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Décisions

CA Metz, 5e ch., 23 septembre 2011, n° 10-04252

METZ

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Staechele

TGI Mtez, JLD, du 26 oct. 2010

26 octobre 2010

Saisi par la Direction Régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'une requête tendant à être autorisée, sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce, à pratiquer des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la SA X, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Metz, par ordonnance du 26 octobre 2010, a délivré l'autorisation sollicitée au sein des locaux de la société concernée.

Par déclaration faite au greffe du Tribunal grande instance de Metz le 25 novembre 2010, la SA X a relevé appel de cette ordonnance.

Par conclusions du 16 mars 2011, la SA X a demandé :

- l'annulation de l'ordonnance déférée :

* à titre principal en ce que cette ordonnance comporte une indication erronée des voies de recours dont disposaient les entreprises contre l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie et contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, en violation de l'article R. 450-2 du Code de commerce,

* subsidiairement, en ce que cette ordonnance a autorisé des visites et saisies en l'absence d'éléments permettant de vérifier les adresses des entreprises visées, en ce qu'elle a autorisé des visites et saisies en l'absence de présomptions de l'existence des pratiques recherchées et en ce que cette autorisation est disproportionnée par rapport aux éléments apportés par l'Administration,

- la constatation de la nullité des actes prenant appui sur cette ordonnance,

- la restitution des documents saisis en exécution de cette ordonnance,

- l'interdiction à toute personne ou autorité autre que leur propriétaire de faire usage desdits documents, avec indication de ce qu'aucun double ou copie de ces documents ne pourra être utilisé par une personne ou autorité autre que leur propriétaire,

- en toute hypothèse, la condamnation de l'intimée aux entiers dépens.

Par conclusions du 20 mai 2011, Mme le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, représentée par Madame la Directrice Générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, elle-même représentée par M. Y, Directeur Régional Adjoint de la direction générale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) de Lorraine, responsable du pôle " concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie ", a demandé que l'ordonnance dont appel soit jugée régulière, de même que tous les actes prenant appui sur cette ordonnance.

Par conclusions du 18 février 2011, le Ministère public a déclaré s'en rapporter à la sagesse " de la cour ".

Motifs de la décision :

Vu les conclusions des parties en date des 16 mars 2011 et 20 mai 2011, les énonciations de l'ordonnance attaquée et les pièces versées aux débats :

Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu que l'appel élevé dans le délai et selon les formalités prévues par la loi est recevable en la forme ;

Sur la violation des dispositions des articles L. 450-4 et R. 450-2 du Code de commerce :

Attendu que l'article L. 450-4 du Code de commerce énonce :

Les agents mentionnés à l'article L. 450-1 peuvent procéder aux visites en tous lieux ainsi qu'à la saisie de documents et de tout support d'information que dans le cadre d'enquêtes demandées par la Commission européenne, le ministre chargé de l'Economie ou le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence sur proposition du rapporteur, sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. Ils peuvent également, dans les mêmes conditions, procéder à la pose de scellés sur tous locaux commerciaux, documents et supports d'information dans la limite de la durée de la visite de ces locaux. Lorsque ces lieux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une action simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des juges des libertés et de la détention compétents.

Le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite. Lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du présent Code en train de se commettre, la demande d'autorisation peut ne comporter que les indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée.

La visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Il désigne le chef du service qui devra nommer les officiers de police judiciaire chargés d'assister à ces opérations et d'apporter leur concours en procédant le cas échéant aux réquisitions nécessaires, ainsi que de le tenir informé de leur déroulement. Lorsqu'elles ont lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance, il délivre une commission rogatoire pour exercer ce contrôle au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s'effectue la visite.

Le juge peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention. A tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite.

L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal. L'ordonnance comporte la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix. L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et saisie. En l'absence de l'occupant des lieux, l'ordonnance est notifiée après les opérations par lettre recommandée avec avis de réception. Il en va de même lorsqu'il n'est pas procédé à la visite dans un des lieux visés par l'ordonnance. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis.

