CA Versailles, 6e ch., 18 octobre 2011, n° 09-01538
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ly (Epoux)
Défendeur :
SFR (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dauge
Conseillers :
Mmes Fournier, Luxardo
Avocats :
Mes Michel, d'Ales
Faits et procédure
Madame Ly saisissait le Conseil de prud'hommes de Nanterre le 25 mars 2007 aux fins de faire juger qu'elle devait bénéficier du statut de salarié à titre individuel et personnel et condamner la société SFR à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité légale de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés, dommages intérêts au titre de la clause de non-concurrence non rémunérée, heures supplémentaires.
Par jugement contradictoire rendu en formation de départage, le 10 mars 2009, le Conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- dit que Madame Ly ne peut se prévaloir du statut de salariée en application des dispositions de l'article L. 7321-2 alinéa 2 du Code du travail
- dit que le lien de subordination n'est pas établi ni la présomption de non salariat
- en conséquence, constaté l'incompétence du Conseil de prud'hommes de Nanterre
- et invité les parties à saisir toute juridiction appropriée
- débouté les parties du surplus de leurs demandes
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
- laissé les dépens à la charge de Madame Ly.
La cour a été régulièrement saisie d'un contredit formé par Madame Ly le 17 mars 2009 contre cette décision.
Par arrêt du 2 février 2010, la Cour d'appel de Versailles, statuant sur le contredit formé par Madame Ly contre cette décision a :
- dit que le contredit formé par Madame Ly contre le jugement du Conseil des prud'hommes de Nanterre en date du 10 mars 2009 est recevable
- ordonné le renvoi de l'affaire pour être plaidée à l'audience du 28 septembre 2010 et ordonné aux parties de conclure au fond
- sursis à statuer.
Madame Ly est gérante de la société Phone Pratique, société ayant conclu plusieurs contrats de partenaire avec la société SFR depuis le 21 novembre 1996.
La société SFR a résilié le contrat et ses avenants le 17 juin 2004, avec un préavis de 6 mois de sorte que la société Phone Pratique a quitté le réseau de distribution Espace SFR le 31 décembre 2004.
Madame Ly par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :
- dire et juger qu'à titre individuel et personnel elle est recevable en ses demandes
- dire et juger qu'elle est salariée de SFR
- dire et juger que les quatre conditions visées par l'article L. 7321-2 alinéa 2 sont réunies
- en conséquence, dire et juger qu'elle est salariée de la société SFR
- dire et juger qu'elle n'avait pas toute liberté en matière d'embauchage de licenciement et de fixation des conditions de travail à l'égard des salariés placés sous son autorité au sens de l'article L. 7321-4 du Code du travail
En conséquence,
- infirmer le jugement
- fixer son salaire à 2 667,85 euro brut mensuel par application de la convention collective nationale des télécommunications classification G
- condamner SFR au paiement de la somme de 96 042,60 euro au titre des salaires pour la période de janvier 2002 à décembre 2004
- condamner SFR au paiement de la somme de 9 604,26 euro au titre des congés payés y afférents
- condamner SFR au paiement de la somme de 53 457 euro (20 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
- condamner SFR au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement en vertu de l'article 4-4-1-2 de la convention collective des télécommunications à la somme de 6 722,98 euro
- condamner SFR au paiement de la somme de 8 003,35 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- condamner SFR au paiement de la somme de 800,35 euro au titre des congés payés sur préavis
- condamner SFR au paiement de la somme de 10 000 euro au titre du préjudice lié à la non remise de l'attestation Assédic ayant privé Madame Ly de son droit aux allocations de chômage
