CJUE, 4e ch., 13 octobre 2011, n° C-139/10
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Prism Investments BV
Défendeur :
Jaap Anne van der Meer
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Bonichot
Juges :
MM. Schiemann, Bay Larsen, Mme Toader (rapporteur), Jaraiunas
Avocat :
Me Sluysmans
LA COUR (quatrième chambre),
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 45 du règlement (CE) n° 44-2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Prism Investments BV (ci-après " Prism Investments "), société de droit néerlandais, à M. van der Meer, agissant en qualité de curateur à la faillite d'Arilco Holland BV (ci-après " Arilco Holland "), filiale néerlandaise de la société de droit belge Arilco Opportune NV (ci-après " Arilco Opportune "), au sujet de l'exécution aux Pays-Bas d'une décision judiciaire de condamnation au paiement d'une somme d'argent, prononcée par une juridiction belge.
Le cadre juridique
3. Les seizième et dix-septième considérants du règlement n° 44-2001 sont libellés comme suit :
" (16) La confiance réciproque dans la justice au sein de la Communauté justifie que les décisions rendues dans un État membre soient reconnues de plein droit, sans qu'il soit nécessaire, sauf en cas de contestation, de recourir à aucune procédure.
(17) Cette même confiance réciproque justifie que la procédure visant à rendre exécutoire, dans un État membre, une décision rendue dans un autre État membre soit efficace et rapide. À cette fin, la déclaration relative à la force exécutoire d'une décision devrait être délivrée de manière quasi automatique, après un simple contrôle formel des documents fournis, sans qu'il soit possible pour la juridiction de soulever d'office un des motifs de non-exécution prévus par le présent règlement. "
4. Le chapitre III du règlement n° 44-2001, comprenant les articles 32 à 56, énonce les règles relatives à la reconnaissance et à l'exécution dans les autres États membres des décisions rendues dans un État membre.
5. L'article 34 de ce règlement prévoit :
" Une décision n'est pas reconnue si :
1) la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis ;
2) l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire ;
3) elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État membre requis ;
4) elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre État membre ou dans un État tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'État membre requis. "
6. L'article 35 dudit règlement dispose :
" 1. De même, les décisions ne sont pas reconnues si les dispositions des sections 3, 4 et 6 du chapitre II ont été méconnues, ainsi que dans le cas prévu à l'article 72.
2. Lors de l'appréciation des compétences mentionnées au paragraphe précédent, l'autorité requise est liée par les constatations de fait sur lesquelles la juridiction de l'État membre d'origine a fondé sa compétence.
3. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 1, il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l'État membre d'origine. Le critère de l'ordre public visé à l'article 34, point 1, ne peut être appliqué aux règles de compétence. "
7. La procédure d'exequatur est régie par la section 2 du chapitre III du règlement n° 44-2001, comprenant les articles 38 à 52.
8. Aux termes de l'article 38, paragraphe 1, de ce règlement :
" Les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée. "
9. L'article 40, paragraphe 3, dudit règlement est libellé comme suit :
" Les documents mentionnés à l'article 53 sont joints à la requête. "
10. L'article 41 du même règlement dispose :
"La décision est déclarée exécutoire dès l'achèvement des formalités prévues à l'article 53, sans examen au titre des articles 34 et 35. La partie contre laquelle l'exécution est demandée ne peut, en cet état de la procédure, présenter d'observations. "
11. L'article 43 du règlement n° 44-2001 prévoit :
" 1. L'une ou l'autre partie peut former un recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire.
2. Le recours est porté devant la juridiction indiquée sur la liste figurant à l'annexe III.
3. Le recours est examiné selon les règles de la procédure contradictoire.
4. Si la partie contre laquelle l'exécution est demandée ne comparaît pas devant la juridiction saisie du recours formé par le requérant, les dispositions de l'article 26, paragraphes 2 à 4, sont d'application, même si la partie contre laquelle l'exécution est demandée n'est pas domiciliée sur le territoire de l'un des États membres.
