CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 25 octobre 2011, n° 09-14462
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Alain Afflelou Franchiseur (SAS)
Défendeur :
Président de l'Autorité de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remenieras
Avocats :
Mes Temime, Grégoire
Vu le recours formé le 2 juillet 2009 par la société SAS Alain Afflelou Franchiseur (Afflelou) afin de contester le déroulement des opérations de visite et saisie du 24 juin 2009 à la suite de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) du Tribunal de grande instance de Paris du 17 juin 2009 ayant autorisé les opérations de visite et saisie et de l'ordonnance du JLD du TGI de Bobigny en date du 18 juin 2009 , rendue sur commission rogatoire ;
Vu les conclusions de la société Afflelou, déposées au greffe le 5 avril 2010 et ses nouvelles conclusions déposées le 5 novembre 2010 et soutenues à l'audience du 28 juin 2011 à l'appui de sa déclaration de recours ;
Vu les observations de Madame la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence déposées le 26 mai 2010, le 5 juillet 2010, le 16 septembre 2010, le 5 octobre 2010 puis le 30 décembre 2010 et présentées à l'audience du 28 juin 2011 ;
Sur ce,
Attendu que les parties ayant chacune déposé un seul jeu d'écritures portant les deux références d'enrôlement ;
Qu'il y a lieu pour une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des deux procédures enrôlées respectivement sous les numéros 09-14501 et 09-14462 ;
Attendu que, par requête du 16 juin 2009, Mme la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence a demandé au juge des libertés et de la détention (JLD) du Tribunal de grande instance de Paris l'autorisation de réaliser des opérations de visite et saisie dans les locaux de la société Afflelou Franchiseur SAS et dans les sociétés du même groupe sises à la même adresse, 45 avenue Victor Hugo à Aubervilliers (93), afin d'établir si cette entreprise se livre à des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 2 ° du Code de commerce et 81-1 du Traité CE devenu l'article 101 du Traité FUE ; que, par ordonnance du 17 juin 2009, le JLD a autorisé la perquisition sollicitée et a également donné commission rogatoire au JLD de Bobigny afin de désigner les chefs de service de police territorialement compétents et contrôler les opérations de visite et saisie jusqu'à leur clôture, qui se sont déroulées le 24 juin 2009 ; que les opérations de visite et saisie ont fait l'objet d'un procès-verbal et d'un inventaire ;
Attendu qu'en application de l'article L. 450-4 alinéa 12 du Code de commerce, la société Afflelou demande au magistrat délégué :
- de constater que les données informatiques saisies n'ont fait l'objet d'aucun inventaire exhaustif permettant de les identifier avec certitude et qu'un grand nombre des données informatiques qui ont été saisies n'ont aucun lien, direct ou indirect, avec l'objet de l'enquête autorisée et qu'il en résulte une atteinte grave et irrémédiable aux droits de la défense ;
- de constater que les saisies réalisées ont été faites en violation des principes posés par les dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale ainsi que des termes des ordonnances des 17 et 18 juin 2009 ;
- en conséquence, d'annuler l'ensemble des saisies effectuées ou, à défaut, celles des documents figurant dans les scellés numérotés 18, 19 et 20 et d'ordonner la distraction et la restitution des pièces originales et copies des éléments dont la saisie est annulée ;
Attendu que la société Afflelou reproche en premier lieu à l'Autorité d'avoir fait procéder à une saisie massive et indifférenciée, en lui opposant notamment les conclusions du rapport d'expertise de M. Bitan ;
Mais attendu qu'il résulte du procès-verbal de visite et saisie établi le 24 juin 2009, d'une part, que les rapporteurs n'ont visité que 12 bureaux, alors que les locaux occupés par la société Afflelou en abritent plusieurs dizaines et, d'autre part, qu'ils ont saisi des documents représentant 2 786 cotes papier, ce qui est peu rapporté au volume de documents contenus dans les bureaux visités, et seulement quatre messageries électroniques ;