L'ordonnance mentionnée au premier alinéa peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure, suivant les règles prévues par le Code de procédure pénale. Le Ministère public et la personne à l'encontre de laquelle a été ordonnée cette mesure peuvent interjeter appel. Cet appel est formé par déclaration au greffe du tribunal de grande instance dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance. L'appel n'est pas suspensif. L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le Code de procédure pénale. Les pièces saisies sont conservées jusqu'à ce qu'une décision soit devenue définitive.

La visite, qui ne peut commencer avant six heures ou après vingt et une heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant. L'occupant des lieux peut désigner un ou plusieurs représentants pour assister à la visite et signer le procès-verbal. En cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité, de celle de l'Administration de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou de celle de l'Autorité de la concurrence.

Les agents mentionnés à l'article L. 450-1, l'occupant des lieux ou son représentant ainsi que l'officier de police judiciaire et, le cas échéant, les agents et autres personnes mandatés par la Commission européenne peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie. Les agents mentionnés à l'article L. 450-1 peuvent procéder au cours de la visite à des auditions de l'occupant des lieux ou de son représentant en vue de recueillir les informations ou explications utiles aux besoins de l'enquête.

Les inventaires et mises sous scellés sont réalisés conformément à l'article 56 Code de procédure pénale.

Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont transmis au juge qui a ordonné la visite. Une copie du procès-verbal et de l'inventaire est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant. Une copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux personnes mises en cause ultérieurement par les pièces saisies au cours de l'opération.

Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des lieux, dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la décision de l'Autorité de la concurrence est devenue définitive. L'occupant des lieux est mis en demeure, par lettre recommandée avec avis de réception, de venir les rechercher, dans un délai de deux mois. A l'expiration de ce délai et à défaut de diligences de sa part, les pièces et documents lui sont restitués, à ses frais.

Le déroulement des opérations de visite et saisie peut faire l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé ces dernières, suivant les règles prévues par le Code de procédure pénale. Le Ministère public, la personne à l'encontre de laquelle a été prise l'ordonnance mentionnée au premier alinéa et les personnes mises en cause au moyen de pièces saisies au cours de ces opérations peuvent former ce recours. Ce dernier est formalisé par déclaration au greffe du tribunal de grande instance dans un délai de dix jours à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal et de l'inventaire, ou, pour les personnes n'ayant pas fait l'objet de visite et de saisie et qui sont mises en cause, à compter de la date à laquelle elles ont reçu notification du procès-verbal et de l'inventaire et, au plus tard à compter de la notification de griefs prévue à l'article L. 463-2. Le recours n'est pas suspensif. L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le Code de procédure pénale. Les pièces saisies sont conservées jusqu'à ce qu'une décision soit devenue définitive.

Que l'article R. 450-2 du même Code dispose que l'ordonnance mentionnée à l'article L. 450-4 indique les voies et délais de recours dont dispose l'occupant des lieux ou son représentant ;

Attendu que force est de constater que l'ordonnance soumise au juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Metz, magistrat compétent dans le ressort du Tribunal de grande instance de Metz et par conséquent dans le ressort de la Cour d'appel de Metz, mentionne dans son dispositif, en ce qui concerne les voies de recours ouvertes aux entreprises visées par cette décision, que celles-ci peuvent en interjeter appel devant le premier président de la Cour d'appel de Nancy suivant les règles prévues par le Code de procédure pénale ;

Qu'il est immédiatement après précisé que cet appel est formé par déclaration auprès du Tribunal de grande instance de Metz dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la présente ordonnance ;

Que d'autre part le PV de notification dressé par les agents de l'Administration le 16 novembre 2010 à 9:30 en exécution de cette ordonnance, PV opérant notification de la décision querellée, mentionne quant à lui que cette ordonnance a été délivrée par Mme Z, juge des libertés de la détention du TGI de Metz et que les responsables de l'entreprise disposent d'un délai de 10 jours à compter de la date du présent procès-verbal pour former appel contre l'ordonnance d'autorisation devant le premier président de la cour d'appel du présent tribunal par déclaration au greffe de cette cour ;

