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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 6 octobre 2011, n° 08-04455

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Reliance (SARL)

Défendeur :

Laser Game Entreprise (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Muller

Conseillers :

Mme Pages, M. Bernaud

Avoués :

SCP Grimaud, SCP Calas

Avocats :

Mes Bitchatchi-Ordonneau, Winckel

TGI Grenoble, du 25 sept. 2008

25 septembre 2008

Monsieur Louis Fournier est le concepteur d'un jeu de combat utilisant des armes à reconnaissance laser.

Il a déposé le 27 mai 1999 la marque Laser Game ainsi qu'un logo.

Il a créé par la suite la société Laser Game Equipement devenue Laser Game Entreprise chargée notamment de fabriquer et de commercialiser une gamme de produits sous la marque Laser Game.

Cette entité a elle-même déposé en France et en Europe dans le courant de l'année 2001 la marque Laser Game et son logo.

Par contrat du 27 septembre 2003, conclu pour une durée de cinq ans renouvelable une fois pour une période de cinq années sauf dénonciation dans le délai d'un an précédant le terme, la société Laser Game Entreprise a confié à la SARL Reliance la distribution exclusive de ses produits sur un territoire composé d'une douzaine de pays européens, dont la France, à l'exclusion d'une zone réservée au fournisseur comprenant notamment une quinzaine de villes françaises dans lesquelles des salles de jeu avaient été préalablement ouvertes.

Le contrat stipule que le distributeur aura la faculté de consentir des sous-licences de la marque et de traiter librement avec des sous-distributeurs, agents ou autres intermédiaires pour la commercialisation des produits dans le territoire concédé.

En exécution de ce contrat la société Reliance a mis en place un réseau de franchise composé d'une trentaine d'établissements.

Par avenant du 30 mai 2005 les parties au contrat de distribution exclusive ont décidé que les produits de la gamme Laser Game pourraient également faire l'objet d'une location selon un tarif indexé.

Très rapidement après la conclusion de cet avenant les relations entre les parties vont se dégrader, la société Laser Game Entreprise se plaignant notamment d'une baisse très importante des ventes, de l'accumulation des impayés, de l'existence de nombreux litiges et contentieux judiciaires entre la société Reliance et les membres de son réseau de franchise de nature à porter atteinte à l'image de la marque et du réseau préexistant, de propos dénigrants tenus auprès des franchisés et du dépôt le 7 octobre 2005 par un associé du distributeur de la marque concurrente "Original Laser".

Après plusieurs courriers de protestation et de mise en demeure la société Laser Game Entreprise a résilié le contrat de distribution par lettre du 10 novembre 2005, aux termes de laquelle elle se plaint d'impayés importants, de la création d'un réseau parallèle et de graves agissements commis au préjudice des franchisés.

Par acte d'huissier du 27 janvier 2006 la SARL Laser Game Entreprise a fait assigner la SARL Reliance et son associé M. Jean-Pierre Rousseau, d'une part en paiement de diverses sommes portées en cours d'instance à 98 237,86 euro au titre des commandes impayées, 426 857,30 euro en réparation de son manque à gagner du fait de la résiliation du contrat aux torts exclusifs du distributeur, 640 285,95 euro en réparation d'agissements parasitaires, de détournements de commandes et de désorganisation du réseau et 100 000 euro à la charge de Monsieur Rousseau au titre de sa complicité dans les actes de concurrence déloyale, d'autre part en annulation de la marque "Original Laser" et enfin en suppression sous astreinte de la page "investisseurs" du site Laser Game.com.

La SARL Reliance a pour sa part formé une demande reconventionnelle en paiement des sommes de 69 688,70 euro à titre d'avances sur commandes non livrées, de 30 000 euro au titre des premiers loyers sur location de matériels, de 3 480 478,60 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation contractuelle, de 580 563,44 euro en remboursement des investissements financés durant la relation commerciale et de 514 894,08 euro en réparation du préjudice consécutif à la perte du réseau.

Par un premier jugement du 8 mars 2007 le Tribunal de grande instance de Grenoble a dit que l'appellation "Laser Game" ne constituait pas une marque protégée, a dit que la société Reliance était fondée à utiliser un site Internet contenant l'appellation "Laser Game" pendant un délai de cinq ans à compter du 10 novembre 2005 et a ordonné la réouverture des débats sur le fond.