Attendu, en outre, il résulte du procès-verbal de visite et de saisie que les enquêteurs, qui, disposent en vertu de l'article L. 450-4 du Code de commerce du pouvoir de saisir "tous supports d'information", ont choisi de procéder à la saisie, par voie de copie, d'une séhlection de 9 fichiers informatiques dont 8 contiennent les messageries électroniques professionnelles de MM. A, B, D et C ;
Attendu que l'Autorité est fondée à opposer à la société Afflelou que ces messageries ne peuvent être saisies que dans leur globalité, dès lors qu'elles contiennent des éléments - messages, entrées de calendrier ou contacts - pour partie utiles à la preuve des agissements présumés ;
Attendu que les éléments produits par la société Afflelou, notamment le rapport d'expertise de M. Bitan ne permettent pas d'invalider les explications techniques précises et circonstanciées qui lui sont opposées par l'Autorité de la concurrence et dont il résulte, qu'en l'état des techniques informatiques et au regard des contraintes inhérentes à la procédure de visite et saisie, les messageries électroniques professionnelles ne peuvent être saisies que dans leur globalité, dès lors qu'elles contiennent des éléments - messages, entrées de calendrier ou contacts - pour partie utiles à la preuve des agissements présumés ; que les explications de l'Autorité de la concurrence sont ainsi formulées :
"Chaque messagerie électronique Microsoft Outlook est (...) stockée dans un fichier unique sur le disque de l'ordinateur de l'utilisateur ou sur le réseau informatique de l'entreprise. Cela signifie que les messages ne font pas l'objet d'un enregistrement individuel mais sont enfermés dans un fichier conteneur, au même titre que les éléments de l'agenda ou les contacts. Cette organisation informatique n'est en aucun cas le fait des rapporteurs mais préexiste avant leur arrivée dans les locaux de la société visitée.
Ni l'utilisateur ni l'administrateur réseau (...) ne peuvent changer ce mode de stockage dans un fichier unique des éléments contenus dans Outlook.
L'utilisateur peut seulement choisir l'endroit de stockage de ce fichier. Il peut en outre choisir de sauvegarder ce fichier aussi souvent qu'il le souhaite en créant des archives et en les renommant au format nom-fichier.pst. C'est ainsi que les messageries Outlook de MM. (...) peuvent se composer de plusieurs fichiers de type PST, ces derniers correspondant pour les uns à la messagerie active et pour les autres à des archives créées par l'utilisateur.
Compte tenu du fait que le logiciel gère l'ensemble des éléments messages, calendrier et contacts à partir d'un seul type de fichier composé (nom-fichier.pst), il n'existe pas d'enregistrement individuel des messages. L'enregistrement isolé des seuls messages Outlook est cependant possible mais il doit être le fait de l'utilisateur, message par message, au format RTF (...) sans les pièces jointes ou au format MSG (Message) avec les pièces jointes.
Ainsi, s'il est possible pour l'Administration de saisir les documents ou supports d'information se trouvant dans l'entreprise le jour de la visite, il n'est en aucun cas envisageable pour elle d'individualiser les seuls messages entrant dans le champ d'autorisation, en les extrayant un par un d'Outlook, sous peine de créer sur l'ordinateur visité des éléments qui n'existaient pas avant son intervention et de compromettre l'authenticité même des messages en modifiant leurs dates de création, de modification et de dernier accès (métadonnées).
En conséquence, la structure particulière d'un fichier de messagerie Outlook et l'obligation de ne modifier ni l'état de l'ordinateur visité, ni les attributs des fichiers (métadonnées contenues dans le fichier lui-même : titre, auteur taille, dates, localisation, signature...) impliquent nécessairement la saisie globale du fichier de messagerie, après avoir vérifié qu'il contient des éléments entrant dans le champ de l'autorisation.