Que ces indications de la part de la juridiction de première instance et de l'Administration requérante, elle-même également chargée de la notification de la décision rendue en sa faveur, sont tout à fait confuses et contradictoires quant aux modalités des voies de recours et à la juridiction compétente pour en connaître ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 802 du Code de procédure pénale il est prévu que, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ;

Que l'article 114 alinéa 2 du Code de procédure civile, s'agissant des nullités de procédure pour vice de forme, prévoit pareillement que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ;

Qu'en l'espèce la société X ne rapporte la preuve d'aucun grief, alors surtout qu'il convient de remarquer que par une meilleure lecture de sa part du texte applicable elle a été en mesure, comme cela a été constaté plus haut relativement à la recevabilité de l'appel, d'exercer la voie de recours qui lui a été accordée par les nouvelles dispositions ouvrant aux entreprises la faculté de faire appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué ;

Qu'il s'en déduit que ce premier et principal moyen de nullité de l'ordonnance du JLD du Tribunal de grande instance de Metz doit être rejeté ;

Sur le moyen de nullité fondé sur l'absence d'éléments permettant de vérifier les adresses des entreprises visées par la requête de la Direccte :

Attendu que la société X, se fondant sur l'obligation qui est faite au juge par l'article L. 450-4 alinéa 2 du Code de commerce de vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée, cette demande devant comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite, a souligné que la requête de l'Administration se borne à évoquer sans autre précision les locaux des entreprises dont l'adresse est notée dans les documents annexés à la présente requête, que les documents annexés à la requête sont constitués quasi-exclusivement de dossiers d'appels d'offres, que l'ordonnance du JLD est tout aussi vague quant à l'adresse exacte des sociétés en cause et que notamment il est fait mention d'une annexe à la requête n° XX, alors que les documents soumis à l'approbation du magistrat ne comportent que 15 annexes numérotés de 1 à 15 en chiffres arabes et que plus spécifiquement les pièces qui s'appliquent à elle-même datent de l'année 2009, soit plus d'un an avant la requête de l'Administration du 15 octobre 2010 ;

Attendu toutefois que l'ordonnance du 26 octobre 2010 a autorisé les opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société X <adresse 1>, alors que effectivement la déclaration d'appel et les conclusions justificatives d'appel font apparaître que le siège social de cette entreprise est situé <adresse 2> ;

Que néanmoins la notification de l'ordonnance dont appel, notification dont la régularité n'est pas contestée par l'appelante, a été effectuée le 16 novembre 2010 à l'adresse indiquée dans l'ordonnance du 26 octobre 2010, le PV mentionnant que dans les locaux visités sont également domiciliée les sociétés X et A ;

Que par ailleurs le procès-verbal de visite et de saisie établi le même jour, dont la société appelante ne critique pas davantage les termes, fait apparaître que les opérations de visite et de saisie ont eu lieu toujours <adresse 1>, et alors surtout que ce procès-verbal ne contient aucune indication de ce que des documents appartenant à la société X aient été saisis par les agents de la Direccte ;

Que ce moyen ne peut davantage être admis ;

Sur l'absence de présomptions de l'existence des pratiques anticoncurrentielles recherchées :

Attendu que, toujours au visa de l'article L. 450-4 du Code de commerce, l'appelante a fait grief au JLD dans le cadre de l'ordonnance dont appel de s'être fondé sur des documents à partir desquels ce magistrat ne pouvait tirer l'existence de présomptions de nature à autoriser les opérations de visite et de saisie sollicitées par la Direccte, savoir essentiellement des dossiers d'appel d'offres relatifs à 3 marchés lancés respectivement les 31 mars 2009, 13 mars 2010 et 13 avril 2010 par les collectivités publiques locales, alors que ces documents ne fournissent qu'une présentation factuelle du déroulement de ces marchés et ne peuvent comporter en eux-mêmes aucun indice des pratiques anticoncurrentielles recherchées par l'Administration, ces documents n'ayant été corroborés par aucun autre élément, et alors encore que les modalités des offres des entreprises pouvaient, en dehors de tout soupçon de pratiques anticoncurrentielles, s'expliquer par des raisons objectives, ces éléments n'ayant en outre fait l'objet d'aucune vérification de la part des services de la Direccte ;

