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Décisions

CA Amiens, 5e ch. soc. cabinet a, 20 septembre 2011, n° 10-04414

AMIENS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Distribution Casino France (SAS)

Défendeur :

Jurado , Hurrier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Aaron

Conseillers :

Mmes Hauduin, Leclerc-Garret

Avocats :

Mes Boisadam, Bouyer-Fromentin

Cons. prud'h. Laon, du 20 sept. 2010

20 septembre 2010

Décision :

Vu le jugement en date du 20 septembre 2010 par lequel le Conseil de prud'hommes de Laon, statuant dans le litige opposant Madame Jennifer Hurrier et Monsieur Aurélien Jurado à la SAS Distribution Casino France, a requalifié en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de gérance liant les parties, déclaré la rupture du contrat sans cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence la société Casino à payer à chacun des intéressés différentes sommes à titre de créances salariales (rappel de salaire, heures supplémentaires et repos compensateurs), indemnité de rupture (indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité conventionnelle de licenciement), dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire et intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande ;

Vu l'appel interjeté le 11 octobre 2010 par la société Distribution Casino France à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 22 septembre précédent ;

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 17 mai 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 12 mai 2011, régulièrement communiquées et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société appelante, faisant valoir pour l'essentiel que les relations des parties se sont régulièrement inscrites dans le cadre du statut légal de gérant mandataire non salarié de succursales de commerce de détail alimentaire, sans qu'il soit justifié de pratiques contraires susceptibles de révéler un lien de subordination juridique caractéristique d'un contrat de travail de droit commun, que les gérants mandataires, qui ne démontrent aucunement s'être vu imposer à titre individuel l'exécution d'horaires de travail déterminés, ont été intégralement remplis de leurs droit à rémunération, que la rupture du contrat de gérance a été légitimement prononcée en raison de la méconnaissance par les gérants mandataires de leurs obligations contractuelles et conventionnelles, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, le débouté de l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Madame Hurrier et de Monsieur Jurado et la condamnation de ceux-ci à lui payer une indemnité par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 17 mai 2011, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles les intimés, réfutant les moyens et arguments développés au soutien de l'appel, concernant aussi bien des contrats de gérance dissimulant en réalité une relation salariale de droit commun que pour ce qui a trait au caractère illégitime de la rupture des relations contractuelles, sollicitent à titre principal la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, au besoin, en cas de rejet de la demande de requalification, par application des règles du travail salarié applicables au contrat de gérance mandataire régi par les article L. 782-1 et suivants du Code du travail, outre la condamnation de l'appelante à leur payer à chacun une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur ce, LA COUR

Attendu que dans le cadre de contrats de cogérance successifs conclus les 8 juillet 2006, 7 mai 2007 et 9 octobre 2007 avec la société Distribution Casino France, Madame Jennifer Hurrier et Monsieur Aurélien Jurado se sont vu confier la gérance de supérettes situées la première à Crosnes (91), la deuxième à Zuydcoote (59) et la dernière à Montcornet (02) ; que par courrier recommandé du 29 juin 2009 faisant suite à un entretien préalable tenu le 24 juin précédent, Madame Jennifer Hurrier et Monsieur Aurélien Jurado se sont vus notifier la rupture de leur contrat de cogérance par la société Distribution Casino France, dans les termes suivants :

"Nous faisons suite à votre entretien préalable du mercredi 24 juin 2009 au cours duquel il vous a été exposé les faits qui nous ont amenés à envisager à votre égard la rupture de votre contrat de cogérance mandataire non salarié signé le 9 octobre 2007, à savoir :

Le résultat de votre inventaire de renseignement effectué le 14 avril 2009, dans le magasin "Petit Casino" <coordonnées>, que vous gérez pour notre compte, qui a fait ressortir :

- un manquant marchandises et/ou espèces de 11 783,41 euro,

- un manquant emballages de 529,26 euro,

Ce qui, après réintégration à votre compte général de dépôt, fait ressortir un solde débiteur de 29 429 euro (...) à ce jour.

Conformément à l'article 22 de l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales du 18 juillet 1963 modifié, vous disposiez d'un délai de 15 jours à compter de la remise des comptes effectuée le 13 mai 2009 en main propre, pour vérifier les dits comptes, nous faire connaître, le cas échéant, vos observations et nous retourner les comptes dûment approuvés et signés. Vos observations transmises par correspondance du 16 mai dernier ne permettent pas d'expliquer le résultat catastrophique de cet inventaire du 14 avril 2009.

