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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 20 octobre 2011, n° 07-03077

AMIENS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

Défendeur :

Produits Régionaux Nord (SCA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. de Mordant de Massiac

Conseillers :

Mme Bousquel, M. Bougon

Avoué :

SCP Le Roy

Avocat :

Me Boudou

TGI Péronne, ch. com., du 29 mars 2007

29 mars 2007

Faits, procédures, demandes en appel

La SCA Produits Régionaux Nord (ci-après "SCA") est la centrale d'achats du groupe Intermarché, dans le Nord, chargée, notamment, de référencer les producteurs pouvant être appelés à fournir le groupe.

A l'issue d'une enquête ayant porté sur les relations entre la SCA et huit de ses fournisseurs, il est apparu à la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après "DRCCRF") que, dans le cadre de ses opérations de sélection (de "référencement" dans le jargon), la SCA passait avec les fournisseurs sélectionnés une convention de "coopération commerciale" aux termes de laquelle elle facturait à ces derniers des prestations, calculées en fonction du chiffre d'affaires (et non en fonction du coût réel de la prestation), dont l'utilité ou la réalité lui paraissaient plus que douteuses, de sorte que les sommes perçues lui paraissaient être, en vérité, des réductions sur prix d'achat (des "marges arrières" dans le jargon) imposées aux fournisseurs en violation des prescriptions de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce.

C'est dans ce contexte que, par acte du 2 mai 2005 et au nom du ministre chargé de l'Economie, la DRCCRF a assigné la SCA devant le Tribunal de grande instance de Péronne, sur le fondement des § I-2° (illicéité de certains pratiques anticoncurrentielles) et § III (action en interdiction de ces pratiques et en répétition des sommes indûment perçues à cette occasion) de l'article L. 442-6 du Code de commerce, aux fins de voir la SCA Produits Régionaux Nord condamnée à cesser ses pratiques illicites, condamnée à restituer 230 230 euro indûment perçus sur 8 fournisseurs référencés, condamnée au paiement d'une amende civile de 460 000 euro, condamnée aux dépens et au paiement de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En défense, la SCA a soutenu, à titre liminaire, que l'action en répétition de l'indu du ministre chargé de l'Economie était irrecevable dès lors que les fournisseurs en question n'avaient formulé aucunes doléances et n'avaient pas été appelés à la procédure, dès lors que le ministre chargé de l'Economie n'avait reçu aucun mandat des dits fournisseurs, dès lors que le ministre chargé de l'Economie n'avait formulé aucune demande d'annulation des conventions. Sur le fond, la SCA a fait valoir que la convention de coopération commerciale avait été librement formée entre les parties, que c'est de l'accord des parties que le prix des prestations avait été fixé en fonction du chiffre d'affaires, que la facturation de ces prestations correspondait à des services effectivement fournis, que les procès-verbaux de la DRCCRF attestaient de ce que les fournisseurs étaient contents des prestations.

Par jugement en date du 29 mars 2007, après avoir déclaré l'action recevable, le tribunal a débouté le ministre chargé de l'Economie de ses demandes.

Pour déclarer l'action du ministre chargé de l'Economie recevable, le tribunal a énoncé que cette action n'était pas une action de substitution, engagée au nom et dans l'intérêt des fournisseurs, mais une action autonome prévue par la loi dont la finalité était la préservation de l'ordre public économique de sorte que le ministre chargé de l'Economie n'était nullement tenu, au soutien de son action en répétition de l'indu, d'appeler les fournisseurs en question.

Pour débouter le ministre chargé de l'Economie de son action et de ses différents chefs de demande, le tribunal a énoncé que la convention de coopération commerciale devait être lue à l'aune du cahier des charges qui venait la compléter et qui précisait la nature et l'étendue des prestations de la SCA ; que la convention en question comportait plusieurs prestations dont une seule - la "démarche qualité/suivi des produits" - était critiquée par l'Administration ; que la combinaison de la convention et du cahier des charges autorisait la SCA à sérier, sur une période de deux ans, la fréquence de ses contrôles de qualité et ses analyses microbiologiques en fonction de la nature du produit (les produits périssables étant plus fréquemment contrôlés que les autres), de sorte que le ministre chargé de l'Economie ne pouvait tirer argument de ce que, dans le cadre de relations commerciales suivies, certains contrôles aient été réalisés une fois tous les deux ans et non pas chaque année.