5. Le recours contre la déclaration constatant la force exécutoire doit être formé dans un délai d'un mois à compter de sa signification. Si la partie contre laquelle l'exécution est demandée est domiciliée sur le territoire d'un autre État membre que celui dans lequel la déclaration constatant la force exécutoire a été délivrée, le délai est de deux mois et court à compter du jour où la signification a été faite à personne ou à domicile. Ce délai ne comporte pas de prorogation à raison de la distance. "
12. L'article 44 dudit règlement établit :
" La décision rendue sur le recours ne peut faire l'objet que du recours visé à l'annexe IV. "
13. L'article 45 de ce règlement dispose :
" 1. La juridiction saisie d'un recours prévu à l'article 43 ou 44 ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35. Elle statue à bref délai.
2. En aucun cas la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond. "
14. La section 3 du chapitre III du règlement n° 44-2001, comprenant les articles 53 à 56, prévoit les dispositions communes applicables à la reconnaissance et à l'exequatur.
15. L'article 53 de ce règlement énonce :
" 1. La partie qui invoque la reconnaissance d'une décision ou sollicite la délivrance d'une déclaration constatant sa force exécutoire doit produire une expédition de celle-ci réunissant les conditions nécessaires à son authenticité.
2. La partie qui sollicite la délivrance d'une déclaration constatant la force exécutoire d'une décision doit aussi produire le certificat visé à l'article 54, sans préjudice de l'article 55. "
16. L'article 54 dudit règlement prévoit :
" La juridiction ou l'autorité compétente d'un État membre dans lequel une décision a été rendue délivre, à la requête de toute partie intéressée, un certificat en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l'annexe V du présent règlement. "
Le litige au principal et la question préjudicielle
17. Au cours de l'année 1990, la banque finlandaise LSP a prêté à Arilco Opportune la somme de 11 500 000 euro. Arilco Opportune a prêté ce montant à sa filiale néerlandaise Arilco Holland. Celle-ci a ensuite transféré ces fonds à plusieurs sociétés de droit néerlandais, parmi lesquelles figurent Prism Investments. Celle-ci a reçu la somme de 1 048 232,30 euro.
18. Par jugement du 14 janvier 2002 du Tribunal de commerce de Bruxelles (Belgique), Arilco Opportune a été condamnée à payer à LSP le montant prêté en 1990. Arilco Opportune a attaqué ce jugement devant la Cour d'appel de Bruxelles. Dans cette procédure d'appel, Arilco Holland a introduit un recours incident visant notamment à faire condamner Prism Investments à lui restituer la somme de 1 048 232,30 euro. Par arrêt du 5 décembre 2006, la Cour d'appel de Bruxelles a, notamment, accueilli cette demande.
19. Par jugement du Rechtbank's-Hertogenbosch (Pays-Bas) du 1er août 2007, Arilco Holland a été déclarée en faillite et M. van der Meer a été nommé curateur à celle-ci.
20. Le 3 septembre 2007, celui-ci a demandé au juge des référés du Rechtbank's-Hertogenbosch de prononcer, sur la base de l'article 38 du règlement n° 44-2001, l'exequatur de l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 5 décembre 2006, en ce qui concerne la condamnation de Prism Investments à payer la somme de 1 048 232,30 euro. Cette demande a été accueillie par l'ordonnance du 20 septembre 2007.
21. Prism Investments a alors introduit, devant le Rechtbank's-Hertogenbosch, un recours en annulation de cette ordonnance d'exequatur au titre de l'article 43 du règlement n° 44-2001. Elle a soutenu notamment que la décision de la juridiction belge avait déjà été exécutée en Belgique par voie de compensation.
22. Par ordonnance du 22 juillet 2008, le Rechtbank's-Hertogenbosch a rejeté le recours de Prism Investments, en considérant notamment que, selon les dispositions de l'article 45 du règlement n° 44-2001, une déclaration constatant la force exécutoire ne peut être révoquée que pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35 de ce règlement. Il a relevé que l'exécution des obligations en cause ne fait pas partie de ces motifs et peut dès lors être prise en compte non pas dans le cadre de la procédure de recours contre la déclaration constatant la force exécutoire, mais uniquement au stade ultérieur de l'exécution proprement dite.