- ordonner SFR de produire les bulletins de salaire de Madame Ly pour la période de janvier 2002 à décembre 2004 sous astreinte de 500 euro par jours de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir
- heures supplémentaires de janvier 2002 à décembre 2004 (mémoire)
- dire et juger que la cour restera compétente pour liquider l'astreinte le cas échéant
- condamner SFR au paiement de la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En exposant essentiellement que :
- Sur la recevabilité de la demande de salariat formée sur le fondement de l'article L. 7321-2 alinéa 2 du Code du travail : la jurisprudence a développé cinq principes dans l'application de l'article L. 7321-2 alinéa 2 du Code du travail
* l'activité exercée de fait par le gérant : Madame Ly a exercé de fait l'activité de prise de commandes pour le compte de SFR
* la relation de travail ne dépend pas de la qualification du contrat : la Cour de cassation juge qu'il appartient aux juges de vérifier les conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs
* il appartient aux juges du fond d'analyser les clauses et conditions du contrat afin de juger si les conditions visées par l'article L. 7321-2 alinéa 2 du Code du travail sont réunies et ainsi révèlent une relation de travail directe entre Madame Ly et SFR
* l'article L. 8221-6 du Code du travail n'interdit pas la reconnaissance du statut de salarié, puisque ce texte n'a jamais empêché aux gérants de station-service ayant conclu un contrat commercial assorti d'un mandat entre leur société et la société pétrolière d'obtenir en justice le statut de salarié ;
- Sur la relation directe entre SFR et Madame Ly : le contrat de partenaire a été conclu avec Madame Ly intuitu personæ ; SFR a souhaité s'attacher la personne même de Madame Ly en considération de l'intuitu personae au-delà de la société Phone Pratique de sorte que peu importe que la société Phone Pratique soit propriétaire de son fonds de commerce dès lors que c'est Madame Ly qui enregistre les commandes SFR ;
- Sur le statut de salarié de Madame Ly : l'article L. 7321-2 alinéa 2 du Code du travail exige quatre conditions pour le bénéfice du statut de salarié
* Sur l'activité de distributeur : la preuve est rapportée que l'activité qui consiste à recueillir des commandes SFR est une activité exclusivement pour le compte de SFR ; cette activité est bien exercée par Madame Ly pour le compte d'une seule entreprise au sens de l'article L. 7321-2 alinéa 2 du Code du travail, puisque 100 % des abonnements sont des abonnements SFR
* Sur le local agréé par SFR : l'ensemble des dispositions contractuelles prouve que le point de vente ou local d'exploitation doit être agréé par SFR pour intégrer le réseau Espace SFR
* Sur le prix des abonnements imposés : le prix des abonnements sont imposés par l'opérateur et le partenaire ne dispose d'aucune liberté pour fixer le prix des différents forfaits ; le défaut de pouvoir disposer d'une marge de manœuvre pour fixer les prix des abonnements a été mis en lumière lorsque certains partenaires ont tenté de requalifier leur contrat en agent commercial
* Sur les conditions d'exercice de travail imposées :
- SFR impose une exclusivité d'activité à hauteur de 100 %
- SFR impose de réaliser des quotas d'abonnement mensuel
- SFR impose de mettre le local aux normes de l'opérateur
- Impossibilité de diffuser les offres d'abonnement sans la validation par SFR de la souscription
- Impossibilité de céder le fonds de commerce sans agrément de l'opérateur
- Impossibilité de modifier l'actionnariat ou de modifier la répartition du capital social sans accord de l'opérateur
- Interdiction de sous-traiter
- Obligation de se soumettre à des audits de contrôle
- SFR donne à Madame Ly des instructions et des directives ;
- Sur la non-responsabilité de Madame Ly quant à l'application des dispositions des livres I et II du Code du travail des salariés placés sous ses ordres :
* absence de toute liberté en matière d'embauchage et de licenciement
* absence de fixation des conditions de travail des salariés.