Le tribunal a encore relevé que, si les audits et analyses microbiologiques préalables à la sélection n'avaient d'utilité que pour la centrale d'achat, les audits et analyses de suivi, postérieurs au référencement, avaient, eux, un impact direct sur la fabrication et l'amélioration des produits, de sorte que l'Administration ne pouvait globaliser les deux aspects pour affirmer de manière péremptoire que les dites prestations n'avaient aucune utilité pour les fournisseurs ; que, si l'article L. 212-1 du Code de la consommation impose, à celui qui effectue la 1re mise sur le marché, une vérification de la conformité du produit aux normes de sécurité et de santé, ce texte n'avait créé, en l'espèce, aucune obligation légale sur le chef de la SCA dès lors que c'étaient les fournisseurs et non la SCA qui avaient effectué, en 2002-2003, la 1re mise sur le marché, et que, dans ces conditions, en effectuant des audits et analyses de suivi, postérieurement au référencement, la SCA avait rendu un réel service à ses fournisseurs, de sorte que le ministre chargé de l'Economie ne pouvait soutenir que la prestation "démarche qualité/suivi des produits" n'aurait eu aucune consistance et qu'elle n'aurait servi en l'espèce qu'à faire payer aux fournisseurs un service qui n'aurait eu d'utilité que pour la SCA.

Le tribunal a également observé que les fournisseurs avaient affirmé, de manière concordante, que les audits et analyses avaient été réellement réalisés et avaient eu un impact effectif sur la mise en valeur de leurs produits régionaux, sur la commercialisation de leurs produits au sein des distributeurs à l'enseigne "Intermarché", sur l'élaboration de produits nouveaux ; que, de fait, la lecture des rapports d'audit de suivi établit qu'il y a eu, de la part de la SCA, un véritable contrôle et de véritables recommandations et qu'il y a eu, de la part des fournisseurs, de manière interactive, une véritable prise en compte des mesures préconisées, de sorte que le ministre chargé de l'Economie ne saurait soutenir que les audits en cause n'auraient eu aucune valeur ajoutée ; qu'en ce qui concerne les analyses microbiologiques de suivi, même si elles n'ont pas été systématiquement pratiquées sur l'ensemble des produits fabriqués, force est de constater qu'elles ont bien été effectuées et, ce, conformément à la convention et au cahier des charges, dès lors que ces textes stipulaient que la fréquence des dites analyses seraient sériée en fonction des risques propres à chacun des produits, de sorte que le ministre chargé de l'Economie ne saurait tirer argument de ce que les analyses étaient été moins souvent pratiquées sur les biscuits, eaux et alcools élaborés par cinq autres fournisseurs que sur les produits périssables élaborés par trois traiteurs.

Le tribunal a relevé, enfin, en ce qui concerne le prix des prestations en cause, qu'il est de principe que les parties ont toute liberté pour fixer le prix des produits qu'elles se vendent ou des prestations qu'elles se fournissent ; qu'en l'espèce, les parties ont librement convenu que le prix de la prestation fournie par la SCA au fournisseur serait égal à 2 % du montant du chiffre d'affaires fait par le fournisseur avec la SCA ; que la fixation du prix d'un service en fonction du chiffre d'affaires est licite et qu'en l'espèce le taux de 2 %, conforme aux usages du commerce de la grande distribution, n'a rien de disproportionné.

Le tribunal en a conclu que, dans ces conditions, il n'était pas établi que la SCA, se fût livrée, au cours des exercices 2002-2003, à des pratiques considérées comme illicites par l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce.

Le ministre chargé de l'Economie a interjeté appel de la décision.

Devant la cour de céans,

- Dans ses conclusions des 16 novembre 2007, 9 septembre 2008, 3 septembre 2009, le ministre chargé de l'Economie demande à la cour de déclarer son appel recevable et, statuant sur cet appel, d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance ; de faire droit à ses demandes et de condamner la SCA, sur le fondement des paragraphes I-2° et III de l'article L. 442-6 du Code de commerce, à cesser ses pratiques illicites, à restituer les 230 230 euro qu'elle a indûment perçus sur 8 fournisseurs référencés, à payer une amende civile de 460 000 euro, outre les dépens et 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En ce qui concerne la recevabilité de son appel (contestée par la partie intimée), le ministre soutient que l'appel a été régulièrement formé le 23 juillet 2007, en son nom, par M. Constant Sassi, DRCCRF de Picardie, en vertu d'une délégation de signature donnée à celui-ci par arrêté ministériel en date du 31 juillet 2007 et publiée au JORF du 5 août 2007.

