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Décisions

Cass. crim., 7 septembre 2011, n° 10-85.309

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Rac-Madoux

Avocat général :

M. Boccon-Gibod

Avocats :

SCP Potier de la Varde, Buk-Lament, SCP Boré, Salve de Bruneton

Paris, prés., du 18 févr. 2010

18 février 2010

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, la société Y, contre l’ordonnance du premier Président de la Cour d’appel de Paris, en date du 18 février 2010, qui a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et le rapporteur au Conseil de la concurrence à effectuer des opérations de visite et de saisie de documents, en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce, 509 et 513, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que le premier président qui n'a statué que sur le seul appel de la société X SAS, bien qu'il ait été régulièrement saisi conjointement de l'appel de cette société et de celui de la société Y SAS dans les locaux de laquelle avaient été autorisées des visites et saisie par l'ordonnance qui lui était déférée, a méconnu sa saisine" ;

Attendu que, dès lors qu'il se fonde sur une erreur matérielle contenue dans l'en-tête de l'ordonnance attaquée, laquelle, dans ses motifs et son dispositif, se prononce à l'égard des deux sociétés ayant interjeté appel, le moyen est irrecevable ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance confirmative attaquée a rejeté l'appel dirigé contre l'ordonnance du 19 décembre 2006 ayant autorisé les opérations de visites et saisie sollicitées conjointement par le Conseil de la concurrence et la DGCCRF au sein des sociétés X et Y ;

"aux motifs propres qu'il n'est pas contesté que l'enquête sollicitée portait sur l'existence de pratiques d'entente verticale ou d'abus de position dominante en matière de fixation des prix de revente des produits phytosanitaires et d'une possible entente horizontale entre les fournisseurs de ces produits ; qu'il n'est pas plus contesté que certains fournisseurs de produits sanitaires ont cherché à maintenir les prix de revente des distributeurs à un niveau artificiellement élevé, en s'abstenant de faire figurer sur leurs factures certaines remises dites de fin de campagne, alors, qu'acquises antérieurement à la vente, elles se devaient d'y apparaître, le seuil de vente à perte étant pour le distributeur déterminé par référence au prix figurant sur la facture ; qu'il y a lieu de rappeler au requérant que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'a à produire que des éléments formant un ou des indices qui, en cas de pluralité, aboutissent par leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et/ou leur combinaison à une présomption de pratiques illicites ; qu'en l'espèce, les requérants ont produit vingt-et-une pièces dont quatre mentionnaient les demanderesses ; qu'il ressort de ces éléments, repris dans les conclusions des appelantes, que celles-ci sont des entreprises actives dans le secteur des produits phytosanitaires, qu'une de leurs clientes, la société Z, négociante en produits phytosanitaires a déclaré avoir bénéficié de remises de fin de campagne de la part de ses quatre fournisseurs, dont les demanderesses, sans plus de précision quant à l'indication ou non de ces remises sur les factures de vente délivrées ; que ces éléments rapprochés de la motivation de l'enquête permettent, sans qu'il soit préjugé de la culpabilité des demanderesses à ce stade de la procédure, de considérer comme réelle l'existence d'un faisceau d'indices permettant de retenir, notamment, des présomptions de pratiques concertées entre entreprises et fournisseur et entre fournisseur et distributeurs, le magistrat de première instance ayant démontré que le système tarifaire auquel participaient les appelantes constituait une des modalités permettant de réguler le marché en limitant sans accès ou le libre exercice de la concurrence, ce que ces dernières ne contestent pas ; que la décision autorisant la visite domiciliaire est fondée sur les indices permettant de présumer l'existence de pratiques illicites dont la preuve est recherchée ;