La société SFR par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame Ly de l'ensemble de ses demandes, et en particulier,
- constater que Madame Ly n'était pas partie au " Contrat Partenaire " conclu par la société Phone Pratique avec la société SFR,
- dire que Madame Ly ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 7321-2-2° du Code du travail alors qu'elle avait la qualité de gérant de la société Phone Pratique et qu'elle ne démontre ni la fictivité de cette société, ni que l'activité de distribution de SFR n'était exercée, dans les faits, que par elle seule, dans le cadre d'un lien direct avec SFR,
- dire que Madame Ly ne rapporte pas la preuve que les critères d'application de l'article L. 7321-2-2° du Code du travail seraient, en l'espèce, réunis,
- débouter en conséquence Madame Ly de l'ensemble de ses demandes tendant à voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail avec SFR, en application de l'article L. 7321-2-2° du Code du travail,
- déclarer irrecevable les demandes de Madame Ly fondées sur les articles L. 7321-3 et L. 7321-4 du Code du travail,
- constater que Madame Ly ne rapporte pas la preuve que les critères d'application de l'article L. 7321-4 du Code du travail seraient, en l'espèce, réunis et plus particulièrement qu'elle n'avait pas toute liberté en matière de licenciement, embauche et fixation des conditions de travail,
- dire que les demandes de Madame Ly au regard des articles L. 7321-3 et L. 7321-4 ne sont pas fondées,
- donner acte à SFR de ce que Madame Ly ne fonde plus aucune de ses demandes sur l'existence d'un prétendu lien de subordination,
- constater en tout état de cause que Madame Ly ne justifie pas de l'existence d'un quelconque lien de subordination avec SFR et que son argumentation sur ce point ne fait l'objet d'aucun développement sérieux,
- débouter dès lors Madame Ly de toute autre demande tendant à voir constater l'existence d'un contrat de travail entre SFR et elle-même,
- constater, à titre subsidiaire, l'absence manifeste de sérieux du quantum des demandes de Madame Ly,
- la débouter de plus fort de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Madame Ly à verser à SFR la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En soutenant essentiellement que :
- Sur la compétence du conseil des prud'hommes pour se prononcer sur les demandes formées par Madame Ly : la question posée au conseil des prud'hommes était une question de fond et non une question de procédure, en répondant à cette question de fond, le conseil de prud'hommes tranchait l'intégralité du litige ;
- Sur l'absence de fondement de l'action engagée par Madame Ly :
* l'absence de vocation de l'article L. 7321-2-2 du Code du travail à s'appliquer en l'espèce
- le contexte historique et économique de l'article L. 7321-2-2 du Code du travail ne recouvre pas la situation de Madame Ly
- Madame Ly ne démontre pas l'existence d'un lien direct entre SFR et elle-même et/ou le caractère factice de la société Phone Pratique
- les demandes de Madame Ly, gérant de la société Phone Pratique, se heurtent à l'article L. 8221-6 du Code du travail
- selon la jurisprudence, il y a lieu de vérifier qui, de Phone Pratique ou de son gérant, exerçait réellement l'activité
- Madame Teboul ne démontre pas que Phone Pratique n'aurait été qu'une façade juridique
* subsidiairement, les conditions d'application de l'article L. 7321-2-2 du Code du travail ne sont pas réunies en l'espèce
- l'activité de diffusion des abonnements n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 7321-2-2 du Code du travail
Phone Pratique n'est pas une activité de vente
Phone Pratique ne recueillait pas les commandes et ne traitait pas d'objet
La condition de l'exclusivité ou de la quasi-exclusivité n'est nullement démontrée.