Par un second jugement du 25 septembre 2008 le tribunal a condamné la SARL Reliance à payer à la société Laser Game Entreprise les sommes de 74 165,91 euro au titre des commandes impayées, de 213 428,65 euro à titre de dommages et intérêts pour détournement de clientèle et de 3 000 euro pour frais irrépétibles, a débouté la société Laser Game Entreprise du surplus de ses demandes et a débouté la société Reliance de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.

La SARL Reliance a relevé appel de cette dernière décision selon déclaration reçue le 22 octobre 2008. Elle n'a intimé que la SARL Laser Game Entreprise.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 19 mai 2011 par la SARL Reliance qui demande à la cour :

- de réformer le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes de la société Laser Game Entreprise,

- de constater que la société Laser Game Entreprise a manqué à son obligation légale d'information précontractuelle,

- de constater que l'appellation "Laser Game" qui lui a été concédée par le contrat de distribution exclusive ne constitue pas une marque,

- de constater l'absence de toute transmission d'un savoir-faire,

- de prononcer en conséquence la nullité du contrat de distribution exclusive pour défaut d'objet et de cause,

- de condamner du fait de cette nullité la société Laser Game Entreprise à lui payer les sommes de 580 563,44 euro en remboursement des investissements réalisés durant la relation commerciale, de 3 480 478,60 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée et brutale du contrat sur la base de deux années de chiffre d'affaires calculées sur la moyenne des trois années d'activité et de 514 894,08 euro en réparation de la perte de son réseau sur la base de trois années de redevances,

- subsidiairement de dire et juger que les parties étaient liées par un mandat d'intérêt commun et de condamner la société Laser Game Entreprise au paiement des même sommes,

- plus subsidiairement encore de condamner la société Laser Game Entreprise au paiement des mêmes sommes à raison des actes de concurrence déloyale et des pratiques discriminatoires commis à son encontre et pour rupture brutale des relations commerciales en violation des clauses du contrat,

- au cas où la cour ne serait pas suffisamment informée d'ordonner la production des grands livres clients des années 2005/2006, 2006/2007 et 2007/2008,

- de débouter en toute hypothèse la société Laser Game Entreprise de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner cette dernière à lui payer les sommes de 69 688,70 euro en remboursement de ses avances sur commandes non livrées et de 30 000 euro au titre des premiers loyers sur les locations des villes de le Havre, Marseille et Valencia,

- de condamner enfin la société intimée à lui payer une indemnité de 7 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 18 mai 2011 par la SAS Laser Game Entreprise qui demande à la cour :

- de constater :

- que la société Reliance a reconnu devoir les sommes réclamées au titre des commandes impayées,

- qu'en portant atteinte à son image, en déposant une marque concurrente et en l'exploitant en fraude de ses droits la société Reliance a commis des fautes particulièrement lourdes justifiant la résiliation du contrat à ses torts exclusifs,

- qu'en poursuivant l'exploitation de son site "laser-game.com" et en détournant sa clientèle la société Reliance a commis des faits distincts de parasitisme et de concurrence déloyale qui se sont poursuivis pendant toute la procédure de première instance,

- que le distributeur, qui a reçu une formation et qui a collaboré avec elle bien antérieurement à la conclusion du contrat, n'a pas pu être victime d'un vice du consentement,

- que la marque était pleinement valable et efficace antérieurement à la résiliation du contrat de distribution, l'annulation judiciaire n'ayant été prononcée que le 8 mars 2007,

- que le contrat prévoyait en tout état de cause l'obligation pour le distributeur d'accepter le cas échéant une marque de substitution,

- que le contrat est parfaitement causé,

- de débouter la société Reliance de l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions,

- de condamner la SARL Reliance à lui payer les sommes de 98 237,96 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 août 2005 au titre des commandes impayées, de 100 000 euro hors taxes en réparation du gain manqué du fait de la rupture fautive du contrat et de 420 658 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des agissements parasitaires, du détournement de commandes et de la désorganisation de son réseau dont elle a été victime,

- de condamner M. Jean-Pierre Rousseau in solidum avec la SARL Reliance au paiement de la somme de 213 428 euro au titre de sa complicité dans la violation de la clause de non-concurrence,

- subsidiairement de prononcer la nullité de la marque "Original Laser" déposée en fraude de ses droits sur le fondement de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle,

- d'ordonner en tout état de cause la suppression de la page "investisseurs" du site "laser-game.com" sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard sans préjudice de la décision du 8 mars 2007, et la publication de la décision à intervenir dans un journal ou site de son choix,

- de condamner enfin la SARL Reliance à lui payer une indemnité de procédure de 10 000 euro.