23. Prism Investments s'est pourvue en cassation contre cette ordonnance devant le Hoge Raad der Nederlanden. À l'appui de son pourvoi, elle a soutenu que le fait d'accorder l'exequatur était manifestement contraire à l'ordre public au sens de l'article 45 du règlement n° 44-2001, en relation avec l'article 34, point 1, de celui-ci, étant donné que la condamnation en cause avait épuisé ses effets en raison de son exécution en Belgique et que l'exécution aux Pays-Bas ne pourrait être juridiquement fondée.
24. Dans la décision de renvoi, le Hoge Raad der Nederlanden juge ces arguments non fondés. Il considère que le moyen de défense selon lequel la décision rendue dans un État membre a déjà été exécutée ne relève pas des motifs de refus prévus aux articles 34 et 35 dudit règlement, notamment de celui tiré de la violation de l'ordre public.
25. Cependant, cette juridiction s'interroge sur la question de savoir si l'article 45 du règlement n° 44-2001 doit être interprété en ce sens que le juge saisi d'un recours prévu aux articles 43 ou 44 de ce règlement peut refuser ou révoquer l'exequatur pour des motifs autres que ceux mentionnés auxdits articles 34 et 35. En particulier, elle se demande si un moyen tiré de l'exécution dans l'État membre d'origine de la décision judiciaire peut non seulement être soulevé dans le cadre d'un litige relatif à l'exécution de celle-ci, mais également dans le cadre de la procédure d'exequatur.
26. Compte tenu de ces considérations, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
" L'article 45 du règlement n° 44-2001 s'oppose-t-il à ce que le juge saisi d'un recours prévu à l'article 43 ou 44 de ce règlement n° 44-2001 refuse ou révoque la déclaration constatant la force exécutoire pour un motif autre que ceux prévus aux articles 34 et 35 du règlement n° 44-2001, qui est invoqué à l'encontre de l'exécution de la décision déclarée exécutoire et qui s'est produit après que cette décision a été rendue, tel que le motif selon lequel cette décision a déjà été exécutée? ".
Sur la question préjudicielle
27. Pour répondre à la question préjudicielle, il y a lieu de relever à titre liminaire que, ainsi qu'il ressort des seizième et dix-septième considérants du règlement n° 44-2001, le régime de reconnaissance et d'exécution prévu par celui-ci se fonde sur la confiance réciproque dans la justice au sein de l'Union européenne. Une telle confiance exige que les décisions judiciaires rendues dans un État membre soient non seulement reconnues de plein droit dans un autre État membre, mais aussi que la procédure visant à rendre exécutoire dans ce dernier ces décisions soit efficace et rapide.
28. Une telle procédure, selon les termes du dix-septième considérant dudit règlement, ne doit comporter qu'un simple contrôle formel des documents exigés pour l'attribution de la force exécutoire dans l'État membre requis.
29. À cette fin, conformément à l'article 53 du règlement n° 44-2001, la partie qui sollicite la délivrance d'une déclaration constatant la force exécutoire d'une décision doit produire une expédition de celle-ci réunissant les conditions nécessaires à son authenticité ainsi qu'un certificat des autorités de l'État membre d'origine. En vertu de l'article 40, paragraphe 3, de ce règlement, elle doit joindre ces documents à sa requête.
30. En outre, ainsi qu'il ressort de l'article 41 dudit règlement, les autorités de l'État membre requis doivent, en première étape de la procédure, se limiter à contrôler l'achèvement de ces formalités aux fins de la délivrance de la déclaration constatant la force exécutoire de cette décision. Par conséquent, dans cette procédure, elles ne peuvent effectuer aucun examen sur les éléments de fait et de droit de l'affaire tranchée par la décision dont l'exécution est demandée.
