Livv
Décisions

Cass. crim., 21 septembre 2011, n° 10-85.311

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Labrousse

Avocat général :

M. Berkani

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, Me Ricard

Paris, prés., du 8 avr. 2010

8 avril 2010

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'ordonnance du premier Président de la Cour d'appel de Paris, en date du 8 avril 2010, qui a prononcé sur une requête en annulation des opérations de visite et saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, ainsi que des articles L. 450-4 du Code de commerce, 56, 57, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a débouté la société X de sa demande tendant à l'annulation des opérations de visite et saisie pratiquées dans ses locaux les 16 et 17 décembre 2008 ;

"aux motifs que la société X fait valoir, en premier lieu, que les agents de la DGCCRF n'ont pas notifié à son représentant, M. Y, la faculté de faire appel à un conseil ; que son représentant n'a pris connaissance de ce droit qu'une fois les opérations achevées lorsqu'il a pu prendre lecture de l'ordonnance et que le non-respect des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce l'a privé de la mise en œuvre d'un des droits les plus fondamentaux de la défense ; qu'il résulte (cependant) du procès-verbal dressé le 17 décembre 2008 à 9h35, en application des articles L. 450-4 et L. 470-6 du Code de commerce que les ordonnances des 8 décembre 2008 et 9 décembre 2008 ont été notifiées à M. Y avec indication des modalités d'appel ; que M. Y, qui a signé ce procès-verbal, est mal fondé à soutenir que le recours possible à un avocat ne lui a pas été notifié verbalement alors que les ordonnances qui ont été portées à sa connaissance mentionnent expressément que l'occupant des lieux ou son représentant pourra faire appel à un conseil de son choix sans que cela entraîne la suspension des opérations de visite et de saisie ; que la demanderesse a donc été parfaitement informée de son droit ;

"1°) alors que l'article L. 45[0]-4 du Code de commerce impose que la notification préalable de ses droits au saisi soit faite verbalement ; qu'il résulte du procès-verbal dressé au début de la visite qu'une telle notification verbale n'a pas été faite, notamment pour ce qui concernait le recours à un conseil ; qu'en affirmant néanmoins que M. Y est mal fondé à soutenir que le recours à un avocat ne lui a pas été notifié verbalement, le conseiller délégué a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

"2°) alors que le respect des droits de la défense, en tant que principe de caractère fondamental, doit être assuré non seulement dans les procédures administratives susceptibles d'aboutir à des sanctions, mais également dans le cadre de procédures d'enquête préalable compte tenu du caractère déterminant pour l'établissement des preuves du caractère illégal des comportements d'entreprises ; que toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit être spécialement informée, dès le début de la mesure coercitive prise à son encontre, de la possibilité de bénéficier de l'assistance d'un avocat ; qu'en déduisant de la seule notification de l'ordonnance d'autorisation mentionnant cette faculté que le représentant de la société avait été parfaitement informé de son droit, le conseiller délégué a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et L. 450-4 du Code de commerce" ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité des opérations de visite pris de ce que la possibilité pour l'occupant des lieux de faire appel à un conseil de son choix n'a pas été notifiée au représentant de la société X, l'ordonnance prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que satisfait aux exigences conventionnelles invoquées la notification verbale de la possibilité pour l'occupant des lieux de faire appel à un conseil de son choix, le juge a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ainsi que des articles L. 450-4 ancien du Code de commerce, 56, 57, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a débouté la société X de sa demande tendant à l'annulation des opérations de visite et saisie pratiquées dans ses locaux les 16 et 17 décembre 2008 ;

"aux motifs que la société X invoque, en deuxième lieu, la durée excessive des opérations qui se sont déroulées du 16 décembre à 9h35 jusqu'au 17 décembre 2008, soit plus de quinze heures sans discontinuer, ce qui n'a pas permis à M. Y et à son représentant, M. Z, de faire preuve de l'attention et de la vigilance nécessaire ; que l'article L. 450-4 du Code de commerce dispose (cependant) que la visite ne peut commencer avant 6 heures ou après 21 heures sans prévoir de limitation pour sa durée et que l'occupant des lieux peut désigner un ou plusieurs représentants : que M. Y n'a pas usé de la faculté qui lui était ouverte pour se faire remplacer ; que le deuxième grief de la société doit donc être écarté ;

