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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 1 juillet 2011, n° 10-12993

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Planète Prod (SAS), Presse Planète (SAS)

Défendeur :

France Télévisions (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mmes Nerot, Regniez

Avoués :

SCP Bommart Forster Fromantin, SCP Hardouin

Avocats :

Mes Brault, Jourde, Kohn

T. com. Paris, 1re ch. B, du 24 sept. 20…

24 septembre 2007

La société Planète Prod, société de conception et de production, et la société Presse Planète, agence de presse, créées toutes deux en 1995, conçoivent, développent et produisent des magazines, documentaires et des fictions dans le domaine de l'audiovisuel. Elles exposent avoir entretenu un courant d'affaires significatif et croissant dès 1998, plus particulièrement avec les sociétés France 2 et France 5.

À la faveur de l'arrivée en septembre 2005 d'un nouveau président à la tête de la holding France Télévision, les chaînes composant le groupe du service public perdirent, selon elles, leur autonomie de décision et notamment de programmation.

Elles soutiennent qu'à partir de cette date, elles ont été confrontées à une absence brutale de toute commande. Ainsi, entre septembre 2005 et avril 2006, sur les 14 projets de magazines présentés, 3 fictions de courte durée et 20 propositions de documentaires, seul le magazine AUZ a été développé avec France 5 en sorte que leur chiffre d'affaires est passé brutalement de 6 957 422 euro, enregistré au 1er semestre 2005, à 46 702 au second semestre de la même année.

Elles s'étonnèrent de cette interruption de toute commande auprès de France Télévisions qui ne leur répondit que le 6 octobre 2006 pour leur signifier qu'il n'existait pas de rupture des relations commerciales en invoquant le caractère spécifique de leurs prestations.

C'est dans ce contexte qu'elles assignèrent les sociétés France 2, France 5 et France Télévisions devant le Tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l'article L. 442-6-l-5° du Code de commerce et 1382 du Code civil, pour voir réparer le préjudice né notamment de cette brusque rupture.

Par jugement en date du 24 septembre 2007, le tribunal déclara la société Presse Planète irrecevable en son action et, relevant la spécificité de la production audiovisuelle et les contraintes auxquelles sont soumises les chaînes du service public, dit que l'article L. 442-6-I-5° ne pouvait s'appliquer, avant de rejeter l'ensemble des demandes formées par les sociétés Planète Prod.

Par arrêt du 8 octobre 2008, cette cour infirmant le jugement qui lui était déféré, dit que la société Presse Planète était recevable en son action, débouta les sociétés Planète Prod et Presse de leurs demandes dirigées contre France 5, dit que devait être imputée à France Télévisions et France 2 la rupture abusive des relations commerciales établies avec la société Planète Prod et la société Presse Planète et ordonna avant dire droit une expertise destinée à lui permettre d'apprécier les différents préjudices subis par les appelantes.

La Cour de cassation, par arrêt du 18 mai 2010, cassa l'arrêt de la cour "sauf en ses dispositions relatives à la recevabilité de l'action de la société Presse Planète", aux motifs que la cour d'appel d'une part, n'avait pas démontré que la société France Télévisions intervenait dans la programmation de sa filiale et d'autre part, qu'elle n'avait pas recherché si, "eu égard à la nature de leur prestation de conception et de réalisation de programmes télévisuels les sociétés Planète Prod et Presse Planète pouvaient légitimement s'attendre à la stabilité de leur relation avec la société France 2";

Vu les dernières écritures en date du 26 avril 2011 des sociétés Planète Prod et Presse Planète, ci-après les sociétés Planète, qui concluent à la condamnation de France Télévisions à verser un préavis indemnitaire égal à 18 mois de marge brute soit 1 475 280 euro pour planète Prod et 1 750 475 euro pour Presse Planète, outre 3 050 000 euro et 5 350 000 euro pour respectivement Planète Prod et Presse Planète au titre du préjudice d'image et de notoriété et la perte consécutive de leur fonds de commerce, et 300 000 euro et 50 000 euro à chacune d'elles au titre de dommages et intérêts au remboursement des frais de l'expertise, en réparation "de leurs préjudices matériels et moraux, à raison du comportement déloyal, dilatoire et abusif de l'intimée au cours de la procédure, et des frais de justice qui en sont résultés";

