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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 octobre 2011, n° 09-17282

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Autopolis (SA)

Défendeur :

Honda France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

M. Vert, Mme Luc

Avoués :

SCP Bernabe-Chardin-Cheviller, Me Huyghe

Avocats :

Mes Chenard, Dumont-Vayssade, Benazerah, Landault

TGI Paris, du 6 juill. 2009

6 juillet 2009

LA COUR,

Vu le jugement du 6 juillet 2009 par lequel le Tribunal de grande instance de Paris dans le litige opposant les sociétés Autopolis et Honda Motor Europe, dont la nouvelle dénomination sociale est Honda France, a débouté la société Autopolis de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Honda France la somme de 15 387 44 euro, celle de 10 000 euro au titre de la clause pénale, outre la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'appel interjeté par la société Autopolis et ses conclusions du 10 juin 2011 tendant à faire notamment :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a jugé que la résiliation du contrat de concession était abusive en ce qui concerne le marché après-vente et sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société Honda portant sur les soldes de factures impayées,

- condamner la société Honda France à lui verser les sommes suivantes :

* 3 100 000 euro en réparation du préjudice matériel,

* 100 000 euro en réparation du préjudice d'atteinte à l'image,

* 200 000 euro en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l'obligation de bonne foi et de loyauté,

* 1 214 575 euro en réparation du préjudice commercial subi du fait de l'activité concurrentielle, outre de 20 000 euro au titre des frais et hors dépens ;

Vu les conclusions du 19 octobre 2010 de la société Honda France et tendant à faire notamment :

- infirmer la décision entreprise en ce qu'il a dit fautive la résiliation du contrat de concession pour l'activité après-vente et l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 15 414,86 euro réclamée au titre des impayés,

- condamner la société Autopolis à lui payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2007, lesdits intérêts pouvant être capitalisés dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

- la condamner à lui payer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 20 000 euro ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société HME-S, désormais Honda France (ci-après Honda), importe et distribue en France divers matériels portant sa marque, dont des véhicules automobiles, par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires.

C'est ainsi qu'un premier contrat de concession fut conclu le 12 juillet 1991 puis un deuxième le 6 juillet 1992 avec la société Autopolis à Nice constituée pour la circonstance par les consorts Ayache/Darmon.

En 1996 de nouveaux contrats de concession furent ainsi signés en raison de l'entrée en vigueur du règlement automobile d'exemption n° 1475-95 puis le 7 août 2003 en application du nouveau règlement n° 1400-2002, la société Autopolis devenant ainsi le distributeur exclusif des produits Honda dans le département des Alpes Maritimes.

Dans le courant du premier semestre 2005, les consorts Ayache/Darmon conclurent avec la société Ford France, au travers de la société Automotiv SAS spécialement constituée à cet effet, un contrat pour la distribution de la marque Ford dans les locaux jusque-là exclusivement dédiés à la marque Honda.

Ainsi, et suite à un rendez-vous au siège de la société Autopolis à Nice, le 3 février 2005, cette dernière faisait part pour la première fois à la société Honda de sa volonté d'implanter la marque Ford dans les locaux où était exploitée la concession Honda et lui adressait le 9 février 2005, son projet de partage desdits locaux entre les deux marques.

A la suite de cet envoi, une réunion se tenait au siège de la société Honda.

A cette occasion, la société Honda faisait part de la grande déception qu'elle avait éprouvée lorsque la société Autopolis lui avait fait part des discussions qu'elle avait engagées avec la marque Ford et refusait, dans un courrier du 25 février 2005, la réduction de la surface commerciale dédiée à la marque Honda tout en demandant à la société Autopolis de lui faire connaître les moyens qui pourraient être mis en œuvre pour conserver une représentation exclusive sur Nice.

Le 11 mars 2005, la société Autopolis adressait à la société Honda un courrier dans lequel elle indiquait ne pas comprendre ses réticences sur son projet et confirmait qu'elle ne pouvait refuser l'opportunité qui lui était offerte de représenter la marque Ford.

Par courrier du 25 avril 2005, la société Honda résiliait le contrat de concession conclu avec la société Autopolis moyennant un préavis de deux ans. Dans ce courrier, la société concédante précisait les différents motifs ayant entraîné la perte de confiance dans les dirigeants de la société Autopolis, perte de confiance à l'origine de la rupture ordinaire du contrat.