31. Le caractère restreint de ce contrôle se justifie par la finalité de ladite procédure qui est non pas de déclencher un nouveau procès, mais plutôt de consentir, sur la base d'une confiance mutuelle dans la justice des États membres, à ce que la décision émise par une juridiction d'un État membre autre que l'État membre requis soit exécutée dans ce dernier au moyen de son insertion dans l'ordre juridique de celui-ci. Cette procédure permet ainsi à une décision rendue dans un État membre autre que celui requis de produire dans ce dernier les effets propres à un titre national qui a un caractère exécutoire.
32. Conformément à l'article 43 du règlement n° 44-2001, la déclaration constatant la force exécutoire d'une décision rendue dans un État membre autre que l'État membre requis peut faire l'objet d'une contestation. Les motifs de contestation qui peuvent être invoqués sont expressément énoncés aux articles 34 et 35 du règlement n° 44-2001, auxquels renvoie l'article 45 du même règlement.
33. Cette liste dont les éléments doivent, selon une jurisprudence constante, être interprétés de manière restrictive (voir arrêt du 28 avril 2009, Apostolides, C-420-07, Rec. p. I-3571, point 55) revêt un caractère exhaustif.
34. En l'occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le motif de révocation de la déclaration constatant la force exécutoire invoqué par la requérante au principal et portant sur l'exécution de la décision dans l'État membre d'origine, c'est-à-dire en Belgique, ne rentre pas parmi ceux sur lesquels la juridiction de l'État membre requis, en l'espèce le Royaume des Pays-Bas, peut effectuer son contrôle. La circonstance que ce moyen n'a pas été invoqué devant la juridiction belge est à cet égard sans incidence.
35. Par ailleurs, ainsi que Mme l'avocat général l'a relevé au point 47 de ses conclusions, l'argument opposé par la requérante au principal à la déclaration d'exequatur est tiré du prétendu règlement de la créance litigieuse par voie de compensation. Or, dans ses observations écrites, M. van der Meer, agissant en qualité de curateur à la faillite d'Arilco Holland, conteste cette compensation de façon circonstanciée. La réponse à la question de savoir si les conditions de ladite compensation sont remplies ne sera donc ni simple ni rapide et elle pourrait exiger une importante procédure de clarification des faits relatifs à la créance avec laquelle cette même compensation est susceptible d'avoir été effectuée et serait ainsi difficilement compatible avec les objectifs poursuivis par le règlement n° 44-2001.
36. Le gouvernement du Royaume-Uni relève que, en tout état de cause, pour assurer les objectifs de la procédure d'exequatur, la décision en cause devrait être exécutoire non seulement au moment où la décision initiale a été rendue, mais également au moment où la décision d'attribution de la force exécutoire dans l'État membre requis a été prononcée. Il serait contraire aux objectifs du règlement n° 44-2001 et à la lettre de l'article 38 de celui-ci que la juridiction de cet État soit obligée de maintenir une déclaration constatant la force exécutoire, alors que la décision concernée a été exécutée dans l'État membre d'origine et qu'elle ne peut plus y être exécutée.
37. À cet égard, il convient de relever qu'aucune disposition du règlement n° 44-2001 ne permet de refuser ou de révoquer une déclaration constatant la force exécutoire d'une décision qui a déjà été exécutée, car une telle circonstance ne prive pas cette décision de son caractère de titre exécutoire, lequel constitue une qualité propre de cet acte judiciaire.
38. En revanche, l'absence de caractère exécutoire de la décision dans l'État membre d'origine empêche l'exequatur dans l'État membre requis. En effet, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour, le caractère exécutoire de la décision concernée dans l'État membre d'origine constitue une condition de l'exécution de cette décision dans l'État membre requis (voir arrêt du 29 avril 1999, Coursier, C-267-97, Rec. p. I-2543, point 23). À cet égard, si la reconnaissance doit avoir pour effet, en principe, d'attribuer aux décisions l'autorité et l'efficacité dont elles jouissent dans l'État membre où elles ont été rendues (voir arrêt du 4 février 1988, Hoffmann, 145/86, Rec. p. 645, points 10 et 11), il n'y aurait cependant aucune raison d'accorder à un jugement, lors de son exécution, des droits qui ne lui appartiennent pas dans l'État membre d'origine ou des effets qu'un jugement du même type rendu directement dans l'État membre requis ne produirait pas (voir arrêt Apostolides, précité, point 66).