- La référence à un local agréé par SFR n'est pas pertinente
- Le fait que le prix des abonnements est fixé par SFR n'est pas pertinent et ne permet pas à Madame Ly de démontrer qu'elle exerçait une activité de vente aux prix imposés par SFR
- La société Phone Pratique n'exerçait pas son activité selon des conditions imposées par SFR ;
- Sur l'inexistence d'un lien de subordination entre SFR et Madame Ly : Madame Ly ne démontre en aucun cas qu'elle aurait exercé son activité professionnelle dans le cadre d'un lien de subordination avec SFR ; Madame Ly ne produit aucun exemple concret du prétendu pouvoir de direction exercé par SFR sur l'activité de Phone Pratique ;
- Sur l'absence de fondement de Madame Ly à invoquer les dispositions des articles L. 7321-3 et L. 7321-4 du Code du travail : les textes précités portent sur la question de la responsabilité du chef d'entreprise vis-à-vis des salariés et non sur le point de savoir qui est l'employeur des salariés de la succursale ;
- A titre infiniment subsidiaire, sur les demandes financières injustifiées de Madame Ly : ces demandes sont dénuées de sérieux et invraisemblables au regard de l'activité de Phone Pratique.
Monsieur Ly par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, intervient volontairement à la présente instance, en cause d'appel, et demande à la cour de :
- le recevoir en son intervention volontaire
- fixer son salaire dans la classification F, compte tenu de sa fonction pour sa contribution dans l'entreprise, son statut de cadre et de la fonction exercée directeur commercial de succursale, suivant la convention collective nationale des télécommunications, soit un salaire de 2 667,85 euro brut mensuel
- condamner SFR au paiement de la somme de 154 735,30 euro au titre des salaires non versés de janvier 2007 à octobre 2011 et la somme de 15 473 euro au titre des congés payés y afférents
- subsidiairement, si la cour estimait que Monsieur Ly n'était plus salarié de SFR à compter de décembre 2004, il conviendra de faire droit aux indemnités de rupture :
* 8 003,55 euro d'indemnité compensatrice de préavis
* 800,35 euro au titre des congés payés y afférents
* 53 357 euro à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 7 683,40 euro à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
* 16 007 euro à titre de dommages-intérêts pour la perte du droit d'assurance chômage d'Assédic
* 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En exposant essentiellement que :
- Sur les conditions cumulatives de l'article L. 7321-2 alinéa 2 et L. 7321-4 du Code du travail :
* Madame Ly n'est pas responsable de l'application des dispositions des livres I et II du présent Code aux salariés placés sous ses ordres
* la Cour de cassation dans son arrêt en date du 1er février 2011 a jugé que les dispositions de l'article L. 7321-4 du Code du travail sont applicables en l'espèce, et qu'il y a lieu de rattacher les salariés directement au chef d'entreprise, SFR
* Absence de toute liberté en matière d'embauchage, de licenciement
* Absence de fixation des conditions de travails des salariés ;
- Sur la recevabilité de la réclamation du statut de salarié de SFR formée par Monsieur Ly :
* c'est très justement que l'on peut affirmer que Monsieur Ly est salarié SFR
* l'application de l'article L. 7321-4 du Code du travail a pour effet de rattacher directement au chef d'entreprise en l'espèce, SFR, les salariés du gérant succursale
* dans ces conditions Monsieur Ly est actuellement encore salarié de l'opérateur et sollicite le paiement de ses salaires pour la période de janvier 2004 à février 2011, aucune rupture de la relation de travail n'étant intervenue à ce jour.
Concernant l'intervention de Monsieur Ly, la société SFR demandait à la cour de déclarer Monsieur Ly irrecevable en son intervention volontaire,
Et à titre subsidiaire :
- dire que Madame Ly ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail,
- le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes
A titre infiniment subsidiaire :
- dire que les arrêts rendus par la Cour de cassation le 1er février 2011 n'ont pas autorité de la chose jugée entre SFR et Monsieur Ly
- constater que Monsieur Ly n'était pas partie aux contrats partenaires conclus par la société Phone Pratique et la société SFR
- constater que Monsieur Ly ne rapporte pas la preuve que les critères d'application de l'article L. 7321-4 du Code du travail seraient, en l'espèce, réunis et plus particulièrement que Madame Ly, gérante de la société Phone Pratique, n'avait pas toute liberté en matière de licenciement, embauche, fixation des conditions de travail.
Constater que Monsieur Ly ne justifie pas de l'existence d'un lien de subordination avec SFR
- au surplus, constater l'absence de justification de Monsieur Ly quant au quantum des demandes indemnitaires qu'il forme
A titre encore plus subsidiaire :
- constater la carence de Monsieur Ly à justifier des conditions et modalités de son licenciement par Phone Pratique
- désigner tel expert aux fins d'éclaircir les conditions réelles dans lesquelles il a été mis fin par Phone Pratique au contrat de travail de Monsieur Ly, avec notamment pour mission de :
- se faire remettre par Monsieur Ly et/ou par les représentants légaux de Phone Pratique toute pièce justifiant de l'éventuel statut de salarié de Monsieur Ly et de la rémunération qui lui était versée par Phone Pratique
- dire quelle était la rémunération de Monsieur Ly dans le cadre de cet éventuel contrat de travail
- se faire remettre toute explication et pièce justificative quant à la date et aux modalités selon lesquelles Monsieur Ly a, le cas échéant, été licencié par la société Phone Pratique
- décrire les indemnités qui ont été perçues par Monsieur Ly en suite de son éventuel licenciement
- se faire remettre par Monsieur Ly, et le cas échéant, par tout organisme concerné, tout justificatif du statut de Monsieur Ly postérieurement à son éventuel licenciement
- se faire remettre par Monsieur Ly tout élément permettant d'établir son niveau 1re qualification
En tout état de cause :
- condamner Monsieur Ly à verser à la société SFR la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience du 6 septembre 2011.
Motifs de la décision
Attendu que le contrat entre la SARL Phone Pratique et la société SFR comportait les dispositions suivantes :
" Dans le cadre du développement du marché du radiotéléphone et de la promotion des dits services, SFR a décidé de mettre en place sous l'enseigne Espace SFR, un réseau constitué de distributeurs de radiotéléphones mobiles prêts à collaborer à la promotion des services et à consentir une quasi exclusivité pour la diffusion des services.
" Ces distributeurs choisis notamment pour leur aptitude à diffuser lesdits services principalement en fonction de leur professionnalisme et de leur dynamisme de leur potentiel commercial à apporter des solutions techniques notamment en matière de services après-vente... et ainsi que leur connaissance du marché et des services offerts par SFR " ;
Selon le premier alinéa de l'article L. 781-1 ancien du Code du travail, en vigueur au moment de l'introduction de l'instance par Madame Ly, devenu articles L. 7321 et suivants du Code du travail, les dispositions de ce Code, qui visent les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs, sont applicables, en particulier, aux personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrée de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toute sorte qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par elle ;
Attendu que pour déterminer la compétence de la juridiction du travail, il appartient à la cour d'examiner au préalable si Madame Ly, gérante de la société Phone Pratique, peut revendiquer l'application des dispositions ci-dessus rappelées ;
Attendu qu'il convient en premier lieu de caractériser le lien entre les parties, au regard du "contrat partenaire" et des avenants successivement signés depuis 1996 entre la société Cellcorp, puis la société SFR et la SARL Phone Pratique ;
Attendu que nonobstant le fait que le contrat ait été signé avec la SARL Phone Pratique, le caractère "intuitu personæ", visé au contrat, du choix par SFR de son co-contractant porte non sur la SARL mais sur la personne de Madame Ly sa gérante, qui exerçait personnellement l'activité, les qualités de compétence, dynamisme, professionnalisme... énumérées dans le préambule du contrat ne pouvant s'appliquer qu'à une personne physique et non à une personne morale ;
Qu'il en résulte que la réalité des faits pendant la durée de la relation contractuelle est l'existence d'un lien direct entre la société SFR et Madame Ly et qu'il importe peu dès lors que la SARL Phone Pratique ait existé avant le contrat et continué d'exister après la rupture ;