Vu les dernières écritures en date du 4 mai 2011 de la société France Télévisions qui déclare que, par l'effet de la loi 2009-258 du 5 mars 2009 relative au nouveau service public de la télévision et plus particulièrement de son article 86, elle vient aux droits des sociétés France 2 et France 5, souligne que l'arrêt de la cour du 8 octobre 2008 est définitif en ce qu'il a débouté les appelantes de leurs demandes au titre des relations conclues avec l'ex-société France 5, fait état du recours en révision dudit arrêt qu'elle avait introduit au motif qu'aurait été dissimulé un protocole conclu entre les parties le 16 décembre 2003, recours qui a été déclaré irrecevable par arrêt du 24 juin 2009, conclut à la mise hors de cause de France Télévisions pour les relations autres que celles qui se rattachent strictement aux relations commerciales engagées avec la société France 2, soutient que l'article L. 442-6-I, 5° est inapplicable en raison de la nature non-fongible de la prestation de conception et de réalisation des programmes télévisuels de flux et des spécificités de l'activité audiovisuelle, lesquelles ne permettent pas de croire en la stabilité de la relation commerciale ; subsidiairement, elle soutient que le protocole a mis fin amiablement aux relations commerciales entre les parties et qu'aucune rupture brutale ne peut lui être imputable ; elle sollicite le rejet de l'ensemble des demandes des appelantes et, plus subsidiairement, demande à la cour de limiter à trois mois au plus la durée de préavis qu'elle aurait dû respecter mais de rejeter les demandes indemnitaires faute pour les appelantes d'avoir produit des éléments comptables probants ; elle demande en outre la condamnation des appelantes à lui rembourser les sommes qu'elle a dû verser en exécution de l'arrêt du 24 juin 2009 qui déclara irrecevable son recours en révision de l'arrêt du 8 octobre 2008;

Sur ce,

Considérant qu'il convient de prendre acte de ce que, à la suite de la loi du 5 mars 2009, les sociétés France 2 et France 5 n'ont plus d'existence légale et que la société France Télévisions vient désormais aux droits de ces dernières ;

Sur les demandes formées au titre du courant d'affaires nourri avec l'ex-société France 5 :

Considérant que par l'arrêt du 8 octobre 2008, la cour d'appel a débouté les sociétés Planète au titre des demandes qu'elles formaient à l'encontre de la société France 5 ;

Considérant que les sociétés France 2 et France Télévisions ont formé un pourvoi en cassation limité à la partie de l'arrêt du 8 octobre 2008 les concernant ; que la société France 5 n'a pas été attraite devant la Cour de cassation et n'a formé elle-même aucun pourvoi ;

Considérant qu'il suit que la cassation partielle prononcée par l'arrêt du 18 mai 2010 est limitée, comme l'énonce l'article 624 du Code de procédure civile, à la portée des moyens qui constituent la base de la cassation, sauf cas d'indivisibilité, ce qui n'est pas le cas des demandes formées au titre du courant d'affaires noué avec la société France 5;

Que l'arrêt de cassation ne mentionne d'ailleurs pas la société France 5 ;

Considérant en conséquence, que les dispositions de l'arrêt de cette cour en date du 8 octobre 2008 qui ont rejeté les demandes formées par les sociétés Planète à l'encontre de la société France 5, sont définitives et que toutes demandes faites à ce titre sont irrecevables ;

Sur le moyen tiré du caractère inapplicable de l'article L. 442-6-I, 5° :

Considérant que la société France Télévisions soutient en substance que ces dispositions ne concernent que des produits fongibles et supposent pour recevoir application que soit démontrée l'existence de relations commerciales établies, à savoir continues et stables ; que tel ne serait pas le cas de prestations de conception et de réalisation de programmes télévisuels qui concernent des produits uniques, non-substituables, qui ne sont pas le fruit de contrats de commande mais de contrats divers, et portent sur des projets d'émission en l'état futur d'achèvement acceptés au cas par cas en fonction des estimations d'audience, étant observé que le concept qui les sous-tend reste la propriété des sociétés Planète ; qu'elle ajoute que les émissions de flux sont éminemment liées à la personnalité de leur animateur, à un public identifié et, partant à une audience, en sorte que le diffuseur reste libre d'adapter sa programmation aux attentes du public ; que tous les contrats conclus par les sociétés Planète avec France 2 précisaient qu'il n'existait aucun droit à reconduction d'une année sur l'autre et prévoyaient même la possibilité d'une interruption si l'audience descendait en dessous d'un certain pourcentage ; que la société France Télévisions en déduit que la nature de la prestation de production et de la réalisation de programmes télévisuels rend impossible l'existence même d'une relation commerciale;

