Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 13 octobre 2011, n° 10-04279

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Méotec (SAS)

Défendeur :

Intelligentsia (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

Mmes Brylinski, Beauvois

Avoués :

SCP Jupin, Algrin, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod

Avocats :

Mes Lani, Chemouli

T. com. Nanterre, du 14 mai 2010

14 mai 2010

Faits et procédure

La SAS Méotec a pour objet " la création, achat, vente de logiciels, progiciels, matériels informatiques, conseils, prestations de services, traitement de l'information ".

La SARL Intelligentsia a pour activité notamment le développement, la promotion et la commercialisation des prestations techniques, méthodes, applications, logiciels et produits divers dans le domaine de l'informatique et dans le domaine de l'Internet et des télécommunications.

Par un contrat intitulé " contrat de courtage " en date du 1er juin 2006, Méotec a chargé Intelligentsia de " rechercher de nouveaux clients pour Méotec dans le domaine de l'assistance technique par la fourniture de consultants spécialisés recherchés et recrutés par Méotec, éventuellement négocier les conditions propres à une ou plusieurs commandes d'assistance technique ou de fourniture de produits Méotec. La négociation pourra alors porter notamment sur le prix, les modalités et échéances de paiement, les dates et la durée d'intervention ".

Ce contrat a été conclu, " pour une durée de une année, à compter du 1er juin 2006. Il sera renouvelé par tacite reconduction, par période annuelle, à défaut de l'envoi par l'une quelconque des parties, d'une lettre RAR au moins trois mois avant la date anniversaire de fin de contrat ".

Ont été annexés au contrat :

Annexe 1 : liste des clients et prospects réservés du courtier au 1er juin 2006.

Annexe 2 : modalités de calcul de la commission.

Les parties étant en désaccord sur les circonstances dans lesquelles le contrat a pris et le paiement de factures, Intelligentsia, sollicitant notamment la requalification du contrat en contrat d'agent commercial et subsidiairement en mandat d'intérêt commun, a assigné le 14 mars 2008 Méotec devant le Tribunal de commerce de Nanterre.

Après un premier jugement rendu le 24 septembre 2009 statuant pour l'essentiel sur un incident de communication de pièces, par jugement rendu le 14 mai 2010, le tribunal de commerce a :

- dit que le contrat signé par les parties le 1er juin 2006 est un contrat de courtage,

- dit que Intelligentsia n'est pas en droit de revendiquer la qualité d'agent commercial et donc à formuler une demande d'indemnité compensatrice au titre des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce,

- constaté que le contrat de courtage est venu à son terme le 1er juin 2008,

- condamné Méotec à payer à Intelligentsia la somme de 43 065 euro TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de cette décision,

- débouté Méotec de sa demande de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sur le montant de cette condamnation,

Avant dire droit, le tribunal a désigné un expert pour dire si Méotec a reçu et exécuté, du 1er juin 2006 au 1er juin 2008, des commandes émanant des clients objet de l'annexe 1 du contrat de courtage, évaluer le chiffre d'affaires correspondant et la marge en résultant ainsi que les commissions dues contractuellement et d'une façon générale fournir au tribunal tous les éléments pour faire les comptes entre les parties, ordonné l'exécution provisoire, s'agissant d'une mesure d'instruction.

Méotec a intejeté appel de ce jugement ;

Par dernières conclusions signifiées le 6 avril 2011, la société Méotec demande à la cour de :

- la déclarer recevable en sa demande de dommages-intérêts et sa demande de modification du périmètre de l'expertise,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le contrat litigieux est un contrat de courtage,

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le contrat s'est poursuivi jusqu'au 1er juin 2008 et en ce qu'il l'a condamnée à payer une somme de 43 065 euro TTC à Intelligentsia et statuant à nouveau de :

- dire que le contrat de courtage a pris fin le 1er juin 2007 et que la société Intelligentsia ne saurait prétendre à une quelconque rémunération après cette date, dire qu'en conséquence, la mission d'expertise ordonnée par le tribunal ne peut inclure d'éléments et de documents correspondant à la période comprise entre le 1er juin 2007 et le 1er juin 2008 et débouter Intelligentsia de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

