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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 27 octobre 2011, n° 10-07215

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Peintures Marius Dufour (Sté)

Défendeur :

Gedex (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mmes Beauvois, Poinseaux

Avoués :

SCP Gas, SCP Jullien Lecharny Rol Fertier

Avocats :

Mes Boris Lipszyc, Leaustic

T. com. Nanterre, 3e ch., du 14 sept. 20…

14 septembre 2010

Vu l'appel interjeté par la société Peintures Marius Dufour d'un jugement rendu le 14 septembre 2010 par le Tribunal de commerce de Nanterre, lequel :

- a constaté la rupture brutale des relations commerciales ayant lié la société Peintures Marius Dufour à la société Générale d'expansion Gedex, du fait de cette dernière,

- a condamné la société Générale d'expansion Gedex à payer à la société Peintures Marius Dufour une indemnité de 34 174 euro en réparation du préjudice subi, déboutant pour le surplus,

- a condamné la société Générale d'expansion Gedex à payer à la société Peintures Marius Dufour la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

Vu les écritures en date du 28 juin 2011, par lesquelles la société Peintures Marius Dufour demande à la cour, au visa des articles L. 442-6 I 5° et L. 442-6-IV du Code de commerce, de confirmer cette décision, sauf sur la réparation de son préjudice et :

- de condamner la société Générale d'expansion Gedex à lui payer la somme de 252 947,44 euro à titre d'indemnité forfaitaire à titre de dommages et intérêts,

- de débouter la société Générale d'expansion Gedex de l'ensemble de ses demandes,

- de la condamner au paiement de la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction ;

Vu les dernières écritures en date du 22 juin 2011, aux termes desquelles la société Générale d'expansion Gedex prie la cour, dans le cadre de son appel incident et au visa des articles L. 442-6 I 5° du Code de commerce, 1134 et 1147 du Code civil, outre divers Dire et juger et Constater, d'infirmer ce jugement et :

- de débouter la société Peintures Marius Dufour de ses demandes irrecevables et mal fondées,

- de la condamner à lui verser la somme de 4 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance avec distraction ;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :

- Dans le cadre de quatre contrats des 1er janvier 1998, 14 octobre 1999, 2 janvier 2006 et 19 septembre 2007, la société Peintures Marius Dufour, fabricant de peintures, a été référencé comme fournisseur de peintures conditionnées sous la marque Gedimat et destinées à la société Générale d'expansion Gedex, groupement d'adhérents négociants en matériaux et équipements de construction, exerçant dans 411 points de vente sous l'enseigne Gedimat ;

- ces produits n'ont plus figuré dans les catalogues Gedex à compter de l'année 2008 et les adhérents du groupement n'ont passé sur cet exercice qu'une commande de 2 800 euro, alors que le chiffre d'affaires de l'année 2007 se montait à la somme de 200 000 euro environ ;

- le 30 juillet 2008, la société Peintures Marius Dufour a réclamé la reprise des stocks et le 8 août 2008, a émis une facture d'un montant de 208 787,79 euro, correspondant à son stock de produits finis et d'emballages Gedimat, sans en obtenir le règlement ;

- par ordonnance du 9 janvier 2009, le président du Tribunal de commerce de Nanterre a dit n'y avoir lieu à référé, en raison de la contestation sérieuse de la société Peintures Marius Dufour ;

- par acte d'huissier de justice du 26 novembre 2008, la société Peintures Marius Dufour a assigné la société Gedex aux fins d'indemnisation forfaitaire, en référence à son chiffre d'affaires, de son préjudice causé par la brutalité de la rupture de leurs relations commerciales ;

Sur la rupture des relations commerciales :

Considérant que la société Peintures Marius Dufour, rappelant l'engagement de la société Gedex à assurer la promotion de ses produits, soit à les faire figurer dans les catalogues destinés à sa clientèle et dans ceux affectés aux professionnels, lui reproche leur brutale disparition du catalogue 2008, au profit de ses concurrents, entraînant ainsi l'arrêt des commandes ;