"et aux motifs éventuellement adoptés qu'à cette requête sont annexés les copies et document suivants : - les demandes d'enquête en date du 4 avril 2006 et du 15 novembre 2006 du rapporteur général du Conseil de la concurrence accompagnées de la note d'orientation de la rapporteure (annexe 1 à la requête) ; - la note du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en date du 1er décembre 2006 (annexe 2 à la requête) ; - la saisine de l'association Audace (Association des Utilisateurs et Distributeurs de l'Agrochimie Européenne) représentée par M. Roques, en date du 24 avril 2002 (annexe 3 à la requête) ; - la liste en date du 7 février 2006 des producteurs de produits finis contenant du glyphosate (annexe 4 à la requête) ; - la directive 91-414-CEE du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (annexe 5 à la requête) ; - le décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques (annexe 6 à la requête) ; - l'article d'Agrodistribution d'avril 2006 (annexe 7 à la requête) ; - l'article d'Agrodistribution de mars 2006 (annexe 8 à la requête); - la liste des règlements antidumping sur les importations de glyphosate entre 1997 et 2004 (annexe 9 à la requête) ; - le procès-verbal (PV) de déclaration de M. A de la société C en date du 16 février 2005 (annexe 10 à la requête) ; - le PV de déclaration "anonymisé", en date du 28 juin 2005 (annexe Il à la requête) ; - le PV de déclaration de Mme D du groupe E en date du 18 décembre 2003 et sa pièce jointe (annexe 12 à la requête) ; - le PV de déclaration de M. G de la SA Z en date du 14 novembre 2001 et ses pièces jointes (annexe 13 à la requête) ; - le PV de déclaration de M. B de l'agence F en date du 6 octobre 2004 et ses pièces jointes (annexe 14 à la requête) ; - le PV de déclaration de M. H de l'agence F en date du 2 novembre 2004 et ses pièces jointes (annexe 15 à la requête) ; - le PV de déclaration de M. I de la société J en date du 28 septembre 2005 (annexe 16 à la requête) ; - le PV de déclaration de M. K de la société L en date du 28 septembre 2004 (annexe 17 à la requête) ; - le PV de déclaration de M. I de la société J en date du 26 janvier 2006 et sa pièce jointe (annexe 18 à la requête) ; - le PV de déclaration de M. M de la société coopérative agricole N en date du 2 juin 2005 et ses pièces jointes (annexe 19 à la requête) ; - le PV de déclaration "anonymisé" du 3 juin 2005 (annexe 20 à la requête) ; - le PV de déclaration de M. A de l'agence Sud-Ouest de la société O du 7 décembre 2004 et sa pièce jointe (annexe 21 à la requête) ; - le PV de déclaration de M. P de la SA Q en date du 3 décembre 2004 et ses pièces jointes (annexe 22 à la requête) ; - le PV de communication de documents de Mme D du groupe E en date du 18 février 2003 (annexe 23 à la requête) ; - le courrier de la société R France du 5 octobre 2000 à la société S (annexe 24 à la requête) ; - l'impression de pages du site Internet de T (annexe 25 à la requête) ; - l'impression de pages du site Internet de U (annexes 26,27 et 28 à la requête) ; - l'étude Xerfi août 2005 pages 13 et 44 (annexe 29 à la requête) ; que les documents et informations communiqués à nous par l'Administration à l'appui de sa requête ont été remis à la DGCCRF par le Conseil de la concurrence ou par les entreprises en application de l'article L. 450-3 du Code de commerce ; que les pièces présentées à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu'elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance puisqu'elles émanent de la consultation de banques de données électroniques accessibles au public, de l'exercice par l'Administration de son droit de communication qui semble en avoir usé de manière régulière mais également de la possibilité d'échanger des informations entre autorités de concurrence et de se communiquer entre elles les informations ou les documents qu'elles détiennent ou recueillent ; que les PV de déclaration annexés à la requête (n° 11 et 20) ont été rendus anonymes, à la demande des déclarants, afin de leur éviter des mesures de représailles de la part des auteurs présumés des pratiques prohibées; que toutefois, la version intégrale de ces deux PV nous a été présentée afin que nous nous assurions de l'existence et de l'identité des déclarants ; que dans sa requête, l'Administration fait état d'informations selon lesquelles les entreprises précitées auraient pris une part active dans une entente visant à limiter l'accès au marché, à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, à limiter ou contrôler la production et ses débouchés, ainsi qu'à se répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement et ce, en violation des dispositions des articles L. 420-1 1°, 2°, 3° et 4° du Code de commerce et 81 du traité de Rome, et auraient également exploité abusivement leur position dominante en imposant des conditions commerciales injustifiées à des entreprises clientes, ce comportement étant contraire aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 82 du traité de Rome ; qu'à l'appui de ses allégations, l'Administration verse des documents dont la consultation permet de retenir les points suivants que les produits phytosanitaires