En ce qui concerne la recevabilité de son action (contestée par l'intimée), le ministre soutient que son action a été introduite sur le fondement des paragraphes I-2° et III de l'article L. 442-6 du Code de commerce (ancien article 36 de l'ordonnance 1243 du 1er décembre 1986), du décret du 12 mars 1987 autorisant le ministre chargé de l'Economie à donner délégation pour signer les actes relatifs à l'action visée au III de l'article précité et de l'arrêté ministériel du 25 juillet 2005 déléguant cette signature notamment au DRCCRF de Picardie de l'époque (AM remplacé aujourd'hui par l'AM du 31 juillet susvisé et désignant M. Sassi) ; que, si le 2° du paragraphe I de l'article L. 442-6, rendant illicite l'exigence d'une somme sans contrepartie réelle, a été introduit par une loi du 15 mai 2001 postérieure à la prise du décret du 12 mars 1987, cette "postériorité" est sans influence sur l'architecture et l'esprit des textes (ladite loi ne faisant qu'ajouter "un cas" de plus) et sur la possibilité ouverte au ministre de déléguer sa signature à un DRCCRF pour l'engagement des poursuites en cette matière.

En ce qui concerne la recevabilité de sa demande tendant à la répétition de l'indu, le ministre fait valoir que cette répétition est expressément prévue par le paragraphe III de l'article L. 442-6 et que, s'agissant d'une action autonome et non d'une action de substitution, la recevabilité de cette demande n'est subordonnée ni à l'appel en cause des fournisseurs, concernés par le paiement de l'indu, ni par la production d'un mandat, émanant de ces personnes et tendant à cette répétition, et que cette construction voulue par le législateur n'est contraire ni à la Constitution ni à la CEDH. Il ajoute que cette répétition n'est pas non plus subordonnée à l'annulation préalable de la convention qui a provoqué le paiement de cet indu, car elle n'est qu'une des facultés qui lui sont offertes par le paragraphe III (actions en annulation, en interdiction, en répétition).

Sur le fond, le ministre expose que, si la loi n'interdit pas aux distributeurs et à leurs fournisseurs de passer des conventions de coopération commerciale, en marge de leurs opérations de vente/achat, elle exige néanmoins que de telles conventions ne dissimulent pas des marges arrières qu'une partie imposerait à l'autre en raison de sa situation de force ; qu'en présence d'une telle convention, il convient donc de vérifier si la prestation en cause, qui donne lieu à rémunération, correspond bien à un service réel et que la somme reçue en échange n'est pas disproportionnée ; qu'en l'espèce, la prestation "démarche qualité/suivi des produits" en cause ne répond à aucune de ces deux exigences, dès lors que SCA se fait rémunérer la vérification de la conformité et de la sécurité d'un produit qui lui incombe légalement tout autant qu'à son fournisseur (et qui fait du reste double emploi avec les vérifications que ce même fournisseur accomplit) et dès lors que le prix demandé à raison du service qu'elle prétend rendre à son fournisseur est sans rapport avec le coût réel des audits et analyses qu'elle réalise ; que, comme la loi l'y autorise, il est fondé, ès qualités, d'exiger la cessation de ce genre de pratiques, préjudiciables à la concurrence et à la transparence des marchés, la restitution des sommes ainsi indûment perçues et le paiement d'une amende.

- Dans ses conclusions des 21 avril 2008, 12 mai 2009, 6 octobre 2009, la SCA Produits Régionaux Nord demande à la cour, à titre principal, de déclarer l'appel irrecevable ; à titre subsidiaire, de dire l'action et les demandes du ministre irrecevables ; à titre plus subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les griefs du ministre n'étaient pas fondés.

Sur la recevabilité de l'appel, la SCA soutient que l'appel a été formé le 20 juillet 2007, au nom du ministre, par une personne qui n'avait pas de délégation de signature de la part de ce dernier ; que la production ultérieure d'une délégation de signature donnée par AM du 31 juillet et publiée le 5 août 2007 ne saurait être regardée comme de nature à régulariser un appel formé antérieurement par une personne dépourvue de capacité.