Qu'elle souligne la commercialisation, sous la marque Gedimat, d'une gamme de dix-sept produits, selon un nuancier spécifique de sélection, exclusivement par la plate-forme de référencement Gedex, et demande la confirmation du jugement ayant constaté la rupture brutale des relations commerciales aux torts de la société Gedex ;

Considérant que la société Gedex, invoquant un rôle de centrale de référencement, soutient être intervenue en tant que mandataire de ses adhérents, ne jamais avoir pris d'engagement pour son compte, autres que ceux du référencement et de la promotion des produits auprès de ses adhérents, et notamment sur des commandes minimales en leur nom ;

Qu'elle conteste l'existence d'une fabrication, soit d'une formulation spécifique à destination de ses adhérents, renvoyant à la société Peintures Marius Dufour la mise au point d'un nuancier spécifique et la gestion de ses stocks, et soutient son maintien dans le fichier informatique ;

Que, soulignant qu'il appartenait à la société Peintures Marius Dufour de promouvoir directement ses produits, elle lui reproche un manque d'activité dans ses relations avec les adhérents, son refus de mener une politique commerciale active, ses carences se traduisant par une perte de clientèle, reprises lors des réunions de son comité d'entreprise, lui renvoyant ainsi la responsabilité de la rupture des relations commerciales ;

Qu'elle soutient la décision d'un arrêt de commandes et non de déréférencement, le maintien de la société Peintures Marius Dufour dans le fichier informatique Tellus et le niveau des commandes poursuivies sous sa marque et non plus sous marque Gedimat ;

Considérant qu'en droit, aux termes de l'article L. 442-6-I du Code de commerce, Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, (..) 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels; Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur;

Qu'en l'espèce, les relations commerciales continues des parties à compter de l'année 1998 sont établies par les contrats des 1er janvier 1998, 14 octobre 1999, 2 janvier 2006 et 19 septembre 2007 ;

Que la société Gedex était ainsi engagée à référencer les produits Marius Dufour sous la marque Gedimat et à en assurer la promotion par des prestations auprès des adhérents, obligations prises personnellement et non en qualité de mandataire de ses adhérents, lesquels n'étaient engagés que par leurs commandes ;

Qu'il n'est pas contesté que la société Gedex a rompu ces relations commerciales en omettant ces produits du catalogue 2008, rupture qu'elle impute aux carences et manquements de la société Peintures Marius Dufour ;

Que cette rupture n'a cependant pas été annoncée à la société Peintures Marius Dufour et qu'aucun préavis, contractuel ou d'usage, n'a donc pu courir ; que le caractère brutal ainsi établi de l'arrêt du référencement et de la promotion a causé à la société Peintures Marius Dufour un préjudice dont la société Gedex doit réparation ;

Sur les demandes financières :

Considérant que la société Peintures Marius Dufour demande la réformation de la décision sur la réparation de son préjudice, au titre du stock invendu et du manque à gagner ;

Qu'elle fait valoir l'ampleur du stock de produits sous marque Gedimat et d'emballages invendus dans ses entrepôts, ainsi que certifié par son commissaire aux comptes et résultant de deux procès-verbaux de constat, résultant de son obligation de livrer les commandes sous un délai de huit jours et lui imposant de les anticiper, et souligne le préjudice causé à cet égard par le défaut de préavis;

Qu'elle réclame à ce titre la somme de 183 945,07 euro toutes taxes comprises, représentant le coût du stock de produits finis, de 41 091,16 euro hors taxes, le coût de leur production, soit les frais d'usine et de main d'œuvre, de 86 854,56 euro hors taxes, et le coût des emballages vides, de 36 977,44 euro hors taxes, ainsi que, pour la somme de 29 968,23 euro hors taxes, soit 35 842 euro toutes taxes comprises, les frais de destruction des 59,936 tonnes de produits refusés par la société Gedex, à 500 euro la tonne, soulignant être dans l'impossibilité matérielle et juridique de les revendre;