Motifs de l'arrêt

Sur la demande d'annulation du contrat de distribution exclusive conclu entre les parties le 27 septembre 2003

1. Le défaut d'information précontractuelle

Le 25 août 2003 la société a émargé un document intitulé "information précontractuelle" présentant le fournisseur, décrivant le principe et le fonctionnement de l'activité, annonçant l'opération envisagée entre les parties et dressant la liste des villes dans lesquelles des droits avaient déjà été concédés pour l'exploitation des signes distinctifs et la distribution des produits de la société Laser Game Entreprise.

Le contrat de distribution régularisé le 27 septembre 2003 mentionne en préambule que le distributeur a eu communication, depuis au moins vingt jours, d'un exemplaire du présent contrat et des informations sur la distribution et le réseau du fournisseur prévues à l'article L. 330-3 du Code de commerce.

Il est dès lors certain que la société Reliance a reçu une information précontractuelle dans le délai prévu par la loi.

Le document remis au distributeur ne comporte, certes, pas l'ensemble des informations exigées par le décret codifié du 4 avril 1991 portant application de l'article L. 330-3 du Code de commerce, alors notamment qu'il ne permet pas d'identifier avec la précision requise les exploitants déjà en place et qu'il n'est pas accompagné d'une présentation de l'état du marché, ni des comptes annuels du fournisseur au titre des deux derniers exercices.

En prévoyant que le document à fournir 20 jours avant la signature du contrat doit contenir des informations sincères afin de permettre à l'autre partie de s'engager en connaissance de cause, l'article L. 330-3 susvisé a cependant pour finalité de garantir l'expression d'un consentement valable de la part du distributeur ou du franchisé. Il en résulte que la nullité du contrat conclu entre les parties le 27 septembre 2003 ne saurait être prononcée qu'à charge pour la société Reliance d'établir que son consentement a été donné par erreur ou surpris par dol.

Elle n'offre pas toutefois de faire cette preuve, et ne pourrait au demeurant sérieusement soutenir que son consentement a été vicié, alors qu'il est constant que la signature du contrat a été précédée d'une période de deux années au cours de laquelle elle a reçu une formation et travaillé sur des prospects transmis par la société Laser Game Entreprise, acquérant ainsi une bonne connaissance du concept d'entreprise et du savoir-faire développés par le fabricant du matériel sous la marque Laser Game.

Elle explique d'ailleurs dans ses écritures d'appel (page 26) que la société Laser Game Entreprise a souhaité former un partenaire à long terme et que la majeure partie du réseau aujourd'hui revendiqué est constitué en réalité de candidats et prospects qui lui ont été fournis directement afin de lui permettre de démarrer son activité avant la signature du contrat de distribution, ce qui permet à l'évidence d'exclure tout vice du consentement, puisque au jour de la signature du contrat elle avait acquis une connaissance et une expérience dans des conditions d'exploitation réelle.

2. La cause du contrat

Bien que l'annulation du dépôt de la marque Laser Game par le jugement non frappé d'appel rendu par le Tribunal de grande instance de Grenoble le 8 mars 2007 ait nécessairement un effet rétroactif, il ne peut être sérieusement soutenu que cette invalidation a privé le contrat de cause.

Le concept, le savoir-faire et les signes distinctifs (logo, charte graphique par exemple) mis à sa disposition ont permis en effet à la société Reliance de développer un réseau de franchise comportant une trentaine de membres et, surtout, de commercialiser avec profit le matériel de jeu fabriqué par la société Laser Game Entreprise, au point de réaliser au cours des années 2004 et 2005 un chiffre d'affaires moyen de plus de 1 800 000 euro.

Au demeurant il n'a été stipulé aucune redevance à la charge du distributeur en contrepartie de la licence exclusive pour l'exploitation de la marque, le fournisseur n'étant rémunéré que sur les ventes de matériels, en sorte qu'il ne peut être sérieusement soutenu que par l'effet du jugement susvisé du 8 mars 2007 les obligations contractées par la société Reliance auraient été rétroactivement privées de contrepartie.

En outre et surtout il a été expressément stipulé à l'article trois du contrat que dans le cas où la marque viendrait à être déclarée nulle ou déchue par décision judiciaire il serait proposé au distributeur une marque de substitution, ce dernier à défaut étant lui-même autorisé à lui substituer une marque de son choix, ce qui démontre suffisamment que dans la commune intention des parties la protection juridique de l'appellation Laser Game n'était pas la cause essentielle et déterminante du contrat.