- constater que le versement par Méotec d'une rémunération mensuelle et de commissions à Intelligentsia pour la période comprise entre le 1er juin 2007 et le 1er juin 2008 est dépourvue de cause et qu'Intelligentsia a manqué à son obligation contractuelle de non-concurrence,

- en conséquence statuant à nouveau, dire qu'en conséquence, la mission d'expertise ordonnée par le tribunal ne peut inclure d'éléments et de documents correspondant à la période comprise entre le 1er juin 2007 et le 1er juin 2008, débouter Intelligentsia de toutes ses demandes et la condamner à lui payer 10 000 euro à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation contractuelle de non-concurrence,

- en tout état de cause, dire que la cessation du contrat est imputable à Intelligentsia et rejeter les demandes indemnitaires d'Intelligentsia,

- la condamner à lui payer 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 24 mai 2011, la société Intelligentsia demande à la cour de :

- déclarer Méotec irrecevable en sa demande de dommages-intérêts et sa demande de modification du périmètre de l'expertise,

- infirmer le jugement en ce qu'il a qualifié le contrat la liant à Méotec de contrat de courtage et statuant à nouveau :

- au principal, dire qu'il s'agit d'un contrat d'agent commercial,

- en conséquence, condamner Méotec au versement de la commission de 3 000 euro hors taxes par mois à compter du 1er juin 2007 jusqu'au le 30 janvier 2008, des indemnités contractuellement dues sur le fondement de l'article 7.1 du contrat et son annexe 2 dont le montant sera déterminé par l'Expert Judiciaire, ainsi que de l'indemnité compensatrice du préjudice lié à la perte de la clientèle d'agent commercial sur la moyenne des commissions perçues depuis le 1er juin 2006 et jusqu'à la fin du préavis au 31 janvier 2008 dont le montant sera déterminé par l'expert judiciaire,

A titre subsidiaire,

- dire que le contrat est un mandat d'intérêt commun et qu'il a été révoqué aux torts de Méotec,

- en conséquence, condamner Méotec au versement de la commission de 3 000 euro hors taxes par mois à compter du 1er juin 2007 jusqu'au 1er juin 2008 et de la commission due conformément à l'article 9.3 du contrat dont le montant sera déterminé par l'expert judiciaire,

A titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le terme du contrat au 1er juin 2008 et condamner Intelligentsia au versement de la somme forfaitaire mensuelle de 3 000 euro hors taxes à compter du 1er juin 2007 et jusqu'au 1er juin 2008, soit 36 000 euro hors taxes et 43 056 euro TTC, outre intérêts de droit au taux légal,

A titre encore plus subsidiaire :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise et y ajoutant, dire que l'expert devra :

" Evaluer les commissions contractuellement dues, notamment conformément à l'article 7.1 du contrat et son annexe 2, et à l'article 9.3 du contrat ",

" Calculer l'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture d'agent commercial sur la base de deux années de commissions hors taxes calculées sur la moyenne des commissions perçues depuis le 1er juin 2006 et jusqu'à la fin du préavis au 31 janvier 2008 ".

En tout état de cause :

- rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions formées par la société Méotec,

- condamner la société Méotec au versement des intérêts de retard calculées au taux légal sur les commissions contractuellement dues à la date du 5 octobre 2007, date de la mise en demeure et dire que les intérêts de la condamnation prononcée emporteront eux-mêmes intérêts au taux légal par périodes annuelles à compter de la présente demande,

- condamner la société Méotec au paiement de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 9 juin 2011.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR :

Sur la qualification des relations contractuelles

Méotec conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Intelligentsia de sa demande de requalification du contrat de courtage en contrat d'agent commercial et subsidiairement en mandat d'intérêt commun, rappelant les termes du contrat définissant la mission d'intermédiaire d'Intelligentsia, soutenant en substance que cette dernière n'avait pas mission de négociation et que n'ayant pas accompli d'acte juridique au nom et pour le compte de l'appelante, elle ne peut être considérée comme mandataire.