Que, réclamant le doublement du délai contractuel de préavis de trois mois, en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, elle réclame, au titre du manque à gagner, la somme de 57 694,29 euro hors taxes ou 69 002,37 euro toutes taxes comprises, soit la différence entre le prix de vente hors taxes des produits et le coût de leur stock, avec un taux de marge brute de 71,57 %, analysé comme la différence entre le coût des matières premières et la facturation;

Qu'elle insiste sur la mauvaise foi de la société Gedex, laquelle ne l'a pas informée de sa décision, préalablement à la suppression de ses produits des catalogues, et l'a remplacée par un fournisseur offrant de nouveaux produits sous la marque Gedimat, sans s'enquérir de l'état de ses stocks ;

Considérant que la société Gedex fait valoir subsidiairement que, le préavis prévu au contrat du 19 septembre 2007 étant de trois mois, l'article L. 442-6 I 5° ne peut s'appliquer à un préavis contractuel, mais à un préavis normal, inapplicable en l'absence de niveau minimum de commandes visé au contrat, et ne garantissant donc pas l'écoulement du stock ;

Qu'observant qu'aucun élément n'est produit, permettant de préciser le détail et les quantités d'emballages et de stocks présents en janvier ou juillet 2008, elle rappelle que son dernier engagement à ce sujet, portant sur 5 000 emballages, date du mois de juillet 2001, et que la mauvaise gestion de ses stocks par la société Peintures Marius Dufour ne peut lui être imputée ;

Qu'elle souligne qu'aucun élément n'est produit à l'appui des affirmations de la société Peintures Marius Dufour, autre qu'un listing informatique, qu'elle n'en est pas à l'origine et que la nécessité de détruire les stocks résulte d'un changement de législation sur la composition des peintures ;

Qu'elle relève que la société Peintures Marius Dufour, se prévalant d'un préavis de six mois, réclame son indemnisation en référence à un chiffre d'affaires d'une année, avec un taux de marge injustifié, et conteste toute désorganisation entraînée par la perte de 1 % du chiffre d'affaires de cette société ;

Considérant que l'indemnisation du préjudice résultant du caractère brutal de la rupture ne peut être étendue à celui résultant de cette rupture, mais s'entend de l'absence de préavis et de ses conséquences sur l'activité de la société Peintures Marius Dufour ;

Qu'au titre de l'importance du stock restant, celle-ci ne fournit aucun élément pertinent sur la durée nécessaire à son écoulement et des renseignements fluctuants sur sa quantité, par ses courriers de réclamation, ses demandes devant le juge des référés, puis devant le tribunal de commerce et enfin devant la cour, justifiant l'estimation fixée dans le jugement à la somme de 20 000 euro;

Que le manque à gagner invoqué, à compter d'un chiffre de marge dont le tribunal de commerce a corrigé le caractère excessif, se rapporte à la rupture d'un contrat de fourniture et non d'une rupture brutale de relations commerciales, et ne peut être entièrement imputé à la brutalité de l'arrêt du référencement ;

Que compte tenu de ces éléments, c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont évalué à la somme de 34 174 euro le montant de l'indemnisation, dont 14 174 euro en référence à un préavis de trois mois; que cependant, en application de l'article L. 442-6 I 5°, cette durée minimale de préavis doit être doublée en réparation de son préjudice sera confirmée, la portant à 28 348 euro ;

Que la société Gedex sera en conséquence condamnée au paiement de la somme de 48 348 euro ;

Sur les autres demandes :

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société Peintures Marius Dufour la charge de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, - Confirme la décision déférée, sauf sur le montant des réparations, - Statuant à nouveau, Condamne la société Gedex à payer à la société Peintures Marius Dufour la somme de 48 348 euro à titre de dommages et intérêts, - Y ajoutant, Condamne la société Gedex à payer à la société Peintures Marius Dufour la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - Condamne la société Gedex aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.