C'est dans ces conditions de fait et de droit que, par acte du 22 février 2006, la société Autopolis a assigné la société Honda devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins d'indemnisation du préjudice tant matériel que moral qu'elle estimait avoir subi du fait de la résiliation prononcée et qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré.

En ce qui concerne la demande principale formée par la société Autopolis

Considérant qu'il sera, tout d'abord, rappelé que l'article 81 § 1 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 101 § 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) interdit les accords entre entreprises "qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun" ; que, toutefois, la Commission européenne a édicté à plusieurs reprises des communications concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 101 § 1 du traité, la dernière en date étant la communication n° 2001-C 368-C du 22 décembre 2001, dite communication " de minimis " ; que, par ailleurs, l'article 101 § 1 est applicable aux accords ne comportant pas de clauses permettant d'opérer des restrictions caractérisées de concurrence, lesquelles sont définies tant au point 11 de la communication " de minimis " qu'à l'article 4 du règlement n° 1400-2002 ; qu'à supposer même que certaines pratiques se révèlent contraires à l'article 101 § 1 susmentionné, il échet de rappeler qu'aux termes de l'article 101 § 3 peuvent bénéficier d'une exemption, et par conséquent échappent à l'interdiction édictée à l'article 101 § 1 et à la nullité visée à l'article 101 § 2, tous accords ou pratiques concertées " qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans :

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ;

b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence " ; que ces exemptions peuvent être notamment accordées à titre collectif au travers d'un règlement d'exemption par catégorie dont celui susvisé concernant la distribution automobile est celui applicable à la présente instance ; que ce texte opérant une distinction entre l'activité de vente de véhicules automobiles neufs, d'une part, et l'activité de vente de pièces de rechange et de prestations de service de réparation et d'entretien, d'autre part, il convient d'examiner séparément les deux activités dont chacune correspond à des marchés pertinents distincts ;

Considérant, en l'espèce, que sans que les recommandations de la Commission européenne puissent priver le juge saisi de son pouvoir d'appréciation à cet égard, il sera relevé qu'en vertu de la communication n° 2001-C 368-07 dite " de minimis " les accords des fournisseurs dont la part de marché n'excède pas 5 % ne peuvent en général avoir pour effet de restreindre la concurrence ; qu'il n'est pas utilement contesté en l'occurrence que la part du constructeur Honda sur le marché des véhicules automobiles neufs n'excède pas 0,5 %, soit une part très en-deçà du seuil de sensibilité de 5 % et excluant que l'intimée eut été à même par son comportement d'affecter sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 101 § 1 susvisé ; que si la société Autopolis soutient, néanmoins, " que la Communication de la Commission n'ayant pas force de loi, il appartient aux juridictions nationales d'apprécier les éventuelles restrictions en cause découlant d'un accord de distribution quand bien même le fournisseur détiendrait moins de 5 % de part de marché et que lesdites restrictions ne seraient pas caractérisées ", et que " les faits reprochés à la société Honda (...) sont d'une particulière gravité au regard du Règlement d'exemption ", cette dernière ayant en effet, selon l'intéressée, affirmé son opposition au multimarquisme, laquelle doit être sanctionnée par la perte de l'exemption sinon de l'accord entier, du moins de la clause contractuelle concernée, et si certaines restrictions d'une particulière gravité peuvent effectivement faire échec au bénéfice de la communication " de minimis " susvisée alors même que la part de marché se situerait en-dessous du seuil prévu, il convient de souligner qu'il s'agit uniquement des " restrictions caractérisées " de concurrence définies au point 11 de ladite communication et visant au cloisonnement du marché par l'octroi d'une protection territoriale absolue, par l'interdiction d'importations parallèles ou par l'imposition d'un prix de revente minimum; qu'aucune de ces restrictions ne pouvant être utilement reprochée à la société intimée, celle-ci doit être considérée comme n'étant pas soumise au règlement d'exemption 1400-2002 pour l'activité de vente de véhicules neufs ;