Qu'en réponse à l'argumentaire très développé de la société appelante l'intimée a en premier lieu fait l'exposé de ses préoccupations dans le cadre de sa mission de contrôle de la régulation concurrentielle, cette mission conférant à ses enquêteurs la responsabilité de veiller à ce que les opérateurs économiques ne se livrent pas dans le cadre de leurs activités professionnelles à des pratiques anticoncurrentielles telles que réprimées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, cette veille concurrentielle nécessitant un suivi des différents secteurs d'activité économique et ce de façon plus impérieuse dans le secteur de la collecte et du traitement des déchets ménagers régulièrement affectés de dysfonctionnements de concurrence et représentant des enjeux majeurs dans le département de la Moselle ;

Que l'Administration a ensuite rappelé que la remise en concurrence de l'exploitation du CSDND d'Aboncourt était de nature à susciter des convoitises et a bouleversé la répartition des rôles entre les opérateurs présents en Moselle, alors que l'arrivée d'un opérateur extérieur était de nature à inquiéter les opérateurs locaux ;

Que dans ces conditions elle a expliqué avoir été amenée à analyser les résultats des appels d'offres lancés par les collectivités locales comme susceptibles de pouvoir révéler des dysfonctionnements de concurrence, mais sans pour autant retenir cette seule hypothèse, l'enquête demandée étant destiné à confirmer ou infirmer ces présomptions ;

Que dans ces conditions l'Administration a indiqué avoir fait connaître au juge des libertés dans le cadre sa requête ses doutes et en aucun cas ses certitudes, spécialement en ce qui concerne le chiffrage de la post-exploitation ;

Qu'elle a souligné que dans le cadre de pratiques anticoncurrentielles la concertation entre entreprises dans le but d'évincer un concurrent peut prendre des formes diverses y compris au travers de comportements apparemment dénués de logique, en ajoutant que les éléments portés à sa connaissance et à celle du JLD peuvent effectivement donner lieu à des interprétations différentes, mais peuvent également constituer, replacés dans un contexte spécifique de troubles potentiels à une situation concurrentielle jusqu'alors figée, la matérialisation d'une concertation ;

Attendu cet exposé de la partie intimée impose qu'il soit procédé à un rappel de la définition légale de la notion de présomptions donnée par le Code civil :

- article 1349 : les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu

- article 1349 (sous le paragraphe 2 " des présomptions qui ne sont pas établies par la loi ") : les présomptions qui ne sont point établies par la loi sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans le cas seulement où la loi admet des preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol ;

Qu'il découle de ces dispositions que les présomptions doivent reposer sur des faits établis à partir [desquels] leur existence pourra être effectivement déduite et qu'en outre, s'agissant des présomptions de l'homme, celles-ci doivent être graves, précises et concordantes, tel n'étant pas le cas des hypothèses et des doutes que l'intimée dit avoir soumis au JLD, ni même de ses appréciations personnelles sur le caractère étrange du comportement des entreprises impliquées dans ce litige, alors que d'une part elle est obligée de reconnaître sur la base du principe de la liberté des relations commerciales que ces entreprises étaient libres de soumissionner ou non aux appels d'offres des collectivités publiques locales ou d'apporter ou non leurs déchets au centre de traitement attribué à la société Pizzorno et que d'autre part elle n'a effectué aucune vérification ou investigation de nature à corroborer ses allégations, devant être souligné qu'il est de principe que les mesures de visite et de saisie domiciliaires sollicitées et ordonnées doivent rester des mesures exceptionnelles eu égard à l'atteinte qu'elles causent à la protection du domicile d'entreprises privées, cette atteinte ne pouvant dès lors être permise qu'au regard de présomptions répondant aux exigences des textes susvisés ;