Dans ces conditions, à partir du moment où les rapporteurs constatent la présence dans un fichier de documents entrant dans le champ de l'ordonnance d'autorisation, ils n'ont d'autre choix, en l'état actuel des techniques informatiques, que de procéder à la copie intégrale du fichier, en l'occurrence de messagerie, afin de préserver l'origine, l'intégrité et l'authenticité des documents saisis, garantissant ainsi les droits de l'entreprise.(...).
Toute autre méthode, notamment celle développée par M. Bitan en page 9 à 16 de son rapport (...) consistant notamment à individualiser sur place les seuls messages entrant dans le champ de l'autorisation, en les extrayant un par un, serait éminemment critiquable, et ce pour un double motif.
Tout d'abord, les méthodes préconisées par l'expert Bitan s'appuyant sur l'outil intégré à Microsoft Outlook (...) ne permettent pas des recherches complètes et étendues équivalentes aux analyses pratiquées par les rapporteurs de l'Autorité de concurrence ; la recherche effectuée avec le logiciel Outlook :
- ne permet aucune recherche dans les pièces jointes : en effet, contrairement aux affirmations de M. Bitan (...) le logiciel Microsoft Outlook est incapable de rechercher la présence de mots-clés dans les pièces jointes contenues dans les courriels ou bien même de filtrer ces documents d'après leurs dates, noms, extensions, auteur ;
- ne permet pas d'utiliser les mots-clés complexes permettant de prendre en compte des incertitudes d'orthographe, les pluriels irréguliers, d'utiliser des expressions régulières, etc. ;
- ne permet pas de visualiser des messages effacés et d'y rechercher la présence des éléments entrant dans le champ des investigations ;
En outre, cette méthode conduit à modifier très profondément le contenu d'un fichier de messagerie en y réalisant de nombreuses opérations sans possibilité de protéger le contenu des données. Ainsi, son utilisation dans le cadre d'une visite sur autorisation judiciaire ferait naître une incertitude sur l'intégrité des données qui affecterait l'authentification des documents saisis, ce que ne manquerait pas, à juste titre de contester l'entreprise et l'individualisation sur place demanderait le plus souvent un temps de traitement de nature à paralyser l'activité économique de la société pendant une durée pouvant atteindre plusieurs semaines (...)" ;
Attendu que l'appelante fait, en deuxième lieu, grief à l'Autorité d'une absence d'inventaire des documents informatiques saisis en violation des principes posés par les dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale, dans la mesure, notamment, où l'inventaire, qui comporte seulement l'indication du nom et de la taille des fichiers saisis, n'indique pas le contenu des documents saisis ; que, selon la société Afflelou, les documents informatiques saisis n'ont pas été répertoriés de manière précise et exhaustive et qu'il n'a été procédé à aucun inventaire détaillé du contenu des messageries saisies dans la mesure où, dès lors que les documents informatiques regroupés au sein de ces fichiers informatiques globaux répertoriés sur les inventaires étaient parfaitement identifiables, ils auraient dû, à ce titre, faire l'objet d'un inventaire particulier ;
Mais attendu que les énonciations du procès-verbal de saisie du 24 juin 2009 suffisent à établir que les rapporteurs de l'Autorité ont bien procédé à un inventaire régulier, par la voie informatique, des données informatiques par l'indication des éléments qui permettent de garantir au bénéfice de l'entreprise visitée, l'origine des données et le fait qu'elles ne pourront être modifiées au cours de la procédure et seront strictement identiques à celles découvertes dans les locaux de la société Afflelou ;
Que ces éléments sont constitués par le nom du fichier (name), la taille logique du fichier (logical size), l'empreinte numérique du fichier (hash value) et le chemin complet (full path) ; que les messageries constituant des ensembles indivisibles contenus dans les fichiers objet de la saisie, l'inventaire de ces messageries consiste, en conséquence, à décrire à la fois les supports de stockage placés sous scellés et les caractéristiques des fichiers eux-mêmes ;