Compte tenu de l'importance de ce manquant, notamment eu égard à votre chiffre d'affaires et au stock moyen du magasin confié, nous vous rappelons que nous avons été contraints de vous relever immédiatement et provisoirement de vos fonctions de cogérants mandataires non salariés le 13 mai 2009, dans l'attente d'une décision définitive.

Puis, nous vous avons convoqué par courrier recommandé daté du 29 mai 2009 à un entretien préalable fixé le vendredi 12 juin 2009.

Au cours de cet entretien, vous nous avez signalé des erreurs figurant dans le courrier de convocation à cet entretien, portant sur le résultat de votre inventaire du 14 avril 2009.

Afin d'éviter toute confusion, nous vous avons alors convoqués à un nouvel entretien préalable le mercredi 29 juin 2009 à 14 h par courrier recommandé daté du 15 juin 2009.

Au cours de cet entretien, vous n'avez pas été en mesure de nous présenter les marchandises et/ou espèces manquantes suite à l'inventaire du 14 avril 2009, ni de nous fournir des explications plausibles sur ce manquant.

Or conformément à l'article 8 de votre contrat de cogérance mandataire : "les gérants seront tenus de couvrir immédiatement le manquant de marchandises ou d'espèces provenant des ventes qui sera constaté dont le montant sera porté à leur débit ; tout manquant non justifié entraînant la résiliation immédiate du contrat de gérance".

En effet, dans le cadre du mandat qui vous a été consenti, vous ne déteniez les marchandises qui vous ont été confiées qu'à titre de dépôt avec mandat de les vendre aux prix fixés, d'en encaisser le prix et de nous le remettre.

Par conséquent, en ne présentant pas les marchandises ou espèces provenant de la vente, au plus tard le jour de l'inventaire, vous vous êtes mis en infraction avec les dispositions de votre contrat de cogérance.

Dans ces conditions, l'importance du manquant de marchandises et/ou d'espèces constaté dans votre exploitation sans que vous puissiez nous fournir une explication légitime sur son origine, et le défaut de règlement de votre part, vous placent en infraction avec votre contrat de cogérance mandataire non salarié signé le 9 octobre 2007 et nous contraignent à vous notifier par la présente la rupture de votre contrat de cogérance, en application de l'article 16 de celui-ci et de l'article 14 de l'accord collectif national susvisé, sans préavis ni indemnité.

Cette résiliation interviendra à compter de la première présentation de la présente par la Poste.

Votre inventaire effectué le mercredi 13 mai 2009, tiendra lieu d'inventaire de cession définitive.

Nous vous informons que nous n'entendons pas nous prévaloir de l'article 18 de votre contrat, clause de non-rétablissement, et que vous pouvez donc considérer comme nulle et non-avenue. En conséquence, vous ne serez tenus à aucune obligation de non-concurrence lors de la rupture de votre contrat de gérant mandataire non salarié.

Enfin, suivant les termes de l'article 17 de votre contrat de cogérance, nous vous rappelons que vous avez à libérer l'appartement de fonction mis gracieusement à votre disposition, dès la première présentation de ce courrier de rupture. Vous devrez restituer les clés au directeur commercial de votre secteur..." ;

Attendu que contestant la légitimité de la rupture des relations contractuelles et revendiquant le bénéfice depuis l'origine d'un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun et la requalification consécutive de leurs contrats de gérant mandataire non salarié, Madame Jennifer Hurrier et Monsieur Aurélien Jurado, estimant ne pas avoir été remplis de leurs droits au titre de l'exécution et de la rupture des relations contractuelles, ont saisi le Conseil de prud'hommes de Laon qui, statuant par jugement du 20 septembre 2010, s'est déterminé comme rappelé précédemment ;

Attendu qu'il est constant en l'espèce que Madame Jennifer Hurrier et Monsieur Aurélien Jurado se sont vus contractuellement confier par la société Distribution Casino France l'exploitation de différentes succursales (supérettes) sous le statut de gérant non salarié de succursales de commerce de détail alimentaire défini comme suit par l'article L. 7322-2 du Code du travail : "est gérant non salarié, toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de travail et lui laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité. La clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat" ;