Considérant que le contrat de concession litigieux concerne également l'activité de réparation et de service après-vente ; que s'agissant du bénéfice d'une éventuelle exemption de l'accord litigieux, il sera rappelé qu'aux termes de la brochure explicative afférente au règlement 1400-2002 : " en pratique, compte tenu de l'information disponible, il y a de fortes chances que les seuils de part de marché " de minimis " soient dépassés dans le cas des accords conclus par un constructeur automobile et son réseau de réparateurs agréés pour la fourniture de pièces de rechange et les services de réparation et d'entretien propres à la marque " ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la part du constructeur sur ce marché est d'au moins 30 % ; qu'ainsi le contrat liant les parties ne pouvait bénéficier de l'exemption par catégorie prévue par ledit règlement ; que la société Honda n'apporte pas non plus la démonstration d'une exemption de l'accord litigieux sur une base individuelle au titre de l'article 101 § 3 du TFUE ; qu'en conséquence, les stipulations conventionnelles afférentes à ladite activité doivent être regardées comme rentrant dans le champ d'application dudit règlement ; qu'à ce sujet la société [Autopolis] soutient que celui-ci aurait été violé au double motif que " la société Honda s'est opposée à ce que son concessionnaire exerce une activité multimarque sur le marché de l'après-vente ", ce qui, à son sens, constituerait un manquement à l'article 5 § 1 point a du règlement, et que " la motivation de la résiliation du contrat manque singulièrement de clarté et de transparence " s'agissant en ce cas d'un manquement à l'article 3 § 4 du règlement ;

Considérant, toutefois, qu'il échet d'observer que la mise en place d'une politique de monomarquisme pour l'activité de vente de véhicules neufs par la société Honda est sans influence sur l'existence d'une activité après-vente multimarque de ses concessionnaires ; qu'en tout état de cause, il est constant que la société Autopolis pouvait poursuivre l'activité après-vente dans le cadre d'un contrat de distribution sélective qualitative après l'expiration du contrat pour autant qu'elle continuât à respecter les critères exigés par le constructeur ; que la société Honda lui avait au demeurant formellement rappelé cette possibilité par un courrier du 21 mars 2007 ; qu'à aucun moment, au cours de l'exécution du préavis postérieurement à l'expiration des relations contractuelles, la société Autopolis ne justifie s'être portée candidate à la souscription d'un tel contrat dit contrat CSR (Centre de service et de réparation Honda) ;

Considérant que s'agissant du deuxième point, la société Autopolis soutient que la motivation de la résiliation manquait " de clarté et de transparence ", que la société Honda " se devait d'apporter toutes explications utiles sur la notion de perte de confiance et sur le contexte qui l'aurait motivée " et que la résiliation serait donc contraire à l'article 3 § 4 du règlement qui impose au fournisseur de spécifier " les raison objectives et transparentes de la décision de résiliation " ; que, cependant, il sera rappelé qu'un règlement d'exemption n'établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu du contrat, mais se limite à établir les conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction et, par conséquent, à la nullité de plein droit prévue par l'article 101 § 1 et 2 du traité ; que, de même, le règlement invoqué n'a pas non plus pour effet de rendre nul un contrat lorsque toutes les conditions définies par le règlement ne sont pas remplies ; que, dans une telle hypothèse, le contrat en cause ne tombe sous l'interdiction de l'article 101 § 1 du traité que pour autant qu'il a pour objet ou pour effet de restreindre de façon sensible la concurrence à l'intérieur du Marché commun et est de nature à affecter sensiblement le commerce entre Etats membres ; qu'en l'occurrence et dès lors qu'ainsi qu'il a été ci-dessus énoncé, les manquements allégués au titre du contrat dans le cadre de l'activité après-vente, comme la résiliation litigieuse elle-même, sont dépourvus de tout effet anticoncurrentiel et ne constituent aucunement la mise en œuvre de pratiques restrictives de concurrence ayant pour objet ou pour effet de fausser le jeu de celle-ci (la société Autopolis ayant tout loisir de poursuivre une activité après-vente postérieurement au terme du contrat de concession), cette dernière ne saurait utilement exciper des dispositions du règlement d'exemption afférentes à l'obligation de motiver par des raisons objectives et transparentes le prononcé de la résiliation de contrats de concession ; qu'en effet, l'objet de sa demande n'est pas le prononcé de la nullité du contrat de concession en ce qu'il serait anticoncurrentiel et en ce que la société Honda ne pourrait en conséquence se prévaloir de l'exemption par catégorie dans la mesure où cette convention ne comporterait pas d'obligation de motivation objective au sens du règlement applicable mais tend à la seule reconnaissance du caractère abusif de la rupture ; que, par suite, il y a lieu d'apprécier la demande ainsi formulée au regard des seules règles du droit national applicable ;

