pas mis à disposition les chaînes visées par l'engagement 21 dans le délai fixé par l'engagement 56. Ces engagements n'ont donc pas été respectés. Ce retard est d'autant plus dommageable pour les distributeurs tiers que GCP avait lancé dès le 21 mars 2007 sa nouvelle offre, vers laquelle les anciens abonnés à TPS pouvaient migrer sans qu'aucun autre choix leur fût offert par le marché.

3. Sur le respect des engagements 21 et 22, s'agissant du maintien de la qualité des chaînes mises à disposition

58. Aux termes de l'engagement 22 :

" D'une manière générale, les parties garantissent le maintien de la qualité des chaînes mises à disposition des tiers, sur la base de critères objectifs facilement identifiables et vérifiables.

Afin de garantir la qualité de TPS Star, les parties s'engagent à la maintenir dans la catégorie réglementaire des chaînes cinéma de premières exclusivités et à diffuser chaque année (hors rediffusions) un minimum de 100 films de première exclusivité (dont 30 films américains), parmi lesquels :

50 films en première fenêtre (dont 20 américains sur ces 50), dont 15 films de première fenêtre français, européens ou étrangers (y compris américains) ayant réalisé plus de 500 000 entrées en salles en France En outre, TPS Star poursuivra la diffusion dans un volume horaire hebdomadaire au moins équivalent à celui existant à la date du présent engagement de contenus sportifs attractifs (soit 6 heures), et dont une partie significative sera diffusée en exclusivité étant précisé que les contenus sportifs diffusés sur TPS Star ne seront pas codiffusés sur Sport +.

Parmi les contenus sportifs diffusés, devront figurer au moins :

- un match phare en exclusivité et en direct par semaine pendant la saison, au choix de la Nouvelle Entité, parmi les 5 premiers championnats européens selon l'indice UEFA publié au moment de la diffusion des matches objet du présent engagement ;

- et un match phare en direct par semaine pendant la saison, au choix de la Nouvelle Entité, parmi :

- les 6 premiers championnats européens selon l'indice UEFA publié au moment de la diffusion des matches objet du présent engagement (actuellement Espagne, Angleterre, Italie, Allemagne, France, Portugal),

- les coupes européennes (Ligue des Champions et UEFA),

- les coupes nationales les plus attractives à compter des 8èmes de finale (English Cup, Copa del Rey, Coupe d'Italie, Coupe de France, Coupe de la Ligue).

Afin de garantir la qualité des trois chaînes cinéma objet de l'engagement de mise à disposition, les parties s'engagent à assurer un temps de diffusion annuel de programmes de catalogue propres (à savoir non mutualisés avec ceux d'une autre chaîne) au minimum de 50 %.

Afin de garantir la qualité de Sport+, les parties s'engagent à maintenir son positionnement éditorial et le volume horaire journalier actuel (soit 17 heures) avec une proportion annuelle de 50 % au moins en programmes frais (premières expositions). En outre, les parties s'engagent dans l'hypothèse où, pour satisfaire des besoins éditoriaux elles éditeraient une nouvelle chaîne thématique sport, à la mettre également à la disposition des tiers dans des conditions équivalentes à celles qui sont garanties par le présent engagement.

Les parties garantissent le maintien du positionnement éditorial et le volume horaire journalier (soit 16 heures pour Piwi et 24 heures pour Teletoon) actuels des chaînes jeunesse objet de l'engagement de mise à disposition ".

59. Cet engagement avait pour objet d'éviter que les programmes attractifs ne disparaissent des chaînes mises à disposition des distributeurs tiers, faisant échec aux remèdes destinés à prévenir le risque d'éviction des concurrents de GCP sur le marché aval. Les engagements 21 et 22 apparaissent ainsi comme complémentaires, la mise à disposition des chaînes devant nécessairement s'accompagner de la garantie du maintien de leur qualité. En outre, l'engagement 21 a prévu que TPS Star, en tant que chaîne mise à disposition, est une " chaîne premium ", qualité que GCP s'est donc engagée à conserver.

60. Il convient de souligner que ces engagements constituent le cœur du dispositif destiné à permettre l'émergence d'une offre alternative à celle de GCP. En particulier, la décision souligne que " la mise à disposition de TPS Star est l'une des clés du développement de la concurrence à l'aval ", qui permet aux distributeurs de " proposer, au sein de leur bouquet, une chaîne premium de qualité, élément incontournable et moteur d'abonnement " (23). A cet égard, le Conseil de la concurrence avait indiqué, dans son avis sur le projet de concentration, que la proposition de mise à disposition de TPS Star ne pourrait répondre aux préoccupations de concurrence identifiées que sous la réserve, notamment, que " la qualité premium des programmes soit maintenue " (24).

a) En ce qui concerne TPS Star

61. Les engagements relatifs à la qualité de TPS Star comprennent une obligation générale de maintien de qualité de la chaîne (premier alinéa de l'engagement 22), des obligations quantitatives de diffusion de programmes (alinéas 2 à 5 de l'engagement 22) et l'obligation de mettre à disposition la chaîne en tant que chaîne premium (engagement 21). Ces trois types d'obligations sont successivement examinés ci-après.

Sur l'obligation générale de maintien de qualité de la chaîne

La portée du premier alinéa de l'engagement 22

62. GCP soutient que l'engagement 22 ne saurait être interprété comme lui imposant une obligation générale et autonome de maintien de la qualité des chaînes, ce qui aurait pour effet de rendre les obligations quantitatives qu'il énonce inefficaces et inutiles.

63. L'engagement 22 fixe, d'une part, une obligation de portée générale de maintien de la qualité des chaînes mises à disposition des tiers, sur la base de critères objectifs facilement identifiables et vérifiables, inscrite à son premier alinéa. Il fixe, d'autre part, une série d'obligations quantitatives énumérées sous forme de seuils minimaux de diffusion, qui figurent aux alinéas suivants de l'engagement.

64. Ces deux types d'obligations, énoncés dans des alinéas distincts, sont complémentaires l'un de l'autre. Les obligations minimales de diffusion de contenus spécifiques, prévues aux alinéas 2 et suivants de l'engagement 22, n'épuisent pas l'obligation générale de maintien de la qualité fixée à l'alinéa précédent.

65. Il convient de préciser que cette analyse rejoint celle du mandataire qui estime que le respect de l'engagement 22 doit être évalué au-delà du seul respect des chiffres et pourcentages fixés dans l'engagement, par référence à d'autres critères, tels par exemple que le coût des grilles de programmation (25). Cette position est également celle du Ministre, qui, au-delà de l'analyse des quotas fixés par les alinéas 2 et suivants de l'engagement 22, relève la perte de droits sportifs, l'appauvrissement de l'offre cinéma, la moindre diffusion de séries américaines attractives et la très forte baisse des dépenses publicitaires relatives à TPS Star (26).

66. Ainsi que le relève le CSA, la portée de l'engagement 22 doit s'apprécier " au regard de son objectif concurrentiel, qui est de permettre aux distributeurs concurrents de GCP de commercialiser des offres comprenant une chaîne premium ou offrant des contenus premium et un ensemble complet de chaînes thématiques à forte attractivité, c'est-à-dire des chaînes cinéma, sport, information et jeunesse " (27).

Les critères d'appréciation du respect de cette obligation

67. Le respect de l'obligation fixée au premier alinéa de l'engagement 22 doit être apprécié au regard de la qualité de la chaîne TPS Star à la date à laquelle le Ministre a accepté les engagements souscrits par GCP, soit en 2006. Il doit par ailleurs être apprécié, comme cela résulte de son libellé même, " sur la base de critères objectifs facilement identifiables et vérifiables ", sans se limiter aux seuls critères chiffrés cités aux alinéas 2 à 5 de l'engagement.

68. Le maintien de la qualité de TPS Star peut être apprécié au regard des critères suivants : qualité de l'offre cinéma (notamment, volume de films de première exclusivité ou de première fenêtre diffusé annuellement, investissements dans les programmes) ; qualité de l'offre de programmes sportifs (volume, attractivité et diversité des programmes diffusés, investissements) ; qualité de l'offre de séries américaines ; évolution des coûts de grille et innovation technologique. Par ailleurs, l'examen de l'évolution de l'audience de TPS Star, du nombre de ses abonnés, de ses recettes publicitaires et de ses dépenses promotionnelles est également pertinent, s'agissant de critères permettant d'apprécier les effets de la dégradation de la qualité de la chaîne sur son attractivité auprès des téléspectateurs.

69. GCP conteste l'utilisation de ces critères pour évaluer la qualité de la chaîne, au motif que ceux-ci seraient " subjectifs " et divergeraient d'un observateur à l'autre. Elle fait valoir que le respect des engagements ne peut être apprécié au regard de critères définis postérieurement à leur souscription, ce qui créerait pour l'entreprise une insécurité juridique majeure.

70. Or, indépendamment du fait que le principe même de ces critères était prévu par les engagements eux-mêmes, l'ensemble des spécialistes du secteur de la télévision payante s'accorde sur le choix de ces critères de référence. Le mandataire, le Ministre, le CSA, les services d'instruction de l'Autorité, les opérateurs du marché interrogés au cours de l'instruction ont tous constaté l'appauvrissement de l'offre cinéma, la perte de droits sportifs, la moindre diffusion des séries américaines et la baisse des dépenses publicitaires de TPS Star. La majorité d'entre eux ont relevé la baisse des coûts de grille, de l'audience, des recettes publicitaires, du nombre d'abonnés et l'absence d'innovation technologique.

71. Les critères retenus sont par ailleurs objectifs, facilement identifiables et vérifiables, puisqu'ils correspondent pour l'essentiel à des données chiffrées. Si GCP soutient que le critère fondé sur le coût de la grille dépend des prix, nécessairement fluctuants, prévalant sur le marché de l'acquisition de droits et que le montant des investissements publicitaires n'est pas susceptible d'influencer le contenu éditorial proposé, ces éléments, combinés aux autres critères identifiés, constituent pourtant des indicateurs sérieux pour évaluer la baisse de qualité de la chaîne.

Appréciation de l'exécution de l'engagement

72. L'examen de l'évolution des coûts de grille, de la qualité de l'offre cinéma, de l'offre de programmes sportifs, et de l'offre de séries américaines ainsi que le constat de l'absence d'innovation technologique sont autant d'éléments qui convergent pour démontrer une dégradation sensible de la qualité de TPS Star. Ces éléments sont corroborés par d'autres qui établissent une chute sensible de l'attractivité de la chaîne auprès des téléspectateurs.

La baisse durable et continue des coûts de grille

73. Le CSA relève une baisse continue du coût de la grille de TPS Star depuis 2007, passant de 130 M€ en 2006 à 85 M€ en 2009, soit une diminution de 35%. Les achats cinéma suivent une tendance comparable, en baisse de 38,5% sur la même période (28) :

< emplacement tableau >

74. Les chiffres fournis par GCP sont les suivants (en milliers d'euro) :

75. En comparaison, les coûts de grille de Canal+ ont connu une diminution bien moindre au cours de la même période, passant de 1 100 à 969 millions d'euro au total, et, s'agissant des droits cinéma, de 305 à 348 millions d'euro.

L'appauvrissement de l'offre cinéma

76. La qualité de la programmation cinématographique de la chaîne a connu une nette dégradation à partir de 2007 et ce, même si GCP a, selon les éléments communiqués par le mandataire et le CSA, respecté les obligations de diffusion quantitatives prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'engagement 22.

77. Dans son rapport du 15 décembre 2009, le mandataire fait état des données suivantes relatives à la programmation cinématographique de TPS Star (29) :

< emplacement tableau >

78. Il ressort de ces éléments que les programmations de films en premières fenêtres ou en premières exclusivités (30) ayant réalisé plus d'un million d'entrées en salles ont très significativement chuté entre 2006 à 2009, à hauteur de :

- 19% pour les premières exclusivités ;

- 44% pour les premières exclusivités américaines ;

- 50% pour les premières fenêtres ;

- 70% pour les premières fenêtres américaines.

79. Corrélativement, les programmations cinématographiques de films ayant réalisé moins de

500 000 entrées ont sensiblement augmenté entre 2006 et 2009 et sont passées :

- de 59% à 68% pour les premières exclusivités ;

- de 44% à 64% pour les premières exclusivités américaines ;

- de 64% à 74% pour les premières fenêtres ;

- de 56% à 73% pour les premières fenêtres américaines ;

- de 53% à 63% pour les deuxièmes fenêtres.

80. Le CSA a communiqué les données suivantes relatives aux films de première exclusivité diffusés sur TPS Star de 2005 à 2009, en fonction de leur nombre d'entrées en salle :

< emplacement tableau > (31)

81. La diffusion de films en première exclusivité ayant réalisé plus de 500 000 entrées a ainsi connu une baisse significative sur la période, la part des films à plus d'un million d'entrées étant quant à elle passée de 58 % des films diffusés en première exclusivité en 2005 à 7,5 % en 2009. A partir de 2008, la programmation de TPS Star n'a pas dépassé le seuil plancher fixé par l'engagement 22 de 15 films à plus de 500 000 entrées.

82. Il convient de souligner que la baisse significative de la part des films à plus d'un million d'entrées contribue tout particulièrement à l'appauvrissement de l'offre cinéma de TPS Star. En effet, la diffusion de ces " blockbusters " de l'industrie cinématographique, et la communication autour de ces diffusions, constituent pour les chaînes cinéma payantes un aspect fondamental de leur image et de leur attractivité auprès du public.

83. Par ailleurs, les investissements dans l'achat de droits cinématographiques ont significativement chuté sur la période, passant de 109 millions d'euro en 2007 à 67 millions d'euro en 2009 (cf. supra, points 73 et 74). Postérieurement à la fusion, un seul contrat cadre nouveau a été conclu par GCP au profit exclusif de TPS Star, portant sur des droits d'exploitation de films de catalogue, c'est-à-dire de films anciens (32). Parmi les contrats cadre signés après la fusion, les droits acquis au profit de TPS Star sont en majorité des droits d'exploitation en deuxième fenêtre, alors que les droits d'exploitation en première fenêtre ont le plus souvent été réservés à Canal+ (33).