Attendu que l'application du statut légal défini aux articles L. 7322-1 et L. 7322-2 du Code du travail suppose donc la réunion de trois conditions : premièrement exploiter une succursale d'alimentation de détail, deuxièmement être rémunéré selon des remises proportionnelles au montant des ventes, troisièmement liberté pour le gérant de fixer ses conditions de travail, d'embaucher du personnel et de se substituer des remplaçants ; que d'une façon générale, le gérant mandataire non salarié ne doit pas se trouver soumis dans la détermination de ses conditions de travail ou dans l'exercice de ses prérogatives en matière d'embauche ou de remplacement au pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l'entreprise succursaliste et il convient pour le juge, en cas de contestation, d'analyser les conditions réelles dans lesquelles s'exerce l'activité professionnelle, en considération de sa spécificité et des règles, sujétions et contraintes particulières liées à l'organisation succursaliste de la maison-mère, pour déterminer si les conditions d'application du statut légal sont effectivement réunies ou si à l'inverse le gérant mandataire se trouve de fait placé dans un lien de subordination juridique caractéristique d'un contrat de travail de droit commun ;

Attendu que pour contester l'application du statut légal de gérant non salarié et revendiquer depuis leur premier contrat de gérance l'existence d'une relation de travail de droit commun, Madame Hurrier et Monsieur Jurado font valoir d'une part que les différentes succursales qui leur ont été confiées auraient été structurellement dans l'incapacité de dégager des remises proportionnelles susceptibles de leur permettre d'obtenir une rémunération au moins égale au Smic de telle sorte que la condition relative à la rémunération par des remises proportionnelles au montant des ventes et a fortiori celle tenant à la possibilité d'engager du personnel ne seraient pas réunies, que les charges, directives, contraintes et contrôles imposés dans la pratique par la société Casino ne leur auraient par ailleurs laissé aucune liberté dans l'exploitation du commerce de sorte qu'ils devraient être considérés comme des salariés ordinaires placés dans un lien de subordination caractéristique d'un contrat de travail de droit commun ;

Attendu toutefois que les notions de rentabilité et de rémunération minimum garantie sont étrangères à la définition de la succursale de commerce de détail alimentaire au sens de l'article L. 7322-2 du Code du travail, le minimum de rémunération auquel les gérants non salariés peuvent prétendre n'étant visé à l'article L. 7322-3 du même Code qu'au travers des garanties conventionnelles auxquelles doivent satisfaire les contrats individuels conclus entre les entreprises et leurs gérants ;

Qu'ainsi la circonstance que les rémunérations mensuelles générées par les remises proportionnelles aux ventes aient du être régulièrement complétées au titre de la garantie conventionnelle pour atteindre le Smic, sans que les éléments du dossier permettent d'imputer cette situation à une insuffisance des ventes liées à la localisation ou à la structure même des fonds de commerce plutôt qu'à des insuffisances de gestion et d'exploitation commerciale imputables à Madame Hurrier et à Monsieur Jurado, apparaît à elle seule impuissante à faire apparaître que les intéressés n'auraient pas été rémunérés conformément aux prescriptions légales et n'auraient pas en fait disposé à raison des faibles ressources dégagées par l'exploitation du fonds de la possibilité d'engager du personnel ;

Attendu par ailleurs que les différents contrats conclus entre les parties sont conformes aux prescriptions des articles L. 7322-2 et L. 7322-3 du Code du travail, notamment en ce qu'ils ne fixent pas les conditions de travail des gérants et laissent à ceux-ci toute latitude pour embaucher des salariés ou se faire remplacer à leurs frais et sous leur entière responsabilité, sans que soient versés aux débats d'éléments susceptibles d'établir l'existence de pratiques contraires aux prévisions contractuelles susceptibles de faire apparaître les dispositions des différents contrats passés entre les parties comme de pures clauses de style ;

Qu'il n'est notamment pas justifié en l'état des pièces et documents versés aux débats que Madame Hurrier et Monsieur Jurado, s'ils ont été destinataires comme tout mandataire gérant de divers documents destinés à les aider dans la gestion tant administrative que commerciale des succursales qui leur ont été confiées, aient été personnellement entravés, par des contrôles, ordres, directives ou recommandations à caractère contraignant, dans l'organisation de leur activité professionnelle personnelle que ce soit en termes de fixation des heures d'ouverture et de fermeture des points de vente, de répartition de leurs temps de travail respectifs à l'intérieur des créneaux horaires d'ouverture ou dans leurs relations avec la clientèle ;