sont plus communément dénommés pesticides ; que leur rôle est essentiellement d'assurer la protection des plantes et des récoltes contre les menaces représentées par les insectes, les mauvaises herbes et les champignons ; qu'il existe trois grandes familles principales de pesticides que sont les herbicides (représentant une part de marché supérieure à 45 %) les insecticides et les fongicides (protection contre les champignons) ; que le reste des ventes est constitué par des produits divers destinés à la lutte contre les rongeurs, le traitement des semences et la régulation de croissance ; que le marché agricole constitue le premier débouché de l'industrie des produits phytosanitaires (90 %) ; que ce marché est structuré chronologiquement selon le rythme des campagnes de traitement et d'approvisionnement ; qu'au cours d'une année, on distingue globalement deux campagnes de traitement séparées par la période de "morte saison" durant laquelle les agriculteurs reconstituent leurs stocks de produits ; que le marché de la fabrication des produits phytosanitaires se compose d'un nombre restreint d'acteurs que sont V, C, O qui réalisent ensemble plus de 70 % du chiffre d'affaires sur le marché national (Etude Xerfi, annexe à la requête n° 29) ; que les entreprises X, yyy et W couvrent l'essentiel des parts de marché restantes ; que la directive 91-414-CEE du 15 juillet 1991, transposée en France par le décret n° 94-359 du 5 mai 1994 (annexes à la requête n° 5 et 6), a imposé la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans chaque Etat membre et que seules les substances actives énumérées à l'annexe 1 de cette directive peuvent être autorisées ; que chaque produit doit faire l'objet d'une AMM délivrée, aux termes du décret précité, par le service de la protection et de la qualité des végétaux de la direction générale de l'alimentation au ministère de l'Agriculture ; que lorsque le produit est déjà autorisé dans un autre Etat membre, il bénéficie d'une procédure d'AMM simplifiée ; que le circuit de distribution des produits phytosanitaires est organisé de telle manière que les fabricants n'effectuent pas de ventes directes auprès des utilisateurs finaux que sont, très majoritairement, les agriculteurs ; que deux types de distributeurs principaux interviennent sur ce marché les coopératives agricoles (60 % des ventes) qui revendent les produits à leurs adhérents, et les négociants grossistes (40 % des ventes) ; que dans sa requête, l'Administration argue que les entreprises élaborant des produits phytosanitaires et leurs distributeurs auraient mis en place des systèmes de tarification et de commercialisation opaques ; que s'agissant des remises de fin de campagne (RFC), les producteurs et distributeurs se réunissent en début de campagne de traitement et d'approvisionnement afin de déterminer d'un commun accord, d'une part, un prix figurant sur facture et d'autre part, des RFC qui sont versées sous forme d'avoirs différés que lesdites remises sont en réalité acquises antérieurement à l'acte d'achat, mais que, ne figurant pas sur les factures, elles ne peuvent être retenues dans le calcul du seuil de revente à perte en cours de campagne ; que ces remises sont donc de nature à générer une hausse artificielle du seuil de revente à perte ; que les PV de déclaration de différents dirigeants d'entreprises apportent des précisions sur les RFC ; que les déclarations des responsables d'une société désirant conserver l'anonymat (annexe à la requête n° 11) font état de l'existence de RFC avec les fournisseurs C, V et O qu'elles précisent en outre que lesdites remises sont considérées comme acquises bien que versées en fin de campagne ; que ces informations sont corroborées par d'autres déclarations ; que s'agissant de C, les responsables commerciaux de cette société ont confirmé la tenue de réunions avec les distributeurs en vue de négocier les RFC (annexe à la requête n° 10) ; que les déclarations du chef de produits du groupe E (annexe à la requête n° 12) confirment ce point : "pour les RFC perçues sur le [produit xxx] pour la campagne 2001/2002, je vous indique que la RFC Action Promotion de 2 % est acquise sans justificatif mais W qui participe à ces réunions connaît la réalisation. La RFC volume est de 9 % et pour moi elle est acquise car je suis sûre de réaliser l'objectif cependant en droit elle reste conditionnelle " ; que de la même manière, le responsable de la société Z (annexe à la requête n° 13) spécialisée dans le commerce de gros de produits chimiques, et ayant pour fournisseurs principaux "o" (devenue O), V, X et yyy, confirme l'existence de RFC de la façon suivante : "Pour établir mes prix de vente, je ne peux pas tenir compte des REG dont mes fournisseurs me font bénéficier car ceux-ci ne me les versent qu'en fin de campagne" ; que les déclarations du responsable de la société F (annexe à la requête n° 14), grossiste distributeur en produits phytosanitaires, font également état, s'agissant du fournisseur O, de l'existence de RFC acquises au moment de l'achat mais versées en fin de campagne; que ce dernier précise en outre que lesdites remises constituent à peu de choses près sa