En réponse, Intelligentsia sollicite l'infirmation du jugement en faisant valoir que le contrat conclu revêt toutes les caractéristiques du contrat d'agent commercial tel que défini par l'article L. 134-1 du Code de commerce, que le contrat a pour objet la rémunération de la prospection et de la négociation commerciale de contrats de prestations de service pour le compte de Méotec, que le contrat met d'ailleurs à la charge d'Intelligentsia une clause de non-concurrence durant l'exécution du contrat qui s'apparente à une clause d'exclusivité et qu'un courtier ne peut se voir imposer une telle clause, que la fidélité du courtier est double et qu'il ne doit pas seulement agir dans l'intérêt du donneur d'ordres, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Intelligentsia en veut pour preuve les pièces qu'elle verse aux débats.

Intelligentsia répliquant aux écritures de Méotec sur ce point soutient que les caractéristiques du contrat de courtage dont Méotec fait état s'appliquent également à celui d'agent commercial, que l'obligation de non-concurrence de l'agent commercial est prévue par l'article L. 134-3 du Code de commerce et de ce fait, le contrat doit être requalifié, que Méotec passe sous silence les caractéristiques essentielles qui distinguent le contrat de courtage du contrat d'agent commercial, qu'en l'espèce, notamment, Intelligentsia ne négociait que pour le compte de Méotec et en son nom.

Subsidiairement, sur le mandat d'intérêt commun, Intelligentsia fait valoir que le contrat a été conclu dans l'intérêt commun des parties, l'objet du mandat représentant pour Méotec comme pour Intelligentsia l'intérêt d'un essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle, qu'en outre, elle percevait une indemnité mensuelle fixe de 3 000 euro, quelles que soient les affaires apportées, indemnité qui n'est certainement pas due dans le cadre d'un contrat de courtage, le courtier percevant une simple commission pour la mise en relation du donneur d'ordre et de l'acheteur.

Intelligentsia ne peut prétendre à l'application des dispositions des articles L. 134-11 et suivants du Code de commerce, notamment à l'indemnité telle que prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce qu'à la condition que la preuve soit rapportée que les parties étaient liées par un contrat d'agence commerciale.

Il appartient à celui qui revendique le statut d'agent commercial d'en apporter la preuve.

Selon l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

En l'espèce, il résulte du contrat signé le 1er juin 2006 entre les parties que Méotec souhaitait accroître son développement commercial et désirait s'adjoindre les services d'un consultant extérieur pour conquérir de nouveaux clients en France, que la société Intelligentsia agissant par son gérant M. Defarge, dénommée au contrat " Le courtier " , qui avait un carnet d'adresses et des contacts dans le milieu professionnel des grandes entreprises françaises s'est déclaré en mesure de répondre aux besoins de Méotec, que Méotec a confié la mission suivante à Intelligentsia :

" (i) rechercher de nouveaux clients pour Méotec dans le domaine de l'assistance technique par la fourniture de consultants spécialisés recherchés et recrutés par Méotec.

(ii) éventuellement négocier les conditions propres à une ou plusieurs commandes d'assistance technique ou de fourniture de produits Méotec. La négociation pourra alors porter notamment sur le prix, les modalités et échéances de paiement, les dates et la durée d'intervention. "

Il a été encore précisé par le contrat en son article 1 :

" 1.2. Méotec se réserve toutefois le droit d'accepter ou de refuser les conditions négociées par le courtier nonobstant les dispositions de l'article 1.1 (ii) des présentes.

Méotec se réserve en outre le droit de refuser toute transaction pour laquelle elle estimerait ne pas avoir les ressources ou les compétences nécessaires, ou si le prospect ne présentait pas de garanties de solvabilité suffisantes.

1.3. Les Parties agiront à tout moment en totale indépendance d'une de l'autre, sans que le présent contrat de courtage ne puisse être réputé créer une quelconque filiale ou entreprise commune, ni un quelconque lien de subordination, de représentation, mandat agence ou analogue.

