CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 28 septembre 2011, n° 09-10121
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Fourar
Défendeur :
Guerlain (SA), Parfums Christian Dior (SA), LVMH Fragrance Brands (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Fèvre
Conseillers :
MM. Roche, Vert
Avoués :
Me Huyghe, SCP Fisselier Chiloux Boulay
Avocats :
Mes Burtolotto, Seghier, Vozenin, Deubel
LA COUR,
Vu le jugement du 16 mars 2009 du Tribunal de commerce de Paris, qui, dans un litige en concurrence déloyale et violation de l'article L. 442-6-I-6° du Code de commerce entre d'une part les SA Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums, Parfums Givenchy et Guerlain, d'autre part M. Fourar, a interdit à ce dernier, sous astreinte de 2 000 euro par infraction constatée, la commercialisation de produits revêtus de marques appartenant aux dites sociétés et l'a condamné à payer à chacune d'elles 15 000 euro de dommages-intérêts, et toutes ensemble la somme globale de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et a ordonné l'exécution provisoire ;
Vu l'appel de M. Abdelkader Fourar et ses conclusions du 24 mai 2011 par lesquelles il demande à la cour de réformer le jugement ; rejeter l'ensemble des demandes formulées par les sociétés requérantes ; très subsidiairement le condamner à l'euro symbolique et réclame 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 14 juin 2011 des sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, et LVMH Fragrance Brands, anciennement dénommée Parfums Givenchy et venant aux droits de la société Kenzo Parfums par suite de fusion à effet au 31 décembre 2010, qui demandent à la cour de confirmer le jugement ; débouter M. Abdelkader Fourar de toutes ses demandes ; le condamner à leur payer 4 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands exposent qu'elles commercialisent leurs parfums par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélective ; qu'il est constant que M. Abdelkader Fourar n'en fait pas partie ; qu'elles déclarent qu'il a été constaté qu'une personne faisant usage du pseudonyme " loziere 123 " dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de M. Fourar se livrait à la vente de flacons de parfums sur le site Internet " eBay " dont elle est membre depuis le 20 septembre 2007 ; qu'à la date du 2 juin 2008 M. Fourar avait vendu au moins 401 produits sur le site eBay depuis la création de son compte ; qu'à un courriel d'avril 2008 aux personnes lui ayant " acheté un objet sur eBay " était joint un fichier contenant une liste de références de parfums dont 4 Dior, 11 Givenchy, 11 Guerlain, 4 Kenzo et un tableau " promos spéciales " incluant 4 produits Guerlain, un tableau " spécial fête des mères et des pères " incluant un produit Guerlain et un tableau " spécial pour enfants " incluant un produit Givenchy ;
Considérant que les sociétés précitées ont fait procéder à un constat d'huissier selon la procédure prévue par l'article 145 du Code de procédure civile ; que M. Fourar conteste la validité de ce constat au motif que l'huissier a procédé à des opérations au domicile de sa mère, ce qu'il n'était pas autorisé à faire ; mais qu'outre que les termes de l'ordonnance donnant mission à l'huissier de se rendre au domicile de M. Fourar " ainsi qu'en tout autre lieu dans le ressort du Tribunal de Paris où les produits revêtus des marques appartenant aux requérantes ainsi que ses documents, livres, registres, lettres et papiers commerciaux ou comptabilité seraient susceptibles de se trouver " n'excluaient pas ledit domicile, aucun grief résultant de l'irrégularité prétendue n'est établi ni même précisément allégué ;
Considérant que M. Fourar conteste également la pertinence, sur le plan quantitatif, de certaines constatations de l'huissier notamment son affirmation que " M. Fourar a acheté 4 523 parfums pour un montant total de 100 000 euro ", soutenant que le calcul est incorrect, qu'une facture d'un montant de 26 238,27 livres sterling, récapitulant 5 factures précédentes, a été comptabilisée deux fois ;
Mais considérant que M. Fourar ne conteste pas, tant dans ses déclarations à l'huissier que dans ses conclusions, avoir vendu ou " donné " des parfums, y compris Dior, Kenzo et Guerlain s'étant approvisionné pour ce faire auprès de sociétés du Royaume-Uni ; qu'il reconnaît voir vendu " 3 produits Dior, Guerlain, Givenchy ", que des factures communiquées à l'huissier sont relatives à " 23 produits vendus de marques des sociétés requérantes " ; qu'il reconnaît que l'huissier a trouvé 18 flacons de Guerlain " Habit rouge " et des factures de produits achetés par lui-même " et sur ces factures seulement 10 % de ces produits sont ceux des requérantes soit pour environ 6 500 euro " ; que la réalité de la vente et de la présentation sur catalogue, hors réseau de distribution de produits des sociétés intimées est suffisamment établie ;
Considérant que M. Fourar invoque l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle et le principe de " l'épuisement communautaire de la marque ", aux termes duquel lorsqu'un produit a été mis dans le commerce par le titulaire de la marque ou l'un de ses distributeurs agréés dans l'Union européenne, le producteur ne peut plus s'appuyer sur son droit de marque pour s'opposer à ce qu'un tiers, ayant licitement acquis le produit, le revende à son tour dans un pays de l'Union européenne ;
Mais considérant que les sociétés de parfumeurs précitées n'agissent pas sur le fondement du droit des marques ; que la licéité des réseaux de distribution sélective est reconnue, comme le tribunal l'a justement indiqué, est reconnue par la législation et la jurisprudence tant communautaire que nationale, spécialement l'article L. 442-6 I 6° du Code de commerce qui est le fondement de l'action des parfumeurs dans le présent litige ; que les réseaux de distribution sélective sont dans l'intérêt des fabricants et distributeurs mais aussi des consommateurs dans la mesure où ils constituent une garantie de qualité des produits distribués par lesdits réseaux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et des motifs non contraires du tribunal que la mesure d'interdiction sous astreinte prononcée par celui-ci était parfaitement justifiée ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant sur le préjudice que le tribunal a encore justement constaté que M. Fourar avait causé un préjudice aux sociétés demanderesses en dévalorisant leurs produits tout en profitant de leur notoriété ; que toutefois, eu égard notamment à la modestie de l'activité de M. Fourar, la cour estime que l'évaluation qui en a été faite est excessive ; que la cour ramènera à 5 000 euro le montant de l'indemnité pour chacune des marques concernées soit 5 000 euro pour les sociétés Dior et Guerlain et 10 000 euro pour LVMH Fragrance Brands ;
Considérant que chaque partie triomphant et succombant partiellement devant la cour, il est équitable de laisser à chacune d'elles la charge des frais irrépétibles et dépens d'appel qu'elles ont engagés ;
Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris, sauf sur le montant des dommages-intérêts. Ramène ce montant à 5 000 euro au bénéfice des sociétés Parfums Christian Dior et Guerlain chacune, et 10 000 euro au bénéfice de la société LVMH Flagrance Brands. Ordonne en conséquence le remboursement du trop perçu en vertu de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Déboute les parties de leurs autres demandes. Laisse à chacune d'elles la charge des dépens d'appel qu'elle a engagés.