Que le procès-verbal permet de constater que cet inventaire a été effectué sur place le jour des opérations puisqu'il mentionne que les scellés 18, 19 et 20 sont constitués respectivement de "2 DVD-R", "1 DVD-R" et "1 DVD-R" et que le procès-verbal énonce également, pour chaque saisie informatique, qu'il a été procédé à une authentification numérique des fichiers ainsi qu'à un inventaire ; qu'à cet égard, comme l'explique l'Autorité de la concurrence, les intitulés des fichiers tels que listés dans l'inventaire ne peuvent être mis en cause - comme ne permettant pas de connaître le contenu des messages - puisque les noms des fichiers copiés par les rapporteurs correspondent à ceux se trouvant sur les ordinateurs des personnes concernées par l'opération de visite et de saisie et, qu'en aucun cas, ces noms de fichiers n'ont été attribués par les rapporteurs, qui se contentent de les reproduire dans le fichier d'inventaire ;
Que, surtout, non seulement les rapporteurs ont procédé par copie et non par emport de supports informatiques originaux, mais encore qu'une copie intégrale de ce qui a été saisi a été remise à l'occupant des lieux pour lui permettre d'effectuer une vérification des fichiers qui ont été appréhendés et d'exercer un recours, ce qu'il fait aujourd'hui sur la base de la copie intégrale qui a été remise, remise actée au procès-verbal de visite et de saisie ;
Que ces copies, qui font partie intégrante de la procédure et qui sont réalisées en présence et sous contrôle de l'OPJ et dont un exemplaire est tenu par les rapporteurs à la disposition du juge pour qu'il puisse précisément s'assurer que les extractions opérées par l'Administration sont bien issues de la saisie, présentent, comme l'affirme l'Autorité, selon des appréciations que rien ne permet de contredire, la caractéristique d'être identiques entre elles, d'être identiques au DVD-Rom ou CD-Rom placés sous scellés ;
Attendu que c'est également à tort que l'appelante soutient que la procédure de saisie et d'inventaire mise en œuvre par l'Autorité porterait une atteinte grave et immédiate aux droits de la défense au motif qu'elle se trouverait dans l'impossibilité d'identifier les documents qui lui seront opposés et, du fait de l'absence d'inventaire de documents informatiques, d'identifier ceux qui seront retenus à charge à son encontre ;
Attendu, en effet, que le procès-verbal relate que la société Afflelou dispose de la copie de la totalité des documents saisis dont elle a en outre conservé les originaux concernant les saisies informatiques, de sorte qu'elle est en mesure de connaître avec exactitude des documents saisis et leur contenu, comme l'attestent, en tant que de besoin, les copies de courriels joints à la requête de l'appelante ; qu'au surplus, au stade de l'enquête, les investigations conduites par les rapporteurs tendent seulement à recueillir les éléments qui sont susceptibles de constituer, le cas échéant, la preuve des pratiques présumées et que ce n'est qu'à un stade ultérieur de la procédure que le rapporteur fera connaître à la société Afflelou des pièces, estimées à charge, et susceptibles de démontrer éventuellement sa participation à des pratiques anticoncurrentielles, pièces sur lesquelles elle aura alors la faculté de faire connaître ses observations dans le cadre de la procédure contradictoire ouverte avec la notification de griefs ;
Attendu que la société Afflelou soutient, en troisième lieu, que l'absence de lien direct ou indirect entre certains documents saisis et l'objet de l'enquête porte une atteinte grave et irrémédiable aux droits de la défense, les enquêteurs étant en effet exclusivement habilités à rechercher et, le cas échéant, à appréhender des objets, documents et données informatiques se rapportant au seul secteur des montures de lunettes et des lunettes de soleil et qu'un examen rapide des documents saisis établit, sans contestation, que les documents saisis, quel que soit le support, n'ont, pour la quasi-totalité d'entre eux, aucun rapport direct ou indirect avec le secteur visé ;