La perte des droits sportifs

84. La qualité de la programmation de contenus sportifs a également connu une nette dégradation au cours de la période en cause.

85. S'agissant, en premier lieu, du volume hebdomadaire des contenus sportifs diffusés par TPS Star, les données communiquées par le CSA font état d'une baisse régulière après l'opération de concentration :

< emplacement tableau >

86. S'agissant, en deuxième lieu, de la diffusion de matches phares, mettant en jeu les meilleures équipes des principaux championnats européens, celle-ci a connu une baisse significative à partir de 2007.

87. Sur les 5 premiers championnats européens à l'indice UEFA que sont, à l'issue de la saison 2009-2010, la Premier League anglaise, la Primera Division de la Liga espagnole, la Série A italienne, la Bundesliga 1 allemande et la Ligue 1 française, seuls les droits du championnat allemand ne sont pas détenus par GCP, mais par France Télécom-Orange, pour la période 2009-2012. GCP a décidé à l'automne 2007 de ne pas se porter candidat à l'acquisition des droits de diffusion de rencontres de la Ligue 1 pour le compte de TPS Star. Les droits de cette compétition ne sont donc exploitables que sur la chaîne Canal+ et sur le service de paiement à la séance Foot +.

88. Pour les trois autres championnats (Angleterre, Espagne, Italie), le tableau suivant montre que, sur la période 2006-2010, TPS Star a régulièrement diffusé des matches de ces compétitions :

< emplacement tableau >

89. A partir de février 2008, TPS Star a toutefois été confrontée à la montée en gamme de l'offre de football de Canal+ Sport, qui s'est traduite par la création d'une programmation spécifique intitulée Le Onze d'Europe, accueillant la retransmission, chaque week-end, des rencontres de championnats nationaux des onze clubs les plus prestigieux du continent (Manchester United, Arsenal, Chelsea, Liverpool, Real Madrid, Barcelone, Inter Milan, AC Milan, Juventus Turin, AS Rome et Bayern Munich). Les meilleures " affiches " disputées par ces principaux clubs européens échappent ainsi à TPS Star (34).

90. En dépit du retour sur l'antenne de TPS Star, à la fin août 2009, des rencontres des deux championnats européens les plus attractifs, la Premier League anglaise et la Primera Division de la Liga espagnole, ce n'est qu'à quatre reprises, sur les 63 matches diffusés au cours de la saison 2009-2010, que des rencontres disputées par l'un des six grands clubs précités évoluant dans ces deux championnats ont été retransmises. Ce n'est qu'à treize reprises qu'un match disputé par des clubs qualifiés pour la Ligue des Champions a été proposé au cours de cette année. Les tableaux ci-dessous retracent les matches des différents clubs anglais et espagnols diffusés au cours de la saison 2009-2010 (35) :

< emplacement tableau >

91. Un examen complémentaire des rencontres des principaux championnats anglais, italien et espagnol diffusées au cours du mois d'avril 2010 (dernier mois complet de la saison 2009-2010) permet d'identifier, sur un total de 11 matches diffusés, 5 matches mettant aux prises des équipes se situant à la 3ème ou 4ème place de leurs championnats respectifs et confrontées à des équipes classées entre la 10ème et la 20ème place. Un seul match diffusé intégrait l'une des 25 meilleures équipes européennes au classement 2009 de l'UEFA (en l'espèce, Milan AC-Catane), alors que les trois championnats précités intègrent 16 de ces 25 clubs.

92. En troisième lieu, une baisse de l'attractivité des programmes sportifs de TPS Star peut être constatée du fait de la perte de diffusion de compétitions exclusives et de la fin de la retransmission d'autres sports que le football à partir de 2008.

93. Dans son avis du 27 mai 2010, le CSA constate ainsi " une diminution continue, depuis 2005, du volume horaire et de la diversité des disciplines retransmises " (36) :

< emplacement tableau >

94. De cinq disciplines sportives proposées en 2006 (football, basket-ball, boxe, patinage artistique et golf), TPS Star n'en diffusait plus qu'une seule en juin 2007 (football).

95. S'agissant des droits de diffusion des rencontres des quatre principaux championnats européens de football hors Ligue 1, la programmation de la Premier League anglaise a été arrêtée à l'été 2007 au profit de Canal+Sport. TPS Star a ainsi diffusé au cours de la saison 2007-2008 un nombre croissant de rencontres de Bundesliga et de Série A italienne, tandis que Canal+ Sport proposait les rencontres les plus attractives de la Premier League et de la Primera Division espagnole. Si, depuis le mois de septembre 2009, TPS Star propose des rencontres des deux championnats européens les plus attractifs, le CSA relève qu'elle " ne dispose plus de compétition exclusive. Elle ne peut proposer que certaines rencontres en complémentarité avec celles qui sont proposées par les chaînes Canal+. La chaîne perd ainsi une spécificité qui constituait un levier de recrutement des abonnés " (37).

96. Dans le même sens, le mandataire a relevé la perte des deux programmes les plus attractifs de TPS Star : les matches de la Premier League anglaise de football, désormais diffusés en exclusivité sur Canal+, et ceux de la Pro A de basketball français, désormais diffusés en exclusivité sur Sport +. Il relève également (38) le fait que ces deux programmes n'ont pas été remplacés par des contenus sportifs attractifs aussi onéreux à l'achat, et que les championnats de football auparavant diffusés en première partie de soirée le lundi soir et le dimanche, sont désormais diffusés les après-midis de week-end.

97. En dernier lieu, le montant global des acquisitions de droits sportifs a baissé de 55 % entre 2006 et 2007, selon les informations communiquées par le mandataire. Cette chute a pour conséquence que les programmes perdus (championnat anglais et compétitions de basketball) ne sont pas remplacés par des programmes d'attractivité équivalente (39)

98. Selon GCP, ces chiffres sont les suivants (en millions d'euro) :

Emplacement

La baisse d'attractivité des séries américaines

99. Ainsi que le relève le mandataire, les séries américaines font partie des éléments clés de la programmation d'une chaîne (40), compte tenu de la part d'audience et de la notoriété de celles-ci. GCP elle-même avait d'ailleurs souligné auprès du Ministre la forte attractivité des séries américaines, " de plus en plus prisées par les téléspectateurs " et constituant " de plus en plus un produit d'appel phare " (41).

100. Le mandataire a relevé une augmentation du nombre des séries diffusées par TPS Star au détriment de leur qualité (42) et la baisse moyenne du prix d'achat par épisode (43). Une série sur trois a été abandonnée d'une saison à l'autre en 2006, contre 4 ou 5 séries sur 6 en 2008 (44). Ainsi que le relèvent le Ministre et le mandataire, TPS Star a procédé à la diffusion de séries ne provenant pas des quatre grands réseaux américains ou discutables en termes de succès, puisque déréférencées, pour la plupart d'entre elles, dès la deuxième saison.

L'absence d'innovation technologique

101. Le CSA relève que la chaîne TPS Star n'offre à ses abonnés aucune des innovations technologiques généralement proposées par les chaînes premium (45).

102. Avant l'opération de concentration, le service TPS Star était un service de première diffusion (46) à programmation multiple, intégrant TPS CinéStar et TPS Home Cinéma. TPS CinéStar diffusait principalement les programmes de TPS Star à des horaires décalés alors que TPS Home Cinéma enrichissait les programmes de TPS Star avec des bonus sur les films, des émissions et magazines sur le cinéma et des documentaires. Le multiplexage de TPS Star a pris fin le 21 mars 2007, au lancement de la nouvelle offre cinéma de GCP.

103. En comparaison, la chaîne Canal+ est composée de cinq déclinaisons. TPS Star ne dispose notamment pas, à la différence de Canal+, de service de télévision de rattrapage, et ses abonnés n'ont pas accès à une version en haute définition de la chaîne.

Les effets sur l'attractivité de la chaîne

104. La dégradation de la qualité de la chaîne s'est traduite par une chute de son attractivité auprès des téléspectateurs, comme en témoignent le déclin de son audience et du nombre de ses abonnés ainsi que la baisse de ses recettes publicitaires et dépenses promotionnelles.

La chute d'audience

105. Le CSA observe que l'audience de TPS Star connaît une diminution constante depuis le début de l'année 2005 et se situe aujourd'hui au niveau de l'audience des chaînes de cinéma qui diffusent essentiellement des films de patrimoine, dont l'attractivité est pourtant censée être moindre que celle d'une chaîne premium diffusant des films de première exclusivité.

< emplacement graphique >

106. Au cours de la même période, l'audience de la chaîne Canal+ a connu une légère baisse, puis une légère augmentation, soit une stabilité globale, ce qui contraste avec l'effondrement de l'audience de TPS Star.

Le déclin du nombre d'abonnés

107. Selon les éléments communiqués par GCP au CSA, le nombre d'abonnés à TPS Star par ADSL, satellite et TNT payante est passé de 918 000 à 751 000 entre décembre 2007 et décembre 2009. Sur le câble, le nombre d'abonnés est passé de 53 000 en janvier 2009 à 37 000 en mars 2010, soit une baisse de 30% (47).

108. Certains opérateurs ADSL relèvent également une baisse continue du nombre d'abonnés à la chaîne. Les abonnés de Free optant pour TPS Star sont ainsi passés de 2 417 à la fin de 2007, 2 370 à la fin de 2008 et 2 048 à la fin de 2009, soit plus de 17 % de baisse en deux ans. Ce déclin contraste avec l'augmentation constante du nombre d'abonnés à l'offre " triple play " (internet, téléphonie et télévision) de cet opérateur au cours de la même période (+800 000 abonnés en deux ans, pour un total proche de 3,8 millions d'abonnés à la fin de l'année 2009).

109. Le CSA indique que le nombre d'abonnés à la seule chaîne TPS Star (hors bouquet) par l'intermédiaire d'un distributeur ADSL ou TNT concurrent de GCP est inférieur à 4 500 au 1er mars 2010 (48). En outre, cette chaîne n'est pas reprise dans les offres d'Orange, de Netgem et de Bouygues, et n'est proposée aux abonnés SFR que depuis le premier trimestre 2010.

< emplacement tableau >

110. Il ressort des éléments communiqués par le mandataire concernant l'évolution mensuelle du portefeuille d'abonnés à TPS Star, par plateformes et par produits, que le nombre d'abonnés à la chaîne a globalement chuté d'un tiers (33,7%) entre décembre 2005 et août 2010 (49). La progression des abonnés à TPS Star provient principalement de l'abonnement " Tout CanalSat ", par satellite et par ADSL (+139% et +87% respectivement) tandis que l'abonnement à l'unité reste marginal, voire inexistant, quelle que soit la plateforme de distribution, confirmant ainsi le peu d'attractivité de la chaîne elle-même.

La baisse des dépenses promotionnelles

111. Les dépenses promotionnelles ont été sensiblement réduites en 2009, alors que celles de Canal+ étaient stables sur la même période. La plupart des campagnes publicitaires n'ont pas été reconduites, ainsi que le relève le mandataire (50).

< emplacement tableau >

112. Il peut être noté par ailleurs que le site Internet de TPS Star était en construction jusqu'en 2010. Ce très long délai n'a pas favorisé le positionnement des offres, avec le risque de décourager d'éventuels clients d'y souscrire (51). Il est nécessaire de passer par le site de CanalSat pour avoir accès aux programmes de TPS Star par Internet, ce qui est problématique pour une chaîne censée être distribuée à l'unité par les fournisseurs d'accès à internet.

La baisse des recettes publicitaires

113. Comme le relève par ailleurs le CSA, les recettes publicitaires de TPS Star sont en baisse depuis 2005, tandis que celles de Canal+ ont, pour la même période, crû de près de 30 %. Selon les données communiquées par GCP, les recettes publicitaires de TPS Star ont été divisées par 4 entre 2006 et 2009, passant de 2,834 à 0,784 millions d'euro. Bien qu'une telle baisse puisse a priori résulter de plusieurs facteurs, celle constatée en l'occurrence peut difficilement s'expliquer, compte tenu du moment où elle est intervenue et de son ampleur très sensible, indépendamment de la baisse des dépenses promotionnelles évoquée aux points précédents et de l'évolution défavorable de la perception de TPS Star par les annonceurs qui en a résulté.

< emplacement tableau >

Conclusion

114. Il résulte de tout ce qui précède que la qualité de TPS Star a connu après 2007 une dégradation rapide, significative et durable, tant en termes de programmation que d'innovation. Cette dégradation s'est traduite par un déclin sensible de l'attractivité de la chaîne auprès des téléspectateurs. Partant, GCP n'a pas respecté l'obligation générale de maintien de la qualité de TPS Star imposée par le premier alinéa de l'engagement 22. Outre l'exécution de cette obligation de portée générale, le respect des obligations quantitatives spécifiques énoncées par les alinéas suivants de l'engagement 22 fait l'objet d'un examen ci-après.

Sur le respect des seuils minimaux de diffusion de contenus sportifs

115. L'analyse développée ci-après porte sur l'exécution des engagements relatifs au seuil de diffusion hebdomadaire de contenus sportifs, à la diffusion de matches phares et à l'interdiction de la co-diffusion de programmes sportifs sur les chaînes TPS Star et Sport +.

En ce qui concerne le seuil de diffusion hebdomadaire

116. Le quatrième alinéa de l'engagement 22 impose la poursuite de la " diffusion dans un volume

hebdomadaire au moins équivalent à celui existant à la date de [l']engagement de contenus sportifs attractifs (...) (soit six heures) ".

La portée de l'engagement

117. GCP soutient que les " contenus sportifs attractifs " visés par l'engagement ne peuvent concerner que le football, dès lors que l'essentiel des obligations quantitatives y ferait référence. Elle invoque, à cet égard, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence et des études de marché. L'exigence de diffusion d'un volume hebdomadaire de six heures de contenus sportifs ne pourrait donc selon elle être appréciée sur la base des 52 semaines de l'année, mais uniquement pendant les périodes de championnat de football.

118. L'engagement vise toutefois de manière générale des " contenus sportifs attractifs ", sans se limiter au football. Le football est certes le contenu sportif le plus attractif mais il n'est pas le seul. L'engagement cite les matches de football " parmi les contenus sportifs diffusés ". La décision, contrairement à ce qu'avance GCP, fait référence à d'autres contenus sportifs que le football. Ainsi le Ministre indique-t-il : " les parties se sont également engagées à garantir un contenu sportif minimal sur la chaîne premium, y compris du football (engagement n° 22) " (52) (soulignements ajoutés). La diffusion de manifestations sportives attractives et " variées " est également une condition de la qualification de chaîne " premium ", qualité que GCP s'est engagée à conserver (engagement 21, cf. infra, point 130 et s.) (53). Dans son avis précité du 27 mai 2010, le CSA se réfère aux compétitions de football, de rugby, de cyclisme, de tennis, de sport automobile, de basket et d'athlétisme (54).

119. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune manière des termes de l'engagement précité que le seuil de diffusion imposé serait restreint aux périodes de championnat de football. Ainsi, le respect de cet engagement aurait dû conduire GCP à diffuser d'autres sports attractifs que le football afin de remplir ses obligations toutes les semaines de l'année, notamment hors des périodes de championnat de football.

Appréciation du respect de l'engagement

120. Les chiffres communiqués par le CSA figurant au point 85 ci-dessus montrent qu'à partir de 2007, le volume hebdomadaire des contenus sportifs diffusés par TPS Star était en moyenne inférieur au seuil de six heures prévu par l'engagement.

121. Par ailleurs, en 2009, le seuil de six heures de diffusion de contenus sportifs n'a pas été atteint pour 27 des 52 semaines de l'année :

< emplacement tableau >

122. Il résulte de ce qui précède que GCP n'a pas respecté l'engagement 22 en ce qui concerne les obligations quantitatives de diffusion de contenus sportifs énoncées par son quatrième alinéa.

En ce qui concerne la diffusion de matches phares.

123. Le cinquième alinéa de l'engagement 22 prévoit la diffusion par TPS Star d'un nombre donné de " matches phares " en direct et en exclusivité.

La portée de l'engagement

124. GCP fait valoir que les engagements ne donnent pas de définition de la notion de " matches phares " et que ceux-ci ne pourraient viser que les matches en exclusivité et en direct de l'un des 5 premiers championnats européens selon l'indice UEFA, ou un match en direct de l'un des 6 premiers championnats européens selon l'indice UEFA, des coupes européennes ou des coupes nationales les plus attractives à compter des 8èmes de finales.

125. GCP ne peut cependant sérieusement prétendre ignorer que le terme " match phare " fait partie du langage courant, régulièrement employé par la presse spécialisée et les fédérations sportives (55). Cette notion est communément comprise comme désignant les matches qui confrontent les meilleures équipes d'un championnat. Par conséquent, un match phare est un match qui occupe une place prépondérante au sein de l'ensemble des matches d'un championnat. Le CSA relève d'ailleurs que GCP utilise la notion de " match phare " dans ses communiqués de presse pour désigner les rencontres entre les meilleures équipes d'un championnat (56).

126. Dans son avis du 27 mai 2010, le CSA définit le " match phare " comme impliquant au moins une équipe en position de se qualifier pour la Ligue des Champions (57). Si GCP conteste cette définition et fait valoir qu'elle serait impossible à mettre en œuvre de manière à respecter les engagements, dès lors que le classement et la popularité des équipes évoluent quotidiennement, il n'en demeure pas moins que certaines équipes sont pressenties en début de saison (les 5 ou 6 équipes les mieux placées), et que les choix de GCP peuvent parfaitement se faire sur cette base, conformément aux engagements et aux contraintes d'évolution du classement.

Appréciation de l'exécution de l'engagement

127. Ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, les matches diffusés par TPS Star après 2007 ont, de manière croissante, opposé des équipes, très peu, voire non susceptibles de se qualifier pour la Ligue des Champions. Les meilleures équipes du classement étaient ainsi absentes de la plupart des matches retransmis (cf. supra points 86 et s.). Il résulte de ces éléments que GCP n'a pas respecté l'engagement 22 en ce qui concerne les obligations quantitatives de diffusion de contenus sportifs énoncées par son cinquième alinéa.

En ce qui concerne la co-diffusion de programmes sportifs sur TPS Star et Sport+

128. Dans ses premier et deuxième rapports, le mandataire a relevé la co-diffusion temporaire de championnats de basket sur TPS Star et Sport +, contraire au quatrième alinéa de l'engagement 22 (58).

129. GCP conteste l'existence d'une telle co-diffusion et soutient que celle-ci ne correspondrait en réalité qu'à un partage de matches d'un même championnat entre deux chaînes. Cependant, les constatations effectuées par le mandataire n'avaient alors pas été contestées par GCP. GCP avait indiqué qu'il s'agissait d'une situation temporaire destinée à être régularisée contractuellement, ce qui a été fait et justifié auprès du mandataire. Ainsi, GCP n'a pas respecté, au moins de manière temporaire, l'interdiction de co-diffusion imposée par l'engagement 22.

Sur la qualité de chaîne premium de TPS Star

La portée de l'engagement 21

130. GCP soutient que l'engagement 21 prévoit uniquement la mise à disposition de " la " chaîne premium TPS Star, dont le maintien dans la catégorie premium serait assuré par l'engagement 22.

131. Les engagements 21 et 22 concourent tous deux au même objectif de prévention du risque d'éviction des concurrents de la nouvelle entité sur le marché aval de la distribution de télévision payante au moyen de la mise à disposition de chaînes leur permettant de composer une offre commerciale attractive. L'obligation de conserver à TPS Star sa qualité de chaîne premium résulte des termes mêmes de l'engagement 21, qui vise la mise à disposition par GCP de " la chaîne premium TPS Star ", de façon complémentaire avec les obligations de maintien de qualité de la chaîne énoncées par l'engagement 22.

Appréciation de l'exécution de l'engagement

132. Le ministre, à la suite du Conseil de la concurrence, a identifié un marché thématique spécifique des chaînes premium, chaînes ayant " la particularité d'être jugées indispensables pour tout distributeur souhaitant proposer un bouquet attractif ", constituant " le principal moteur d'abonnement aux offres payantes les plus chères ", et dont le " coût de constitution, en raison du caractère onéreux [des] contenus, les distingue (...) des autres chaînes " (59).

133. Le ministre a considéré que TPS Star constituait une chaîne premium, dont les critères ont été ainsi définis : " En ce qui concerne les contenus cinématographiques d'une chaîne premium, la délimitation des programmes les plus attractifs est claire : il s'agit des films de première exclusivité. S'agissant des contenus sportifs, il paraît bien trop restrictif de conditionner la définition d'une chaîne premium à la présence de matches de football de Ligue 1 (position de GCP). En effet, une chaîne disposant de films en première fenêtre de diffusion et, de manière exclusive, de manifestations sportives particulièrement attractives et variées peut être qualifiée de chaîne premium. Il convient de rappeler que la Commission européenne a défini les chaînes premium comme des chaînes mettant l'accent sur le cinéma en première exclusivité et sur le sport de première qualité (...) Enfin, il convient de souligner que l'élément essentiel dans la définition d'une chaîne premium est son attractivité particulière. La perception que les clients intermédiaires et finals peuvent avoir de cette chaîne est donc primordiale (...) " (60).

134. Il résulte des éléments relevés ci-dessus concernant la dégradation de la qualité de TPS Star que celle-ci ne peut clairement plus être qualifiée de chaîne premium au sens de cette définition.

135. Pour ce qui concerne la programmation cinématographique, il a été constaté que TPS Star diffusait un nombre important de films en deuxième fenêtre d'exploitation, supérieur au nombre de films en première fenêtre pour les années 2007, 2008 et 2009. En outre, eu égard aux définitions réglementaires et à l'interprétation du CSA sur la nature des deuxièmes fenêtres, ces films ne peuvent être considérés comme des films inédits sur une chaîne de télévision payante. Enfin, les films ayant connu un fort succès en salles ont progressivement diminué en nombre et sont désormais peu présents sur TPS Star.

136. Pour ce qui concerne la programmation sportive, outre l'absence de la Ligue 1, la disparition de compétitions attractives et variées a été constatée. A partir de 2008, le seul sport diffusé est le football et les compétitions programmées sur TPS Star ne comptent pas au nombre des matches phares des championnats européens.

137. Le coût d'acquisition des grilles a fortement diminué (-31% entre 2006 et 2009), en particulier pour le contenu sportif (-63% pour la même période, dont une chute de -57% entre 2006 et 2007).

138. Quant à l'attractivité de la chaîne et son positionnement auprès des consommateurs intermédiaires et finals, les éléments exposés ci-dessus (points 104 et s.) révèlent que la chaîne dispose d'une image très dégradée auprès des professionnels et que la chaîne vendue à l'unité n'a quasiment pas d'abonnés.

139. Dans ces conditions, il peut être considéré que GCP n'a pas respecté l'engagement 21 en ce qu'il lui imposait de mettre une chaîne premium à disposition des tiers.

Conclusion

140. En conclusion, l'inexécution des engagements relatifs au maintien de la qualité de la chaîne TPS Star doit être constatée dès lors (i) que l'obligation générale de maintien de qualité de la chaîne, prévue au premier alinéa de l'engagement 22, n'a pas été respectée, (ii) que les seuils de diffusion spécifiques prévus aux quatrième et cinquième alinéas de l'engagement 22 n'ont pas été atteints, s'agissant de la programmation sportive, et (iii) que la qualité de chaîne premium de TPS Star, énoncée à l'engagement 21, n'a pas été maintenue.

b) En ce qui concerne les chaînes cinéma

141. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus (points 62 et s.), l'engagement 22 fixe une obligation générale de maintien de la qualité des chaînes, inscrite à son premier alinéa, distincte des obligations quantitatives énumérées sous forme de seuils minimaux de diffusion, qui figurent aux alinéas suivants de cet engagement, et notamment à son sixième alinéa s'agissant des trois chaînes de cinéma mises à disposition des distributeurs tiers.

142. Il ressort des indications du mandataire que GCP a respecté les obligations de diffusion d'un minimum de 50 % par an de programmes de catalogue propre visées au sixième alinéa de l'engagement 22 (61).

143. Une modification du statut et du positionnement des trois chaînes cinéma mises à disposition des opérateurs tiers peut toutefois être constatée, qui leur confère une attractivité moindre en termes de contenus, consacrés principalement à la diffusion de films anciens.

144. S'agissant de TPS Cinéstar, devenue CinéCinéma Star, celle-ci était avant la réalisation de l'opération une chaîne de cinéma de " première exclusivité ", c'est-à-dire qu'elle devait diffuser au moins 75 films en première fenêtre par an et qu'elle était autorisée à diffuser des films le samedi soir. Sa programmation était principalement la même que celle de TPS Star, dont elle était l'une des déclinaisons. TPS Cinéstar rediffusait les premières exclusivités de TPS Star en horaires décalés ou en version originale. Depuis le 31 mars 2007, la chaîne ne programme plus de films en " première diffusion " (62) et en " première exclusivité " (63). Sa programmation est désormais exclusivement consacrée au cinéma des années 1980 et 1990, notamment français. Elle ne diffuse par ailleurs plus de films le samedi soir en début de soirée. CinéCinéma Star n'a donc ni le même positionnement, ni la même attractivité que TPS Cinestar avant la fusion (64).

145. S'agissant de TPS Cinétoile, devenue CinéCinéma Classic, celle-ci est passée du statut de chaîne cinéma au statut plus restrictif de " chaîne cinéma de patrimoine ", c'est à dire qui " diffuse exclusivement des œuvres cinématographiques au moins 30 ans après leur sortie en salles en France " (65). Sa programmation, auparavant centrée sur les grands classiques attractifs, est désormais consacrée aux films du répertoire, ne relevant pas nécessairement de la catégorie de grands classiques, principalement européens et américains, des années 1920 aux années 1960.

146. S'agissant de TPS CinéCulte, devenue CinéCinéma Club, celle-ci affiche l'audience la plus basse parmi les chaînes CinéCinéma. Sa nouvelle dénomination renvoie plutôt à une chaîne de patrimoine cinématographique (cinéclub), alors même que son statut juridique (" chaîne de première diffusion ") l'oblige à diffuser des œuvres cinématographiques en première ou en deuxième fenêtre et que sa programmation, auparavant constituée de films d'auteurs, cultes ou classiques, est désormais celle d'une chaîne consacrée au cinéma d'auteur.

147. Selon le CSA, ces changements de statut et de programmation ont positionné les trois chaînes sur la diffusion de films anciens, alors même que les autres chaînes du groupement de services CinéCinéma se concentrent sur la diffusion de films récents ou sur des choix thématiques particuliers et plus porteurs. Ainsi, CinéCinéma Premier est consacrée aux films récents, CinéCinéma Frisson aux films policiers et CinéCinéma Émotion aux films sentimentaux. Les audiences des trois chaînes cinéma mises à disposition sont d'ailleurs inférieures à celles des chaînes non dégroupées (66).

< emplacement tableau >

148. Il résulte de ce qui précède que, si l'engagement relatif au temps de diffusion annuel minimal des programmes de catalogue propre a été exécuté, les obligations générales de maintien de la qualité des trois chaînes de cinéma " attractives " (67) visées par la décision et prévues à l'engagement 22 n'ont pas été respectées.

C. Sur le respect des engagements relatifs à la mise à disposition des chaînes de GCP à destination des distributeurs d'outremer

149. Aux termes de l'engagement 34, les parties s'engagent à :

" 34. Reconduire le (ou les) contrat(s) existant entre TPS et Parabole Réunion expirant le 31 décembre 2009, à sa demande, dans des conditions de durée, commerciales et techniques, notamment pratiquées en matière de transport, au moins aussi favorables que les conditions actuelles.

Dans l'hypothèse où l'une ou plusieurs des chaînes concernées par le présent engagement ne serait(aient) pas conservée(s) par la Nouvelle Entité, les parties s'engagent à proposer une chaîne d'une attractivité équivalente. "

150. Cet engagement avait pour objet de remédier aux forts risques d'éviction et de dépendance de l'opérateur concurrent de GCP, qui commercialisait le bouquet de TPS sur le marché de l'Océan Indien avant l'opération de concentration (68).

1. La portée de l'engagement

151. GCP soutient que l'engagement 34 ne concerne pas le maintien de la qualité et de l'attractivité des chaînes concernées par la reconduction des contrats préexistants entre TPS et Parabole Réunion. Le contrôle du maintien de la qualité ne pourrait s'appliquer qu'aux seules chaînes de remplacement éventuelles dans le cadre du deuxième alinéa de l'engagement 34. Elle fait valoir que le terme " conservée " ne vise que la seule hypothèse d'un arrêt de diffusion de la chaîne. Les juridictions saisies par Parabole Réunion auraient d'ailleurs statué en ce sens.

152. L'engagement 34 répond toutefois à l'objectif de maintenir des chaînes attractives à disposition de Parabole Réunion, commercialisées dans des conditions équivalentes à celles qui existaient avant la fusion, afin d'éviter une éviction de ce concurrent de GCP sur le marché aval. La décision souligne en effet le risque de " baisse de la qualité " auquel l'engagement doit porter remède (69). L'obligation de proposer une chaîne d'attractivité équivalente en l'absence de conservation de la chaîne initiale, prévue au deuxième alinéa de l'engagement, n'aurait ainsi aucun sens si GCP n'avait pas l'obligation de maintenir l'attractivité de la chaîne d'origine. Ainsi que le relève le mandataire, l'engagement implique que GCP ne peut vider la chaîne de l'essentiel de sa substance et de son attractivité et la maintenir de façon purement faciale (70). Une telle possibilité laisserait en effet le loisir de contourner aisément l'engagement. Par " conservée ", il faut donc entendre maintenue dans l'état et la situation où la chaîne se trouvait avant la fusion.

153. En ce qui concerne les arrêts rendus par le tribunal de grande instance et la Cour d'appel de Paris les 18 septembre 2007 et 19 juin 2008 invoqués par GCP, il convient de souligner que les interprétations des engagements données par ces juridictions ne sauraient lier l'Autorité de la concurrence. La cour d'appel a d'ailleurs elle-même relevé que " l'interprétation des engagements pris auprès de l'Autorité de contrôle, en ce qu'ils peuvent éventuellement profiter à des tiers à la concentration autorisée, est indépendante de l'appréciation qu'en fera le ministre de l'Economie sur l'éventuel défaut d'exécution et des sanctions qu'il peut infliger dans le cadre des pouvoirs conférés par l'article L. 430-8 du Code de commerce ". En outre, ces arrêts ne relèvent pas du contentieux du respect des engagements. L'action devant les juridictions civiles concernait pour l'essentiel l'application des accords contractuels liant TPS et Parabole Réunion, obligations transmises à GCP en tant que société absorbante, et, notamment, la mise en œuvre de la clause d'exclusivité accordée au bénéfice de Parabole Réunion. Les juridictions ne se sont ainsi nullement prononcées sur la portée de l'engagement 34, contrairement à ce que soutient GCP (71).

2. Appréciation de l'exécution de l'engagement

154. Par un protocole d'accord conclu le 18 janvier 1999 (modifié par avenants des 10 octobre 1999, 20 septembre 2002, 4 août 2004 et 16 janvier 2006), TPS a accordé à Parabole Réunion la distribution exclusive sur les marchés de la Réunion, Maurice, Madagascar et les Comores de diverses chaînes, dont TPS Star, TPS Cinéstar et TPS Foot.

155. A la suite du rapprochement des activités de télévision payante de GCP et de TPS et de la suppression consécutive des " doublons " de chaînes éditées par les deux opérateurs, GCP a proposé à Parabole Réunion la reprise des chaînes de GCP en substitution des chaînes arrêtées, par courrier du 8 février 2007 (72). Cette proposition prévoyait notamment la poursuite de la distribution des chaînes TPS Star et TPS Foot (jusqu'au 31 décembre 2007 pour cette dernière (73), et la distribution de Cinecinéma Star en substitution de TPS Cinestar. Malgré l'absence de signature d'un contrat, les chaînes substituées ont effectivement été mises à disposition de Parabole Réunion dès le 25 avril 2007 pour une reprise depuis son centre de diffusion numérique.

156. Il résulte des développements présentés ci-dessus concernant le respect de l'engagement 22 (points 61 et s.) que la chaîne TPS Star n'a pas été " conservée " dans son état initial, au sens de l'engagement 34, puisque sa qualité a connu une dégradation constante au point de lui faire perdre sa qualité de chaîne premium, et qu'elle n'a pas été remplacée par une chaîne d'attractivité équivalente. De même, la chaîne CinéCinéma Star, qui a remplacé la chaîne TPS Cinéstar, non conservée par la nouvelle entité, n'est pas d'une attractivité équivalente à TPS Cinéstar au sens de l'engagement 34 (cf. points 143 et s.).

157. Par ailleurs, il ressort de l'instruction que la chaîne TPS Foot n'a pas non plus été conservée dans son état initial, au sens de l'engagement 34, notamment pour ce qui concerne le contenu et la qualité de ses programmes, et qu'elle n'a pas été remplacée dans les DOM par une chaîne d'attractivité équivalente.

158. L'attractivité de TPS Foot, première chaîne thématique exclusivement consacrée au football, était notamment liée à la diffusion massive de matches phares des grands championnats européens et internationaux en direct ou léger différé (74), à la richesse et à la diversité des programmes exclusifs et à l'exclusivité de la Premier League anglaise, l'un des plus prestigieux championnats au monde et le plus populaire en termes de téléspectateurs internationaux (plus d'un milliard en 2007).

159. Or, depuis le 1er janvier 2008, la grille de TPS Foot est composée pour l'essentiel de rediffusions de matches déjà retransmis à La Réunion par les chaînes de Canal Réunion. S'agissant d'événements sportifs, l'absence de diffusion en direct a évidemment une influence forte sur l'attractivité du programme, et donc de la chaîne (75).

160. L'audience de la chaîne TPS Foot est tombée à 0 % en 2009 : selon les mesures d'audience réalisées à la Réunion par Metridom (groupe Mediamétrie), celle-ci est passée de 1,3 % en 2006 (situant la chaîne parmi les meilleures audiences), à 0,99 en 2007, 0,6 en 2008 et à 0 % en 2009 (76).

161. Les contenus auparavant diffusés sur TPS Foot de façon exclusive sont maintenant diffusés sur Canal+ (c'est le cas des matches de la Premier League) et les autres chaînes de GCP (Sport+ notamment).

162. Ces éléments, qui n'ont pas été contestés par GCP démontrent que TPS Foot a été vidée de son contenu. Il ressort de ce qui précède que GCP n'a pas respecté l'engagement 34.

3. Les conséquences du manquement

163. Selon Parabole Réunion, interrogée par les services d'instruction de l'Autorité, la baisse de qualité des chaînes concernées aurait entraîné une diminution de son parc d'abonnés, alors que dans le même temps, le marché de la télévision payante à La Réunion connaissait une progression continue, bénéficiant principalement à GCP. Une part importante des abonnés de Parabole Réunion aurait choisi de résilier leur abonnement, principalement en raison de la dégradation de son offre premium (77). Ces résiliations auraient principalement bénéficié à GCP. Cette dégradation, associée à la perte de l'exclusivité de Parabole Réunion sur les chaînes cinéma depuis l'opération de concentration, prive cette dernière de tout avantage concurrentiel par rapport à GCP : l'abonné, insatisfait par l'offre premium de Parabole Réunion, n'est plus non plus retenu par l'offre de chaînes cinéma, désormais équivalente à celle de GCP. Les implications financières de cette dégradation sont estimées par Parabole Réunion à 4 millions d'euro de perte de chiffre d'affaires, soit 11,5 % de son chiffre d'affaires total (78).

D. Sur le respect des engagements relatifs à l'accès aux droits

1. Sur le respect de l'engagement 3, relatif à l'accès aux droits des films américains récents

164. Aux termes de l'engagement 3, les parties se sont engagées à : " Pour les contrats cadre (79) ou " output deals " en cours concernant les droits PPV ou VoD (80) et prévoyant une exploitation exclusive, mener sans délai des négociations de bonne foi avec les détenteurs de droits pour exploiter ces droits sur une base non exclusive, et faire droit à toute demande raisonnable des détenteurs de droits en ce sens, pour une durée égale à la durée restante ".

165. Cet engagement avait pour objet de garantir que l'opération de concentration n'ait pas d'effet restrictif sur l'accès des concurrents de GCP aux marchés amont de l'acquisition des droits PPV et VoD (81).

a) Le contrat conclu avec Spyglass

166. Selon GCP, la renégociation du contrat cadre signé en 2003 avec Spyglass (82) a débuté à l'automne 2007. Un amendement à ce contrat, par lequel GCP a renoncé à tout droit exclusif de PPV / NVoD et VoD, a été signé le 5 novembre 2007 (83).

167. Il résulte de ce qui précède que les négociations avec Spyglass pour la levée des exclusivités n'ont pas été ouvertes " sans délai ", contrairement à l'engagement souscrit. Il convient de relever que le mandataire a de même constaté que c'est avec plusieurs mois de retard que ce contrat avait été mis en conformité avec l'engagement 3 (84).

168. Si GCP fait valoir que le contrat signé avec Spyglass concernait seulement 3 à 4 films par an, et qu'il a privilégié les négociations avec ses principaux partenaires (Sony, Fox et Paramount/Dreamworks), ces circonstances n'étaient pas de nature à soustraire GCP aux obligations prévues par l'engagement 3, dans le champ d'application duquel entrait le contrat en cause.

b) Le contrat conclu avec New Line/Metropolitan

169. GCP indique ne pas avoir procédé à la renégociation du contrat cadre signé en 2003 avec NewLine/Metropolitan, comportant des droits d'exploitation exclusive PPV, dès lors que ce contrat arrivait à échéance le 31 décembre 2007. Le contrat a été reconduit pour 5 ans au début de l'année 2008, sans levée des exclusivités. L'intervention du mandataire a été nécessaire pour remédier à cette situation.

170. Ainsi, GCP n'a pas respecté l'engagement 3 s'agissant du contrat signé avec NewLine/Metropolitan. Si GCP invoque une " erreur interne exceptionnelle " s'agissant de la reconduction des exclusivités en 2008, cet argument n'est pas de nature à justifier le comportement constaté, alors même qu'une telle négligence dans la mise en œuvre des engagements n'apparaît nullement isolée.

c) Les contrats conclus avec Sony, Twentieth Century Fox et Dreamworks/ Paramount

171. S'agissant des contrats signés avec Sony, Twentieth Century Fox et Dreamworks/ Paramount, le mandataire a indiqué que GCP avait envoyé des courriers à ces studios afin de mettre un terme aux exclusivités concernant les droits PPV en avril 2008 (85).

172. GCP soutient que les négociations avec ces trois studios concernant la levée des exclusivités ont été engagées par l'envoi de lettres en date du 12 février 2007. Or, les courriers adressés par Kiosque (filiale de GCP) et TPS à Sony, le 12 février 2007, ne concernent qu'une ouverture de négociations en vue d'une révision des conditions financières des contrats relatifs aux droits PPV. L'ouverture des négociations sur la levée des exclusivités ne pouvait toutefois être implicite et il appartenait à GCP de mentionner que ce point devait faire l'objet d'une renégociation. A cet égard, Sony a indiqué aux services d'instruction de l'Autorité ne pas avoir connaissance d'une demande de levée des exclusivités PPV antérieure au 4 avril 2008 (86).

173. GCP a par ailleurs produit un courrier adressé à Fox le 10 juillet 2007 faisant état de sa demande de levée des exclusivités sur les droits PPV. Les éléments fournis par GCP et Paramount permettent également d'établir que les négociations relatives à la levée des exclusivités ont probablement été ouvertes avec ce studio en 2007, sans que la date précise puisse être déterminée (87).

174. Il résulte de ce qui précède que GCP n'a pas exécuté l'engagement 3 dans le délai prévu en ce qui concerne le contrat conclu avec Sony.

2. Sur le respect de l'engagement 14, relatif à l'accès aux droits sportifs

175. Aux termes de l'engagement 14, les parties se sont engagées à : " Pour les contrats futurs, portant sur des événements sportifs annuels réguliers, limiter la durée des contrats avec les détenteurs de droits à trois ans et, dans l'hypothèse où les droits seraient vendus pour une durée supérieure, offrir aux détenteurs de droits la faculté de résilier le contrat unilatéralement et sans pénalités à l'expiration d'une durée de trois ans. Pour rendre effectif cette deuxième partie de l'engagement, ne pas mettre en œuvre des pratiques incitant les détenteurs de droits à accepter l'offre et notamment, ne pas offrir aux détenteurs de droits de prime d'acquisition pour les années d'exploitation postérieures à la troisième année ".

176. Cet engagement avait pour objet de garantir que l'opération de concentration n'emporte pas d'effet restrictif sur l'accès des concurrents de GCP aux marchés amont de l'acquisition des droits sportifs (88).

177. GCP a signé le 22 septembre 2009, par l'intermédiaire de sa filiale Sport +, un contrat avec la société EHF Marketing GmbH, en présence de la société Enjoy Télévision, portant sur les droits de retransmission des saisons 2009/2010, 2010/2011 et 2011/2012 de la Ligue des Champions de Handball. Ce contrat accorde à GCP des droits exclusifs d'exploitation des matches de la Ligue des champions d'Europe de handball féminin et masculin. Son article 10 prévoit la possibilité pour les deux parties de prolonger le contrat à la saison 2012/2013, l'option de renouvellement étant exercée par notification à l'autre partie avant le 30 juin 2011 (89).

178. Il résulte de ces stipulations que l'option de renouvellement peut être librement exercée à l'initiative de GCP, ayant ainsi pour effet de prolonger le contrat au-delà d'une durée de trois ans. Le détenteur de droits ne dispose pas de la faculté de résilier le contrat de manière unilatérale au terme de ce délai en s'opposant à l'exercice de l'option. Une telle clause constitue donc un manquement à l'engagement 14.

179. Si GCP fait valoir qu'elle n'a pas l'intention d'exercer son option de renouvellement, compte tenu de l'engagement souscrit, un tel argument ne saurait être retenu, alors qu'il appartenait à GCP de veiller à la conformité du contrat avec l'engagement 14, dès la signature de ce dernier.

E. Sur le respect des engagements relatifs à la reprise des chaînes indépendantes et tierces et à l'absence de pratiques discriminatoires

180. Aux termes de l'engagement 40, les parties s'engagent, vis-à-vis des chaînes indépendantes, à :

" Lorsqu'elles recevront une demande raisonnable de reprise d'une Chaîne Indépendante dans leur offre satellite :

a. répondre sous 3 mois ;

b. en cas d'acceptation des conditions de reprise dans leur Offre Commerciale, conclure au plus tard dans les trois mois, soit un contrat de distribution dans son Offre de Base dans des conditions équitables de marché et non discriminatoires, soit un contrat de distribution en option, le prix au consommateur final étant dans ce dernier cas défini conjointement ;

c. en cas de refus motivé, proposer à la Chaîne Indépendante concernée soit une distribution non rémunérée dans leur Offre Commerciale, soit une reprise assortie d'un numéro dans le plan de services, le transport étant dans tous les cas à la charge de l'éditeur ;

d. en cas de désaccord persistant, le règlement du litige sera confié au Mandataire ".

181. Aux termes des engagements 41 et 42, les parties s'engagent, vis-à-vis des chaînes indépendantes, à :

" 41. Prévoir une distribution dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires, (notamment entre les Chaînes Indépendantes, d'une part, et entre les Chaînes Indépendantes et les Chaînes Adossées d'autre part), ces conditions portant notamment sur :

a. l'accès,

b. les rémunérations, déterminées selon des modalités comparables à celles prévalant avant l'opération,

c. les modalités techniques (sans imposer aux éditeurs des systèmes de cryptage, de protection des droits, et de transport discriminatoires),

d. l'exposition de la chaîne sous réserve des contraintes techniques inhérentes à certains dispositifs.

A ce titre, prévoir des conditions de présentation de la chaîne dans les campagnes publicitaires et d'exposition dans le guide de programmes non discriminatoires.

e. la numérotation de la chaîne dans le plan de services du distributeur qui devra être cohérente avec le genre de la thématique.

42. S'agissant des conditions de forme :

a. présenter la distribution de cette offre de reprise des Chaînes Indépendantes, au moyen d'un catalogue des conditions de reprise portant sur les différents niveaux de contrats possibles (accord de distribution et/ou accord de transport) et les modalités techniques ;

b. communiquer les conditions générales relatives à la distribution commerciale et au transport des Chaînes Indépendantes ".

182. Aux termes des engagements 43 à 46, les parties s'engagent, vis-à-vis des chaînes tierces, à :

" 43. Proposer une durée raisonnable de contrats conforme aux usages du marché.

44. Conclure des contrats séparés pour la distribution commerciale d'une part, et les prestations de transport associées, d'autre part (y compris location de capacités satellite), sans conditionner la distribution commerciale d'une chaîne à la signature d'un contrat de prestation de transport.

45. Ne pas exiger de droits exclusifs de distribution de chaînes tierces pour une durée supérieure à (4) ans et en tant que de besoin, faire ses meilleurs efforts pour renégocier dans les meilleurs délais les durées des droits exclusifs existants dont la durée serait supérieure à (4) ans.

46. Ne pas exiger de droits exclusifs de distribution de chaînes tierces lors de la négociation du contrat ou de sa reconduction ".

183. Ces engagements avaient pour objet de remédier au risque d'éviction des concurrents de GCP sur les marchés intermédiaires de la télévision payante, tant s'agissant des offreurs (éditeurs indépendants) que des demandeurs (distributeurs). Ils visaient à permettre à des distributeurs tiers de composer des bouquets variés, en incluant des chaînes indépendantes attractives, ainsi qu'à empêcher que la puissance d'achat de GCP ne se traduise par l'imposition de conditions inéquitables de distribution aux éditeurs de chaînes indépendantes (telles que la rémunération, l'exclusivité, le transport, etc.) (90).

184. A titre préalable, il convient de relever, de manière générale, l'absence de transparence des négociations entre les éditeurs indépendants et GCP pour la reprise des chaînes. Le mandataire a procédé à un examen systématique des contrats proposés aux éditeurs indépendants. Il a relevé les plaintes récurrentes des interlocuteurs de GCP, s'agissant de l'opacité des négociations menées et de la qualité des relations avec GCP. Il a souligné également que son intervention a été fréquemment requise par une mise en œuvre insatisfaisante de ses engagements par GCP (91). Il a dénoncé enfin la pratique de durées contractuelles particulièrement courtes (92), ou assorties d'application rétroactive (93), ou encore la pratique des lettres-accord, consistant à régulariser rétroactivement les relations contractuelles, postérieurement à l'expiration des accords en cours (94).

1. Sur le respect de l'engagement 42, relatif aux conditions de forme de la reprise des chaînes

185. L'engagement 42 prévoit des conditions de forme pour la reprise des chaînes indépendantes, à savoir la rédaction d'un catalogue des conditions de reprise portant sur les différents niveaux de contrats possibles et la communication aux éditeurs de chaînes des conditions générales relatives à la distribution commerciale et au transport des chaînes.

a) L'absence de communication des conditions visées par l'engagement

186. S'agissant de la détermination des conditions financières de distribution des chaînes indépendantes, GCP a indiqué qu'il " n'existe pas de grille tarifaire appliquée de manière systématique et automatique " (95). GCP suit néanmoins, selon ses déclarations, une pratique

Déterminée (96), en fonction notamment de la valeur accordée à la chaîne, de la position de celle-ci dans l'offre de CanalSat, des droits associés à sa distribution et de l'octroi ou non d'une exclusivité. S'agissant de la valorisation des chaînes payantes présentes sur son bouquet, il est précisé que " GCP se fonde sur des critères quantitatifs et qualitatifs ", les critères quantitatifs correspondant à la capacité de recrutement et de fidélisation de ces chaînes. A cet effet, GCP se fonde sur des études spécifiques fournies à sa demande par l'IFOP et Médiamétrie (97). Les critères qualitatifs pris en compte portent sur l'intérêt de la ligne éditoriale de la chaîne ou son approvisionnement en contenus inédits ou en contenus propres par exemple.

187. L'instruction menée par les services de l'Autorité a révélé que plusieurs chaînes se sont plaintes de l'absence de visibilité sur le montant des rémunérations qu'elles percevraient au moment de la reconduction de leur contrat (98), et de l'absence de grille tarifaire ou de barème de rémunération qui pourraient pourtant faire partie du catalogue des conditions de reprise portant sur les différents niveaux de contrats possibles.

188. Ainsi, Equidia a fait valoir que : " d'un point de vue global, l'absence de présentation d'un catalogue de reprise ne permet pas une négociation totalement objective " (99). Selon Trace TV, " force est de constater que les conditions de distribution des chaînes ne sont pas transparentes (...) le catalogue évoqué au point a) [de l'engagement 42] ne nous a pas été présenté (...) [les conditions générales] nous ont été présentées après nous être accordés sur les conditions particulières (durée, rémunération, niveau d'offre) " (100). Télémaison a indiqué que " les conditions de distribution de notre chaîne n'étaient pas transparentes (...) Les conditions de distribution n'étaient pas objectives : la modification de notre rémunération par rapport au contrat précédent n'était basée sur aucun calcul, sur aucune liste de critères, sur aucun test objectif " (101). Enfin, le Sirti, syndicat regroupant notamment Motors TV, TéléMélody, Trace TV relève " l'opacité totale des conditions actuelles de distribution des chaînes indépendantes adhérentes (...). La détermination du " flat fee " est arbitraire en l'absence d'éléments objectifs partagés entre la chaîne et le Groupe Canal Plus pour alimenter les négociations, tels que des études sur l'attractivité, la notoriété de la chaîne, sa contribution au développement de l'offre commerciale. Si Groupe Canal Plus dispose de telles études concernant les chaînes indépendantes, il ne les partage pas à l'occasion de la négociation " (102).

189. Les conditions générales prévues dans le contrat standard de GCP (103) ne font état d'aucun critère servant de base aux négociations entre les parties, tels par exemple que la thématique concernée, la notoriété de la chaîne, ses investissements marketing, ses investissements dans les programmes frais ou sa contribution au recrutement. Or, contrairement à ce que soutient GCP, les conditions de rémunération relèvent des conditions générales de distribution d'un produit ou d'un service, visées par l'engagement 42. Aucun catalogue des conditions de reprise portant sur les différents niveaux de contrats possibles n'est proposé non plus, en méconnaissance de l'engagement.

190. Les éditeurs indépendants n'ont pas accès aux études sur lesquelles se fonde GCP pour la détermination des redevances, et qui portent sur la capacité de recrutement et de fidélisation des chaînes, les privant ainsi de la transparence indispensable à toute négociation équilibrée.

En effet, les baromètres spécifiques utilisés par GCP, faits à sa demande, ne sont ni publics, ni validés par la profession, ni surtout communiqués aux éditeurs.

b) Les éléments devant être communiqués aux éditeurs indépendants

191. Selon GCP, l'engagement 42 n'impose pas la communication d'une grille ou d'un barème de rémunération, notamment parce qu'il appartiendrait non à GCP mais à l'éditeur d'établir une telle grille. GCP soutient qu'il ne serait pas possible en pratique d'établir une grille, en raison de la négociation de gré à gré et de la multiplicité de critères gouvernant la fixation des redevances. Aucune grille n'existerait ou n'aurait été appliquée en France ou dans d'autres pays européens.

192. Il convient cependant de relever, à la suite du mandataire (104), que TPS avait élaboré une grille de critères (tels que thématique concernée, notoriété de la chaîne, investissements marketing, investissement dans les programmes frais, contribution au recrutement, etc.), même si celle-ci n'a jamais été appliquée en pratique. Par ailleurs, un projet de charte des relations entre éditeurs et distributeurs, a été élaboré en 2005 (105). La charte indiquait, pour les chaînes présentes dans l'offre de base, que la rémunération devait être établie en fonction des critères suivants, affichés, transparents et indissociables : notoriété, attractivité, audience, contribution à la prise et au renouvellement de l'abonnement, investissements dans les programmes, dépenses consacrées au marketing et à la communication et exclusivité consentie au distributeur.

193. Par ailleurs, GCP fait valoir que la communication d'un barème ou d'une grille de rémunération serait inutile au motif que de nombreuses chaînes interrogées par les services d'instruction n'auraient dénoncé aucune opacité des conditions de distribution et que les éditeurs connaîtraient les critères présidant à la détermination des redevances.

194. Ces allégations ne sont toutefois nullement établies. Les opérateurs cités par GCP comme n'ayant pas dénoncé d'opacité des conditions de distribution sont en effet soit des éditeurs bénéficiant d'une position de négociation favorable (MTV, OM TV), soit des éditeurs n'ayant pas formulé d'observations à ce sujet. Par ailleurs, si les éditeurs ont accès à l'étude publique Mediamat'thématik, celle-ci demeure insuffisante pour permettre aux chaînes d'évaluer leur positionnement. Les éditeurs, en faible position de négociation, n'ont pas les moyens de procéder à leurs propres études de marché. A cet égard, GCP ne peut sérieusement faire état des " études panafricaines " de la notoriété de Motors TV sur ce continent, non concerné par les engagements acceptés par le ministre.

195. En tout état de cause, l'engagement 42 impose à GCP, non la communication d'une grille figée, mais celle de critères précis présidant à la détermination des modalités de rémunération des chaînes. A cet égard, GCP présente lui-même les critères quantitatifs et qualitatifs qu'il prend en compte dans la rémunération : dès lors, ces critères objectifs pourraient faire l'objet d'une référence de base en vue de la négociation.

196. Outre l'étude d'audience Mediamat'thématik, fournie par Médiamétrie, purement quantitative, des études qualitatives validées par l'ensemble de la profession, tenant compte du public plus qualifié, plus durable, plus fidèle, consommateur de télévision payante, auraient pu également être utilisées pour la détermination des conditions financières de distribution des chaînes. Ainsi, la communication d'une grille aurait pu permettre aux éditeurs d'avoir une relative visibilité sur les critères pris en compte par GCP et in fine sur le montant des rémunérations. La publication de tarifs pour les chaînes similaires (par exemple pour toutes les chaînes de l'offre de base de GCP) ou encore l'indication publique d'une redevance moyenne par thématique avec ou sans exclusivité sont autant d'éléments qui auraient pu contribuer à équilibrer la négociation commerciale.

c) Conclusion

197. Il résulte de ce qui précède que GCP n'a pas respecté les obligations visées par l'engagement 42. Dans le même sens, et contrairement à ce que soutient GCP, le mandataire a relevé que l'absence de catalogue de " conditions de reprise portant sur les différents niveaux de contrats possibles ", de toute grille ou barème, est contraire à l'engagement 42 (106).

198. Dans ces conditions d'opacité, les éditeurs de chaînes indépendantes ont été maintenus en situation de dépendance vis-à-vis de GCP. Or les engagements avaient justement pour objet de contrebalancer la puissance d'achat de GCP et de donner plus de latitude aux éditeurs indépendants pour négocier et éventuellement choisir un autre distributeur. En outre, l'absence de transparence des conditions de reprise pouvait favoriser les comportements discriminatoires de GCP vis-à-vis des éditeurs de chaînes indépendantes.

2. Sur le respect de l'engagement 41(b), relatif aux modalités de rémunération des chaînes

199. L'engagement 41 (b) requiert que les rémunérations des chaînes indépendantes soient " déterminées selon des modalités comparables à celles prévalant avant l'opération ".

200. Plusieurs chaînes sont passées après l'opération de concentration d'un modèle de rémunération variable à un modèle de rémunération fixe. Parmi celles-ci, peuvent être distinguées deux grandes catégories de chaînes :

- les chaînes historiques dont le marché est arrivé à maturité : DXD (anciennement JETIX), Cartoon et TCM, National Geographic (107) ;

- et les chaînes en option avec un portefeuille " stagnant" : les chaînes AB du pack horizons (Escales, Toute l'Histoire, Animaux, Encyclopédia, XXL, Action).

201. Ce changement s'est traduit par une baisse de rémunération entre 2006 et 2009 pour deux des chaînes concernées, de 11 à 3,8 millions d'euro annuels s'agissant de DXD et de 8 à 6 millions d'euro s'agissant de TCM. La rémunération des autres chaînes connaissait quant à elle une relative stabilité.