Considérant dans ce cadre qu'il sera, tout d'abord, rappelé que, sauf à méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et l'aléa économique inhérent à la vie des affaires, le concessionnaire ne dispose d'aucun droit à la poursuite indéfinie du contrat de concession ; qu'en l'espèce, le contrat conclu le 7 août 2003 était un contrat à durée indéterminée et à ce titre chacune des parties pouvait y mettre fin à tout moment moyennant le respect du préavis prévu ainsi que l'énonce son article 33 aux termes duquel: " le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée et pourra être résilié par chacune des parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à l'autre partie, moyennant un délai de préavis d'au moins deux ans, sans indemnité et sans que la partie prenant l'initiative de la résiliation n'ait à motiver sa décision (...) " ; qu'ainsi la société Honda n'était nullement tenue de justifier un motif légitime, peu important dès lors les critiques articulées par la société Autopolis sur les motifs avancés dans la lettre de rupture, étant en outre relevé que la durée conventionnelle du préavis doit être regardée comme suffisante au regard de celle des relations ayant uni les parties ; que s'il est néanmoins toujours loisible à l'appelante de rechercher un éventuel abus de la part du concédant dans l'exercice de son droit à résiliation, l'abus se doit d'être caractérisé ; qu'il y a, par suite, lieu de relever positivement les éventuelles circonstances propres à rendre abusive la résiliation critiquée ;

Considérant qu'outre le fait que la durée ci-dessus rappelée du préavis exclut de caractériser d'abusif le délai accordé au concessionnaire avant l'intervention effective de la rupture, il sera souligné que le concédant n'a rompu les relations contractuelles qu'après avoir rencontré le concessionnaire et échangé avec lui différents courriers lui permettant de la sorte de faire valoir ses éventuelles observations ; que, par ailleurs, si le concessionnaire a effectué d'importants investissements qu'il évalue à 5 303 641 euro pour représenter la marque, il n'établit nullement que ceux-ci eussent été effectués peu avant la notification de la résiliation ou qu'ils eussent été réalisés après que le concédant l'eût entretenu dans l'illusion erronée de la pérennité du lien les unissant ; que, sur ce point, l'appelante ne démontre ni l'existence d'incitation tardive à effectuer des investissements qui n'auraient pu, en tout état de cause être amortis ni même que les investissements litigieux, qui remontent pour l'essentiel à son entrée dans le réseau, eussent été spécifiques à la marque et conçus pour satisfaire aux seules exigences de la mise aux normes de Honda et non pas simplement indispensables à l'exploitation normale de toute concession automobile ; qu'au surplus lesdits investissements ont été, pour une part, réalisés non par la société Autopolis mais par la SCI Elisa, propriétaire des murs ; que, plus généralement, le concessionnaire n'a nul droit acquis à la poursuite des relations contractuelles avec le concédant à l'issue du préavis de résiliation d'un précédent contrat de concession auquel il a été régulièrement mis fin et il appartient en effet à tout opérateur économique, conformément au principe de la liberté du commerce et de l'industrie ainsi que de l'autonomie contractuelle, de choisir en toute indépendance ses partenaires commerciaux, l'importance des investissements auparavant effectués ne pouvant davantage être de nature à priver le concédant de ce droit au libre choix de ses futurs contractants ; qu'enfin les différents motifs invoqués dans la lettre de résiliation du 25 avril 2005 dont le principal était la volonté du concessionnaire de réduire la surface de vente dédiée à la marque Honda en ne lui accordant qu'une " représentation minimum ", ne comportent en eux-mêmes aucun caractère abusif et ne sont pas susceptibles, en l'absence de tout autre élément extrinsèque, de révéler une quelconque mauvaise foi de la part de l'intimée dans l'exercice du droit de rompre ainsi qu'un manquement à la bonne foi qui doit présider aux relations contractuelles conformément aux exigences de l'article 1134 du Code civil ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence ci-dessus démontrée de circonstances propres à rendre abusive la résiliation notifiée dans le délai contractuel du préavis, la société Autopolis ne peut solliciter une quelconque indemnisation à ce titre ;

Sur les actes déloyaux reprochés par l'appelante à l'intimée pendant la période d'exécution du préavis