Attendu que, concernant tout d'abord l'existence de pièces présentées par la société Afflelou comme se trouvant hors du champ de l'enquête, s'il est vrai qu'il ne peut être exclu que la saisie d'une messagerie électronique professionnelle pour partie utile aux besoins des investigations, ce qui a été vérifié en l'espèce par les rapporteurs, contienne également des documents n'intéressant a priori pas l'enquête, force est cependant de constater que la saisie de ces éléments d'information n'est, cette fois-ci encore, que le résultat, évoqué plus haut, du caractère composite du contenu des fichiers des messageries et de la nécessité où ont été placés les enquêteurs de procéder à leur copie en intégralité, dès lors qu'ils ont constaté que ceux-ci contenaient bien des éléments entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire, ce qui, en l'espèce, n'est pas contesté ;
Qu'il appartiendra seulement à la société Afflelou de demander le classement en secret d'affaires de l'ensemble des messageries saisies si elle souhaite préserver la confidentialité des données informatiques qu'elle considère comme hors champ des autorisations judiciaires, de sorte que, ces messages ne pouvant être utilisés par l'Autorité, il n'y a pas lieu de procéder à la restitution qui est sollicitée ;
Attendu que, s'agissant plus spécialement des documents papier saisis - cahier de notes de M. E, résultats "d'enquêtes clients mystères", compte rendu de réunion 3AP - leur seule lecture confirme que, comme le soutient l'Autorité, ces documents renferment des annotations entrant bien dans le champ de l'autorisation judiciaire et que, dès lors, ils constituent, chacun, un document pour partie utile dont la saisie est régulière ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner leur restitution ;
Attendu que la société Afflelou fait aussi état de documents à caractère professionnel couverts par la confidentialité, soit au titre du secret des affaires, soit au titre du secret professionnel ;
Attendu, cependant, que comme le fait valoir l'Autorité, la seule lecture du document signalé comme relevant du secret des affaires - scellé n° 17 cahier de Mme F - révèle des annotations entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire, de sorte que ce document constitue un document pour partie utile dont la saisie est régulière, étant par surcroît observé que la société Afflelou sera, le cas échéant, en droit, le moment venu, de demander, en application de l'article L. 463-4 du Code de commerce, le classement de pièces mettant en jeu le secret des affaires ;
Attendu que, concernant la violation alléguée du secret des correspondances échangées avec les avocats, l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dispose que "En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celle portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel" ;
Attendu, cependant, qu'en l'espèce, s'il est vrai que certaines messageries électroniques saisies contiennent en effet des échanges entre Afflelou et ses avocats (documents informatiques listés en annexes 12, 13 et 14 des écritures de Afflelou et 11 documents issus de la messagerie de M. A), force est cependant de constater que cette situation ne procède pas d'une recherche délibérée par les rapporteurs de correspondances étrangères à leur mission, mais constitue seulement le résultat, d'une part, du caractère composite du contenu des fichiers de messagerie qui comportent, chacun, une multitude de messages et, d'autre part, de la nécessité, évoquée plus haut, où se trouvaient les rapporteurs, après constatation que ces fichiers contenait bien des éléments entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire, d'en effectuer une copie en intégralité ;
Qu'au surplus, l'appelante n'allègue, ni que les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence auraient mis en œuvre des procédés déloyaux pour recueillir, malgré tout, ces correspondances pendant le déroulement des investigations, ni qu'ils auraient divulgué à des tiers, pendant les opérations critiquées ou postérieurement à celle-ci, des informations soumises au secret professionnel contenues dans les fichiers de messagerie, étant par surcroît observé que l'ordonnance du juge des libertés rappelait que les occupants des lieux ou leurs représentants pouvaient faire appel au conseil de leur choix sans que cela n'entraîne la suspension des opérations de visite et de saisie ;