Attendu que l'activité consistant à faire souscrire des abonnements par les clients avec la société SFR, est assimilable à la prise de commande visée à l'article L. 7321-2, 2°, b, du Code du travail, laquelle, en l'absence de toute restriction expresse du texte, ne saurait être limitée à une opération ponctuelle et ne concernant que des marchandises ;
Que les abonnements étaient proposés à la clientèle aux conditions et prix fixés par l'opérateur, qui validait ensuite les contrats d'abonnement et fournissait les outils nécessaires à la prise de commandes ;
Que les abonnements à SFR devait représenter au moins 80 % des abonnements souscrits, l'opérateur imposant ainsi une quasi-exclusivité en sa faveur, et alors que la souscription d'abonnements "SFR" représentait 74 % du chiffre d'affaire de la SARL ;
Qu'ainsi la souscription d'abonnement au nom de la société SFR, représentait l'activité essentielle de Madame Ly, la vente d'accessoires et de téléphone ne représentant qu'une activité accessoire ;
Qu'était de plus imposée la souscription d'un nombre minimum d'abonnement par mois ;
Attendu que la société SFR limitait la liberté de Madame Ly dans l'exploitation du fond en imposant ses normes quant à l'agencement de la boutique, les matériaux employés, la surface consacrée à "l'espace SFR", les heures d'ouvertures, l'obligation d'ouvrir toute l'année et un jour le week-end ;
Que le mobilier et les enseignes étaient fournis par SFR et demeuraient sa propriété ;
Que les salariés étaient également soumis aux prescriptions de SFR, notamment leurs qualifications, leur formation, le vêtement de travail et le port d'un badge SFR avec leur prénom, leur comportement avec la clientèle, et que la liberté d'embauche et de licenciement de l'employeur se trouvait limitée du fait de l'exigence d'un nombre minimum de salariés, au risque d'aggraver la situation financière en cas de difficultés ;
Attendu que le contrat prévoyait des restrictions quant aux droits patrimoniaux de Madame Ly sur le fond, puisque toute cession de parts était soumise à l'agrément de la société SFR et que la sous-traitance, la prise de participation de sociétés concurrentes dans la SARL, et le prise de participation de la SARL dans des sociétés concurrentes étaient sanctionnées par la résiliation du contrat ;
Qu'enfin la SARL Phone Pratique avait l'obligation d'informer la société SFR de sa politique commerciale et se trouvait soumise à des " audit qualité interne " ;
Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces constatations que l'activité de Madame Ly réunit les conditions nécessaires pour bénéficier des dispositions prévues aux articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail en faveur de toute personne qui, dans le cadre d'une relation directe et intuitu personæ avec une entreprise unique, est chargée de recueillir des commandes de manière quasi-exclusive pour le compte de cette entreprise dans un local agréé par celle-ci aux prix et conditions qu'elle a fixés ;
Sur les demandes de Madame Ly
Attendu que Madame Ly soutient que son poste est assimilable aux emplois définis dans la convention collective aux groupe G, ce qui correspondrait selon elle à un niveau de salaires de 210 000 francs, ou 32 014 euro par an et 2 667,85 euro par mois ;
Que la société SFR se limite à souligner le caractère invraisemblable des montants sollicités, sans apporter aucun élément sur le contenu du poste de travail de Madame Ly au regard des définitions de la convention collective des Télécommunications ;
Attendu que le salaire revendiqué est celui correspondant au groupe F et non au groupe G, soit 210 000 francs par an pour le seuil 1 (minimum conventionnel), groupe auquel correspond l'activité de Madame Ly ;
Qu'il sera fait droit à la demande sur la base d'un salaire mensuel de 2 667,85 euro pour la période non prescrite de janvier 2002 à décembre 2004 ;
Attendu que la rupture entre la SARL Phone Pratique et la société SFR a été à l'initiative de cette dernière et qu'il s'en déduit que cette rupture ouvre droit pour Madame Ly à l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Qu'il sera fait droit à sa demande à ce titre ;