1.4. Le courtier ne devra ainsi en aucun cas conclure de contrat à son nom pour le compte de Méotec.

1.5. Toutes les commandes, devis et/ou contrats seront directement signés par Méotec et le nouveau client présenté par le courtier. "

Sans s'arrêter à la dénomination que les parties ont donné au leur contrat et au fait qu'elles ont écarté que le contrat signé entre elles puisse être réputé créer un mandat d'agence ou analogue, il convient de relever que l'intention commune des parties ressortant sans équivoque tant du préambule que des stipulations ainsi rappelées, était de faire bénéficier Méotec, par l'intermédiaire d'Intelligentsia et plus particulièrement de son gérant, M. Defarge dont il est acquis qu'il avait exercé des responsabilités importantes au sein d'une société informatique importante, du carnet d'adresses de celui-ci et de ses relations privilégiées auprès de grands groupes spécialement bancaires énumérés à l'annexe 1 du contrat, qu'à cet effet, Intelligentsia se voyait confier une mission de recherche de clients et d'intermédiaire, en totale indépendance l'une de l'autre, étant rappelé expressément qu'en aucun cas Intelligentsia ne pouvait signer à son nom un contrat pour Méotec et que tous les documents contractuels devaient être signés par Méotec.

De la mission confiée à Intelligentsia telle que définie par le contrat, il ne peut nullement être inféré que celle-ci se serait vu confier le mandat de négocier de façon permanente pour Méotec - qui serait seul de nature à caractériser l'agent commercial - alors que l'essence du contrat porte sur une mission de mise en relation de Méotec avec des prospects, que la mission de négociation n'est envisagée que de manière éventuelle et surtout que le cas échéant, il est stipulé que Méotec se réserve le droit d'accepter ou de refuser les conditions négociées, de sorte que Méotec n'est pas engagé par les actes de négociation d'Intelligentsia.

La question n'étant pas de trancher en l'espèce si le contrat a exactement été qualifié par les parties de contrat de courtage mais seulement de savoir si Intelligentsia qui prétend obtenir le paiement de l'indemnité de perte de clientèle due à l'agent commercial, apporte la preuve de l'existence d'un mandat d'agent commercial, il est indifférent à la solution de cette question qu'il ne soit pas établi par Méotec qu'Intelligentsia avait bien la qualité de courtier.

Intelligentsia prétend que la présence d'une clause contractuelle rappelant l'obligation de non-concurrence pendant la durée du contrat révélerait l'existence d'une agence commerciale.

Cependant, la stipulation contractuelle selon laquelle " Le courtier reste libre d'effectuer pour son propre compte ou pour le compte d'autrui des opérations commerciales si ces dernières ne concurrencent pas les produits ou les prestations de services de Méotec " ne prouve pas en quoi Intelligentsia bénéficierait d'un mandat de négociation permanent de Méotec, aurait mandat pour agir pour son compte et en son nom et ne caractérise pas le contrat d'agent commercial dès lors qu'une clause du même type peut tout autant se retrouver dans des contrats d'apporteur d'affaires ou d'intermédiaire.

Les pièces numérotées 15 et 16 versées aux débats par Intelligentsia ne justifient nullement d'une négociation, menée par l'intimée, laquelle s'entend d'actions visant à aboutir à des commandes, en discutant avec les clients notamment sur le prix, les modalités et échéances de paiement, les dates et la durée des interventions pour les prestations de services.

La pièce 15 est seulement un mail émanant de M. Caron pour Méotec adressé à M. Defarge pour Intelligentsia et destiné semble-t-il à être transmis à l'Apec, cliente, dans lequel Méotec propose la rédaction d'un courrier par l'Apec, à lui adresser, destiné manifestement à être utilisé contre l'un de ses propres consultants.

La pièce 16 est un mail dont le libellé est le suivant " comme convenu fichier complété Biz " avec annoncé en pièce jointe état facturation BNP en dépassement d'échéance - la pièce jointe n'étant pas produite - dont il ne peut être déduit comme le prétend Intelligentsia qu'il démontrerait qu'elle avait mission de relancer les clients pour les paiements, ce qui en tout état de cause serait insuffisant à caractériser le mandat d'agent commercial.

S'agissant des attestations de Messieurs Jacquet et Laforge, elles ne font que confirmer que Méotec est entrée en contact avec l'Apec et BNP Paribas par l'intermédiaire de M. Defarge (Intelligentsia) et les contrats produits aux débats par Méotec ont tous été signés directement par cette dernière avec les clients, sans qu'il y figure qu'Intelligentsia aurait agi en qualité de mandant et en aurait négocié les conditions.