202. Le passage d'une rémunération indexée sur le nombre d'abonnés à une rémunération fixe pour un certain nombre de chaînes, postérieurement à l'opération n'est pas conforme à l'exigence de " modalités comparables " de rémunération visées à l'engagement 41 (b).

203. A cet égard, c'est en vain que GCP fait valoir que le passage d'une rémunération variable à une rémunération fixe aurait concerné tant les chaînes éditées par GCP et par Lagardère que les chaînes des éditeurs indépendants et n'aurait été ni imposé aux chaînes, ni discriminatoire. En effet, l'engagement 41 requiert, outre l'absence de discrimination entre les chaînes, une détermination des rémunérations des chaînes indépendantes selon des modalités comparables à celles prévalant avant l'opération, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. De même, il est indifférent que de nombreuses chaînes aient été rémunérées forfaitairement sur le bouquet de TPS avant l'opération de concentration comme le soutient GCP.

204. Par ailleurs, si GCP fait valoir que de nombreux éléments factuels justifieraient le passage à une rémunération fixe, notamment la sécurisation des redevances, l'arrivée à maturité d'un marché, les marchés à portefeuille stagnant, de telles circonstances ne sont pas de nature à soustraire GCP aux obligations prévues par l'engagement 41(b). Il convient en outre de relever que la justification avancée par GCP s'accorde mal avec la baisse de rémunération significative observée pour deux des chaînes concernées.

205. Il résulte de ce qui précède que l'engagement 41 (b) n'a pas été respecté par GCP.

3. Sur le respect de l'engagement 44, relatif aux conditions de transport des chaînes

206. S'agissant des chaînes tierces, l'engagement 44 impose de " conclure des contrats séparés pour la distribution commerciale, d'une part, et les prestations de transport associées d'autre part (y compris location des capacités satellite) sans conditionner la distribution commerciale d'une chaîne à la signature d'un contrat de transport ".

207. Cet engagement a pour objet d'ouvrir à d'autres opérateurs la possibilité technique de proposer le transport des chaînes distribuées par GCP, et aux éditeurs de chaînes la possibilité contractuelle de recourir à un autre transporteur que GCP. L'objectif poursuivi est d'atténuer la dépendance des éditeurs vis-à-vis de GCP et de leur permettre de bénéficier des coûts de transport potentiellement plus favorables de ses concurrents (108).

208. S'agissant en premier lieu de la portée de l'engagement 44, GCP fait valoir que la catégorie des " chaînes tierces " exclurait les chaînes adossées, indépendantes et étrangères non conventionnées (109). Les engagements donnent toutefois la définition des chaînes tierces : " l'ensemble des chaînes qui ne sont pas adossées à la Nouvelle Entité ". Ces termes, clairs et dépourvus de toute ambigüité, visent toutes les chaînes, à l'exception des chaînes adossées, c'est-à-dire les chaînes contrôlées par les actionnaires minoritaires de Canal+ France. Ces chaînes comprennent donc les chaînes indépendantes et les chaînes étrangères non conventionnées.

209. Par ailleurs, GCP fait valoir que la conclusion de contrats séparés ne s'imposerait pas dans le cas de contrats conclus avant l'opération de concentration qui ont seulement fait l'objet d'avenants, et non d'une renégociation, depuis le 4 avril 2007. Tel est le cas des contrats conclus avec 13ème Rue et Extreme Sport Channel.

210. L'engagement 44 n'impose pas la renégociation des contrats en cours. La signature d'avenants contractuels doit cependant conduire GCP à la mise en œuvre de l'obligation de " conclure des contrats séparés " pour la distribution et le transport des chaînes. En effet, à la différence d'un simple renouvellement tacite, l'avenant contractuel, qui constitue une convention écrite, accessoire du contrat principal et dont l'effet est de modifier les conditions ou les modalités des engagements qui figurent dans la convention initiale, est l'occasion de négociations qui imposent la prise en compte des engagements souscrits par GCP. Toute autre interprétation conduirait à vider de sa portée l'engagement 44, en excluant toute mise en conformité avec les engagements des contrats conclus entre GCP et des éditeurs des chaînes tierces avant l'opération de concentration, nonobstant la réouverture de négociations.

211. S'agissant en second lieu de l'appréciation du respect de l'engagement 44, le mandataire a relevé dans son rapport du 30 novembre 2007 qu'il n'existait qu'un seul document contractuel incluant le transport et la distribution commerciale (110). La pratique de GCP a par la suite été modifiée et des contrats séparés de transport ont été systématiquement proposés. Ces contrats ont été examinés par le mandataire et modifiés, le cas échéant, par GCP pour assurer leur conformité aux engagements.

212. Les experts techniques du mandataire ont néanmoins relevé que 59 % des chaînes indépendantes de l'échantillon examiné en 2009 ne disposaient pas d'un contrat de transport (111). Pour les autres, leur contrat de commercialisation fait bien référence à un contrat de transport, mais celui-ci n'a pas été fourni par GCP.

213. L'instruction menée par les services de l'Autorité de la concurrence a révélé que demeurent non régularisées à ce jour les relations de GCP avec les chaînes suivantes (112) : 13ème Rue, Discovery, Disney Channel, Disney CineMagic, ESPN America, ESPN Classic, French Lover et Playhouse Disney. La situation des chaînes Extreme Sport Channel, National Geographic et Yacht & Sail n'a été régularisée par la signature d'un contrat qu'à la fin de l'année 2010.

214. S'agissant des chaînes Disney, GCP indique que le contrat de distribution signé le 20 juillet 2007 stipule que le transport fera l'objet d'un contrat séparé, même si ce dernier n'est toujours pas signé à ce jour. L'ensemble des autres chaînes aurait fait l'objet de lettres-accords, dont la signature aurait été subordonnée à la condition que des contrats séparés de distribution et de transport soient rapidement signés. Selon GCP, l'essentiel serait que le distributeur ait conscience de la dissociabilité des prestations de distribution et de transport. Un tel argument n'est toutefois nullement de nature à justifier le manquement constaté et doit par suite être écarté.

215. Il résulte de ce qui précède que GCP n'a pas respecté l'engagement 44 exigeant la proposition de contrats de distribution et de transport séparés pour les chaînes énumérées ci-dessus.

III. Les suites à donner aux manquements constatés

216. Après un rappel des options ouvertes à l'Autorité de la concurrence par le IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce lorsqu'elle constate l'inexécution d'engagements souscrits dans le cadre d'une opération de concentration (A), seront examinés les éléments pertinents à prendre en compte au cas d'espèce (B) pour déterminer les suites à donner aux manquements constatés (C).

A. Les options ouvertes par l'article L. 430-8 du Code de commerce

217. Aux termes du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce, si elle " estime que les parties n'ont pas exécuté dans les délais fixés une injonction, une prescription ou un engagement (...), l'Autorité de la concurrence constate l'inexécution. Elle peut :

1° - Retirer la décision ayant autorisé la réalisation de l'opération. A moins de revenir à l'état antérieur à la concentration, les parties sont tenues de notifier de nouveau l'opération dans un délai d'un mois à compter du retrait de la décision, sauf à encourir les sanctions prévues au I [injonction sous astreinte dans la limite de 5% du chiffre d'affaires journalier moyen par jour de retard ou sanction pécuniaire d'un montant maximum, pour les personnes morales, de 5 % du chiffre d'affaires réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté le cas échéant de celui de la partie acquise] ;

2° - Enjoindre sous astreinte, dans la limite prévue au II de l'article L. 464-2 [5% du chiffre d'affaires journalier moyen par jour de retard], aux parties auxquelles incombait l'obligation non exécutée d'exécuter dans un délai qu'elle fixe les injonctions, prescriptions ou engagements.

En outre, l'Autorité peut infliger aux personnes auxquelles incombait l'obligation non exécutée une sanction pécuniaire qui ne peut dépasser le montant défini au I [montant maximum, pour les personnes morales, de 5 % du chiffre d'affaires réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté le cas échéant de celui de la partie acquise] ".

218. Il résulte de l'économie de ces dispositions que le prononcé d'une décision de retrait et celui d'une injonction constituent des options alternatives ouvertes à l'Autorité de la concurrence lorsqu'elle constate l'inexécution d'engagements souscrits dans le cadre d'une opération de concentration. En effet, l'injonction d'exécuter l'obligation non respectée peut difficilement se concevoir si la décision de rendre celle-ci obligatoire est retirée dans le même temps.

219. Les conséquences d'un retrait de la décision ayant autorisé la réalisation de l'opération de concentration sont définies par le IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce. Le retrait entraîne l'obligation pour les parties de notifier à nouveau l'opération auprès de l'Autorité. Celle-ci doit alors examiner l'opération selon la procédure prévue au titre III du livre IV du Code de commerce en prenant en compte l'ensemble des données de fait existant à la date à laquelle elle statue (113). Ce n'est que lorsque les parties renoncent à notifier à nouveau l'opération qu'elles doivent revenir à l'état antérieur à la concentration.

220. Lorsqu'elle prononce l'une ou l'autre des décisions prévues aux 1° et 2° du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce, l'Autorité peut, en sus, infliger une sanction pécuniaire aux parties contrevenantes. Le montant de cette sanction, qui doit être déterminée de façon individuelle lorsque plusieurs contrevenants sont concernés, doit aussi être proportionné aux circonstances pertinentes du cas d'espèce. La nature particulière du manquement visé par le IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce doit également être prise en considération : la sanction pouvant être imposée en cas de non-respect d'engagements souscrits dans le cadre d'une opération de concentration, et conditionnant l'autorisation de celle-ci par l'Autorité - ou antérieurement par le ministre chargé de l'économie - doit en tout état de cause être déterminée de telle sorte que l'entreprise ayant pris les engagements ne soit pas incitée à se livrer à un calcul économique consistant à les proposer à l'Autorité en vue d'obtenir l'autorisation de la concentration, mais sans vouloir les exécuter effectivement ou sans prendre les mesures nécessaires à cet effet. Il importe donc que la sanction pécuniaire imposée en cas de non-respect d'engagements soit fixée à un niveau suffisant pour dissuader les intéressés de ne pas exécuter leurs engagements.

221. Le choix entre les options ouvertes par l'article L. 430-8 du Code de commerce doit être effectué en prenant en compte l'ensemble des circonstances particulières de chaque cas d'espèce. L'Autorité examine notamment la nature des manquements constatés, en appréciant leur gravité et l'atteinte à la concurrence que la décision d'autorisation avait pour objet de prévenir. L'Autorité peut également prendre en compte la nature des engagements souscrits, leur importance dans l'économie générale de la décision d'autorisation de l'opération de concentration, ou encore le temps écoulé depuis l'opération de concentration et la durée des engagements restant à courir à la date à laquelle elle statue.

B. Les éléments d'appréciation au cas d'espèce

222. Seront analysés ci-après la nature et l'importance des engagements concernés dans l'économie de la décision d'autorisation (1) et la nature des manquements constatés (2).

1. Sur la nature des engagements concernés et leur importance dans l'économie de la décision d'autorisation de l'opération de concentration

223. Les engagements inexécutés étaient des mesures de nature comportementale visant à réguler le comportement concurrentiel de l'entreprise issue de la concentration entre Canal Plus et TPS. A la différence par exemple d'engagements de nature structurelle tels que les cessions d'activité, ils exigeaient de la nouvelle entité la mise en œuvre de comportements spécifiques de manière continue pendant une durée déterminée (5 à 6 ans selon les engagements). Tel est notamment le cas des engagements relatifs à la mise à disposition de chaînes auprès des distributeurs tiers et au maintien de la qualité de celles-ci, de même que ceux relatifs aux conditions de distribution des chaînes indépendantes.

224. Dès lors, une injonction faite à GCP d'exécuter pour le reste du délai à courir les engagements non respectés apparaît inadaptée aux circonstances de l'espèce. Elle ne permettrait pas de remédier à l'absence continue de respect par GCP des mesures de régulation qui lui étaient imposées depuis 2007 et de compenser les atteintes à la concurrence qui en ont résulté. En outre, une injonction ne recevrait qu'une application très brève, compte tenu du terme particulièrement proche des engagements souscrits, le 4 avril 2012 s'agissant des engagements concernant la mise à disposition de chaînes, et le 4 avril 2013 s'agissant des autres obligations de GCP (cf. supra, point 20). Une telle mesure serait donc très largement dépourvue d'efficacité.

225. Par ailleurs, certains des engagements inexécutés occupent une place centrale dans l'économie générale des remèdes aux risques d'atteinte à la concurrence retenus par le Ministre dans sa décision d'autorisation de l'opération de concentration.

226. Ainsi qu'il a été souligné ci-dessus (points 5 à 6), les engagements avaient pour finalité principale de permettre aux distributeurs de télévision payante qui subsisteraient après l'opération, et pour l'essentiel les fournisseurs d'accès à internet, d'accéder à un contenu attractif suffisant pour constituer des bouquets de chaînes payants qui participeraient à l'animation de la concurrence sur le marché aval de la distribution de télévision payante.

227. Au cœur de ce dispositif figuraient notamment, pour ce qui concerne la métropole, l'engagement 21, relatif à la mise à disposition de chaînes thématiques auprès des distributeurs tiers, exécuté avec retard par GCP, et l'engagement 22, relatif au maintien de la qualité des chaînes mises à disposition, qui n'a pas été respecté. Il en est de même, en ce qui concerne l'outremer, de l'engagement 34 relatif à la mise à disposition de chaînes auprès de Parabole Réunion.

228. Il en résulte que les manquements constatés étaient d'autant plus susceptibles de faire échec aux objectifs poursuivis par la décision d'autorisation, à savoir le rétablissement et le maintien d'une concurrence suffisante sur le marché de la télévision payante.