marge bénéficiaire, considérant que les prix qu'il pratique à l'égard de ses clients sont proches de ceux obtenus auprès de son fournisseur ; qu'ainsi il indique "avec le fournisseur O qui nous vend essentiellement des produits fongicides nous avons des conditions d'achat particulières avec des remises de fin de saison en fonction des volumes négociés avec ce fournisseur. Mais ces remises sont acquises dès que nous avons pris l'engagement d'achat avec le fournisseur. En revanche selon les conditions contractuelles nous obtenons en fin de campagne des avoirs de ristournes qui nous sont adressés par O. Ces avoirs ristournés sont d'ailleurs notre marge bénéficiaire car à quelque chose près notre prix de vente à nos clients correspond au prix d'achat net sur factures O" ; que de plus, il mentionne que pour les produits fournis par V, il applique à l'égard de ses clients les remises qui découlent des conditions générales de vente de son fournisseur (annexe à la requête n° 15) ; que les déclarations du responsable des achats et des ventes (annexe à la requête n° 16) de la coopérative agricole J, qui a pour principaux fournisseurs O, V et yyy, confirment celles de la société F s'agissant de l'effet des remises ; "Nous faisons partie de T, centrale d'achat, qui a un pool technique qui fait des essais sur les nouvelles molécules (celles-ci sont de moins en moins nombreuses). Nous avons des ristournes de fin de campagne pour les produits phytosanitaires. Celles-ci dépendent du produit. Il arrive que nous soyons amenés à revendre au prix d'achat (prix facturé) et que nous fassions notre marge sur la remise arrière. Cependant, nous ne connaissons pas toujours le montant de celle-ci (remises sur volumes par exemple). Nous sommes une coopérative et nous répercutons les remises en fin d'année à nos propres adhérents par des remises sous forme d'avoirs" ; que ce responsable indique les véritables conditions associées à l'octroi des remises par la société yyy (annexe à la requête n° 18): "Une autre condition à la ristourne service [ristourne hors facture yyy] est que nous revendions au prix du marché c'est-à-dire ni à la baisse, ni la hausse. Cependant nous avons une marge de manœuvre qui dépend du produit. Ainsi nous revendons pour notre part en dessous du prix conseillé. Pour moi, le prix du marché, n'est pas le prix conseillé mais la moyenne des prix pratiqués pour des produits similaires par les autres fournisseurs. Je pense que yyy interviendrait en supprimant la ristourne que dans le cas où nous casserions réellement les prix. Cela n'est jamais arrivé, nous avons toujours eu la ristourne. Par ailleurs légalement, je ne peux revendre en dessous du prix facturé" ; que les déclarations du gérant de la société L (annexe à la requête n° 17), négociant en produits phytosanitaires, mettent également en exergue l'existence de RFC, et sont éclairantes sur les pratiques de la profession : "Notre entreprise n'a pas de barème officiel. Dans la profession, le fonctionnement général conduit à ce qu'il n'y ait pas de prix déterminé à l'avance. Dans la plupart des cas, l'agriculteur ne connaît pas exactement le prix qu'il va payer, en définitive, ses approvisionnements. La pratique générale dans la profession consiste à mentionner sur facture le prix" "facturation qui correspond bien souvent au prix conseillé par le fabricant ou du moins celui qu'il souhaite voir pratiquer" ; "Ensuite sont appliquées des remises dites de fin de campagne dont le montant est généralement bien connu au moment de la transaction mais qui ne sont pas mentionnées sur facture" ; que les déclarations du responsable de la coopérative agricole N (annexe à la requête n° 19) relate le même agissement "Au niveau de la facturation, cela fonctionne de la manière suivante : zzz nous facture son prix tarif et nous ne touchons la remise de fin de campagne que dans les 6 mois après la facture, nous sommes donc obligés de provisionner la remise fin de campagne, qui sera en fait notre marge" ; que ce système tarifaire, outre qu'il instaure une opacité dans les relations commerciales, est de nature à générer une hausse artificielle des prix pratiqués à la revente, dès lors que les modalités de versement des RFC génèrent une élévation du seuil de revente à perte; que ce seuil factice de revente à perte ne saurait être franchi à la baisse par les distributeurs des produits en cause ; que la liberté tarifaire s'en trouve amoindrie ; que le montant de ces remises est tel qu'il constitue une part substantielle de la marge des revendeurs, laquelle est ainsi pour partie garantie ; que les modalités de calcul des remises, de par leur caractère fidélisant, sont de nature à rigidifier les parts de marchés respectives des produits ; que ce mécanisme pourrait avoir comme conséquence la limitation ou le contrôle de la production et des débouchés et la répartition des marchés, pratiques prohibées par les articles L. 420-1 3° et 4° du Code de commerce et 81 du traité de Rome ; que la détermination de ces remises constitue un moyen pour le fournisseur de s'assurer d'une unicité tarifaire de ses produits ; que cette pratique fait obstacle à la concurrence par les