Considérant ceci rappelé que l'article L. 442-6-I, 5° du nouveau Code de commerce dispose que :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce par des accords professionnels..." ;

Considérant que le texte sanctionne la faute résidant en la rupture brutale, sans préavis, d'une relation commerciale établie ; qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre la nature fongible ou non-fongible des prestations ou encore entre des prestations qui auraient ou n'auraient pas un caractère unique et non-substituable, distinctions que le texte n'opère pas, seul important l'existence d'une relation commerciale établie et le caractère brutal de la rupture ;

Considérant en l'espèce, que la production d'œuvres audiovisuelles et d'émissions dites de flux, présente un caractère commercial dont rend compte la concurrence qui sévit sur ce marché en pleine expansion, quand bien même ce marché est-il soumis à une réglementation qui lui est propre ;

Que le nombre de contrats que la société France 2 a conclu avec les sociétés Planète sur la période litigieuse 1998-2005, démontre que les obligations légales auxquelles sont soumises les chaînes de télévision en matière de production audiovisuelle, ne leur interdisent pas de réaliser d'importants courants d'affaires sur le long terme avec une même société de production ;

Considérant que rien ne justifie que la production audiovisuelle soit par principe exclue du champ d'application de l'article L 442-6-I, 5° ;

Que la décision déférée sera en conséquence, infirmée en ce qu'elle a retenu, pour rejeter les prétentions de la société Planète Prod que "la production audiovisuelle relève du droit de la propriété intellectuelle et non du droit commun des relations commerciales" ;

Sur l'existence d'une relation commerciale établie :

Considérant que la loi vise par la référence à une relation commerciale établie la situation contractuelle née de la continuité d'échanges noués entre des parties qui entretiennent des relations d'affaires stables, suivies et anciennes ;

Qu'il convient donc de rechercher si France 2 a nourri avec les appelantes une relation commerciale qui satisfait à ces critères :

Considérant qu'il sera rappelé ici que de 1998 à 2005, période litigieuse, les sociétés Planète ont produit pour France 2 :

- 5 séries de magazines et jeux (représentant 183 émissions) intitulés "Union Libre" : 104 émissions de 1998 à 2002, "Douce France" : 36 émissions du 2e semestre 2002/2003, "C pour de vrai" : 8 émissions, 2e semestre 2003, " Tout peut arriver" : 10 émissions, 2e semestre 2003/1er semestre 2004, "Encore plus libre" : 25 émissions présentées comme un nouvelle adaptation de "Union Libre", 2e semestre 2004/1er semestre 2005 ;

- 4 documentaires : "Les dessous de la dentelle" (1998), "L'innocent n'était pas parfait" (1998), "Une fille tombée du ciel" (2005), "Star des cités" (2006),

- 1 programme court : "Objectif Terre", 260 modules du 1er semestre 2002 au 1er semestre 2004 ;

Considérant que la constance des relations commerciales se déduit tant de la multiplicité des contrats conclus dont l'exécution s'est étalée sur plusieurs trimestres, s'agissant des émissions de flux (séries de magazines et de jeux) représentant 183 émissions, que de la pluralité des documentaires, les derniers ayant été produits en 2005, en sorte que chaque année, sans fléchissement significatif, la société Planète Prod élaborait des propositions d'émissions, alors que la société Presse Planète intervenait comme agence de presse pour fournir l'ensemble des éléments d'information relatifs aux émissions produites, les deux sociétés recrutant les intervenants choisis (animateurs, journalistes, rédacteurs en chef, personnels techniques, etc.) ; que les projets retenus par la chaîne donnaient lieu à la conclusion de diverses conventions (préachat, droit d'option, convention de production, notamment) ;