229. L'argument invoqué par GCP, selon lequel il conviendrait de tenir compte du fait qu'il a respecté plus de 80 % des engagements souscrits ne remet pas en cause l'analyse et les conclusions qui précèdent. Outre qu'il repose sur une arithmétique contestable, en ce qu'il met sur le même plan les 59 engagements pris en 2006, alors que ceux-ci revêtent une importance et une portée très différentes, il convient de rappeler que la décision d'autorisation de l'opération de concentration a été délivrée sous la condition de la bonne exécution de l'ensemble des engagements retenus, chacun d'entre eux ayant été souscrit individuellement et rendu obligatoire parce qu'il était considéré comme nécessaire à la résolution des atteintes à la concurrence identifiées par les autorités de contrôle. En outre, en l'occurrence, les 50 manquements constatés dans la présente décision portent notamment sur des engagements constituant le cœur même de la décision d'autorisation, ainsi que cela a été relevé plus haut.

2. Sur la nature des manquements constatés

230. Après l'analyse de la gravité des manquements constatés, seront examinées les atteintes à la concurrence que la décision avait pour objet de protéger.

a) Sur la gravité des manquements constatés

231. GCP soutient que les manquements relevés ne sauraient être qualifiés de graves dans la mesure où ils sont la conséquence d'une divergence d'interprétation " parfaitement légitime et justifiable ", et indique avoir sollicité les services de la DGCCRF à plusieurs reprises quant à l'interprétation des engagements en litige, sans obtenir de réponse. Il convient toutefois de relever que GCP a sollicité l'interprétation de la DGCCRF sur le seul engagement 34, et non sur les autres engagements pour lesquels un manquement a été relevé. Par ailleurs, ainsi qu'il a été souligné ci-dessus dans le cadre de l'analyse des manquements constatés, l'interprétation des engagements prônée par GCP ne saurait être retenue dans la mesure où celle-ci contredit les termes des engagements en cause et les objectifs poursuivis par la décision d'autorisation de l'opération de concentration.

232. Il convient de distinguer entre les manquements constatés selon qu'ils correspondent à une inexécution continue de l'engagement souscrit ou qu'ils revêtent un caractère partiel ou ponctuel.

233. Le manquement aux engagements relatifs au maintien de la qualité des chaînes mises à disposition des distributeurs tiers (engagements 22 et 21) revêt un caractère particulièrement grave dans la mesure où il porte sur l'essentiel du contenu de ces engagements, à savoir la qualité de la chaîne TPS Star, et revêt un caractère continu sur l'ensemble de la période étudiée. A cet égard, une aggravation du manquement peut être constatée puisqu'une dégradation croissante de la qualité de TPS Star a été observée depuis 2007. Il en est de même du manquement à l'engagement 34. L'inexécution de l'engagement 42, relatif aux conditions de forme pour la reprise des chaînes indépendantes correspond également à un manquement qui s'étend sur l'ensemble de la période en cause.

234. En revanche, les autres manquements relevés revêtent une gravité moindre dans la mesure où ils ont eu un caractère plus ponctuel ou partiel. Certains d'entre eux ont au demeurant été corrigés par GCP, souvent à la suite de l'intervention du mandataire.

235. Parmi les manquements correspondant à des retards d'exécution des obligations de GCP figurent ainsi les manquements aux engagements 20 et 21 relatifs à la non-discrimination entre plateformes et au délai de mise à disposition des chaînes auprès des distributeurs tiers, dont l'absence d'exécution a pu être constatée sur une durée de plusieurs mois en 2007. De même, le manquement à l'engagement 3, relatif à l'accès aux droits des films américains récents, correspond à un retard d'exécution de quelques mois. Le manquement à l'engagement 44, relatif aux conditions de transport des chaînes tierces, correspond également à un retard d'exécution, d'une durée cependant très significative puisque la procédure d'agrément des opérateurs autorisés à disposer des clés de décryptage de GCP pour le transport des chaînes par satellite n'a été finalisée qu'en juin 2009. Ce délai a également été considéré comme excessif par le mandataire (114).

236. Parmi les manquements revêtant un caractère partiel figurent le manquement à l'engagement 14, qui ne concerne qu'un seul contrat de retransmission de droits sportifs (compétition de handball). Les manquements aux engagements 41(b), relatif aux modalités de rémunération des chaînes indépendantes, et 44, revêtent également un caractère partiel dans la mesure où ils n'ont touché qu'une partie des chaînes visées par ces obligations.

237. De manière générale, il ressort de l'instruction que la mise en œuvre des engagements examinés par la présente décision s'est caractérisée par un mauvais vouloir et par un manque de diligence répétés de GCP. En effet, les interlocuteurs de GCP ou ses partenaires contractuels ont fait état d'une dégradation des relations avec GCP depuis l'opération de concentration, ayant nécessité des interventions répétées du mandataire pour rappeler l'entreprise à ses obligations (115), ainsi que le reconnaît d'ailleurs GCP (116). Le mandataire a notamment relevé ne pas avoir été informé systématiquement par GCP de l'ouverture de négociations avec les chaînes indépendantes, comme il aurait dû l'être (117). Les chaînes indépendantes ont évoqué l'absence ou les longs délais de réponse de la part des services concernés de GCP avec pour conséquence la régularisation rétroactive de nombreux contrats, par le biais de lettres-accord (118).

238. Enfin, il convient de souligner que les manquements de GCP sont le fait d'un opérateur particulièrement expérimenté dans le secteur de la télévision payante, qui ne pouvait ignorer les effets potentiels de son comportement sur le marché.

b) Sur les atteintes à la concurrence que la décision avait pour objet de prévenir

239. Les manquements constatés relatifs à la mise à disposition des chaînes auprès des distributeurs tiers et à la reprise des chaînes indépendantes ont entravé le développement d'un bouquet de chaînes attractives d'un niveau intermédiaire par les fournisseurs d'accès à internet, dont l'émergence était l'un des principaux objectifs recherché par la décision. En particulier, la disparition d'une chaîne premium attractive, conséquence de la dégradation du contenu de TPS Star, dont " la mise à disposition [était] l'une des clés du développement de la concurrence à l'aval " (119), condamnait la viabilité des bouquets concurrents de ceux de GCP. De même, le retard pris dans la mise à disposition des chaînes auprès des opérateurs tiers, alors que GCP lançait dans le même temps sa propre nouvelle offre commerciale, a permis à GCP de conquérir de nombreux abonnés, sans que la concurrence recherchée par les engagements n'ait pu se mettre en place. Les conséquences spécifiques des manquements constatés ont été détaillées ci-dessus dans les développements relatifs au constat d'inexécution (cf. points 43 et s., et 104 et s.).

240. Ainsi que le relève l'Autorité de la concurrence dans sa décision n° 10-D-32 du 16 novembre 2010 relative à des pratiques dans le secteur de la télévision payante, GCP a conservé après 2006 la position dominante dont elle jouissait sur le marché, sans que le lancement par Orange de ses propres offres à la fin de l'année 2008 représente une pression concurrentielle de nature à remettre en cause cette position dominante (120). L'Autorité a ainsi constaté la faiblesse de la concurrence sur le marché aval de la distribution de télévision payante, à laquelle les engagements inexécutés avaient pour but de remédier.

241. GCP fait valoir que les manquements relevés n'ont pas entravé le développement des offres de télévision proposées par les fournisseurs d'accès à internet, dont le nombre d'abonnés a connu une progression croissante depuis 2006. Si cette progression n'est pas contestée, celle-ci est principalement due, non à l'attractivité des offres de télévision comprises dans les forfaits de base des fournisseurs d'accès à internet, mais au couplage des offres de télévision avec des offres d'accès à internet haut débit (forfaits " triple play ") et au développement du dégroupage, et par conséquent à l'éligibilité croissante des foyers à l'ADSL (haut débit).

242. La progression des fournisseurs d'accès à internet sur le marché de la télévision payante doit surtout s'apprécier au regard du développement de leurs offres de second niveau de service, qui nécessitent la souscription d'un abonnement supplémentaire en sus du forfait de base, dont le nombre demeure très faible (121). Ainsi que l'a souligné l'Autorité de la concurrence dans sa décision précitée n° 10-D-32, la part de marché de GCP en valeur est significativement supérieure à sa part de marché calculée sur la base du nombre d'abonnés, dès lors que les prix de vente de ses offres de télévision sont supérieurs à ceux de ses concurrents (122).

243. Par ailleurs, si GCP soutient que la quasi-totalité des programmes précédemment diffusés par TPS ont été rachetés par Orange, nouvel entrant sur le marché, cette allégation est dépourvue de fondement dès lors que les droits des contenus sportifs les plus attractifs de TPS Star ont été rachetés pour la plupart par GCP (123). S'agissant des contenus cinématographiques, si les droits des sociétés Warner et MGM ont été cédés à Orange, les droits de la société Paramount ont été rachetés par GCP.

244. De même, pour ce qui concerne le marché de la Réunion, l'inexécution de l'engagement 34 a privé l'opérateur concurrent de GCP sur le marché de l'Océan Indien d'un contenu attractif équivalent à celui dont il bénéficiait avec TPS avant l'opération de concentration, le conduisant à proposer à ses abonnés une offre dégradée et moins compétitive face au bouquet de GCP (cf. supra, point 163).

245. GCP soutient que le ralentissement de la croissance de Parabole Réunion ne saurait être imputé à un manquement à l'engagement 34, les éléments fournis par cet opérateur aux services d'instruction de l'Autorité n'étant pas étayés et l'arrivée des fournisseurs d'accès à internet sur le marché introduisant une pression concurrentielle majeure sur les acteurs de télévision payante établis à la Réunion. Ces circonstances ne remettent toutefois pas en cause le constat d'une dégradation de la qualité des chaînes mises à disposition par GCP, ayant pour effet d'entamer l'attractivité des distributeurs concurrents à la Réunion. Ainsi, l'existence d'autres facteurs, tels que l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché, susceptibles d'avoir également contribué à la dégradation du chiffre d'affaires de Parabole Réunion, n'exclut nullement que le manquement à l'engagement 34 a contribué à l'affaiblissement de ce concurrent de GCP à la Réunion.

246. En ce qui concerne les manquements relatifs à la reprise des chaînes indépendantes, l'opacité observée dans les conditions de distribution de celles-ci, en méconnaissance des engagements 41 et 42, s'agissant tant de leurs conditions de rémunération que de la durée de leurs contrats, a contribué à renforcer le déséquilibre de la négociation commerciale jouant en faveur de GCP, acteur dominant sur les marchés aval de la télévision payante. Ces manquements ont également entravé le bon fonctionnement de la concurrence entre les différents distributeurs, ou encore entre les chaînes indépendantes et les chaînes adossées, contrôlées par les actionnaires minoritaires de Canal+ France, contrairement à l'objectif poursuivi par la décision.

247. GCP soutient qu'aucune chaîne indépendante n'a été affectée par l'opacité des conditions de distribution dénoncée par l'Autorité de la concurrence, et qu'aucun assèchement de l'offre ne peut être relevé. Elle invoque à cet égard la progression du nombre de chaînes conventionnées et déclarées auprès du CSA, passé de 125 en 2007 à 134 en 2010. Cette progression s'explique toutefois essentiellement par le lancement de chaînes indisponibles pour les distributeurs tiers (les sept chaînes d'Orange et les deux nouvelles chaînes de Disney) ou gratuites, donc non visées par les engagements (France 24). Par ailleurs, les engagements en cause avaient notamment pour objectif d'éviter que la puissance d'achat de GCP ne se traduise par l'imposition de conditions inéquitables de distribution aux éditeurs de chaînes indépendantes, notamment en ce qui concerne la rémunération. A cet égard, il est utile de relever les écarts de performance entre chaînes indépendantes et chaînes adossées, les premières représentant en 2009 un chiffre d'affaires de 260,4 millions d'euro pour un résultat net négatif à hauteur de 176,7 millions d'euro, alors que les secondes représentaient un chiffre d'affaires de 1044,2 millions d'euro, pour un résultat net positif de 13,7 millions d'euro (124). Les éléments recueillis par les services d'instruction de l'Autorité font par ailleurs état d'une baisse de rémunération importante de certaines chaînes (cf. supra, point 201).

248. S'agissant enfin de l'importance du marché sur lequel se sont produits les effets des manquements constatés, il convient de préciser qu'en août 2010, la filière télévisuelle dans son ensemble (production, édition, distribution), générait un chiffre d'affaires d'environ 14 milliards d'euro, dont la télévision payante représentait une part de 14 % (125). L'édition représente plus de 62 % du chiffre d'affaires de la filière télévisuelle, la distribution en représente quant à elle 22 % et la production un peu moins de 16 %. La France compte 12 millions d'abonnés à la télévision payante multi-chaînes, selon les chiffres du CSA (126).

249. Sur le marché de l'édition (hors chaînes Canal+), GCP réalisait selon le CSA un chiffre d'affaires de 531,4 millions d'euro en 2009, soit 41 % du chiffre d'affaires généré par les chaînes thématiques. Le deuxième acteur du marché est le groupe TF1, avec un chiffre d'affaires de 143,1 millions d'euro. En incluant les chaînes Canal+ (127), GCP réalisait un chiffre d'affaire de 1 817 millions d'euro en 2009, soit 75 % du chiffre d'affaires total du marché de l'édition et 22 % du chiffre d'affaires total du secteur national régulé de la télévision (128).

C. Conclusion

1. Sur le retrait de la décision

250. Au regard de l'ensemble des éléments analysés ci-dessus, il convient de mettre en œuvre le 1° du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce. Il y a donc lieu de retirer la décision du ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie du 30 août 2006, autorisant l'acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus. A moins pour les parties de revenir à l'état antérieur à la concentration, ce retrait entraîne l'obligation pour ces dernières de notifier à nouveau l'opération, à l'Autorité de la concurrence, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de la présente décision.

2. Sur le prononcé d'une sanction pécuniaire

251. Ainsi que cela résulte des termes clairs de la décision d'autorisation et des engagements joints à celle-ci, ces engagements ont été souscrits conjointement par les parties à l'opération de concentration, à savoir " la société Vivendi et ses filiales et sous-filiales actuelles et futures contrôlées exclusivement ", d'une part, et " la société Groupe Canal+ et ses filiales et sous-filiales actuelles et futures contrôlées exclusivement ", d'autre part. Il a également été stipulé qu'ils étaient " valables pour l'ensemble des entités, actuelles et futures des Parties qui seraient amenées à exercer une activité entrant dans le champ d'application des engagements ". Toutefois, compte tenu de la nature des engagements pris et des manquements constatés, ainsi que du rôle joué par Groupe Canal Plus dans ces manquements, c'est en l'espèce uniquement à " la société Groupe Canal+ et ses filiales et sous-filiales contrôlées exclusivement " qu'il convient, en leur qualité de personnes auxquelles incombaient ensemble les obligations non exécutées, d'infliger conjointement et solidairement une sanction pécuniaire.