C'est inutilement enfin que la société Reliance prétend que le contrat serait dépourvu de cause à défaut de transmission d'un savoir-faire effectif.

La transmission d'un savoir-faire original est en effet de l'essence même du seul contrat de franchise. Or, en l'espèce, la société Reliance n'a pas intégré un réseau de franchise préexistant, mais s'est bornée à obtenir en exclusivité l'exploitation de la marque Laser Game et la distribution des produits fabriqués par la société Laser Game Entreprise avec faculté de consentir sous sa responsabilité des sous-licences de distribution, dont il est admis par le fournisseur qu'elles pouvaient prendre la forme de contrats de franchise.

Il appartenait donc à la société Reliance de développer elle-même pour les besoins de l'exploitation de son propre réseau de franchise un savoir-faire spécifique, que le contrat de distribution litigieux n'avait pas pour objet de lui transmettre.

Aucune cause de nullité n'affecte donc le contrat conclu entre les parties, ce qui conduit au rejet de l'ensemble des demandes en restitution et en indemnisation formées sur ce fondement par la société Reliance.

Sur la demande de requalification du contrat

Aux termes du contrat, qualifié de distribution exclusive, et de son avenant du 30 mai 2005 la société Reliance a été expressément chargée d'acheter les produits fabriqués par la société Laser Game Entreprise en qualité de commerçant indépendant et de les revendre en son nom propre, pour son compte et à ses risques (article cinq du contrat).

Les factures et les documents comptables produits aux débats démontrent que conformément à la lettre du contrat la société Reliance a pratiqué l'achat pour revendre ou pour louer, en sorte qu'elle ne s'est pas comportée en mandataire agissant pour le compte d'un mandant.

Il résulte par ailleurs des nombreuses pièces versées au dossier que la société appelante a toujours considéré que le réseau de franchise qu'elle avait créé était sa propriété et qu'elle s'était donc constitué une clientèle propre, ce qui lui interdit aujourd'hui d'affirmer qu'elle aurait agi dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun ; étant observé qu'elle fait grief à la société Laser Game Entreprise d'avoir absorbé son réseau après la résiliation du contrat.

Le jugement mérite par conséquent confirmation en ce qu'il a refusé de faire droit à la demande de requalification du contrat, ce qui conduit au rejet de l'ensemble des demandes indemnitaires formées sur ce fondement juridique.

Sur l'imputabilité de la rupture du contrat

Par lettre recommandée du 29 août 2005 la société Laser Game Entreprise a critiqué la gestion de son distributeur, qu'elle a invité à se ressaisir avant que l'image des produits ne soit définitivement compromise.

Elle a fait état à cette date de la non-réalisation des objectifs contractuels de vente, de l'existence d'un important solde débiteur de 80 000 euro, à régulariser intégralement sous quinzaine avant toute nouvelle commande, et de l'atteinte à l'image de la marque en raison des très nombreux reproches exprimés par les franchisés, se plaignant du coût exorbitant d'entrée dans le réseau, de l'impréparation des dossiers d'implantation et d'un suivi inexistant.

Destinataire des doléances de nombreux franchisés réunis le 12 septembre 2005, la société Laser Game Entreprise, par une nouvelle lettre recommandée du 13 septembre 2005, a fait part à la société Reliance de son inquiétude, lui a rappelé la persistance d'un impayé important et a sollicité de sa part des explications rapides.

Le 15 septembre 2005, à l'issue d'une réunion entre les parties, la société Laser Game Entreprise a fait part à son partenaire de la persistance de ses inquiétudes, notamment quant au système des locations, à l'origine, selon elle, des impayés.

Le 11 octobre 2005 le fournisseur a rappelé qu'un solde débiteur de plus de 76 000 euro subsistait, a déploré qu'aucune offre de règlement ne lui était faite, a suspendu l'exclusivité en raison de cette inexécution du contrat et a mis le fournisseur en demeure de procéder au règlement complet des sommes dues sous quinzaine.

Le 13 octobre 2005 une nouvelle mise en demeure était adressée à la société Reliance.

Par courrier en réponse du 18 octobre 2005 cette dernière s'est dit victime d'un abus du droit de résilier le contrat après avoir reproché en substance au fournisseur de ne pas avoir défendu la marque qui aurait été attaquée selon elle par de nombreux concurrents, de pratiquer des tarifs préférentiels au profit de ses licenciés dans la zone réservée, de démarcher directement les franchisés au mépris de la clause d'exclusivité et de les inciter à rompre leurs contrats, de proposer enfin un matériel obsolète.