Considérant que cette succession de conventions dont l'exécution a duré parfois plusieurs années, représente un courant d'affaires significatif de plusieurs millions d'euro par an et donnent la mesure du caractère stable, suivi et même habituel des relations nouées par les parties, peu important que ces contrats fussent indépendants les uns des autres et aient porté sur des émissions distinctes ou encore, qu'ils aient contenu la clause d'usage permettant à la chaîne de mettre fin à la production et à la diffusion des programmes en cas d'audience insuffisante ;

Considérant que l'existence de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6-I, 5° est donc avérée ;

Sur le caractère brutal de la rupture :

Considérant que les sociétés Planète soulignent que le chiffre d'affaires qu'elles ont réalisé avec l'intimée est passé, de 6 864 932 euro sur la période 2e semestre 2001 au 1er semestre 2002, à 9 940 077 euro pour la période 2e semestre 2004 au 1er semestre 2005, ces résultats s'entendant toutefois de l'ensemble de la production pour France 2 et France 5, étant observé que le chiffre d'affaires réalisé pour la production de France 2 est de loin supérieur à celui réalisé avec France 5 ;

Considérant que selon les chiffres des appelantes, leur niveau de dépendance à l'égard France 2 et France 5 est devenu particulièrement critique puisqu'il est passé sur la même période de 55 % à plus de 80 %, ce que France Télévisions ne prétend pas avoir ignoré ;

Considérant ceci rappelé, que les parties sont contraires sur l'interprétation qu'il convient de donner à un échange de courriers et au protocole intervenu courant 2003, à la suite de l'impossibilité pour Madame Bravo de poursuivre son activité d'animatrice du magazine "C pour de vrai" ;

Que par courrier du 14 octobre 2003, le directeur général de France 2 proposa à la gérante de la société Planète Prod, soit de poursuivre l'exécution du contrat de préachat jusqu'à son terme (sept émissions restant à courir) mais de "reconsidérer la place de l'émission dans la grille des programmes", soit de rompre par anticipation le contrat de production dudit magazine et "d'étudier ensemble la possibilité de produire de nouvelles émissions à partir de nouveaux concepts"... un protocole d'accord devant alors être conclu;

Que Planète Prod se rangea à la deuxième branche de l'alternative, si bien qu'un protocole d'accord fut adressé à Planète Prod le 16 décembre 2003 ;

Considérant que les parties sont contraires sur la portée de ce protocole d'accord, la société France Télévisions, y voyant la constatation du dépérissement de la relation contractuelle et même un préavis de rupture, alors que les sociétés Planète y voient au contraire la volonté de relancer les relations commerciales et la preuve que France 2 tenait à ce partenariat puisqu'elle allouait un budget pour produire et développer d'autres émissions nouvelles ;

Mais considérant que les termes du protocole sont suffisamment clairs pour ne pas donner lieu à interprétation ; qu'ainsi, c'est bien la défection de Madame Bravo qui en est la cause ; qu'il a pour objet de palier l'interruption de l'émission "C pour de vrai" et de régler le sort des dépenses engagées pour les émissions qui étaient en cours de préparation comme le rappelle le préambule ;

Que France 2 passe commande à Planète Prod d'émissions issues d'un nouveau concept pour la saison septembre 2003/juin 2004 et pour un prix forfaitaire de 462 857 euro HT, étant observé "que la ventilation de cette somme sera effectuée par France 2 au vu des émissions dont les concepts, les thèmes et les devis (auront) été acceptés préalablement par France 2" ;

Considérant qu'il suit que rien dans ce protocole ne peut être interprété comme étant un préavis de rupture ;

Qu'il s'agit bien au contraire de la manifestation par France 2 de sa volonté de poursuivre la relation commerciale nourrie avec Planète Prod en la chargeant de la réalisation de nouveaux projets pour la période susmentionnée ;

Considérant que postérieurement à l'intervention dudit protocole, les relations se sont d'ailleurs maintenues avec la production de deux séries de magazine "Tout peut arriver" et "Encore plus libre", correspondant à 35 émissions diffusées sur 2003-2004 ; qu'en outre, Planète Prod a réalisé un documentaire "Une fille tombée du ciel" en 2005 ; que cette même année a également vu la poursuite du programme court "Objectif terre";

