Cass. com., 2 novembre 2011, n° 10-26.656
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Mercialys (SNC)
Défendeur :
Marketing & distribution (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
Me Blondel, SCP Vincent, Ohl
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Marketing & distribution, agence de publicité et de conseils en communication exerçant sous l'enseigne Cryptone, a, le 11 mars 2008, assigné la société Mercyalis, qui gère les centres commerciaux du groupe Casino, en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie qu'elle prétendait entretenir avec elle depuis 1998 ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Mercyalis fait grief à l'arrêt de sa condamnation alors, selon le moyen, que la rupture brutale des relations commerciales n'est source de responsabilité que s'il s'agit d'une relation établie ; que cette condition suppose, non seulement que la relation soit durable, mais aussi que la victime de la rupture ait pu légitimement croire en sa stabilité ; qu'en ne recherchant pas si cette seconde condition était remplie, contrairement à ce que soutenait la société Mercialys, qui rappelait que les conventions successivement conclues ne procédaient d'aucun accord-cadre, que ces conventions portaient sur des prestations déterminées dont l'exécution était limitée dans le temps et que la société Marketing & distribution était du reste parfaitement consciente de la précarité de la relation commerciale, puisqu'elle avait elle-même pris l'initiative d'adresser à la société Mercialys le 5 septembre 2007 ses propositions concernant la PAC 2009-2010 accompagnées d'un devis, la cour prive son arrêt de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir constaté qu'un premier contrat pour la stratégie globale de communication, qui visait des prestations à réaliser jusqu'en mars 1999, avait été conclu entre la société Casino Guichard et la société Cryptone le 17 décembre 1998, puis qu'à partir de mars 2001, l'Immobilière Groupe Casino, qui avait succédé à la société Casino Guichard, a signé avec la société Marketing & distribution, qui avait elle-même acquis le fonds de commerce de la société Cryptone, une convention de réalisation de banques d'images pour 2000/2001, 2001/2002 et 2002/2003, puis une convention de réalisation du plan d'action de communication (PAC) pour 2004, et enfin que, des actifs de la société Immobilière Casino ayant été transférés à la société Mercyalis le 23 août 2005, celle-ci a poursuivi les relations avec la société Marketing & distribution en reprenant les PAC 2005 et 2006 et en signant une nouvelle convention pour les PAC 2007 et 2008, la cour d'appel en a déduit que la relation commerciale, initialement nouée en 1998, s'était poursuivie de façon ininterrompue avec les sociétés qui se sont succédé pour assurer la gestion des centres commerciaux du groupe ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, qui font ressortir que la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et que la société Marketing et distribution pouvait raisonnablement escompter pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial, la cour d'appel a justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, ensemble l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour allouer à la société Marketing & distribution une indemnité au titre de la totalité du préavis qui aurait dû être respecté, l'arrêt retient que la société Mercyalis aurait dû respecter un préavis de huit mois avant de mettre en œuvre la procédure d'appel d'offres pour la conception des PAC et de confier à un autre prestataire la gravure des supports de communication ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Mercyalis n'avait pas, en notifiant à la société Marketing & distribution son intention de recourir à une procédure d'appel d'offres pour la conception des PAC, manifesté son intention de rupture et ainsi fait courir un préavis dont la durée devait s'imputer sur celle du préavis jugé nécessaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société Mercyalis à payer à la société Marketing & distribution la somme 187 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies, l'arrêt rendu le 15 septembre 2010, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.