39. Cependant, ainsi que Mme l'avocat général l'a relevé au point 18 de ses conclusions, l'exécution d'une décision judiciaire n'enlève nullement à celle-ci son caractère exécutoire et ne conduit pas non plus à lui reconnaître, lors de son exequatur dans un autre État membre, des effets juridiques qu'elle n'aurait pas dans l'État membre d'origine. La reconnaissance des effets d'une telle décision dans l'État membre requis, qui constitue l'objet même de la procédure d'exequatur, concerne les caractères propres de la décision concernée, en faisant abstraction des éléments de fait et de droit qui concernent l'exécution des obligations découlant de celle-ci.
40. Un tel motif peut, en revanche, être soumis à l'examen du juge de l'exécution de l'État membre requis. En effet, selon une jurisprudence constante, une fois cette décision intégrée dans l'ordre juridique de l'État membre requis, les règles nationales de ce dernier État relatives à l'exécution s'appliquent de la même manière qu'aux décisions prises par les juridictions nationales (voir arrêts du 2 juillet 1985, Deutsche Genossenschaftsbank, 148/84, Rec. p. 1981, point 18; du 3 octobre 1985, Capelloni et Aquilini, 119/84, Rec. p. 3147, point 16, ainsi que Hoffmann, précité, point 27).
41. Le gouvernement allemand soutient que des raisons d'économie de procédure devraient conduire à considérer que la concentration des moyens de défense tirés de l'exécution de la décision concernée au stade de la procédure de recours contre l'exequatur permet d'éviter la phase supplémentaire de la procédure d'exécution dans l'État membre requis. S'il en allait autrement, cette décision serait certes déclarée exécutoire après un examen formel, mais l'exécution forcée de celle-ci devrait par la suite être interrompue. Cette concentration des moyens de défense uniquement dans la phase du recours contre la déclaration d'exequatur augmenterait l'efficacité de cette procédure et éviterait d'imposer au débiteur une situation dans laquelle une décision qui le condamne au paiement de sa dette est déclarée exécutoire alors qu'elle n'est pas susceptible d'être exécutée.
42. Cependant, comme il a été souligné aux points 27 à 30 du présent arrêt, dans la mesure où la procédure d'exequatur consiste en un contrôle formel des documents produits par la partie requérante, un moyen soulevé à l'appui d'un recours formé au sens des articles 43 ou 44 du règlement n° 44-2001, tel que celui tiré de l'exécution de la décision concernée dans l'État membre d'origine, altérerait les caractéristiques de cette procédure et en allongerait le délai, contrairement à l'objectif d'efficacité et de rapidité énoncé au dix-septième considérant de ce règlement.
43. Il ressort de ce qui précède qu'il convient de répondre à la question posée que l'article 45 du règlement n° 44-2001 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que le juge saisi d'un recours prévu aux articles 43 ou 44 de ce règlement refuse ou révoque une déclaration constatant la force exécutoire d'une décision pour un motif autre que ceux indiqués aux articles 34 et 35 de celui-ci, tels que l'exécution de cette décision dans l'État membre d'origine.
Sur les dépens
44. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, LA COUR (quatrième chambre) dit pour droit :
L'article 45 du règlement (CE) n° 44-2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que le juge saisi d'un recours prévu aux articles 43 ou 44 de ce règlement refuse ou révoque une déclaration constatant la force exécutoire d'une décision pour un motif autre que ceux indiqués aux articles 34 et 35 de celui-ci, tels que l'exécution de celle-ci dans l'État membre d'origine.