Considérant, tout d'abord, que la cour fait siens les motifs pertinents, précis et détaillés retenus par les premiers juges concernant la facturation prétendument injustifiée de la pose d'enseigne et la revalorisation de la caution également critiquée par l'intimée ; qu'il sera seulement précisé sur ce dernier point qu'eu égard aux multiples blocages de commandes pour plafond d'encours atteint au cours de l'année 2005 et au développement escompté des ventes de la marque Honda au niveau national pour l'année 2006, il est apparu que la ligne de crédit de 642 000 euro définie en février 2004 devenait manifestement insuffisante et devait être portée à 750 000 euro et, corrélativement, la caution correspondant à un tiers de ligne de crédit, passer de 214 000 euro à 250 000 euro ; qu'il s'agit du simple jeu des stipulations contractuelles liant le montant de la caution bancaire à la ligne de crédit et à la structure financière du concessionnaire ;

Considérant, en deuxième lieu, que les retards de livraison des véhicules neufs, également reprochés par la société Autopolis, sont la résultante de blocages de commande, eux-mêmes imputables à l'insuffisance de la ligne d'encours, elle-même due au montant insuffisant de la caution que la société Autopolis s'était refusée à revaloriser malgré la demande formée à cet effet par l'intimée ;

Considérant, en troisième lieu, que si la société Autopolis fait grief à la société intimée d'avoir multiplié de façon intempestive ses contrôles de stock, l'article 30.3 du contrat de concession autorise précisément le concédant à accéder aux locaux et à contrôler le stock de véhicules, lesquels sont, conformément à l'article 15 dudit contrat, livrés avec clause de réserve de propriété jusqu'au complet paiement du prix ; qu'ainsi que les premiers juges l'ont, à juste titre, souligné, le concessionnaire ne précise pas de quelle façon les contrôles, dont il n'indique pas les dates exactes et se borne à affirmer la fréquence excessive, n'étaient pas effectués à des intervalles raisonnables compte tenu du montant de la ligne de crédit-fournisseur et des variations de celle-ci ; qu'il n'établit ni la faute du concédant ni le préjudice ayant pu en résulter ; que, de même, la société Autopolis ne saurait reprocher à la société intimée de subordonner toute nouvelle livraison de véhicules neufs à un paiement comptant dès lors précisément qu'elle s'opposait au contrôle de son stock;

Considérant, en quatrième lieu, que les observations et questions adressées par la société Honda à l'endroit du bilan arrêté au 31 mars 2006 par la société Autopolis étaient directement liées au maintien à cette dernière de sa ligne de crédit et révélaient un simple et légitime souci gestionnaire dépourvu de tout aspect vexatoire ou discriminatoire ;

Considérant, en dernier lieu, que la société Autopolis reproche aussi à la société Honda d'avoir " implanté un nouveau concessionnaire au 5 avenue Désambrois, étant rappelé que la société Autopolis est, quant à elle, située au 6 avenue Désambrois ", " que la nomination d'un concessionnaire sur le territoire de la société Autopolis est une violation du contrat de concession " et que " en tout état de cause, quand bien même le centre ouvert au 5 avenue Désambrois serait un réparateur agréé, une telle nomination constitue également une violation du contrat puisque la notion de concessionnaire pour les produits recouvre l'activité d'un réparateur agréé " ; que la cour fait également siens les motifs exposés par les premiers juges pour écarter ces critiques ; qu'il sera seulement précisé que si la société Honda a effectivement conclu le 1er avril 2006 avec la société GHC Automobiles 5 avenue Désambrois à Nice un contrat de centre service et réparation, la société Autopolis avait cessé d'exploiter le hall d'exposition du 6 avenue Désambrois depuis le mois d'août 2003 ; que, par ailleurs et en application du règlement 1400-2002, la société Honda ne pouvait accorder une quelconque exclusivité à la société Autopolis pour la fourniture de pièces de rechange et de services de réparation et d'entretien, activité qui ne pouvait être organisée que dans le cadre d'une distribution sélective purement qualitative ; que c'est la raison pour laquelle la société Honda, ainsi qu'elle l'a indiqué dans son courrier du 27 juin 2006, a agréé la société GHC Automobiles à Nice dans la mesure où cette dernière remplissait les critères qualitatifs requis, critères fixés d'une manière objective et appliqués de façon non-discriminatoire ; que c'est aussi la raison pour laquelle la société Honda a indiqué le 21 mars 2007 à la société Autopolis, dont le contrat de concession vente et après-vente allait arriver à terme, qu'elle était disposée à lui proposer un contrat de concession après-vente (contrat CSR) pour autant qu'elle satisfasse aux critères de sélection ;

