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Décisions

Cass. 1re civ., 28 septembre 2011, n° 10-14.355

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Fabrique de meubles de Coulombs (Sté), Philippe Hurel UK Ltd (Sté)

Défendeur :

Pierre Frey UK (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Rapporteur :

Mme Bodard-Hermant

Avocats :

SCP Bouzidi, Bouhanna, SCP Piwnica, Molinié

T. com. Chartres, du 5 mai 2009

5 mai 2009

LA COUR : - Attendu que suivant accord signé le 27 décembre 2004 entre, d'une part, M. Hurel, président directeur général de la société Fabrique de meubles de Coulombs (FMC) dont le siège est en France et président de la société Philippe Hurel UK et, d'autre part, Mme Peyman pour la société Pierre Frey UK, ces dernières sociétés ayant leur siège en Angleterre, le premier a mandaté la seconde en qualité d'agent commercial, moyennant commissionnement ; qu'à la suite d'un différend quant à l'exécution de cet accord, portant notamment sur le taux de commissionnement, la société Pierre Frey UK a fait assigner les sociétés FMC et Hurel UK devant le Tribunal de commerce de Chartres afin d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de diverses sommes à titre d'arriérés de commissions et d'indemnités de rupture ; que ces dernières ont opposé, in limine litis, l'incompétence du juge français ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société FMC et la société Hurel UK font grief à l'arrêt d'avoir dit le Tribunal de commerce de Chartres compétent et renvoyé les parties devant ce tribunal, alors, selon le moyen : 1°° que, pour retenir la compétence du juge français en tant que juge du siège social de la société FMC, la cour d'appel a retenu que l'accord du 27 décembre 2004 "aménageait les responsabilités respectives du réseau commercial" de la société FMC au Royaume-Uni, qui se trouvait ainsi liée à deux distributeurs ; que cependant l'accord ne mettait en place aucun réseau entre la société FMC et la société Pierre Frey UK, qui n'est pas devenue son distributeur, mais organisait une coopération commerciale entre la société Pierre Frey UK, distributeur au Royaume-Uni de la société française Pierre Frey, et la société Hurel UK, distributeur au Royaume-Uni de la société FMC, afin de faire bénéficier cette dernière du réseau de la première ; que la société Pierre Frey UK était ainsi autorisée à recevoir des commandes pour le compte de la société Hurel UK, en contrepartie d'un commissionnement versé par la société Hurel UK ; qu'en retenant que cet accord organisait des liens de fabricant à distributeur entre la société FMC et la société Pierre Frey UK, la cour d'appel, qui a donné au contrat un contenu et une portée qui ne sont pas les siens, a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que, pour retenir que la société FMC était partie à l'accord, la cour d'appel s'est bornée à constater que cet accord avait été rédigé sur son papier à entête et à énoncer, par un motif général, que " il est de la nature même des entreprises de manufacture de se préoccuper de la commercialisation de ses produits" ; que ces motifs étaient inopérants à établir que la société FMC était partie à l'accord de coopération ; que bien au contraire, l'accord ne comportait que deux signataires, qui ne pouvaient être que les sociétés Pierre Frey UK et Hurel UK, seules visées par les engagements prévus au contrat ; que les commissions étaient versées par la société Hurel UK ; que le contrat indiquait encore que " Pierre Frey UK et Hurel UK souhaitent réexaminer leur collaboration au plus tard dans les six mois ... " ; qu'en retenant, en contradiction avec cette stipulation du contrat, que la société FMC, qui n'était pourtant pas signataire de l'acte, y était partie, la cour d'appel a méconnu la volonté des parties et violé les articles 1134 et 1165 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé le contenu de l'accord du 27 décembre 2007 signé par M. Hurel, dirigeant de la société FMC et de la société Hurel UK, la cour d'appel a relevé, d'abord, que cet accord avait été rédigé en langue française sur du papier à en-tête de la société FMC précisant son immatriculation sur un registre du commerce français, puis, qu'il prolongeait les relations commerciales établies de longue date entre la société Pierre Frey UK et la société FMC et, enfin, qu'il aménageait les responsabilités respectives de son réseau commercial au Royaume-Uni en précisant les attributions de ses représentations commerciales sur ce territoire en fonction des segments de clientèle dévolus ; qu'elle en a déduit, par une interprétation nécessaire de cet accord, que la société FMC y était partie ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen : - Attendu qu'il est encore fait le même grief à l'arrêt, alors que la pluralité de défendeurs justifie la compétence du tribunal du domicile de l'un d'eux, dans la mesure où les demandes sont liées par un lien si étroit qu'il y a intérêt à les juger ensemble ; que la prorogation de compétence du fait de la pluralité de défendeurs est écartée en l'absence de lien suffisant ou si un défendeur a été attrait de façon artificielle, à seule fin de justifier la compétence du juge de son domicile ; qu'en retenant la compétence du juge français pour le motif que les deux défendeurs étaient mère et fille et que le litige portait sur l'organisation des rapports entre les deux distributeurs d'un même fournisseur, quand la société Pierre Frey UK n'a jamais eu la qualité de distributeur de la société FMC et que les liens capitalistiques entre sociétés ne constituent pas un chef de compétence, la cour d'appel, qui a retenu l'existence d'un lien purement fictif entre des défendeurs dont l'un n'avait été attrait artificiellement que pour justifier la compétence du juge français, a violé l'article 6-1 du règlement CE 44-2001 ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société FMC était partie à l'accord dont l'inexécution fondait les demandes de la société Pierre Frey UK dirigées contre elle et la société Hurel UK, la cour d'appel en a déduit l'existence d'un lien de connexité entre ces demandes justifiant la compétence de la juridiction française en application de l'article 6 § 1 du règlement (CE) 44-2001 ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.