252. Le IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce renvoie, pour la fixation du montant maximum de la sanction pécuniaire susceptible d'être infligée aux personnes auxquelles incombait l'obligation non exécutée, au I du même article. Ce dernier le fixe à 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par ces personnes morales lors du dernier exercice clos. En l'occurrence, le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'ensemble des personnes morales en cause en 2010 s'élève à 4.026 millions d'euro, selon le courrier transmis à l'Autorité de la concurrence le 6 mai 2011 par Groupe Canal Plus, et accompagné d'une attestation de son commissaire aux comptes. Tout en signalant dans ce courrier que " les liasses fiscales de chacune des sociétés composant le groupe Canal Plus ne permettent pas de déterminer avec exactitude le chiffre d'affaires consolidé réalisé en France par le groupe, notamment parce que les ventes intra-groupes y sont comptabilisées ", le conseil de Groupe Canal Plus précise que " la direction des services financiers de Groupe Canal Plus a extrait le chiffre d'affaires demandé (avec une répartition de celui-ci par zone géographique) des systèmes d'information comptables du groupe Canal Plus tels qu'ils ont été établis pour les besoins du Groupe Vivendi ". Dans un courrier antérieur, en date du 13 décembre 2010, le même conseil avait indiqué, en réponse à une question des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence demandant la communication du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par Groupe Canal Plus et l'ensemble de ses filiales et sous-filiales contrôlées exclusivement, que celui-ci se montait en 2009 à 3 936 millions d'euro. Ces chiffres sont cohérents entre eux. Il y a donc lieu de considérer que le plafond de la sanction pécuniaire s'élève en l'espèce à 201,3 millions d'euro.

253. Au vu des éléments d'appréciation décrits plus haut relatifs à la gravité des manquements constatés et à l'importance de l'atteinte qu'ils sont de nature à engendrer pour la concurrence, il y a lieu d'infliger conjointement et solidairement aux personnes mentionnées à la troisième phrase du paragraphe 251 ci-dessus une sanction d'un montant de 30 millions d'euro.

Decision

Article 1er : Il est constaté l'inexécution des engagements 3, 14, 20, 21, 22, 34, 41, 42 et 44 et 56 auxquels était subordonnée la décision du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 30 août 2006, autorisant l'acquisition de TPS et CanalSatellite par les sociétés Vivendi Universal et Groupe Canal Plus.

Article 2 : La décision du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 30 août 2006 autorisant l'acquisition de TPS et CanalSatellite par les sociétés Vivendi Universal et Groupe Canal Plus est retirée. A moins de revenir à l'état antérieur à la concentration, Vivendi et Groupe Canal Plus sont tenues de notifier à nouveau l'opération dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de la présente décision.

Article 3 : Une sanction pécuniaire de 30 millions d'euro est imposée conjointement et solidairement à la société Groupe Canal Plus et à l'ensemble des filiales et sous-filiales qu'elle contrôle exclusivement.

1. Lettre C2006-02 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 30 août 2006 aux conseils de la société Vivendi Universal, relative à une concentration dans le secteur de la télévision payante, BOCCRF n° 7 bis du 15 septembre 2006.

2. Décision, p. 85.

3. Décision, p. 98. V. aussi p. 85 et s.

4. Décision, p. 81 et 82.

5. Accords pluriannuels de préfinancement de films cinématographiques non préalablement identifiés à la signature de l'accord, portant sur l'acquisition de droits de diffusion pour la télévision payante ou de droits d'exploitation PPV ou VoD.

6. Décision, p. 86.

7. Décision, p. 67.

8. Les chaînes indépendantes sont les chaînes de télévision conventionnées par le CSA en langue française (hors services interactifs, téléachat et radios) qui ne sont pas contrôlées directement ou indirectement par les sociétés actionnaires de la nouvelle entité détenant au moins 5 % de son capital ou par les sociétés liées à la nouvelle entité par des contrats cadre.

9. Les chaînes tierces comprennent l'ensemble des chaînes non adossées à la nouvelle entité.

10. Le seizième rapport du mandataire a été établi le 15 juillet 2011.

11. Engagement 56.

12. Cotes 1 et s., saisine 08-0075 A.

13. Cotes 1 et s. (NB : les cotes visées en note de bas de page sans spécification de numéro de saisine relèvent de la saisine 09-0116 R).

15. Cotes 24.804 et 24.805.

14. Cotes 724 et s.

16. Site www.nouveaucanalsat.fr

17. Cote 8216.

18. Décision, p. 66 et s. et p. 91.

19. Rapport n° 1 du 31 août 2007 relatif à l'état de réalisation des engagements souscrits par le Groupe Canal Plus, cote 39, saisine 08-0075 A.

20. Cotes 1 et s., saisine 08-0075 A.

21. Cotes 1287 et s. : il convient de relever qu'Orange avait manifesté son intérêt auprès de GCP dès octobre 2006, demande réitérée le 28 février 2007. GCP s'est contenté de répondre le 16 mars 2007 qu'il continuait de travailler sur la mise à disposition des chaînes. GCP a envoyé un projet de contrat de distribution le 2 avril 2007, jugé incomplet par Orange qui a réclamé les éléments manquants, éléments reçus le 16 avril 2007. Orange dénonce donc le retard pris par GCP pour entamer les négociations en vue de la mise en disposition des chaînes.

22. Cote 39, saisine 08-0075 A.

23. Décision, p. 67.

24. Avis du Conseil de la concurrence n° 06-A-13 du 13 juillet 2006, point n° 658.

25. Cotes 36 et s., saisine 08-0075 A.

26. Cotes 1 et s., saisine 08-0075 A.

27. Cotes 8244 et s.

28. Cotes 8212 et 8213.

29. Cotes 799 et s.

30. Un service de premières exclusivités est, d'après le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié, " une catégorie de services de premières diffusions qui diffusent annuellement en première exclusivité télévisuelle au moins 75 œuvres cinématographiques dans un délai inférieur à 36 mois après leur sortie en salles (dont au moins 10 d'expression originale française pour lesquelles les droits ont été pré-achetés, c'est à dire acquis avant la fin des prises de vues ". Selon le CSA, les premières fenêtres correspondraient à une diffusion dans le délai de 36 mois, ce qui équivaudrait à identifier les premières fenêtres aux premières exclusivités.

31. Il existe une différence entre les chiffres communiqués par le mandataire et par le CSA, qui s'explique par l'utilisation de références différentes. Le mandataire se réfère aux chiffres énoncés par l'engagement, qui vise 100 films en première exclusivité (deuxième partie du deuxième alinéa de l'engagement 22), et retient pour cette estimation les films diffusés en première et en deuxième fenêtre. Le CSA se réfère quant à lui à la définition de chaîne de cinéma de première exclusivité issue de l'article 6-3 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié, catégorie dans laquelle GCP s'est engagée à maintenir TPS Star (première partie du deuxième alinéa de l'engagement 22), et qui prévoit la diffusion d'un minimum de 75 films en première exclusivité et en première fenêtre.

32. Contrat du 1er septembre 2009 avec Warner, cotes 6856 et 6875.

33. V., notamment, contrats du 26 janvier 2009 avec PanEuropéenne, cote 5440, et du 1er octobre 2008 avec Pathé, cote 5718.

34. Cotes 24986 et s.

35. En grisé figurent les clubs qualifiés pour la Ligue des Champions.

36. Cote 8212.

37. Cote 8212.

38. Cotes 639 et s., saisine 08-0075 A.

39. Cotes 639 et s., saisine 08/0075 A.

40. Cotes 639 et s., saisine 08/0075 A.

41. Décision, p. 10.

42. Cotes 642 et s., saisine 08/0075 A.

43. Cotes 727 et s., saisine 08/0075 A.

44. Cotes 727 et s., saisine 08/0075 A.

45. Cote 8213.

46. Une chaîne de cinéma de première diffusion, est, d'après le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié, " une chaîne de cinéma qui diffuse une ou plusieurs œuvres cinématographiques en première exclusivité télévisuelle hors paiement à la séance ou plus de dix œuvres cinématographiques en seconde exclusivité télévisuelle hors paiement à la séance, dans un délais inférieur à 36 mois après leur sortie en salles en France ".

47. Cote 8214.

48. Ce chiffre peut utilement être rapproché du nombre d'abonnés aux autres chaînes de GCP mises à disposition des tiers : chaînes Cinécinéma : 160 000 abonnés ; Sport+ : 515 000; Piwi : 346 000, Télétoon : 393 000, (cotes 8233 et s.).

49. Cote 24974.

50. Cotes 89 et s.

51. Cotes 24816 et s.

52. Décision, p. 60.

53. Décision, p. 64.

54. Cote 8208.

55. V. recherche par mot-clé sur les sites de l'UEFA et de la FFF : plusieurs exemples de match phare avec OL, OM, Monaco ou autres.

56. Cote 8243.

57. Cote 8209.

58. Cotes 37 et 84, saisine 08-0075 A.

59. Décision, p. 25.

60. Décision, page 64.

61. Cotes 235 et s.

62. V. définition supra, note 46.

63. V. définition supra, note 30.

64. Cotes 8233 et s., cotes 10211 et s.

65. Article 6-4 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié.

66. Avis du 27 mai 2010, cote 8214.

67. Décision, p. 72 et 73.

68. Décision, p. 75 et 76.

69. Décision, p. 76.

70. Cotes 183 et s.

71. V. Tribunal de grande instance de Paris, 18 septembre 2007, n° 07-08804, Cour d'appel de Paris, 19 juin 2008, n° 07-17715, Cour de cassation, 10 novembre 2009, n° 08-19.799. V. aussi, s'agissant du contentieux de l'exécution du jugement du 18 septembre 2007, Tribunal de grande instance de Nanterre, 28 mai 2009, n° 09-03-08 et Cour d'appel de Versailles, 16 septembre 2010, n° 09-05750.

72. Cotes 24839 et s.

73. Cotes 3819 et s.

74. En 2006, 347 des 1 000 matches diffusés concernaient les 5 premiers championnats européens (Premier League, Série A, Bundesliga, Liga, 1ère Division française).

75. Cotes 879 et s., relatant l'état des contentieux entre Parabole Réunion et GCP.

76. Cotes 10211 et s.

77. Cotes 935 et s.

78. Cotes 935 et s.

79. V. note 5 supra.

80. Pay per View et Vidéo à la Demande.

81. Décision, p. 49 et 50.

82. Cote 22 et 68, saisine 08-0075 A.

83. Cote 6540 et s.

84. Rapport n° 3 du 29 février 2008 relatif à l'état de réalisation des engagements souscrits par le Groupe Canal Plus, cote 624, saisine 08-0075 A.

85. Rapport n° 4 du 29 février 2008 relatif à l'état de réalisation des engagements souscrits par le Groupe Canal Plus, cote 406, saisine 08-0075 A.

86. Cote 25.118.

87. Cote 25121.

88. Décision, p. 60 et 61.

89. Cote 20.772.

90. Décision, p. 78 et s. et p. 81et 82.

91. Cotes 660 et s., saisine 08-0075 A.

92. Cotes 601 et s., saisine 08/0075 A.

93. Cotes 192 et s.

94. Cotes 600 et s, cotes 664 et s., notamment, saisine 08-0075 A.

95. Cotes 20443 et s.

96. Cotes 14806 et s.

97. Cotes 11354 et s.

98. Cotes 20096 et s., 11354 et s., 10285 et s., 11367 et s.

99. Cote 20098.

100. Cotes 10298 et s.

101. Cote 11371.

102. Cote 11359 et s.

103. Cotes 14857 et s.

104. Cotes 661 et s., saisine 08-0075 A.

105. Cotes 661 et s., saisine 08-0075 A.

106 Cotes 602 et s. et 660 et s., saisine 08-0075 A. V. notamment, rapport n° 4 : " Selon lui [le mandataire] (...) les termes de l'engagement n° 42 (...) imposent " un catalogue des conditions de reprise portant sur les différents niveaux de contrats possibles (accord de distribution et/ou accord de transport) et les modalités techniques ". Sur ce dernier point, la fourniture du contrat-type de transport, assorti d'un barème, est conforme à l'engagement. ".

107. La rémunération des chaînes CinéCinéma comporte encore une part variable mais celle-ci est minime (environ 200k€ de rémunération variable pour 67M€ de rémunération fixe).

108. Décision, p. 80.

109. Cotes 24870 et s.

110. Cotes 603 et s., saisine 08-0075 A.

111. Cotes 2892 et s., 2913 et s.

112. Cotes 24870 et s., cotes 20532 et s., 20534 et s.

113. Voir, même si le retrait d'une décision d'autorisation de concentration en application du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce n'a pas exactement les mêmes effets qu'une annulation contentieuse, Conseil d'Etat, Sect., 6 février 2004, Société Royal Philips Electronic et autres, Lebon p. 28.

114. Cote 20199. Cotes 255 et s.

115. Cotes 662 et s., saisine 08-0075 A, cotes 20555 et s.

116. Observations de GCP en réponse au rapport, p. 147.

117. Cotes 662 et s., saisine 08-0075 A.

118. Cotes 662 et s., saisine 08-0075 A.

119. Décision du ministre, p. 68.

120. Décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-D-32, points 302 et s.

121. Décision n° 10-D-32, point 281.

122. Décision n° 10-D-32, point 278.

123. Premier League, Serie A, Pro A de basketball.

124. CSA.

125. Estimations Xerfi et rapport au Premier Ministre, " Les exclusivités de distribution et de transport dans le secteur de la télévision payante ", Mme Hagelsteen et M. Lallet, chiffres 2007.

126. CSA.

127. C+, C+ Sport, C+ Cinéma, C+ Décalé, C+ Family.

128. Cotes 25291 et s.