Intelligentsia n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle aurait été chargée de façon permanente de négocier au nom et pour le compte de Méotec, étant relevé qu'elle ne prétend pas avoir elle-même conclu même occasionnellement des contrats de vente, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de Méotec. Elle ne peut donc revendiquer le statut d'agent commercial.

Par ces motifs et ceux pertinents encore relevés par les premiers juges, le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Intelligentsia de ses demandes tendant à voir dire que le contrat est un contrat d'agence commerciale et des demandes en paiement de ce chef.

Intelligentsia subsidiairement soutient qu'il aurait existé un mandat d'intérêt commun, se bornant à l'affirmer en reprenant la définition donnée par la jurisprudence selon laquelle la réalisation de l'objet doit présenter pour le mandant et le mandataire l'intérêt d'un essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle, sans caractériser ni apporter une quelconque preuve à l'appui de cette affirmation, étant au surplus relevé à juste titre par Méotec qu'Intelligentsia n'apporte pas même la preuve qu'elle aurait agi en qualité de mandataire de Méotec, au nom et pour le compte de celle-ci, les seuls éléments versés aux débats ne justifiant que d'un rôle d'intermédiaire et de mise en relation.

Intelligentsia sera également déboutée de sa demande de requalification du contrat en mandat d'intérêt commun et des demandes de ce chef.

Sur la résiliation du contrat

Méotec conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu le 1er juin 2008 comme extinctif du contrat. Elle soutient que le tribunal s'est livré à des constatations erronées et omis qu'Intelligentsia ne démontrait pas la poursuite du contrat postérieurement au 1er juin 2007 dont elle se prévaut.

Elle fait valoir en substance que les pièces produites et les circonstances telles que l'absence de facturation mensuelle et le fait qu'Intelligentsia ait fait bénéficier postérieurement à cette date d'autres sociétés que Méotec de son carnet d'adresses démontrent la volonté non équivoque d'Intelligentsia de mettre fin au contrat dès le 1er juin 2007. Elle ajoute que c'est à Intelligentsia qui demande le paiement de sa rémunération pour la période du 1er juin 2007 au 1er juin 2008 de démontrer que le contrat a fait l'objet d'une tacite reconduction.

En réponse, Intelligentsia conclut à la confirmation faisant valoir qu'aucun des éléments cités par Méotec ne justifie de sa volonté non équivoque de mettre fin au contrat à la date du 1er juin 2007, que celui-ci faute de dénonciation dans les conditions prévues au contrat a été renouvelé pour une période d'une année par tacite reconduction.

Le contrat signé le 1er juin 2006 entre les parties a été conclu pour une année à compter de sa signature avec la clause suivante : " Il sera renouvelé par tacite reconduction par période annuelle, à défaut de l'envoi par l'une quelconque des parties, d'une lettre recommandée avec accusé de réception au moins trois mois avant la date anniversaire du contrat. "

Il est acquis qu'aucune des parties n'a adressé à l'autre de lettre recommandée avec avis de réception dans le délai ainsi stipulé pour l'informer de sa volonté de ne pas voir renouveler le contrat par tacite reconduction à la date du 1er juin 2007.

Sauf preuve contraire, en application de la clause sus-citée, le contrat s'est donc renouvelé par tacite reconduction au 1er juin 2007.

Méotec prétend néanmoins qu'Intelligentsia aurait manifesté sa volonté de mettre fin au contrat dès le 1er juin 2007.

La preuve est certes libre en matière commerciale mais en l'absence de dénonciation écrite par l'une des deux parties dans les délai et forme contractuels ci-dessus rappelés - car si Méotec allègue qu'elle ne souhaitait pas la reconduction du contrat aux mêmes conditions, il est certain qu'elle n'a pas pris l'initiative de s'opposer au renouvellement en adressant une lettre recommandée avec avis de réception avec un préavis de trois mois -, c'est à Méotec, qui soutient que le contrat ne s'est pas renouvelé par tacite reconduction, de démontrer qu'Intelligentsia aurait manifesté de façon non équivoque sa volonté de ne pas renouveler le contrat à la date du 1er juin 2007.