Qu'il n'est pas davantage établi qu'en dehors de quelques contraintes et sujétions n'ayant jamais dépassé celles rendues nécessaires par l'organisation succursaliste de l'entreprise et par le légitime souci d'assurer une certaine uniformité des enseignes en termes d'image et de service à la clientèle, les intéressés aient été personnellement contraints dans l'organisation de leur activité personnelle ou se soient trouvés tenus de ce point du vue de suivre, sous peine d'éventuelles sanctions, les ordres et directives d'un cadre responsable ;

Que les pièces et documents du dossier ne permettent pas davantage de considérer que les intéressés aient été personnellement privés de leur liberté contractuelle d'engager du personnel et d'exercer vis-à-vis de celui-ci leurs prérogatives d'employeur ; qu'il n'est notamment pas démontré que le licenciement de la salariée attachée au fonds de commerce de Zuydcoote dont ils avaient été tenus de poursuivre le contrat de travail par application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 (anciennement L. 122-12) du Code du travail aurait été en fait décidé ou leur aurait été imposé par la société Casino, la circonstance que cette société ait été amenée à apporter une certaine aide financière à ses mandataires gérants pour leur permettre d'assurer ponctuellement les charges financières inhérentes à l'exécution et à la rupture du contrat étant à cet égard impuissante à les priver de leur qualité d'employeur au profit de la société succursaliste ;

Attendu qu'il n'y a donc pas lieu dans les circonstances particulières de l'espèce et à raison notamment de l'absence d'éléments suffisamment probants pour établir l'existence de pratiques révélatrices d'un état de subordination juridique des cogérants vis à vis de la société Casino d'accueillir la demande de Madame Hurrier et de Monsieur Jurado tendant à voir requalifier en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun les contrats de mandataires gérants non salariés de succursales de commerce de détail alimentaire les ayant liés à la société Casino ;

Attendu que les pièces et documents, notamment comptables, versés aux débats font apparaître que les intéressés ont été intégralement remplis de leurs droits à rémunération que ce soit par le biais des commissions qui leur ont été versées ou au travers de l'application de la garantie conventionnelle ; qu'aucun élément ne permet par ailleurs de tenir pour établi que les intéressés se seraient vus imposer à titre individuel, par la société Casino, directement ou par l'intermédiaire de cadres délégués, l'exécution d'horaires de travail déterminé ou qu'ils se soient vus imposer l'exécution d'heures supplémentaires ; qu'aucune justification, ni listings précis des heures supplémentaires qui auraient été exécutées au-delà des horaires d'ouverture des magasins par Madame Hurrier ou par Monsieur Jurado ne sont au demeurant versés aux débats ; qu'il n'est pas davantage justifié, au vu des pièces et documents soumis à l'appréciation de la cour, que les intéressés resteraient créanciers de frais devant rester à la charge de la société succursaliste ; que les demandes présentées par les intéressés à titre de rappel de rémunération (application du Smic, commissions, heures supplémentaires, repos compensateur) ou de remboursement de frais ne peuvent par conséquent être accueillies ;

Attendu concernant la rupture des relations contractuelles que si le gérant non salarié d'une succursale de commerce de détail alimentaire peut être contractuellement rendu responsable de l'existence d'un déficit d'inventaire en fin de contrat et tenu d'en rembourser le montant, il doit, aux termes de l'article L. 7322-1 du Code du travail, bénéficier de tous les avantages accordés au salarié par la législation sociale ; qu'il ne peut en conséquence être privé, dès l'origine, par une clause du contrat ou par des dispositions conventionnelles, du bénéfice des règles protectrices relatives à la rupture des relations contractuelles et en cas de contestation il appartient au juge du contrat de travail, qui n'est pas lié par la définition donnée par la convention des parties des faits susceptibles d'entraîner une rupture des relations contractuelles sans préavis ni indemnité, d'apprécier si les faits reprochés au gérant sont ou non susceptibles de recevoir la qualification de faute grave privative des indemnités de rupture ;