La SCA ajoute qu'en toute hypothèse, la délégation de signature donnée par AM du 31 juillet 2007 prise sur le fondement du décret du 12 mars 2007 ne pouvait donner au titulaire de la délégation le droit d'agir ou d'exercer les voies de recours relatives à l'action prévue par l'article L. 442-6 du Code de commerce, puisque ce texte, issu de la loi du 15 mai 2001, était postérieur au décret de 2007 et que manquait donc un texte autorisant le ministre à déléguer son pouvoir ou sa signature pour l'exercice de l'action prévue à l'article L. 442-6 III du Code de commerce issue de la loi de 2001. Elle ajoutait que, pour les mêmes motifs, l'action engagée en 2005, par le DRCCRF de l'époque, au nom du ministre, était tout aussi irrecevable puisque la délégation de signature, reçue sur le fondement du décret de 2007, était inefficace pour mettre en œuvre une action prévue par une loi postérieure.

La SCA soutient également que, l'action en répétition de l'indu étant une action de substitution, le ministre ne pouvait réclamer la répétition des sommes versées à des tiers sans que ces tiers aient été appelés en la cause ou sans que ces tiers lui aient au préalable donné mandat et que, à défaut, cela conduirait à un enrichissement sans cause du ministre.

La mise en état a été clôturée par ordonnance du 13 octobre 2009 et l'affaire a été fixée au 11 mars 2010 pour plaidoirie.

Postérieurement à l'ordonnance de clôture et mettant à profit le fait que la cour avait accepté un renvoi pour permettre à l'Administration de régulariser sa représentation à l'audience, les parties ont à nouveau conclu (le ministre chargé de l'Economie : les 17 novembre 2010, 23 mai 2011, 14 juin 2011 et la SCA Produits Régionaux Nord : les 20 décembre 2010, 10 février 2011, 27 mai 2011, 14 juin 2011).

Entretemps, statuant sur une QPC, le Conseil constitutionnel a dit pour droit que l'action en répétition de l'indu était conforme à la Constitution et à la CEDH pour autant que les fournisseurs aient été informés de l'action engagée par l'Administration.

Dans le dernier état de leurs conclusions "post-clôture", il convient de relever que le ministre demande le rabat de l'ordonnance de clôture pour régulariser sa procédure et procéder, a posteriori, à l'information des huit fournisseurs dont il est fait mention dans la procédure, tandis que la SCA invoque un nouveau motif d'irrecevabilité de l'appel du ministre (appel formé par LRAR, comme en matière de procédure sans représentation obligatoire, et non par déclaration au greffe, comme en matière de procédure avec représentation obligatoire).

En cet état,

Sur la recevabilité des conclusions déposées après clôture

La cour observe que les parties ne font valoir aucun motif grave qui justifierait le rabat de l'ordonnance de clôture.

En effet, la SCA se borne, pour l'essentiel, à invoquer un nouveau motif d'irrecevabilité, alors qu'elle a déjà très largement conclu sur ce point, tandis que le ministre chargé de l'Economie souhaite régulariser sa procédure en procédant à l'information des fournisseurs, alors que cette question a déjà été très largement débattue en première instance et en cause d'appel avant clôture.

L'affaire étant en état d'être jugée depuis longtemps, la cour déclarera donc irrecevables les conclusions des parties déposées après clôture.

Sur la recevabilité de l'appel

Il convient de rappeler ici, de manière liminaire, que l'article 36 de l'ordonnance 1243 du 1er décembre 1986 a donné, au ministre chargé de l'Economie, le pouvoir d'engager des actions tendant à faire cesser et réprimer certaines pratiques restrictives de concurrence ; que, si ce pouvoir est un pouvoir propre au ministre, un décret du 12 mars 1987 a néanmoins autorisé ledit ministre à donner, à certains fonctionnaires de la DGRCCRF, délégation pour signer, en son nom, les actes relatifs aux actions susvisées ; qu'en application de ce dernier texte et conformément aux règles applicables en matière de délégation de signature, chaque nouveau ministre chargé de l'Economie a dû prendre des arrêtés ministériels portant délégation de signature.

Par LRAR du 20 juillet enregistré le 23 juillet 2007 et au visa des articles 932 et 933 du Code de procédure civile, le DRCCRF de Picardie a, au nom du ministre chargé de l'Economie, interjeté appel du jugement du Tribunal de grande instance de Péronne statuant en matière commerciale, en date du 29 mars 2007, qui, dans les poursuites engagées contre la SCA Produits Régionaux du Nord, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Il apparaît, à la lecture de cette LRAR (cote 1 du dossier), que, contrairement aux affirmations de la DRCCRF, l'appel n'a pas été formé par M. Constant Sassi, directeur régional, mais par M. Michel Lucas, directeur départemental, au nom et par délégation de M. Jacques Rimbert, directeur départemental de l'Oise et directeur régional par intérim, en remplacement de M. Jean-Louis Ceccheto (demandeur en première instance).