Attendu que plus spécifiquement en ce qui concerne la société X, alors que l'ordonnance attaquée est commune aux sociétés D, A, X, F et R, procédé qui est de nature à renforcer l'allégation à la charge de ces sociétés de commission de pratiques anticoncurrentielles, il y a lieu, au vu des explications des parties et des pièces de la Direccte annexées à sa requête, de retenir les éléments suivants :

- la société X n'a soumissionné que pour le 3e marché lancé le 13 avril 2010 par la communauté de communes de Cattenom, ce marché ne lui ayant pas été attribué,

- à la demande des sociétés F et A, le Tribunal administratif de Strasbourg, par ordonnance de référé du 22 juin 2009, a prononcé l'annulation de la procédure afférente au premier appel d'offres mise en œuvre par la CCAM le 31 mars 2009 au titre du marché d'exploitation du CSDND d'Aboncourt, cette juridiction ayant souligné que la post exploitation d'un site de déchets consiste principalement à assurer la surveillance du site et à récupérer les matières d'écoulement dites lixiviats, que la gestion et le traitement de ces résidus n'ont été présentés qu'implicitement comme faisant partie de la gestion du site et des obligations du titulaire du marché, que la communauté de communes n'a pas répondu aux interrogations de la société F à cet égard et n'a donc pas levé l'ambiguïté afférente à la question de la prise en charge du traitement des lixiviats, que l'offre de la société F comprenant l'élimination des lixiviats a été chiffrée à la somme de 1 291 176 euro, tandis que la société Pizzorno désignée attributaire du marché, a pu proposer la somme de 16 780 euro au titre de la mission n° 2 sans inclure cette tâche dans son offre, l'indétermination dans la définition précise de la nature et de l'étendue des besoins à satisfaire contrevenant aux dispositions en matière de marchés publics,

- néanmoins la communauté de communes de l'arc mosellan a signé le marché litigieux avec la société Pizzorno le 22 juin 2009,

- le Tribunal administratif de Strasbourg par une nouvelle ordonnance de référé du 10 juillet 2009 a fait droit aux demandes des sociétés F et A tendant à la suspension de ce marché en considérant que les conditions tenant à l'existence d'une situation d'urgence étaient réunies et qu'il existait un doute sérieux sur la légalité du marché, décision annulée par arrêt du Conseil d'État en date du 6 janvier 2010 au motif que l'existence de la situation d'urgence alléguée n'était pas établie,

- la différence entre les offres apparaît provenir de cette absence de chiffrage de traitement des lixiviats de la part du groupe Pizzorno, cet écart résultant d'une mauvaise définition des besoins par la CCAM et notamment du poste " post exploitation ",

- cependant le rapport d'analyse des offres et le rapport de présentation du marché du 19 juin 2009 n'ont pas alors mis en évidence d'anomalies concernant le comportement des entreprises ayant répondu à l'appel d'offres,

- la volonté commune attribuée par l'Administration et par l'ordonnance du JLD aux sociétés concernées de discréditer l'offre de la société Pizzorno n'est pas caractérisée, dès lors [que] l'examen des offres produites montre qu'elles ont été déposées quelques jours avant ou le même jour que l'offre de l'attributaire du marché et qu'en réalité le chiffrage proposé était de nature au contraire à rendre l'offre de la société Pizzorno plus attrayante,

- en tout état de cause ces allégations ne peuvent être opposées à la société X au sujet de laquelle il a déjà été dit qu'elle n'a pas candidaté pour ce marché,

- il en est de même du grief fait aux sociétés F et A, ne concernant donc pas l'appelante, qui ont saisi les juridictions administratives, de n'avoir été en justice que postérieurement à l'attribution du marché, alors que, selon l'Administration et le JLD, ces recours auraient pu être mis en œuvre dès le lancement de la consultation, puisque l'examen du cahier des charges permettait à ce stade de relever la mauvaise définition des besoins retenue par la suite par les juridictions administratives et alors qu'il est important de souligner que l'exercice d'un droit, notamment du droit d'agir en justice, et le moment où ce droit peut être exercé, à défaut de toute démonstration positive d'un abus du droit d'agir ou d'une intention de nuire, ne peut constituer un grief, un indice ou une présomption d'entente anticoncurrentielle ;