Considérant en conséquence, que l'importance du courant d'affaires maintenu à un haut niveau sur la période 2000-2003 et la diversité des productions réalisées ne pouvaient que conforter les appelantes dans le sentiment que leurs productions correspondaient à la ligue éditoriale de la chaîne, quand bien même certaines d'entre elles n'ont pas connu l'audience attendue ;

Que le protocole d'accord précité les confortaient plus encore dans l'idée qu'elles avaient noué avec France 2 une relation commerciale établie que France 2 entendait poursuivre, en dépit des vicissitudes liées à la défection d'un animateur de renom ;

Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces circonstances, les appelantes qui n'ignoraient évidemment pas les contraintes de programmation auxquelles les chaînes sont soumises, étaient fondées à escompter une poursuite des relations commerciales à un niveau voisin de celui atteint lors des dernières années ;

Considérant que France 2 qui n'a plus sollicité les sociétés Planète à partir de la fin de l'année 2005, n'a pas cru utile de les en aviser préalablement alors qu'elle avait noué avec elles une relation établie, ni même de répondre à leurs premiers courriers de juillet septembre 2006 ;

Que la faute de France 2 réside non pas dans le fait d'avoir renoncé à confier aux appelantes la conception, la réalisation et/ou la production de programmes, mais de l'avoir fait brutalement sans respecter un préavis d'usage qui tient compte des relations passées et de la situation des appelantes ;

Sur la durée du préavis :

Considérant que l'objet des relations en cause était la production de programmes qui étaient, pour nombre d'entre eux, appelés, sous réserve de leur audience, à être diffusés sur une saison en moyenne (septembre/octobre à juin par exemple)

Qu'il est par ailleurs constant que le courant d'affaires en 2004 était moindre que celui atteint en 2003 ;

Considérant par ailleurs que si les sociétés Planète étaient dans une situation de très grande dépendance vis-à-vis de France 2 en 2004/2005, il n'est pas établi que cette situation ait été le fruit d'une exclusivité imposée par la chaîne ;

Que cependant, cette dépendance qui n'a pu profiter qu'à France 2, rendait plus difficile et donc plus longue la reconversion des sociétés Planète ;

Considérant que la durée de préavis que France sera fixée à 12 mois au regard de ces éléments ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que le préjudice réparable est celui né du caractère brutal de la rupture, lequel correspond à la perte d'activités qui n'a pas pu être prévenue par la recherche d'autres partenariats pendant la période de préavis ; qu'il est égal à la marge brute qui aurait pu être dégagée durant la période d'absence de préavis (12 mois) ;

Que la notion de marge brute qui ne connaît pas de définition comptable définitive, peut cependant être appréhendée en retirant du chiffre d'affaires, les charges générées par la réalisation des émissions pour France 2 ;

Considérant que pour approcher cette marge, il convient de se reporter au rapport d'expertise qui, certes, est affecté par la cassation prononcée, mais auquel les parties se réfèrent pour en adopter ou en rejeter partiellement les conclusions ;

Qu'il convient également de prendre en considération les divers éléments comptables fournis par les sociétés Planète relatifs, notamment, aux postes de charges qu'elles incluent dans la marge brute de chaque émission et les attestations des commissaires aux comptes relatives au calcul de la marge brute, calcul dont rien ne permet de mettre en cause l'exactitude ;

Considérant qu'il sera également tenu compte des travaux de l'expert qui a réintégré à raison dans le calcul de la marge brute un ensemble de dépenses dont il a étudié, poste par poste, l'imputabilité (cf. p. 49 à 70) ;

Qu'aucune des parties ne produisant d'élément précis pour en contester la pertinence, la cour retiendra, comme référence, le calcul réalisé par l'expert de la "marge brute après déduction" ;

Considérant que le montant de la réparation du préjudice né de la brutalité de la rupture doit être fixé aux sommes de 626 500 euro pour Planète Prod et de 1 119 500 euro pour Presse Planète;

Sur le préjudice d'image, de notoriété et la perte corrélative des fonds de commerce :