Le 20 octobre 2005, par l'intermédiaire de son conseil, la société Laser Game Entreprise s'est inquiétée de la plainte pénale déposée par plusieurs des clients franchisés, se plaignant, non pas du matériel, mais des prestations facturées en sus du matériel revendu, et a mis en demeure la société Reliance de payer sous huitaine la somme de 84 968,92 euro en prononçant la suspension du contrat jusqu'à éclaircissement de la situation.

La société Reliance a répondu le 27 octobre 2005 qu'elle n'acceptait pas l'ingérence du fabricant dans son réseau de franchise, que les sommes réclamées sans aucun détail ne correspondaient pas à la réalité, alors notamment que la location du matériel chez le franchisé de Valencia était régulièrement payée et que deux commandes étaient en attente d'un financement bancaire (franchisés de la Guadeloupe et de la ville du Havre), et que la suspension n'était pas prévue au contrat de distribution.

Le 4 novembre la société Laser Game Entreprise s'est étonnée de l'initiative prise par la société Reliance de demander à l'ensemble de ses franchisés de s'adresser directement à elle pour la maintenance du matériel, a accepté néanmoins d'intervenir, mais à ses propres conditions, et a rappelé à sa cocontractante que ses obligations financières n'étaient en rien suspendues.

Le 10 novembre 2005, enfin, le conseil de la société Laser Game Entreprise a informé la société Reliance que le contrat de distribution était résilié en raison de l'existence d'un impayé particulièrement important, de la création d'un réseau parallèle et de graves agissements commis au préjudice des clients franchisés. Il a été fait interdiction au distributeur d'utiliser la marque Laser Game et le fournisseur s'est réservé le droit d'agir en réparation de son préjudice commercial et en paiement des sommes restant dues.

1. Les impayés

Selon l'arrêté de compte détaillé et les factures versées au dossier la dette de la société Reliance s'élève à la somme de 74 165,91 euro après déduction d'un avoir de 15 000 euro au titre d'une commande relative à l'établissement de la ville du Havre.

Il sera tout d'abord observé que le système de location mis en place par l'avenant du 30 mai 2005 ne peut dispenser aujourd'hui la société Reliance du paiement du prix du matériel commandé, dont il a été stipulé qu'il serait payé à raison de 30 % à la commande et de 70 % selon un échéancier communiqué par le fournisseur avec clause d'exigibilité anticipée de l'intégralité du prix à défaut de règlement après simple mise en demeure restée sans effet pendant 30 jours. En application de cet avenant le distributeur était en effet personnellement engagé à l'égard du fournisseur en qualité de locataire, ce qui lui interdisait de suspendre son obligation de paiement en cas de défaillance des sous-locataires du matériel.

S'agissant du matériel vendu à destination de l'établissement de Valencia il est justifié d'un bon de commande en date du 24 janvier 2005, qui atteste de la réalité d'une opération de vente conclue antérieurement à l'avenant du 30 mai 2005 ayant permis la distribution des produits au moyen de contrats de location . Au demeurant ainsi qu'il a été précédemment rappelé la prétendue transformation de cette vente en location n'a pas pu avoir pour effet de dispenser le distributeur de son obligation de paiement de l'intégralité du prix après la première mise en demeure délivrée le 29 août 2005 ; étant observé qu'il résulte du décompte récapitulatif, faisant état d'une dette résiduelle de 38 949,38 euro au titre de cette commande d'un montant HT de plus de 50 000 euro, que l'acompte versé de 15 000 euro a bien été déduit de la réclamation.

Quant à la vente de matériels destinés à l'établissement de Guadeloupe elle a fait l'objet d'un bon de commande du 10 août 2004 d'un montant de 42 685,73 euro hors-taxes et du paiement d'un acompte de 18 232,90 euro, qui a été régulièrement déduit puisque la réclamation à ce titre ne porte que sur une somme de 32 819,23 euro. Il sera observé sur ce point de litige que le défaut de livraison ne saurait fonder le refus de paiement alors que le fournisseur ne peut pâtir du refus du client de la société Reliance de prendre livraison de la marchandise et que le contrat de distribution stipule en son article 13 que la livraison est réputée effectuée "départ usine".

Le décompte et les factures produits aux débats démontrent en outre que les sommes réclamées au titre du matériel fourni à destination de l'établissement de Marseille représentent le solde de la commande après déduction de l'acompte de 15 000 euro.

Enfin la société Reliance dans ses réponses aux différentes relances et mises en demeure ayant précédé la rupture du contrat n'a pas contesté le principe de sa dette, même si elle a tenté le 27 octobre 2005 d'en minimiser le montant, sans proposer toutefois un décompte rectifié.