Attendu toutefois que la rupture des relations contractuelles a été notifiée à Madame Ly 6 mois à l'avance ;
Qu'elle ne peut dès lors solliciter une indemnité compensatrice de préavis ;
Attendu que les relations de travail entre Madame Ly et la société SFR se sont poursuivies pendant huit ans et ont été interrompues par la résiliation à la demande de la société SFR du contrat "partenaire" ;
Qu'il lui sera alloué à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 32 000 euro ;
Attendu que Madame Ly, qui a continué son activité après la rupture, ne justifie d'aucun préjudice pour défaut de remise de l'attestation Assédic ;
Que sa demande de ce chef sera rejetée ;
Attendu que la société SFR ayant été condamnée au paiement des salaires, il y a lieu d'ordonner la remise à Madame Ly des bulletins de salaire de janvier 2002 à décembre 2004 sur la base d'un salaire de 2667,85 euro brut par mois ;
Qu'il n'y a toutefois pas lieu au prononcé d'une astreinte ;
Sur les demandes de Monsieur Ly
Attendu que la société SFR soulève l'irrecevabilité de la demande de Monsieur Ly au motif qu'elle est formée pour la première fois en cause d'appel et se trouve sans lien avec la demande principale ;
Que Monsieur Ly, en qualité de salarié de la SARL Phone Pratique, réclamerait la réparation d'un préjudice personnel qui n'a pas été examiné par la juridiction du premier degré ;
Attendu toutefois que la demande formée par Monsieur Ly en sa qualité de salarié est étroitement liée à la demande de madame Ly, dès lors que l'un des éléments caractérisant l'absence d'autonomie de la gérante de la SARL Phone Pratique est précisément la limitation de sa liberté dans l'exploitation du fond et en particulier dans le recrutement et la direction des salariés ;
Qu'en statuant sur l'existence d'un rapport direct entre la société SFR et Madame Ly, la cour a statué sur le lien entre Monsieur Ly et la société SFR ;
Attendu par ailleurs que Monsieur Ly, qui a perdu son emploi du fait du retrait de SFR, dispose d'un intérêt à agir ;
Attendu que les articles 781-1 devenus L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail font bénéficier des dispositions du Code du travail toutes personnes dont la profession consiste à vendre des marchandises ou à recueillir des commandes dans les conditions qu'ils précisent, sans distinction fondée sur leur situation de gérant ou de salarié ;
Que la réunion des conditions fixées par ces textes confère au travailleur la qualité de "gérant de succursale" ;
Attendu qu'en application de l'article L. 7321-4 le "gérant de succursale" n'est responsable des salariés placés sous son autorité qu'autant qu'il a sur eux toute liberté d'embauche, de licenciement et de fixations des conditions de travail ;
Qu'ainsi qu'il a été ci-dessus exposé pour justifier de la recevabilité de l'intervention volontaire de Monsieur Ly, Madame Ly n'avait pas sur les salariés de la SARL les prérogatives d'un véritable gérant et qu'il s'en déduit l'existence d'un lien direct entre la société SFR et Monsieur Ly en tant que salarié de la dite SARL ;
Attendu que Monsieur Ly a été licencié par la SARL Phone Pratique pour motif économique le 31 mai 2006 ;
Que le motif indiqué dans la lettre de licenciement est la résiliation par la société SFR de son contrat de partenaire et la chute du chiffre d'affaire dont la réalité n'est pas contestée par quiconque ;
Qu'aucune des parties ne soutient la nullité de ce licenciement ni ne demande la résiliation du contrat de travail ;
Qu'il en résulte que Monsieur Ly ne peut soutenir être demeuré au service de SFR après la rupture des relations contractuelles entre la société SFR et la SARL Phone Pratique au 31 décembre 2004, et en particulier après janvier 2007, date à propos de laquelle aucune explication n'est donnée à la cour, alors qu'il a été licencié le 31 mai 2006 et quand bien même la société SFR ne l'aurait pas licencié elle-même ;