Attendu que, s'agissant de l'appel d'offres relatif au traitement des déchets ménagers lancé le 13 mars 2010 par la CCSM, l'ordonnance dont appel, suivant en cela la requête de la Direccte, fait également et curieusement grief à la société X de n'y avoir pas soumissionné, les offres émises à cette occasion provenant de la société Pizzorno et de la société R ;

Que l'absence de soumission de la part de la société X, relevée à titre de présomption, manque de pertinence en ce que, à défaut de tout élément concret, probant, étayant et complétant ce grief, ne peut avoir valeur de présomption grave, précise et concordante au sens des textes ci-dessus rappelés ;

Que par ailleurs la société X ne peut se voir reprocher les prix inclus par la société R dans son offre de prix, aucune donnée ici encore n'étant fournie par l'Administration permettant de soupçonner que cette offre de prix aurait été chiffrée en concertation avec la société appelante ;

Attendu enfin que, dans le cadre l'appel d'offres afférent au traitement des déchets ménagers en date du 13 avril 2010 émanant de la CCCE, il faut constater que 2 offres seulement ont été déposées, de la part du groupe Pizzorno et de la société X, le marché ayant été finalement attribué au groupe Pizzorno ;

Qu'aucun élément tout aussi concret et probant n'est apporté au soutien de la motivation, d'ailleurs rédigée comme la majeure partie de cette ordonnance sur le mode conditionnel, retenant comme présomption de comportement anticoncurrentiel la réponse d'X, elle-même rapprochée de l'absence d'offres de la part de la société R, l'intimée ayant pour sa part admis dans ses écritures qu'en raison de la liberté des relations commerciales le fait pour une entreprise de ne pas soumissionner à un marché ne peut valoir en soi présomption de comportement anticoncurrentiel et peut tout aussi bien s'analyser en un comportement résultant d'une analyse économique et objective de la situation et des intérêts des différents partenaires économiques concernés ;

Qu'il convient de noter que, à la différence de la société R, la société X était titulaire jusqu'au 30 octobre 2010 du marché de collecte et de traitement des déchets ménagers de la communauté de communes de Cattenom et pouvait ainsi espérer remporter le futur marché de collecte des déchets ménagers de cette collectivité, avec possibilité pour elle de déposer ses déchets sur le site de Flevy, avec cette précision que dans son offre elle avait proposé plusieurs variantes dont elle avait chiffré le coût de façon détaillée et explicite sur les différentes options qu'elle envisageait en fonction du site choisi pour le traitement des déchets ménagers ;

Attendu qu'il y a lieu par suite d'infirmer l'ordonnance dont appel et d'annuler les opérations de visite et de saisie effectuées sur la base de cette ordonnance ;

Qu'il échet de faire droit aux demandes de l'appelante concernant la restitution des documents saisis dans ces locaux et l'interdiction faite à tout autre que le propriétaire de ces documents de les utiliser ;

Que l'intimée devra supporter les entiers dépens d'appel ;

Par ces motifs : Par ordonnance contradictoire, prononcée publiquement : Disons l'appel de la SA X recevable et bien fondé ; Infirmons l'ordonnance rendue le 26 octobre 2010 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Metz ; Annulons les opérations de visite et de saisie, les procès-verbaux et saisies de documents effectués sur la base de cette ordonnance ; Ordonnons la restitution de l'ensemble des documents saisis dans le cadre de ces opérations, interdisons à toute personne ou autorité autre que leur propriétaire de faire usage de ces documents et disons qu'aucun double ou copie de ces documents ne pourra être utilisé par une personne ou autorité autre que leur propriétaire ; Délaissons les dépens à la charge de Mme le ministre chargée de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, représentée par Madame le Directeur Général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, elle-même représentée par M. Y, Directeur Régional Adjoint de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail de l'emploi (Direccte) de Lorraine, responsable du pôle " concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie ".