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Décisions

Cass. com., 18 octobre 2011, n° 10-30.871

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Beauté passion académy (SARL), Autrement (SARL)

Défendeur :

International esthétique (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Piwnica, Molinié

T. com. Toulouse, du 30 juin 2008

30 juin 2008

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétes Beauté passion académy et Autrement que sur le pouvoi incident relevé par la société International esthétique ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Beauté passion académy (la société BPA) a conclu avec la société International esthétique (le franchiseur) un contrat de franchise pour l'exploitation d'un institut sous l'enseigne Epil center à Cambrai, puis a ouvert un second institut de beauté à Douai et acquis les parts représentant le capital de la société Autrement exploitant un autre institut Epil center à Amiens ; qu'à la suite de la dégradation de leurs relations le franchiseur a demandé en justice le paiement de diverses sommes, la résiliation des contrats de franchise aux torts des sociétés BPA et Autrement, et leur condamnation à respecter les clauses de non-affiliation à un réseau concurrent et de non-création de réseau ; que ces sociétés ont reconventionnellement demandé la nullité des contrats ou leur résiliation aux torts exclusifs du franchiseur ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que les sociétés BPA et Autrement font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes de nullité des contrats de franchise et de paiement consécutives au prononcé de cette nullité, alors, selon le moyen : 1°) que le contrat de franchise implique la transmission par le franchiseur d'un savoir-faire spécifique, original et secret, sauf à ce que la convention soit privée de cause ; qu'en se bornant à relever que le manuel opérationnel transmis par le franchiseur comportait des informations nécessaires à l'exercice de la profession du franchisé, sans montrer en quoi ces éléments étaient spécifiques à la société International esthétique, originaux et secrets, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil ; 2°) qu'en se fondant sur des éléments inopérants tirés de la vente de produits du franchiseur, du développement du réseau et du fait que M. Henin avait contribué au développement du réseau, sans rapport avec l'originalité du savoir-faire devant être transmis, la cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil ; 3°) qu'il appartient au franchiseur de démontrer qu'il a exécuté son obligation de transmettre un savoir-faire original, secret et substantiel ; qu'en reprochant aux sociétés BPA et Autrement de ne pas prouver l'absence de consistance du concept du franchisé, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil ; 4°) que la titularité d'une marque se prouve par son enregistrement à l'INPI, matérialisé par un certificat ; qu'en déduisant cette titularité de la simple mention de cette inscription dans le contrat de franchise, sans montrer en quoi cette inscription existait effectivement, la cour d'appel a violé les articles L. 712-1 et R. 712-23 du Code de la propriété intellectuelle ; 5°) qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la marque Epil center n'avait pas été déposée par des tiers, de sorte que la société International esthétique n'était pas en mesure d'en garantir l'utilisation paisible par les franchisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'après avoir justement relevé les conditions de développement du réseau qui confirmaient l'utilité du concept fourni, la cour d'appel, par une décision motivée, a retenu la réalité du savoir-faire transmis et en a déduit, sans inverser la charge de la preuve, que le grief allégué n'était pas établi ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt constate, sans se prononcer sur la titularité de la marque, que les contrats de franchise indiquent que celle-ci a été déposée à l'INPI à une certaine date et que la garantie de son usage a été accordée aux franchisées ;

Attendu, en troisième lieu, que les conclusions d'appel des sociétés BPA et Autrement ne formaient aucune demande en lien avec l'absence d'usage paisible de la marque ; que la cour d'appel n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen du même pourvoi : - Attendu que les sociétés BPA et Autrement font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande de résiliation des contrats de franchise aux torts du franchiseur et leurs demandes de paiement consécutives au prononcé de cette résiliation, alors, selon le moyen : 1°) que la cour d'appel a constaté que le franchiseur avait assigné les sociétés BPA et Autrement en résiliation des contrats de franchise le 24 janvier 2006 ; qu'en estimant que la poursuite par ces dernières de leur activité sous une autre enseigne à partir du 31 août 2006 constituait une rupture brutale de ces contrats, et que la dépose des signes d'appartenance au réseau de franchise en octobre 2006 constituait une faute, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1184 du Code civil ; 2°) que le comportement d'un cocontractant peut justifier la rupture unilatérale du contrat ; que la cour d'appel a constaté que le franchiseur avait manqué à l'exécution loyale et de bonne foi des contrats de franchise ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était expressément invitée, si ces manquements n'avaient pas justifié la résiliation des contrats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que les juges du fond, pour apprécier si les manquements d'une partie à ses obligations sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat, doivent prendre en considération toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu'au jour de leur décision, y compris après l'acte introductif d'instance ;

Attendu, d'autre part, que sous le couvert d'un manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond quant à l'importance des manquements respectifs retenus ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi incident : - Attendu que le franchiseur fait grief à l'arrêt d'avoir jugé nulles les clauses de non-affiliation à un réseau de franchise et de non-création de réseau contenues dans le contrat de franchise, alors, selon le moyen : 1°) que les clauses de non-affiliation et de non-création de réseau, qui sont distinctes de la clause de non-concurrence, en ce qu'elle font seulement interdiction à l'ex-franchisé d'adhérer à un réseau concurrent ou de créer un réseau concurrent, sans l'empêcher d'exercer sa propre activité hors réseau, ne sont nullement soumises à une limitation dans l'espace ; qu'en se fondant, pour dire que les clauses de non-affiliation et de non-création de réseau, contenues dans le contrat de franchise, étaient nulles et de nul effet, que l'article 19.3 du contrat ne limitait pas cette clause dans l'espace, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que l'article 19.3 du contrat de franchise énonce, sous l'intitulé "clause de non-affiliation", que " l'institut du franchisé ne pourra, pendant une durée d'un an, être franchisé, affilié ou associé sous quelque forme que ce soit à une quelconque opération, qui aurait notamment pour effet de permettre l'exploitation sous une enseigne concurrente de la marque concédée " ; qu'il ressort expressément des termes de cette clause que l'interdiction d'affiliation ne vise que l' " institut " du franchisé, partant est parfaitement limitée dans l'espace ; qu'en affirmant néanmoins, pour dire que la clause de non-affiliation était nulle et de nul effet, que la clause n'était pas limitée dans l'espace, la cour d'appel a dénaturé les termes de la clause soumise, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 3°) que l'article 19.4 du contrat de franchise énonce, sous l'intitulé " clause de non-création de réseau" que "le franchisé s'interdit de créer un réseau concurrent (dans le même domaine) sur toutes les villes où sont implantés les instituts franchisés Epil center et ce pendant un an à compter de la cessation du présent contrat" ; qu'il ressort expressément des termes de cette clause que l'interdiction de création de réseau concurrent est limitée spatialement aux seules villes dans lesquelles est implanté un institut Epil center ; qu'en affirmant néanmoins, pour dire que la clause de non-création de réseau était nulle et de nul et de nul effet, qu'elle n'était pas limitée dans l'espace, la cour d'appel a encore dénaturé les termes de la clause soumise, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que le franchiseur faisait valoir devant la cour d'appel que la clause litigieuse, à l'instar des clauses de non-concurrence, était limitée dans le temps et dans l'espace ; qu'il n'est pas recevable à soutenir devant la Cour de cassation une prétention contraire à ses écritures ;

Attendu, en second lieu, que c'est par une appréciation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des clauses litigieuses rendait nécessaire, que la cour d'appel a statué comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen du même pourvoi : - Vu l'article 1147 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts du franchiseur au titre du manque à gagner subi du fait de la résiliation, l'arrêt retient que celle-ci est intervenue aux torts réciproques des parties ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les manquements respectifs des parties à leurs obligations contractuelles avaient causé à chacune d'elles un égal préjudice de nature à entraîner la compensation totale des sommes auxquelles elles pouvaient prétendre réciproquement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi principal.