prix entre les revendeurs de chaque fournisseur ; que de surcroît ces remises sont déterminées, quant à leur principe et leur montant, à l'occasion de réunions entre fournisseurs et distributeurs ; que ces réunions et plus généralement les pratiques qui en découlent sont susceptibles d'êtres qualifiées d'ententes verticales en vue de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse, pratique prohibée par les articles L. 420-1 2° du Code de commerce et 81 du traité de Rome ; qu'il existe de fortes présomptions pour que ces comportements résultent d'actions horizontales concertées entre les principaux fournisseurs de produits phytosanitaires sur le marché français, voire sur les marchés d'autres Etats de l'union européenne et que, dans ce cadre, la pratique de RFC serait l'une des modalités permettant de réguler le marché en limitant son accès ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, pratique prohibée par les articles L. 420-1 1° du Code de commerce et 81 du traité de Rome, et en évitant que certains produits soient vendus à des prix compétitifs ; que, s'agissant des prix de ventes conseillés, la requête de l'Administration indique que les fabricants O et C remettaient à leurs grossistes distributeurs des prix de vente conseillés ; que le directeur de l'agence Sud-Ouest O (annexe à la requête n° 21) reconnaît avoir remis des prix "conseillés" à ses grossistes distributeurs ; que le directeur commercial de la SA Q a déclaré (annexe à la requête n° 22) que C et O remettaient des "prix culture conseillés" décrits comme "un prix que souhaite voir appliqué le fabricant au niveau de l'utilisateur final. II n'a qu'un caractère indicatif" ; que la remise par O de "prix de vente conseillés" aux distributeurs est également confirmée par le directeur de l'agence F (annexe à la requête n° 15) ; que de la même manière, il a été constaté la remise par la société W à ses distributeurs de listes de "prix culture conseillés xxx" pour les campagnes 2001/2002 et 2002/2003 (annexe à la requête n° 23) ; que le directeur de la société coopérative agricole N (annexe à la requête n° 19) confirme par sa déclaration la remise de prix "conseillés", "Pour le prix de vente culture, il avoisine souvent le prix de facturation. Nous avons des prix conseillés de vente culture par le représentant de zzz, ceci concerne la quasi-totalité des produits" ; "Pour les remises conditionnelles R5 R6 qui nous sont systématiquement attribuées elles sont, selon moi, fonction du respect du tarif culture sur le terrain" ; que la société zzz mise en cause dans les modalités d'approvisionnement de la coopérative N semble avoir mis en place une organisation commerciale qui astreint les coopératives agricoles à respecter les tarifs qui leur ont été conseillés afin d'éviter que la concurrence par les prix puisse jouer entre les différents points de vente ; que si ces prix, présentés comme indicatifs, ne sont pas en tant que tels illicites, ils s'inscrivent dans un contexte de nature à les considérer comme une présomption supplémentaire de concertation tarifaire avec les distributeurs et d'abus de position dominante des fournisseurs, pratique prohibée par les articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité de Rome, tendant à imposer les tarifs soit en exerçant des pressions sur les coopératives distributrices afin qu'elles respectent les prix conseillés, soit en appliquant une surveillance de la filière de vente jusqu'au client final ; que s'agissant de la segmentation des marchés, la requête présentée par la DGCCRF relève qu'un fournisseur interdirait à ses distributeurs de vendre des produits phytosanitaires à un certain type de clients ; que les déclarations d'un responsable (annexe à la requête n° 20) d'une société distribuant des produits phytosanitaires désirant conserver l'anonymat, révèlent que O exercerait des pressions sur ses revendeurs afin que ces derniers ne livrent pas certains distributeurs ; que ce fait est corroboré par la déclaration du PDG de la SA Z (annexe à la requête n° 13) qui mentionne que le fournisseur O (ex "o") lui a interdit de vendre à la société Agri Clic SA, qui avait la réputation de pratiquer des prix très compétitifs de vente par Internet, et que cette prohibition s'étendait notamment à tous les clients autres que les utilisateurs finaux ; que cette mesure de la part du fournisseur s'appuie sur des moyens de surveillance destinés à connaître le cheminement de ses produits à l'aide d'un marquage ; que cette circonstance conduit à ce que certains revendeurs masquent les numéros de lot des produits en cause, afin que le fabricant ne soit pas en mesure d'identifier aisément le distributeur initial n'ayant pas respecté les consignes données que ces mesures de contraintes exercées sur les distributeurs par certains fabricants, paraissent constituer la manifestation d'une volonté de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, de contrôler la politique commerciale de ses revendeurs (les débouchés) et par là même les prix que ces derniers pratiquent ; que ces agissements sont en outre de nature à opérer une segmentation du marché et sa répartition, faisant ainsi obstacle