Attendu que le licenciement de Monsieur Ly est sans cause réelle et sérieuse la société Total, son employeur de fait, ne soutenant pas avoir rencontré des difficultés économiques en 2006 ou les années antérieures, et n'ayant proposé aucun reclassement ;
Attendu que Monsieur Ly ne produit aucun bulletin de salaire de Phone Pratique, et que s'il produit son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi, il n'établit pas avoir perçu des prestations de l'Assédic ;
Que toutefois il joint à son contrat de travail le rapport spécial prévu par l'article L. 223-19 du Code de commerce pour l'assemblée générale du 12 mai 2004, où se trouve mentionné son salaire, soit la somme de 45 074 euro ;
Attendu que Monsieur Ly, qui revendique, compte tenu d'une classification dans la convention collective identique à celle de son épouse, un salaire de 2 667,85 euro, soit 32 014 euro par an, ne démontre pas avoir été pénalisé pour avoir été payé par la SARL Phone Pratique et ne demandant des salaires qu'à compter de janvier 2007 ;
Attendu que Monsieur Ly ne produit ni son dernier bulletin de salaire ni son solde de tout compte, et n'allègue pas avoir été privé de l'indemnité conventionnelle de licenciement ni de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents par la SARL Phone Pratique ;
Que licencié le 31 mai 2006, il a figuré à l'effectif de la société jusqu'au 31 juillet ainsi qu'il ressort du certificat de travail ;
Que selon courrier de Pôle Emploi du 27 juillet 2011, il a été inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi, contrairement aux affirmations de ses conclusions, le 18 septembre 2006 ;
Qu'il ne peut réclamer des dommages intérêts pour ne pas avoir été inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi ;
Qu'il ne fournit aucun courrier de Pôle Emploi lui refusant le bénéfice de l'assurance chômage ;
Attendu toutefois que Monsieur Ly, qui a travaillé depuis novembre 1996 jusqu'en décembre 2004 dans le cadre du "contrat partenaire" avec la société SFR est en droit de percevoir l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le caractère économique de son licenciement au regard de la situation de cette société, n'étant pas établi, ainsi qu'il a été dit plus haut ;
Que la cour est en mesure, au vu des circonstances de la cause, de fixer à la somme de 32 000 euro le montant de l'indemnité qui lui sera due à ce titre ;
Attendu qu'au vu des demandes de Monsieur Ly et des documents qu'il produit, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise ;
Attendu qu'il y a lieu d'allouer à Madame Ly et Monsieur Ly chacun la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de la société SFR sera rejetée ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe, Vu l'arrêt de la présente chambre en date du 2 février 2010, Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 10 mars 2009 ; Vu les dispositions des articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail, Condamne la société SFR à payer les sommes suivantes : * à Madame Ly : - 96 042,60 euro (quatre vingt seize mille quarante deux euro et soixante centimes) au titre des salaires de janvier 2002 à décembre 2004, - 9604,26 euro (neuf mille six cent quatre euro et vingt six centimes) au titre des congés payés afférents, - 32 000 euro (trente deux mille euro) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 6 722,98 euro (six mille sept cent vingt deux euros et quatre vingt dix huit centimes) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; Ordonne à la société SFR de remettre à Madame Ly les bulletins de salaire correspondant à la période ci-dessus sur la base d'un salaire mensuel de 2667,85 euro brut (deux mille six cent soixante sept euros et quatre vingt cinq centimes), * à Monsieur Ly : - 32 000 euro (trente deux mille euro) à titre de d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jour et dans la proportion de la décision qui les a fixées ; Condamne la société SFR à payer à Madame Ly et à Monsieur Ly chacun la somme de 3 000 euro (trois mille euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à expertise ; Rejette les autres demandes des parties ; Condamne la société SFR aux dépens.