Attendu que si dans ces conditions un déficit d'inventaire (en espèces ou en marchandises) peut constituer un motif légitime de rupture du contrat de gérance, dès lors qu'il est établi et imputable au gérant, il n'est en revanche susceptible d'avoir pour effet de priver le gérant des indemnités contractuelles ou conventionnelles de rupture que s'il est la conséquence d'un comportement du gérant susceptible de recevoir la qualification de faute grave ;

Attendu qu'il n'est versé aux débats aucun élément permettant de contrôler de façon objective la réalité du déficit d'inventaire invoqué dans la lettre de notification de la rupture des relations contractuelles du 29 juin 2009 ; qu'aucun élément permettant de s'assurer de la sincérité des comptes unilatéralement établis par la société Casino n'est produit, alors même que les pièces et documents du dossier font apparaître que de précédents inventaires de renseignements concernant les gérants ont été émaillés d'erreurs, que des marchandises non commandées ont été livrées, que des vols de marchandises n'ont pas été pris en considération et des produits périmés comptabilisés en manquants, sans que la responsabilité de ces différentes situations puisse être imputée aux mandataires gérants, par ailleurs privés de réels moyens de contrôle sur l'état de leur stock ; qu'en l'état la réalité du déficit d'inventaire, cause première et déterminante de la rupture des relations contractuelles, ne peut être tenue pour établie avec certitude, en sorte que la rupture doit être considérée comme ayant été prononcée à l'initiative de la société Casino sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur les fautes contractuelles ou conventionnelles susceptibles de recevoir la qualification de faute grave qui auraient pu être commises par les gérants mandataires pour s'être abstenu de justifier ou de couvrir les manquants en marchandises ou en espèces ;

Attendu que dans ces conditions Madame Hurrier et Monsieur Jurado sont en droit de prétendre, chacun, sur la base de la convention collective des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés, applicable en la cause, au bénéfice des indemnités de rupture (indemnité de préavis et congés payés afférents, indemnité conventionnelle de licenciement) à hauteur des sommes, non contestées dans leur quantum, qui leur ont été attribuées par les premiers juges ;

Qu'ils peuvent également prétendre, chacun, à des dommages et intérêts en raison de la rupture injustifiée des relations contractuelles, dommages et intérêts qui ont été exactement appréciés dans leur quantum par les premiers juges eu égard notamment à l'ancienneté des relations contractuelles, à l'âge des mandataires gérants, à leur formation et à leur capacité à retrouver une nouvelle activité professionnelle ;

Attendu que les circonstances de la cause et la solution apportée au litige ne justifient pas qu'il soit fait à nouveau application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties ; que le jugement déféré sera par conséquent confirmé du chef de l'indemnité allouée et les demandes indemnitaires complémentaires présentées en cause d'appel rejetées ;

Par ces motifs : Statuant par dispositions nouvelles tant confirmatives qu'infirmatives ou supplétives, Déboute Madame Jennifer Hurrier et Monsieur Aurélien Jurado de leur demande de requalification de leurs contrats de cogérance en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun ainsi que de leurs demandes tendant à obtenir chacun un rappel de rémunération au titre notamment des heures supplémentaires qui auraient été accomplies ; Déclare sans cause réelle et sérieuse la rupture à l'initiative de la société Distribution Casino France du contrat de cogérance conclu avec Madame Hurrier et Monsieur Jurado ; Condamne la société de Distribution Casino France à payer, à Madame Jennifer Hurrier les sommes de : - 6 864,44 euro à titre d'indemnité de préavis, - 686,44 euro à titre de congés payés sur préavis, - 686,44 euro à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, - 20 593,32 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse des relations contractuelles, - 3 000 euro à titre d'indemnité par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, à Monsieur Aurélien Jurado les sommes de : - 6 864,44 euro à titre d'indemnité de préavis, - 686,44 euro à titre de congés payés sur préavis, - 686,44 euro à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, - 30 593,32 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse des relations contractuelles, - 3 000 euro à titre d'indemnité par application pour l'ensemble de la procédure des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rappelle que les sommes allouées à titre d'indemnité de préavis, congés payés afférents, indemnité conventionnelle de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et celles allouées à titre de dommages et intérêts et d'indemnité sur le fondement de l'article 600 du Code de procédure civile à compter du jugement entrepris ; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ; Condamne la société Distribution Casino France aux dépens de première instance et d'appel.