Elle fait état d'une conversation téléphonique avec M. Defarge au début du mois de juin 2007 au cours de laquelle ce dernier aurait fait part du souhait de reprendre sa liberté - conversation dont elle ne rapporte aucune preuve - et d'un entretien avec M. Defarge peu de temps après dans ses locaux.

Sur ce point, elle produit l'attestation de M. Wolf qui témoigne qu'au début de l'été, M. Defarge est venu voir M. Caron dans les bureaux de Méotec dans le cadre de la négociation de son contrat, que l'entretien a duré une heure et que lorsque M. Defarge est sorti du bureau, il l'a salué en lui disant qu'il arrêtait de travailler, qu'il " était trop vieux pour ces conneries là ".

Outre que cette attestation situe cette rencontre " au début de l'été ", ce qui est en tout cas postérieur à la date de renouvellement tacite du 1er juin 2007, les propos tenus par M. Defarge à une personne qui n'est pas le représentant de son cocontractant, au surplus à la sortie d'une réunion dont la teneur exacte n'est pas connue, eu égard aux termes employés qui démontrent un agacement certain mais qui peut-être cependant passager, ne sauraient démontrer une volonté claire et non équivoque, non pas de ne pas renouveler le contrat qui l'était déjà, mais de rompre unilatéralement le contrat renouvelé.

Par ailleurs, M. Caron a adressé le 5 juin 2007 à M. Defarge une proposition de contrat comportant des modifications importantes par rapport au contrat signé le 1er juin 2006, puisque supprimant l'indemnité forfaitaire mensuelle de 3 000 euro HT prévue par l'article 7.5 et réduisant les commissions d'Intelligentsia de 50 % à 25 % de la marge brute réalisée par Méotec sur les affaires apportées par Intelligentsia.

Cet avenant établit certes que Méotec souhaitait obtenir de son cocontractant une modification de ses conditions de rémunération mais ne justifie, l'envoi de cet avenant étant lui-même postérieur au 1er juin 2007, ni de l'absence de renouvellement du contrat ni de la volonté d'Intelligentsia de conclure un nouveau contrat et de mettre fin à l'ancien puisqu'elle n'a pas signé le nouveau contrat sans pour autant manifester son intention de mettre fin au contrat renouvelé.

Par ailleurs, M. Defarge a écrit dès le 25 septembre 2007 qu'il était dans l'attente de recevoir des informations relatives aux affaires en cours et le paiement de ses commissions et il ne peut pas plus être déduit de ce qu'il n'aurait pas adressé ses factures de juin, juillet et août à cette date qu'il aurait mis fin à la relation contractuelle et ce d'autant qu'il produit deux attestations duquel il résulte qu'en juillet et septembre 2007, il a continué de suivre deux clients, l'Apec et BNP Paribas, qu'il avait mis en contact avec Méotec.

Méotec prétend que ces attestations seraient de pure complaisance mais n'apporte aucun élément déterminant justifiant d'écarter ces témoignages.

Intelligentsia a dès le 5 octobre 2007 fait écrire par son avocat qu'il considérait que le contrat continuait dès lors qu'il n'avait pas été dénoncé en temps et en heure et a réclamé le paiement de ses commissions, de sorte qu'il ne peut être tiré aucun argument de ce qu'il n'aurait en définitive adressé une facture globale pour la période écoulée depuis juin 2007 qu'en janvier 2008.

En réalité, les pièces produites démontrent que le contrat s'est bien renouvelé par tacite reconduction à la date du 1er juin 2007, aucune des parties n'ayant pris l'initiative de s'opposer au renouvellement mais que Méotec a tenté d'obtenir jusqu'au début de l'été une modification du contrat renouvelé à laquelle Intelligentsia n'a pas agréé.

Aucune des parties n'a fait usage des stipulations de l'article 4.3 du contrat permettant de mettre fin au contrat en cas d'inexécution, par l'autre partie.

A la suite du mail du 25 septembre 2007 de M. Defarge et du courrier du conseil d'Intelligentsia du 5 octobre 2007, par courrier du 10 octobre 2007, Méotec a écrit qu'elle avait été contrainte de prendre acte de la rupture unilatérale du contrat de courtage du seul fait de la société Intelligentsia et ce en raison de l'inexécution totale et volontaire de cette dernière face à ses engagements.

Les courriels des 23 et 24 octobre 2007 échangés entre M. Defarge et M. Awad, travaillant pour Inmet, concurrent de Méotec, sont très largement postérieurs à la date du renouvellement du contrat et sont également postérieurs au courrier du 10 octobre 2007 dans lequel Méotec a écrit à Intelligentsia qu'elle considérait que le contrat était résilié.

Ils ne peuvent donc d'aucune façon servir à prouver comme le prétend Méotec que dès le 1er juin 2007, Intelligentsia avait décidé de mettre fin au contrat.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le contrat du 1er juin 2006 s'est renouvelé par tacite reconduction à la date du 1er juin 2007.

Faute par l'une ou l'autre partie d'avoir résilié le contrat pour inexécution et les circonstances ainsi rappelées n'établissant pas qu'une des parties y aurait mis fin unilatéralement sans équivoque pendant la durée du contrat renouvelé, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a fixé le terme du contrat renouvelé au 1er juin 2008.

Sur les demandes en paiement d'Intelligentsia

Intelligentsia demande le paiement de la somme de 43 056 euro correspondant au montant de la commission forfaitaire mensuelle prévue au contrat de 3 000 euro HT, pendant 12 mois à compter du 1er juin 2007.

Elle sollicite la confirmation de l'expertise ordonnée par les premiers juges aux fins de procéder au calcul des commissions qui lui sont dues en vertu de l'article 9.3 du contrat.

Méotec oppose l'absence de droit à rémunération d'Intelligentsia après le 1er juin 2007 au motif que cette obligation serait devenue sans cause, Intelligentsia n'ayant effectué aucune prestation de prospection et d'intermédiaire sur cette période, aucun nouveau client n'ayant été apporté et Intelligentsia s'étant permis de travailler pour des concurrents.

Cependant, il est acquis que le contrat n'était pas dépourvu de cause lors de sa signature.

Par ailleurs, Méotec n'établit pas qu'Intelligentsia aurait rompu unilatéralement le contrat à la date du 1er juin 2007 ou aurait manqué à son obligation de prospection avant le 25 septembre 2007, date à laquelle celle-ci a réclamé l'exécution par Méotec de ses propres obligations, notamment de la tenir informée des contrats en cours et de lui payer l'indemnité forfaitaire mensuelle et ses commissions, demande réitérée le 5 octobre 2007.

Méotec a de son côté refusé d'exécuter ses obligations contractuelles essentielles, notamment en paiement de l'indemnité forfaitaire mensuelle de 3 000 euro par mois à compter du 1er juin 2007.

L'éventuelle violation par Intelligentsia de l'obligation de non-concurrence contenue au contrat, sous réserve qu'elle soit démontrée, n'aurait pas pour effet de priver de cause l'obligation de Méotec de paiement des commissions et rémunérations dues à Intelligentsia à raison des prestations exécutées et ne pourrait permettre à Méotec que d'obtenir des dommages-intérêts à raison du préjudice subi.

Dès lors que l'absence de prospection par Intelligentsia à compter du mois d'octobre 2007 est justifiée, eu égard aux propres manquements graves de Méotec à ses obligations essentielles à compter de juin 2007, cette dernière ne saurait s'exonérer du paiement à Intelligentsia de l'indemnité mensuelle forfaitaire qui lui est due.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de condamnation au paiement de la somme de 43 065 euro TTC, majorée des intérêts au taux légal compter de la signification du jugement.

Il y a lieu d'ajouter la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

Sur la demande de Méotec en paiement de dommages-intérêts

Méotec demande la condamnation d'Intelligentsia à lui payer 10 000 euro à titre de dommages-intérêts en raison de la violation par Intelligentsia de son obligation de non-concurrence.

Intelligentsia oppose en premier lieu que cette demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel en faisant valoir qu'en première instance, Méotec avait sollicité des dommages-intérêts sur le fondement de la rupture brutale du contrat et non en réparation d'un manquement à l'obligation de non-concurrence.