Considérant que les sociétés Planète avancent que l'impact de la cessation de tout courant d'affaires avec France 2 a été tel, qu'elles sont désormais en situation de quasi-cessation d'activité et n'ont pu renouveler le bail de leurs locaux, alors que leur fonds de commerce avait été valorisé à hauteur de 10 millions d'euro ; qu'il conviendrait, selon elles, de procéder à la valorisation de leur fonds de commerce sur une période de 5 ans, "pour dégager une évaluation pondérée reflétant l'activité normale des sociétés, sur la base de la méthode de valorisation envisagée par le groupe Lagardère";

Considérant toutefois que la responsabilité de France Télévisions n'est retenue que pour avoir rompu brutalement des relations établies et non pas pour avoir cessé de contracter avec les sociétés Planète, ce que France 2 était libre de faire ;

Que par ailleurs, comme relevé ci-avant, il n'est pas établi que la situation de dépendance des appelantes ait été la conséquence d'exigences ou même d'attentes de France 2 ;

Considérant qu'il suit que la perte de la valeur du fonds n'est pas la conséquence du caractère brutal de la rupture, l'indemnisation de l'absence de respect d'un préavis ayant pour objet de compenser la période que les appelantes auraient pu mettre à profit pour rechercher d'autres contrats ;

Que les demandes de réparation de ces préjudices seront donc rejetées ;

Sur le préjudice moral :

Considérant que les sociétés Planète font grief à France Télévisions d'avoir été tenues dans l'ignorance de ses intentions réelles, d'avoir refusé toutes tentatives de conciliation, d'avoir cherché à retarder le dépôt du rapport de l'expert et d'avoir soutenu son pourvoi à leur insu, puisque, bien qu'informée que l'adresse de leur siège n'était qu'une domiciliation et qu'elles étaient en plein déménagement, elle a fait signifier sa déclaration de pourvoi et son mémoire à l'adresse de domiciliation ;

Considérant ceci exposé, que le grief tenant à l'ignorance dans lequel les sociétés Planète ont été laissées sur les intentions de France Télévisions, est déjà pris en compte au titre de la brutalité de la rupture ; que le refus d'une recherche de conciliation, à le supposer établi, n'est pas de nature à caractériser, en l'espèce, une faute ; que l'incident soulevé dans le cadre du suivi des opérations expertales a donné lieu à une ordonnance en date du 13 avril 2010 qui l'a rejeté ;

Considérant enfin, que s'il est particulièrement regrettable que la société France Télévisions qui ne conteste pas qu'elle savait que les sociétés Planète étaient en cours de déménagement, ne se soit pas assurée que son contradicteur était informé du pourvoi et avait eu connaissance de son mémoire, en revanche le préjudice né de cette négligence est insuffisamment caractérisé au vu du sens du présent arrêt pour fonder l'allocation de dommages et intérêts;

Sur la demande de France Télévisions :

Considérant que France Télévisions qui a introduit un recours en révision de l'arrêt de cette cour du 8 mai 2008, rejeté par arrêt du 24 juin 2009, n'est nullement fondée à solliciter la condamnation des appelantes à lui rembourser les sommes au paiement desquelles elle a été condamnée à la suite du rejet du recours en révision, dès lors que l'arrêt de rejet en date du 24 juin 2009, est distinct de l'arrêt du 8 mai 2008 qui a fait l'objet d'une cassation partielle, qu'il n'en est ni la suite, ni l'application ni l'exécution et ne s'y rattache pas par un lien de dépendance nécessaire, au sens de l'article 625 du Code de procédure civile;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande de condamner la société France Télévisions à verser aux sociétés Planète 30 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Par ces motifs : Infirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a déclaré recevable l'action engagée à l'encontre de France Télévisions, Statuant à nouveau et y ajoutant, Dit que la société France Télévisions a engagé sa responsabilité pour la rupture brutale de la relation commerciale nouée entre France 2 et les sociétés Planète Production et Presse Planète, En conséquence, Condamne la société France Télévisions à verser les sommes suivantes : - 626 500 euro à la société Planète Prod, - 1 119 500 euro à la société Presse Planète, Rejette tout autre demande indemnitaire, Rejette la demande de France Télévisions de remboursement des condamnations prononcées par l'arrêt du 24 juin 2009, Condamne France Télévisions à verser aux sociétés Planète Prod et Planète Presse la somme globale de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens y compris ceux de l'arrêt cassé, qui seront recouvrés dans les formes de l'article 699 du même Code.