Le jugement déféré mérite par conséquent confirmation en ce qu'il a retenu l'existence d'un impayé de 74 165,91 euro, ce qui caractérise un manquement grave du distributeur à son obligation essentielle de payer le prix des marchandises fournies.

2. L'atteinte à l'image de la marque et des produits Laser Game

Il est établi par les nombreuses pièces versées aux débats, dont notamment les plaintes multiples des franchisés et les décisions judiciaires intervenues dans le cadre des contentieux très nombreux ayant opposé la société Reliance aux membres de son réseau, que cette dernière a été très gravement mise en cause par la plupart de ses clients, se plaignant d'une information dolosive relativement à la rentabilité prévisible des centres de jeu et de la surfacturation des équipements et aménagements, au point qu'une plainte pénale collective pour escroquerie a même été déposée.

Si l'analyse des décisions judiciaires révèle que les franchisés n'ont pas été systématiquement suivis au plan civil dans leurs prétentions et que la plainte pénale a finalement fait l'objet d'un non-lieu, il est certain que la société Reliance n'a pas su inspirer la confiance ni contribuer par la transmission d'un savoir-faire adapté et par ses informations et conseils à la création d'un réseau rentable et pérenne. À cet effet la cour observe qu'il est justifié de sept dépôts de bilan, de cinq contrats de franchise annulés ou suspendus et de quatre procès civils toujours en cours, au point qu'il peut être objectivement parlé d'un effondrement rapide du réseau.

Il en résulte que le distributeur a incontestablement manqué à son obligation, rappelée à l'article trois du contrat, d'exploiter la marque et de distribuer les produits de manière effective, sérieuse et loyale.

3. Le dépôt et l'exploitation d'une marque concurrente

Il est établi et non contesté que dès le 7 octobre 2005 M. Jean-Pierre Rousseau, associé et dirigeant de la société Reliance, a déposé la marque "Original Laser".

Bien qu'il ne soit pas démontré que cette marque directement concurrente ait été effectivement exploitée avant la résiliation du contrat par lettre du 10 novembre 2005, il résulte des pièces du dossier que l'exploitation a démarré dans les jours qui ont suivi la rupture au moyen de documents d'information et de présentation préétablis.

Il en résulte que la société Laser Game Entreprise était légitimement en droit de craindre la mise en place imminente d'un réseau concurrent à un moment où la rupture du contrat de distribution n'était pas consommée, en sorte que s'il n'est pas justifié d'une violation effective de la clause de non-concurrence stipulée pour la stricte durée d'exécution du contrat, il est établi un manquement du distributeur à son obligation générale de loyauté ; étant observé que ce dernier ne peut sérieusement invoquer les nécessités d'une reconversion professionnelle, puisqu'il résulte des courriers ayant précédé la rupture qu'au début du mois d'octobre 2005 le fournisseur n'avait pas irrévocablement décidé de résilier le contrat et espérait encore à cette époque un règlement du litige financier entre les parties.

4. Les conséquences des fautes commises par la société Reliance

L'atteinte à l'image de la marque et des produits Laser Game, comme la violation par le distributeur de son obligation de loyauté, autorisaient la société Laser Game Entreprise à se prévaloir des stipulations de l'article 27 du contrat, selon lesquelles "le fournisseur pourra mettre fin au contrat avec effet immédiat si le distributeur commet une violation du contrat compromettant gravement l'image des produits et/ou du fournisseur".

La persistance d'un impayé important après une première mise en demeure du 29 août 2005 ouvrait également la voie à l'application de la clause résolutoire prévue au paragraphe premier de l'article 27, aux termes de laquelle en cas de violation de l'une quelconque des stipulations du contrat chaque partie aura le droit d'y mettre fin en prévenant l'autre par écrit au moins 15 jours à l'avance et passé le délai de 30 jours sans qu'il soit remédié à l'inexécution.

La résiliation à effet immédiat du contrat de distribution par lettre du 10 novembre 2005, dont la société Laser Game Entreprise a pris l'initiative, est dès lors imputable à la société Reliance, ainsi qu'en a justement décidé le tribunal.

Par voie de conséquence cette dernière sera déboutée de ses demandes en remboursement du coût des investissements réalisés durant la relation commerciale et en paiement de dommages et intérêts pour rupture brutale et abusive du contrat de distribution.

