Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10-19.612
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Sofiseb (SA)
Défendeur :
Cuisines design insustries (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Michel-Amsellem
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Baraduc, Duhamel
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 2 avril 2010), que la société financière industrielle service exploitation Bonnet (la société Sofiseb) a créé en 1984 une société de droit suisse, la société Sofiseb SA, pour assurer la distribution en Suisse de ses produits ; qu'elle en est demeurée l'actionnaire unique jusqu'en 1985, date à laquelle M. Bonneton a acquis 25 % du capital ; que ce dernier est devenu par la suite, le directeur, puis l'administrateur unique de la société Sofiseb SA ; qu'à la suite du redressement judiciaire de la société Sofiseb, en 1996, ses actifs, dont les actions de la société Sofiseb SA, ont été cédés à une société Sofiseb Industries, devenue la société Cuisines et Bains Industries (la société CBI), puis la société Cuisines design industries (la société CDI) ; qu'en 2002, la société CBI a demandé à M. Bonneton de convoquer une assemblée générale extraordinaire de la société Sofiseb SA afin de pourvoir à son remplacement et que ce dernier a opposé un refus à cette demande en contestant la qualité d'actionnaire de la société CBI ; que ce refus a été validé par une décision de la Cour de justice de Genève au motif que si les droits patrimoniaux de la société Sofiseb SA avaient bien été cédés à l'acquéreur lors de la cession des actifs de la société Sofiseb, il n'en était pas de même concernant les droits sociaux y afférents, faute d'avoir obtenu l'aval de la société quant à la modification de son actionnariat, ainsi que le prévoyaient les statuts ; que la société CBI a alors saisi les juridictions pénales suisses d'actes de gestion déloyale accomplis par M. Bonneton au nom de la société Sofiseb SA et, dans le même temps, a informé cette société, par lettre du 15 janvier 2003, qu'elle n'était plus autorisée à faire usage des marques Arthur Bonnet Cuisines et bains, Coméra et Nautine ; qu'estimant cette rupture brutale et dénuée de fondement, la société Sofiseb SA a poursuivi la société CBI en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Sofiseb SA fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à être indemnisée du préjudice consécutif à la rupture par la société CBI de leurs relations commerciales, alors selon le moyen : 1°) que seule constitue une faute grave l'inexécution d'une obligation résultant du même rapport synallagmatique qui rend impossible le maintien du lien contractuel ; qu'en jugeant que la perte de contrôle par la société CDI de la société Sofiseb SA, qui pouvait alors agir en toute indépendance, était constitutive d'une faute grave justifiant que la société CDI lui interdise avec un très court préavis de faire usage des marques dont elle était titulaire, sans établir que cette perte de contrôle ait constitué un manquement aux obligations nées du contrat et rendant impossible le maintien de leur relation de distribution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; 2°) qu'en toute hypothèse, la société est une personne morale distincte de ses associés ; qu'en justifiant la rupture brutale des relations établies entres les sociétés CDI et Sofiseb SA par la perte du contrôle de cette dernière par la société CDI quand cette circonstance, qu'elle a qualifiée de faute grave de la société Sofiseb SA, n'était pas imputable à cette société mais à ses associés, la cour d'appel a violé l'article 1842 du Code civil ; 3°) qu'en toute hypothèse, l'auteur de la rupture ne peut opposer à son cocontractant un manquement dont il est lui-même, en tout ou partie, l'auteur ; qu'en jugeant que la rupture brutale des relations établies entre les sociétés Sofiseb SA et CDI était justifiée par la perte du contrôle du distributeur par le fournisseur sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette perte n'était pas, en tout au partie, imputable à la société CDI qui n'avait pas respecté la procédure d'agrément prévue par les statuts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; 4°) qu'en toute hypothèse, seuls les manquements invoqués dans la lettre de rupture peuvent être qualifiés de faute grave ; qu'en jugeant que la prise de participation de la société Sofiseb SA dans le capital de la société GM Cuisines était constitutive d'une faute grave, quand elle n'avait pas été invoquée dans la lettre de rupture du 15 janvier 2003, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Mais attendu que par motifs adoptés l'arrêt relève qu'il a été découvert que la société Sofiseb SA, sous la signature de M. Bonneton, avait acheté à la société Sofiseb SA des actions de la société GM Cuisines avec un paiement échelonné sur huit ans et que de tels actes de gestion ne pouvaient que nuire à l'intérêt de la société CBI, créancière de sa filiale pour une somme importante depuis 2001 ; que, toujours par motifs adoptés, l'arrêt relève encore que la société CBI a porté plainte contre ces actes accomplis par M. Bonneton au nom de la société Sofiseb SA et que le bien-fondé de ses griefs a été confirmé par les juridictions suisses ; qu'en l'état de ces constatations dont il ressort que la gestion de la société Sofiseb SA compromettait gravement l'exécution des obligations essentielles souscrites envers la société CBI, ainsi que les intérêts de celle-ci, laquelle avait, à défaut de mentionner ces faits dans la lettre de rupture, néanmoins porté plainte à leur sujet devant les juridictions compétentes, démontrant ainsi à quel point elles les estimait graves, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant, critiqué par les première, deuxième et troisième branches, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.