à la concurrence par les prix à la distribution ; que ces pratiques sont vraisemblablement assorties de sanctions ou de menaces de la part du fournisseur, en cas de non-respect de ses consignes ; que de tels faits sont susceptibles d'être qualifiés tantôt de mesures destinées à assurer la pérennité d'une concertation illicite en évitant que des produits soient vendus à bas prix par des revendeurs ne faisant pas partie de l'entente présumée, pratiques prohibées par les articles L. 420-1 dans ses points 1, 2, 3 et 4 du Code de commerce et 81 du traité de Rome, tantôt d'abus de position dominante de la part du fournisseur en cause, se manifestant par le boycott de certains distributeurs pratique prohibée par les articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité de Rome ; que les principales sociétés fabricantes de produits phytosanitaires sont membres de l'union U ; que cet organisme professionnel comporte un certain nombre de groupes de travail et un conseil d'administration se réunissant fréquemment auxquels des représentants des diverses sociétés en cause participent (annexe à la requête n° 26) ; que la présidence de cet organisme est assurée depuis au moins 2002 successivement par desdirigeants des sociétés X et Y, O, C et V (annexe à la requête n° 27) ; que la direction générale de l'UIPP est assurée actuellement par un dirigeant de X ; qu'U semble disposer de données précises sur les chiffres d'affaires des produits phytosanitaires ; qu'en outre les intermédiaires entre les fournisseurs et les utilisateurs finaux jouent un rôle particulier dans la chaîne de distribution des produits ; que l'une des principales unions de coopératives agricoles agissant en tant que centrale d'achat et opérant notamment sur le marché de l'agrofourniture, T (annexe à la requête n° 25) est amenée à référencer l'ensemble des firmes commercialisant des produits, à gérer la facturation de ceux-ci, à percevoir les avoirs correspondant aux remises et à reverser celles-ci aux adhérents coopératifs ; que cet opérateur semble par conséquent disposer de données précises sur les parts de marché des produits des différentes firmes et pourrait de ce fait jouer un rôle dans la collecte des informations nécessaires à la surveillance du marché et à sa régulation ; que ces deux entités, U et T, peuvent constituer le support ou le lieu d'échanges d'informations entre les différents dirigeants des entreprises en cause ; que les pratiques dont la preuve est recherchée perdurent dans le temps dès lors que des déclarations récentes viennent conforter certaines présomptions datant de 2000 ; que rien n'interdit de retenir comme éléments de présomptions de faits non prescrits, des documents ou éléments d'information datant de plus de cinq ans ; que les pratiques décrites ci-dessus peuvent s'analyser comme une entente verticale entre fournisseurs et distributeurs, une entente horizontale entre les fournisseurs et un abus de position dominante collective de ces derniers à l'égard des distributeurs, ayant pour effet de fausser le jeu de la concurrence tant entre les fabricants de produits phytosanitaires qu'entre les revendeurs ; que l'énumération des agissements figurant dans la présente ordonnance pour lesquels il existe des présomptions d'entente et/ou d'abus de position dominante n'est probablement pas exhaustive, ceux-là n'étant que des illustrations des pratiques prohibées dont la preuve est recherchée dans les secteurs concernés ; qu'ainsi la portée de nos présomptions est suffisante au regard des qualifications prévues aux articles L. 420-1 dans ses points 1, 2, 3 et 4 et L. 420-2 du Code de commerce comme aux articles 81 et 82 du traité de Rome ; que la recherche de la preuve de ces pratiques nous apparaît justifiée ; que par ailleurs l'utilisation des pouvoirs définis à l'article L. 450-3 du Code de commerce ne parait pas suffisante pour permettre à l'Administration de corroborer ses soupçons ; qu'en effet, les actions concertées, conventions ou ententes qui ont pour objet ou effet de limiter l'accès au marché, faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, limiter ou contrôler la production et ses débouchés et se répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ainsi que l'abus de position dominante présumé sont établis suivant des modalités secrètes, et les documents nécessaires à la preuve desdites pratiques et de leur étendue sont vraisemblablement conservés dans des lieux et sous une forme qui facilitent leur dissimulation ou leur destruction en cas de vérification ; que le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constitue le seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés ; qu'en outre, les opérations de visite et saisie ne sont pas disproportionnées compte tenu de ce que les intérêts des entreprises et de l'organisation professionnelle concernées sont garantis dès lors que les pouvoirs de l'Administration seront utilisés sous notre contrôle ; que les documents utiles à la preuve recherchée des pratiques présumées se trouvent vraisemblablement dans les locaux des sociétés et de l'organisation professionnelle citées aux pages 1 et 2 de la présente ordonnance ;