S'il résulte des extraits du site société.com que la société Laser Game Entreprise n'a pas subi une baisse significative de son chiffre d'affaires dans l'année qui a suivi la rupture du contrat, celle-ci a néanmoins incontestablement privé le fournisseur d'une chance de commercialiser ses matériels jusqu'au terme du contrat conclu pour une durée de cinq années.

Eu égard au fait que la société Reliance n'atteignait pas les objectifs contractuellement fixés, ce dont il lui était fait reproche, et en considération de la fragilité du réseau de franchise, dont plusieurs membres ont dû cesser leur activité, cette perte de chance sera suffisamment réparée par une indemnité que la cour estime devoir fixer à la somme de 50 000 euro.

Sur les autres demandes formées par la société Laser Game Entreprise

1. Les impayés

Il résulte des développements précédents que la société Reliance demeure redevable d'une somme de 74 165,91 euro au paiement de laquelle elle a justement été condamnée, outre intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 29 août 2005.

2. Les faits de concurrence déloyale imputés à la société Reliance

Selon l'article 28 du contrat "en cas de rupture le distributeur pourra continuer d'utiliser la marque sur le territoire, à titre non exclusif, pour l'exécution jusqu'à leur terme des sous-contrats et/ou des sous-licences qu'il aura passés ou consentis à cette date".

Il a été stipulé que dans cette hypothèse le fournisseur assurerait l'entretien des produits en exécution des contrats de maintenance souscrits.

Le distributeur était donc implicitement, mais nécessairement, autorisé à maintenir son site Internet LaserGame.com pour les besoins et jusqu'au terme des contrats de franchise en cours.

Aucun acte de parasitisme n'est donc caractérisé de ce chef.

De même le contrat n'ayant pas mis à la charge du distributeur une obligation de non-concurrence postérieurement à sa résiliation, l'exploitation de la marque "Original Laser" après le 10 novembre 2005 ne saurait caractériser une atteinte au libre jeu de la concurrence.

Il résulte cependant des constatations de l'huissier Mezaghrani effectuées les 5 janvier 2006, 23 février 2006, 31 juillet 2006, 21 mai 2007 et 31 mai 2007, ainsi que du rapport d'enquête privée déposé le 24 juin 2007 par le cabinet APRIL détectives, que les internautes, à la recherche d'informations sur les jeux de combat avec armes à reconnaissance laser, consultant le site LaserGame.com, étaient redirigés, via une page "investisseurs" vers la société Reliance et sa marque "Original Laser" déposée le 7 octobre 2005.

Cette pratique commerciale, manifestement destinée à capter une clientèle potentielle d'investisseurs ralliée par la marque et l'enseigne Laser Game, constitue un acte fautif de concurrence déloyale, puisque que si la société Reliance était en droit d'exploiter sa propre marque après la rupture du contrat de distribution, elle ne pouvait sciemment entretenir une confusion entre les deux marques, ni tenter de profiter de la notoriété de la marque créée par la société Laser Game Entreprise, dont l'exploitation exclusive lui avait été retirée.

Aucune pièce du dossier ne permet toutefois d'apprécier le volume de la clientèle effectivement détournée, tandis qu'à l'exception du client Didriche, repris sous l'enseigne Original Laser après avoir été démarché par la société Reliance avant la rupture du contrat de distribution, il n'est pas justifié du détournement de quatre prospects supplémentaires engagés initialement sous la marque Laser Game.

En réparation du trouble commercial qu'elle a incontestablement subi la société Laser Game Entreprise obtiendra par conséquent une somme de 75 000 euro à titre de dommages et intérêts, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la publication de la présente décision à titre de réparation civile.

La société Reliance sera en outre condamnée à supprimer la page "investisseurs" du site LaserGame.com sous astreinte de 100 euro par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt.

3. La demande de condamnation in solidum de M. Jean-Pierre Rousseau

M. Jean-Pierre Rousseau n'a pas été intimé sur l'appel de la société Reliance.

N'ayant pas formé à son encontre appel incident provoqué, la société Laser Game Entreprise sera déclarée irrecevable en sa demande d'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande de condamnation in solidum de M. Jean-Pierre Rousseau.

4. La demande en nullité de la marque Original Laser

Le dépôt de la marque Original Laser par la société Reliance ne saurait être considéré comme frauduleux au sens de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle, alors que le contrat de distribution ne l'interdit pas après la rupture des relations contractuelles, qu'il a été jugé le 8 mars 2007 que l'expression Laser Game était un terme générique insusceptible de protection et que la société Laser Game Entreprise n'est pas empêchée de commercialiser ses produits sous cette enseigne.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a refusé de prononcer la nullité du dépôt litigieux sur le fondement du texte susvisé ; étant observé qu'une telle demande suppose la présence dans l'instance de M. Jean-Pierre Rousseau, auteur du dépôt, lequel n'a toutefois pas été intimé.