Cependant, n'est pas nouvelle la demande formée en cause d'appel qui tend aux mêmes fins que celle formée devant les premiers juges, même si leur fondement juridique est différent, à savoir la condamnation de Intelligentsia au paiement de dommages-intérêts fondée en cause d'appel sur le non-respect de l'obligation contractuelle de non-concurrence alors qu'en première instance, elle était fondée sur la rupture brutale du contrat.

Sur le fond, Méotec invoque la violation de l'obligation figurant à l'article 8 du contrat et fait valoir que le courrier de M. Defarge du 24 octobre 2007 révèle que celui-ci a mis en relation l'Apec en septembre 2007 avec M. Awad de la société Inmet (groupe Altran) pour effectuer l'implantation de la solution logiciel RightNow, prestation qu'elle était à même de délivrer.

Le contrat du 1er juin 2006 en son article 8 Liberté du commerce et obligation de non-concurrence énonce " Le courtier reste libre d'effectuer pour son propre compte ou pour le compte d'autrui des opérations commerciales si ces dernières ne concurrencent pas les produits ou les prestations de services de Méotec ".

Dans le mail du 24 octobre 2007 dont Méotec entend tirer la preuve de la prétendue violation de cette obligation de non-concurrence, M. Defarge s'adresse à M. Jacquet de l'Apec, en lui transférant le mail de M. Awad, consultant de la société Imnet (groupe Altran), en charge de l'implantation de la solution RightNow à l'Apec, sollicitant son intervention pour obtenir 10 jours de facturation supplémentaires et une réunion pour présenter l'outil proposé à la direction.

Dès lors que le contrat permet à Intelligentsia et en particulier à M. Defarge d'effectuer pour son propre compte ou pour le compte d'autrui des opérations commerciales pour d'autres sociétés que Méotec, il appartient à cette dernière de prouver que pour la fourniture de ces produits ou de ces prestations, elle aurait été en concurrence avec la société Imnet.

Or, comme l'avaient déjà observé à juste titre les premiers juges dans leur jugement du 24 septembre 2009 lequel n'a pas fait l'objet d'un recours, le contrat ne précise pas le domaine d'activité de Méotec, notamment quant à ses prestations d'assistance technique et pas davantage son périmètre d'intervention ou les produits qu'elle fournit ; Méotec ne rapporte pas la preuve qu'elle distribue les logiciels de l'éditeur RightNow Technologies, et que la seule affirmation que M. Caron dirigeant de Méotec est un ancien de la société Altran ne suffit pas à établir l'exercice d'une concurrence déloyale de la part d'Intelligentsia.

Méotec sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de non-concurrence, aucune preuve d'un préjudice subi n'étant pas au surplus apporté ;

Sur l'expertise

Eu égard à l'absence d'éléments suffisants produits permettant d'établir le montant des commissions dues à Intelligentsia sur la période du 1er juin 2006 au 1er juin 2008, c'est à bon droit que les premiers juges ont ordonné une expertise.

Il n'y a pas lieu d'ajouter à la définition de la mission telle qu'elle a été décidée comme le demande Intelligentsia.

Compte tenu du sens de l'arrêt, Méotec sera également déboutée de sa demande - recevable en cause d'appel comme accessoire de celle tendant à voir dire que le contrat de courtage a pris fin le 1er juin 2007 - de modification du périmètre de cette expertise.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Les dépens du présent appel seront à la charge de Méotec qui succombe.

L'équité commande de la condamner à payer à Intelligentsia une indemnité de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Déclare la société Méotec recevable mais mal fondée en sa demande de dommages-intérêts pour manquement de la société Intelligentsia à son obligation contractuelle de non-concurrence et l'en déboute. Déclare la société Méotec recevable mais mal fondée en sa demande de modification de la mission de l'expert et l'en déboute. Déboute la société Intelligentsia de sa demande de modification de la mission de l'expert. Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil. Condamne la société Méotec aux dépens d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Condamne la société Méotec à payer à la société Intelligentsia une indemnité de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute la société Méotec de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.