Attendu, dès lors, qu'en cet état, et à ce stade de la procédure, il convient seulement de constater que l'Autorité de la concurrence déclare qu'elle ne s'oppose pas à la restitution par destruction d'une série de messages et de documents dans les conditions qui seront précisées au dispositif ;
Attendu que, s'agissant des documents à caractère personnel - cahier de M. E, scellé n° 11, cahier de Mme F, scellé n° 17, 4 messages relatifs à la vie privée, issus des messageries électroniques professionnelles, placés en annexe n° 8, 9, 10, 11 ainsi qu'une liste de pièces produites provenant, d'une part, des messageries de MM. B et C et, d'autre part, de la messagerie de M. A - que leur saisie n'est que le résultat, à la fois, du caractère global et composite du contenu du fichier de messagerie et de leur copie en intégralité, dès lors que les rapporteurs ont constaté que les fichiers saisis contenaient des éléments - messages à caractère professionnel - entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire, ce qui n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par l'appelante ;
Qu'au demeurant, l'Autorité est fondée à préciser qu'il ressort du procès-verbal de saisie et de l'inventaire que les rapporteurs n'ont consulté et copié que des messageries électroniques professionnelles, dont la vocation est de contenir des messages professionnels, et que la présence dans de telles messageries de tel ou tel dossier ou sous-dossier créé par l'utilisateur et intitulé "privé" ou "personnel" ne suffit pas à pas à établir que ces derniers ne contiennent que des messages relatifs à la vie privée dont la saisie serait interdite ; que ce simple intitulé qui, par surcroît, relève de la seule appréciation des utilisateurs, ne peut, en soi, faire par principe obstacle aux investigations judiciairement autorisées ;
Que, pour autant, il convient également de constater que l'Autorité ne s'oppose pas à la restitution des messages litigieux dans les conditions qui seront précisées au dispositif ;
Attendu que l'appelante se prévaut, en troisième lieu, d'une atteinte grave et irrémédiable aux droits de la défense, au motif que les documents dont la saisie est contestée sont conservés par l'Autorité en attente de la décision devant statuer sur leur sort, alors que ces pièces sont susceptibles de donner des informations que l'Autorité n'aurait pas dû connaître, ce qui est préjudiciable aux intérêts de l'entreprise ;
Mais attendu que la conservation des pièces saisies jusqu'à la décision à intervenir de la cour d'appel, conséquence de toute procédure de contestation de saisie, ne constitue que la conséquence du recours exercé par Afflelou devant la cour d'appel qui, si elle devait conclure à l'irrégularité de la saisie, ordonnerait leur restitution, laquelle emporterait l'impossibilité de leur utilisation dans la procédure d'instruction ;
Attendu que la société Afflelou prétend, en quatrième lieu, que ni l'occupant des lieux ni son représentant n'ont pu prendre connaissance des documents informatiques avant leur saisie, en violation des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'il suffit de se référer aux développements qui précèdent concernant la régularité de l'inventaire dressé par les enquêteurs dont il ressort, notamment, que la société Afflelou dispose de la copie de la totalité des documents saisis dont elle a, en outre, conservé les originaux concernant les saisies informatiques, de sorte qu'elle est en mesure de connaître avec exactitude les documents saisis et leur contenu ;
Attendu que la société Afflelou n'est pas non plus en droit de reprocher aux rapporteurs d'avoir eu accès avec un privilège administrateur au serveur de données comprenant les zones partagées et personnelles de travail des utilisateurs de l'entreprise leur permettant d'accéder à l'ensemble des fichiers ou dossiers présents et, partant, de ne pouvoir "vérifier exactement ce dont l'Administration a pu réellement prendre connaissance", dès lors que la mission des agents habilités des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence, qui disposent, en vertu des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, du pouvoir de procéder sur autorisation judiciaire aux visites en tous lieux ainsi qu'à la saisie de documents et de tout support d'information, peuvent, à l'évidence, afin de rechercher les éléments susceptibles de révéler les présumées visées dans l'ordonnance d'autorisation, de procéder à la consultation des documents qui se trouvent dans les locaux de l'entreprise concernée par la visite, afin de retenir ce qui apparaît utile à l'enquête, qu'il s'agisse de supports papier ou informatique ;