Sur les demandes formées par la SARL Reliance

1. Le remboursement des avances et des acomptes

Il a été précédemment jugé que les acomptes versés au titre des achats ou locations de matériels à destination des centres des villes de Valencia, le Havre et Marseille avaient été régulièrement imputés au crédit du compte de la société Reliance et que le solde du prix de la commande destinée à l'établissement de Guadeloupe était dû après déduction de l'acompte de 18 232,90 euro.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté la société Reliance de sa demande en remboursement des sommes de 69 688,70 euro et de 30 000 euro.

2. La concurrence déloyale et les pratiques discriminatoires

Il ne peut être sérieusement soutenu que la société Laser Game Entreprise aurait adopté un comportement déloyal en soutenant les membres du réseau créé par la société Reliance dans les litiges les opposant à cette dernière.

Il n'est pas justifié en effet de propos écrits caractérisant une volonté de dénigrement ni de tentatives de détournement de clientèle, les inquiétudes exprimées par le fournisseur, qui recevait les doléances des franchisés, traduisant, sans excès, son souci légitime de préserver l'image de l'enseigne et des produits Laser Game.

La poursuite des livraisons de matériels malgré les impayés subis par la société Reliance n'est pas plus fautive, alors que la société Laser Game Entreprise se devait d'exécuter les commandes sans pouvoir s'immiscer dans un rapport contractuel auquel elle était étrangère.

Il ne peut davantage être reproché au fournisseur d'avoir absorbé le réseau créé par le distributeur, dès lors d'une part qu'il a été stipulé qu'en cas de rupture anticipée du contrat la société Laser Game Entreprise serait tenue de fournir et d'assurer la maintenance des matériels jusqu'au terme des contrats de franchise, d'autre part que la société Reliance a elle-même renvoyé ses clients au fabricant pour l'exécution des prestations de maintenance ainsi qu'il résulte notamment de ses courriers des 27 octobre 2005 et 23 janvier 2006, et de troisième part que c'est par sa faute que le contrat, lui concédant l'exploitation exclusive de la marque Laser Game, a été résilié par anticipation.

Il sera observé enfin que la société Reliance, qui a elle-même tenté fautivement de reprendre sous une autre marque la clientèle initialement engagée sous la marque Laser Game, ne peut se plaindre d'un détournement de clientèle, alors que les membres de son réseau ont librement décidé de ne pas reconduire les contrats de franchise arrivés à terme.

Le jugement qui a rejeté sa demande indemnitaire au titre des prétendus actes de concurrence déloyale commis par la société Laser Game Entreprise sera par conséquent confirmé.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire application en cause d'appel de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société intimée.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL Reliance à payer à la SAS Laser Game Entreprise la somme de 74 165,91 euro, outre intérêts au taux légal à compter du 29 août 2005, au titre du solde du prix des matériels vendus ou loués, dit et jugé que la résiliation du contrat de distribution conclu entre les parties est intervenue aux torts exclusifs de la société Reliance, débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, débouté la société Laser Game Entreprise de sa demande en annulation ou en revendication de la marque Original Laser et de sa demande de condamnation solidaire de Monsieur Jean-Pierre Rousseau et condamné la SARL Reliance au paiement d'une indemnité de procédure de 3 000 euro, Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau en y ajoutant : - déboute la SARL Reliance de sa demande d'annulation et subsidiairement de requalification du contrat de distribution exclusive conclu le 23 septembre 2003, - condamne la SARL Reliance à payer à la SAS Laser Game Entreprise la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la rupture du contrat, - condamne la SARL Reliance à payer à la SAS Laser Game Entreprise la somme de 75 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale dont elle a été victime, - condamne la SARL Reliance à supprimer la page "investisseurs" du site LaserGame.com sous astreinte de 100 euro par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt, - dit n'y avoir lieu à publication du présent arrêt, - déclare la SAS Laser Game Entreprise irrecevable en sa demande d'infirmation du jugement déféré l'ayant déboutée de sa demande de condamnation in solidum de Monsieur Jean-Pierre Rousseau, - condamne la SARL Reliance à payer à SAS Laser Game Entreprise une nouvelle indemnité de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Reliance aux entiers dépens de première instance et d'appel.