Considérant, également, que si la société Autopolis soutient que la conclusion par la société Honda d'un contrat avec la société GHC Automobiles en 2006, fut-ce en qualité de réparateur agréé, constituerait une violation du contrat de concession conclu le 7 août 2003 et si elle invoque à l'appui de son argumentaire les dispositions des articles 1.4, 2.3 et 2.4 dudit contrat, il échet de relever, que le règlement communautaire susvisé ne permettant pas d'accorder une quelconque exclusivité pour la fourniture de pièces de rechange et de services de réparation et d'entretien, le terme " produits " recouvre en réalité uniquement les véhicules neufs de la marque Honda, le contexte, à savoir le règlement 1400-2002, ne permettant pas en effet au terme " produits " de recouvrir les pièces de rechange et le service après-vente pour ce qui est de l'exclusivité territoriale concédée ; que, par suite, l'exclusivité prévue au contrat de concession dont bénéficiait la société Autopolis était également limitée à l'activité de vente de véhicules neufs et la société intimée en droit de conclure avec la société GHC Automobiles un contrat CSR portant sur la vente de pièces de rechange et les prestations de service d'entretien et de réparation des véhicules ;

Considérant qu'il ressort de ce qui précède que la société appelante ne rapportant la preuve de la commission par la société intimée d'aucune faute tant dans l'exercice de son droit de résiliation ordinaire que pendant le cours du préavis concédé, l'intéressée ne peut qu'être déboutée de ses demandes indemnitaires formées de ces chefs et ce, sans qu'il soit besoin d'examiner la réalité des préjudices dont elle fait état ;

En ce qui concerne les prétentions reconventionnelles formées par la société Honda France

Considérant que s'agissant des demandes relatives à " la nouvelle identification " ainsi qu'au " refus de dépose des anciennes enseignes " la cour adopte les motifs énoncés par le jugement pour condamner à ces deux titres la société Autopolis au paiement, d'une part, de la somme de 15 387,44 euro correspondant à la facture Honda n° 0082020612 du 22 mars 2006, augmentée d'un intérêt égal à 1,5 fois le taux de l'intérêt légal à compter du 30 avril 2006, date d'échéance de la facture et ce, conformément aux termes de l'article 13.3 du contrat de concession, d'autre part, de celle de 10 000 euro au titre de la clause pénale stipulée à l'article 34.7 dudit contrat et réduite à bon droit par les premiers juges au regard du préjudice qui n'est autre que de principe subi à ce titre par l'intimée et du caractère en conséquence manifestement excessif du montant conventionnellement prévu de 200 euro par jour de retard ;

Considérant, enfin, que la société intimée justifie, par les pièces produites et, notamment, par son tableau récapitulatif détaillant les numéros de factures et des avoirs litigieux, leur montant précis ainsi que leur objet, de la somme des impayés, certains venus au demeurant à échéance après la fin du contrat liant les parties, afférents aux véhicules et pièces de rechange dont la société Autopolis est demeurée débitrice et qui se monte à 15 414,86 euro, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2007, date de notification des conclusions formant cette demande, les intérêts échus étant eux-mêmes capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

Considérant qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit fautive la résiliation du contrat de concession pour l'activité de réparation et de service après-vente et débouté la société Honda, anciennement dénommée HME-S de sa demande en paiement de 15 414,86 euro réclamée au titre des impayés, de l'infirmer de ces chefs et statuant à nouveau, de dire non fautive la résiliation du contrat de concession pour l'activité de réparation et de service après-vente et de condamner la société Autopolis à payer à la société Honda France la somme de 15 414,86 euro au titre des impayés avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2007, lesdits intérêts étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, l'appelante étant déboutée de l'ensemble de ses prétentions.

Par ces motifs : Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit fautive la résiliation du contrat de concession pour l'activité de réparation et de service après-vente et débouté la société Honda, anciennement dénommée HME-S, de sa demande en paiement de la somme de 15 414,86 euro réclamée au titre des impayés. L'infirme de ces chefs. Et statuant à nouveau, Dit non fautive la résiliation du contrat de concession pour l'activité de réparation et de service après-vente. Condamne la société Autopolis à payer à la société Honda la somme de 15 414,86 euro au titre des impayés avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2007, lesdits intérêts étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil. Déboute la société Autopolis de l'ensemble de ses demandes. La condamne aux dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile. La condamne aussi à verser à la société Honda la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.