Or, si M. Ceccheto avait bien reçu, au visa du décret 87-163 du 12 mars 1987 et par arrêté ministériel en date du 25 juillet 2005 (pièce 322 de l'appelant), de M. Thierry Breton ministre chargé de l'Economie, délégation "pour signer les actes relatifs à l'action prévue à l'article L. 442-6 du Code de commerce", il n'apparaît pas, de la lecture de ce document, qu'il en ait été de même de M. Rimbert. En outre, dès lors qu'elle était consentie à M. Ceccheto "in personam", cette délégation n'a pu être dévolue à M. Rimbert lorsque ce dernier a assuré l'intérim de la DRCCRF de Picardie en lieu et place de M. Ceccheto.

Ainsi, M. Rimbert n'a pu déléguer à M. Lucas, le 20 juillet 2007, le droit de former appel en lieu et place de M. Thierry Breton ministre chargé de l'Economie.

Il pouvait d'autant moins le faire que M. Thierry Breton n'était plus à cette date le ministre chargé de l'Economie. En effet, il ressort des indications fournies par la DRCCRF (page 17 de ses conclusions du 3 septembre 2009), que M. Thierry Breton avait été remplacé dans ces fonctions, par Mme Christine Lagarde, par décret du 19 juin 2007.

La cour ne peut donc que constater que l'appel, formé le 23 juillet 2007 contre le jugement du TGI de Péronne du 29 mars 2007, l'a été par une personne dépourvue de capacité à agir et qu'une telle irrégularité est "une irrégularité de fond" au sens que les articles 117 et 120 du Code civil donnent à ce terme.

Sur ce point, la DRCCRF soutient, en se référant aux dispositions de l'article 121 du Code de procédure civile, que la nullité de l'appel ne saurait être prononcée dès lors que le défaut de capacité à agir a été réparé. Elle fait valoir, en effet, que par arrêté ministériel en date du 30 juillet 2007 publié au JO le 5 août suivant, Mme Christine Lagarde, nouveau ministre chargé de l'Economie, a donné, à M. Sassi, directeur régional, délégation "pour signer les actes relatifs à l'action prévue à l'article L. 442-6 du Code de commerce" et que, de fait, c'est M. Sassi qui a déposé les premières conclusions du ministre le 16 novembre 2007.

La cour ne saurait suivre cette argumentation.

En effet, la DRCCRF soutient que M. Sassi a reçu la "délégation" souhaitée, mais, pour autant, elle n'indique pas à quelle date l'intéressé a été nommé directeur régional de Picardie, alors que la dite délégation a été consentie à l'intéressé "dans la limite de ses attributions et de sa compétence territoriale" (pièce 301-1 de l'Administration).

Par ailleurs, l'appel contre le jugement du 29 mars ayant été formalisé le 20 juillet par M. Rimbert et non par M. Sassi, l'habilitation de ce dernier le 30 juillet ne change donc rien au fait que l'appel a été formé le 20 juillet par un fonctionnaire totalement dépourvu de capacité à agir et que M. Sassi n'a pas régularisé l'appel dans les délais de cette voie de recours, alors qu'il est constamment jugé que "l'irrégularité de fond affectant l'appel ne peut être couverte après l'expiration du délai de recours" (M. Sassi n'a pas réitéré l'appel, alors qu'au mieux le délai pour le faire expirait le 20 août, et ses premières conclusions datent du 16 novembre 2007).

Dans ces conditions, la cour ne peut que déclarer l'appel, formé au nom du ministre de l'Economie par un fonctionnaire dépourvu de capacité, irrecevable.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La partie perdante devant, aux termes de l'article 696 CPC, être condamnée aux dépens, la cour condamnera le ministre chargé de l'Economie, qui succombe, à supporter les dépens d'appel.

La partie perdante devant, en outre, aux termes de l'article 700 du même Code, être condamnée à payer à l'autre partie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, une somme arbitrée par le juge, tenant compte de l'équité et de la situation économique de la partie condamnée, la cour condamnera le ministre chargé de l'Economie à payer à la SCA Produits Régionaux du Nord une somme de 1 500 euro.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Déclare l'appel, formé au nom du ministre de l'Economie par un fonctionnaire dépourvu de capacité à agir, irrecevable ; Condamne le ministre chargé de l'Economie aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Le Roy, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Condamne le ministre chargé de l'Economie à payer à la SCA Produits Régionaux du Nord la somme de 1 500 euro, tous frais de première instance et d'appel confondus, au titre de l'article 700 CPC.