"alors que le respect des droits de la défense, en tant que principe de caractère fondamental, doit être assuré non seulement dans les procédures administratives susceptibles d'aboutir à des sanctions, mais également dans le cadre de procédures d'enquête préalable compte tenu du caractère déterminant pour l'établissement de preuves du caractère illégal de comportements d'entreprises ; que toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction, doit être spécialement informée, dès le début de la mesure coercitive prise à son encontre, de l'étendue de ses droits ; qu'en se bornant à affirmer que l'article L. 450-4 du Code de commerce offrait à M. Y la faculté de se faire remplacer pendant le déroulement de la visite, sans vérifier que celui-ci avait été spécialement avisé de cette possibilité par les enquêteurs, le conseiller délégué n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, ainsi que de l'article L. 450-4 du Code de commerce" ;

Attendu qu'aucune disposition législative ou conventionnelle n'impose aux enquêteurs d'aviser l'occupant des lieux de la possibilité de désigner un ou plusieurs représentants ; que le moyen ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ainsi que des articles L. 450-4 ancien du Code de commerce, 56, 57, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a débouté la société X de sa demande tendant à l'annulation des opérations de visite et saisie pratiquées dans ses locaux les 16 et 17 décembre 2008 ;

"aux motifs que la société X soutient, en dernier lieu, qu'il n'y a pas eu d'inventaire informatique des fichiers informatiques extraits des ordinateurs de M. Y et de M. A contrairement aux prescriptions de l'article L. 450-4 du Code de commerce et de l'article 56 du Code de procédure pénale ; qu'elle expose que le procès-verbal des opérations de visite et de saisie mentionne que les inventaires informatiques des fichiers ont été gravés sur CD-R et placés en annexe 2 mais qu'aucune annexe 2 n'a été jointe ; qu'il résulte (cependant) du procès-verbal des opérations de visite et saisie qu'un inventaire des documents saisis a été établi détaillant les courriels électroniques saisis dans le bureau de M. Y placés sous scellés n° 4, ceux saisis dans le bureau de M. A placés sous scellés n° 3 ; que cet inventaire mentionne encore la saisie de sept DVD-R contenant des fichiers informatiques issus de l'ordinateur de M. Y, placés sous scellés n° 7 et encore la saisie de deux DVD-R contenant des fichiers informatiques issus de l'ordinateur de M. A placés sous scellés n° 8 ; que l'article 56 du Code de procédure pénale prévoit qu'il est procédé à la saisie des données informatiques nécessaires à la manifestation de la vérité en plaçant sous main de justice, soit le support physique de ces données, soit une copie réalisée en présence de personnes qui assistent à la perquisition ; qu'il apparaît que les données informatiques saisies et mises sous scellés mentionnées dans l'inventaire ont fait l'objet d'une description suffisant à les identifier ; que le procès-verbal mentionne après l'inventaire des documents saisis, qu'à la demande de M. Y une copie de l'ensemble des documents lui a été communiquée ; que le dernier grief sera donc rejeté ;

"1°) alors que le procès-verbal relatant le déroulement des opérations doit dresser une liste exhaustive des fichiers informatiques saisis ; qu'en considérant que la mention dans l'inventaire de la saisie de sept DVD-R contenant les fichiers informatiques issus de l'ordinateur de M. Y et de deux DVD-R contenant des fichiers informatiques issus de l'ordinateur de M. A était suffisante pour identifier les fichiers saisis, le conseiller délégué a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, ensemble les articles L. 450-4 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale ;

"2°) alors que toute saisie doit être proportionnée au but poursuivi ; qu'il incombe à l'Administration de rapporter la preuve qu'elle n'a pas saisi de fichiers informatiques étrangers à l'autorisation délivrée ; qu'en se bornant à retenir que l'inventaire des fichiers informatiques saisis était suffisamment précis, sans vérifier, comme il y avait été spécialement invité, si les enquêteurs n'avaient pas méconnu l'étendue de leurs droits en s'abstenant de restreindre leur saisie aux seules pièces entrant dans le champ de l'autorisation de visite, le conseiller délégué n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, ainsi que de l'article L. 450-4 du Code de commerce" ;

Attendu que, pour dire régulières les saisies de données informatiques réalisées dans les locaux de la société X, l'ordonnance prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, il résulte du procès-verbal relatant les opérations que les fichiers informatiques, objet des scellés 7 et 8, ont fait l'objet d'inventaires informatiques, gravés sur CD-R, dont mention a été portée en annexe dudit procès-verbal, d'autre part, la société X n'invoque la saisie d'aucun fichier qui serait étranger à l'enquête en cours, le juge a justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

Rejette le pourvoi.