Attendu, en dernier lieu, que la société Afflelou met en exergue, à partir d'un rapport d'expertise de M. Bitan, des irrégularités techniques qui auraient été commises par les rapporteurs de l'Autorité au cours des opérations de saisie, de sorte qu'un doute existerait sur l'authenticité et l'intégrité des fichiers informatiques copiés à partir des ordinateurs analysés ;
Mais attendu que Mme la rapporteure de l'Autorité de la concurrence est en droit d'opposer à l'appelante :
- s'agissant de l'impression papier de certains documents qui priverait Afflelou de la possibilité de vérifier l'origine des courriels saisis, que les documents papier saisis dans les bureaux de divers collaborateurs de l'entreprise concernée n'ont pas été édités par les rapporteurs à l'occasion de leurs investigations mais se trouvaient en réalité préalablement sous forme papier lorsqu'ils ont été découverts, saisis et placés sous scellés ; qu'en effet, lorsque les rapporteurs font le choix d'éditer en papier des documents présents sous forme numérique, ils l'indiquent précisément dans le procès-verbal, comme cela a été fait dans un cas précis (page 2 du procès-verbal concernant l'ordinateur de M. Florent E) et, qu'à l'opposé, lorsque le procès-verbal ne fait pas mention de l'impression par les rapporteurs, cela signifie que les documents ont été découverts et saisis en l'état par les agents ;
- concernant les atteintes qui auraient été portées à l'intégrité et à l'authenticité des fichiers saisis, du fait que les empreintes numériques calculées sur les fichiers saisis auraient été constituées après, et non avant tout passage sur l'ordinateur du corps d'enquête, ce qui aurait pour effet de les rendre inopérantes pour garantir l'intégrité et l'authenticité des fichiers, que ces allégations sont contredites par le procès-verbal retraçant les opérations de saisie, qui précise : "Après avoir procédé à leur authentification numérique, nous avons extrait des fichiers informatiques issus de cet ordinateur" (page 4 du PV) ; qu'au surplus, l'Autorité a donné toutes les explications utiles en ce qui concerne l'heure de modification de certains fichiers, qui s'avère en effet postérieure à l'heure d'entrée dans les locaux notamment au regard de la nécessité de procéder préalablement aux opérations de notification de l'ordonnance de saisie ainsi qu'à l'explication de l'objet du déroulement de l'enquête, de l'impossibilité d'analyser simultanément tous les ordinateurs ou encore de la constitution et de la mise à disposition des rapporteurs par l'entreprise elle-même de certains fichiers, étant par surcroît précisé que toutes les opérations ont été effectuées en présence d'un représentant de la société Afflelou ainsi que d'un officier de police judiciaire ;
Attendu, enfin, qu'en ce qui concerne la prétendue altération de l'empreinte numérique du fichier "archive.pst" se trouvant dans le scellé n° 18, rien ne permet de remettre en cause les explications précises et circonstanciées données par l'Autorité, dont il résulte que l'expert mandaté par l'appelante a commis une erreur par suite d'une confusion entre les fichiers concernés ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les demandes de la société Afflelou doivent être rejetées ;
Par ces motifs : Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 09-14501 et 09-14462, Déboute la société SAS Alain Afflelou Franchiseur de toutes ces demandes, Constate l'accord de l'Autorité de la concurrence pour restituer, par destruction, les documents informatiques listés en annexe n° 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 des conclusions de la société SAS Alain Afflelou Franchiseur ainsi que ceux à caractère personnel, des messageries de MM. B et C, issus de la liste produite le 10 juin 2010 et ceux couverts par le secret des correspondances avocat-client ou personnel à l'exception d'un seul, de la messagerie de M. A, issus de la liste réceptionnée le 26 juillet 2010 par l'Autorité de la concurrence, Condamne la société SAS Alain Afflelou Franchiseur aux dépens.