1°) "alors que le juge qui autorise les visites et saisie prévues par l'article 450-4 du Code du commerce est tenu de vérifier de manière concrète, concernant l'entreprise en cause, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; que la seule déclaration de caractère général d'un distributeur aux termes de laquelle il a bénéficié de la part de ses fournisseurs de remises de fin de campagne, sans plus de précision quant à l'indication ou non de ces remises sur les factures de vente délivrées, ne saurait constituer à elle seule, quand bien même les appelantes auraient été actives dans le secteur des produits phytosanitaires, le faisceau d'indices dont l'ordonnance attaquée a retenu l'existence, ni même une présomption, de pratiques concertées entre entreprises, fournisseurs et distributeurs permettant de réguler le marché en limitant son accès ou le libre exercice de la concurrence ; qu'en se fondant sur ce seul élément, le délégué du premier président a violé les textes susvisés ;

2°) "alors que le juge des libertés et de la détention doit vérifier concrètement que les éléments d'information qui lui sont présentés, concernant l'entreprise en cause, font effectivement présumer les infractions alléguées ; qu'aucune des pièces du dossier soumises au juge des libertés et visées par lui ne concernait les sociétés X et Y en ce qui concerne une entente horizontale entre fournisseurs, des ententes verticales entre fournisseurs et distributeurs ou encore des abus de position dominante des fournisseurs à l'égard des distributeurs pour faire obstacle à la concurrence sur les prix ; qu'en affirmant néanmoins l'existence d'un faisceau d'indices permettant de retenir des présomptions de pratiques concertées entre entreprises, fournisseurs et distributeurs permettant de réguler le marché en limitant son accès ou le libre exercice de la concurrence, l'ordonnance attaquée, qui s'est contredite, n'a donné aucune base légale à sa décision ;

3°) "alors que, le délégué du premier président aurait-il adopté ce motif du premier juge, la seule appartenance à une organisation professionnelle ayant mission d'assurer la défense des intérêts collectifs de ses membres et de les assister dans leur mission ne peut être un indice d'une entente horizontale ; qu'en retenant l'adhésion des sociétés X et Y à U sans mettre en relief aucun élément de nature à caractériser que cet organisme professionnel serait sorti de l'exercice de sa mission et aurait entraîné ses membres dans des pratiques restrictives de concurrence le juge des libertés, et, par suite, le délégué du premier président, a violé les textes susvisés" ;

Attendu que pour confirmer la décision ayant autorisé des opérations de visite et de saisie dans les locaux des sociétés X et Y, l'ordonnance attaquée prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, le juge d'appel, qui a souverainement apprécié l'existence de présomptions d'agissements frauduleux résultant de l'ensemble des éléments d'information qui lui étaient soumis, a justifié sa décision, sans encourir les griefs allégués au moyen, lequel doit dès lors être écarté ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

Rejette le pourvoi.