CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 novembre 2011, n° 09-03597
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bruz Distribution (SA), Holding Montaubert (SARL)
Défendeur :
Atac (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roche
Conseillers :
M. Vert, Mme Luc
Avoués :
SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Roblin Chaix de Lavarenne
Avocats :
Mes Meresse, Fournier
LA COUR,
Vu le jugement du 8 décembre 2008 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a notamment débouté les sociétés Bruz Distribution et Holding Montaubert de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnées à payer solidairement à la société Atac la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté par les sociétés Bruz Distribution et Holding Montaubert et leurs conclusions enregistrées le 6 septembre 2011 et tendant notamment à :
- débouter la société Atac de ses entières demandes et moyens,
- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
- dire que la société Atac n'a pas exécuté loyalement et de bonne foi le contrat de franchise Atac signé le 20 avril 2001 avec la société Bruz Distribution et qu'elle a commis des fautes contractuelles en ce qu'elle n'a pas mis à la disposition de cette dernière un système informatique performant, qu'elle n'a pas développé la notoriété de la marque franchisée Atac, qu'elle n'a pas assuré son obligation d'approvisionnement dans les conditions du contrat et entrepris la fermeture du réseau de franchise Atac à compter de 2006,
- condamner en conséquence la société Atac à payer la somme de 2 369 840 euro à titre de dommages-intérêts à la société Bruz Distribution et, subsidiairement, celle de 1 456 540 euro,
- condamner la société Atac à indemniser la société Holding Montaubert à hauteur de 933 427 euro et, subsidiairement, de 513 671 euro, montant de ses pertes ;
Vu, enregistrées le 15 octobre 2009, les conclusions de la société Atac et tendant en particulier à faire :
- dire qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard des sociétés Bruz Distribution et Holding Montaubert et a respecté ses engagements de franchiseur, que les prétendues difficultés de la société Bruz Distribution sont inhérentes à sa gestion et la structure du groupe auquel elle appartient, et constater que la société Holding Montaubert n'a aucun lien contractuel avec elle-même,
- débouter les appelantes de leurs demandes ;
Sur ce,
Considérant qu'il ressort de l'instruction que la société Bruz Distribution, filiale de la société Holding Montaubert, exploitait un supermarché Atac à Bruz (35) depuis le 1er octobre 2003 en vertu d'un contrat de franchise signé avec la société Atac le 30 avril 2001; qu'estimant, toutefois, que le franchiseur avait manqué à ses obligations contractuelles, les sociétés Bruz Distribution et Holding Montaubert ont, par acte du 13 avril 2007, assigné la société Atac devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat aux torts de cette dernière ; qu'en cours de procédure, les demanderesses abandonnèrent cette prétention et se bornèrent à solliciter l'octroi de dommages-intérêts en réparation des fautes contractuelles imputées à la société Atac ; que c'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré ;
Considérant, tout d'abord, que si les appelantes font valoir que la société Atac n'aurait pas mis à la disposition de son franchisé le système informatique opérationnel performant prévu au contrat pour gérer les commandes, les livraisons et les facturations et s'il ressort des pièces versées aux débats qu'un certain nombre des dysfonctionnements ont effectivement affecté le système informatique liant franchisé et franchiseur entre 2004 et 2007, il est, néanmoins, également établi que l'essentiel des dysfonctionnements dont s'agit se sont produits de juin à septembre 2004 à l'occasion de la migration de l'ensemble du système informatique de la société Atac vers une nouvelle application plus performante dénommée " Magellan " ; que ces dysfonctionnements, liés au paramétrage et à l'interfaçage des systèmes considérés ont donc été temporaires et ont, au surplus, fait l'objet de compensation ; que, par ailleurs, il sera rappelé que si, aux termes du contrat de franchise signé le 20 avril 2001 et de son avenant du 13 novembre 2003, la société Atac a transmis son savoir-faire à son franchisé et s'est engagée à l'assister notamment dans le domaine informatique en mettant à sa disposition " ses compétences et le professionnalisme de ses différents services ", l'article 1.4.2 dudit contrat stipule que les obligations du franchiseur afférentes à ces prestations sont de simples obligations de moyens ; qu'il appartenait donc à la société Atac, non pas de parvenir à un résultat déterminé, mais d'y appliquer ses soins et ses capacités, de telle sorte que la responsabilité du débiteur n'est engagée que si le créancier prouve, de la part du débiteur, un manquement à ses devoirs de prudence et de diligence ;
Considérant, en l'espèce, que les appelantes n'établissent pas en quoi la société Atac aurait manqué à ses devoirs de diligence ; qu'il ressort au contraire des pièces du dossier que la société Atac a pris les mesures nécessaires en vue de remédier rapidement aux dysfonctionnements rapportés ; qu'en outre, ceux-ci ont été peu nombreux au regard du volume global des opérations réalisées ; qu'ainsi il n'apparaît pas qu'ils eussent été disproportionnés au regard de l'aléa inhérent à toute activité économique ;
Considérant que les appelantes reprochent, en deuxième lieu, à la société Atac de ne pas avoir " assuré son obligation d'approvisionnement du magasin dans les conditions du contrat " et invoquent pour ce faire de multiples incidents de livraison ; que, cependant, lesdits incidents furent également en nombre limité compte tenu des milliers de livraisons effectuées pendant la période contractuelle et de l'existence de 15 000 produits référencés; qu'aucun de ceux-ci n'a été de nature à compromettre la crédibilité commerciale du supermarché exploité par la société Bruz Distribution et la pérennité de son approvisionnement ; qu'enfin certains d'entre eux relèvent de problèmes de transport tels que pannes, retards ou crevaisons dont la société Atac n'avait pas la maîtrise ; que cette dernière s'est également toujours efforcée de remédier aux incidents survenus en prévenant son franchisé des décalages de livraisons ou des changements de produits ainsi qu'en mettant en place des solutions d'urgence pour honorer les commandes; qu'au demeurant, si l'article 1.6 du contrat de franchise stipulait que le " franchiseur s'oblige à livrer au franchisé les marchandises figurant au catalogue de ses centres d'éclatement et d'approvisionnement qu'il aura commandées ", il précisait également que " cette obligation de livraison doit être appréciée de manière raisonnable " et que le franchiseur ne pouvait être tenu responsable de circonstances indépendantes de sa volonté ou résultant de cas fortuits ou de force majeure ;
Considérant que les sociétés Bruz Distribution et Holding Montaubert soutiennent, en troisième lieu, que la société Atac aurait méconnu les obligations contractuelles auxquelles elle était tenue en tant que franchiseur en développant la marque Simply Market au détriment du réseau Atac ; qu'elles font, notamment, valoir une réaffectation de moyens dévolus au réseau Atac au profit du concept Simply Market, ainsi qu'une insuffisance d'efforts promotionnels de la marque Atac pour les années 2007 et 2008 ;
Considérant qu'il sera toutefois rappelé que sauf à méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, et la liberté gestionnaire propre à tout opérateur économique, il ne saurait être imposé à un franchiseur une obligation d'intangibilité de sa politique commerciale pendant toute la durée des contrats de franchise qu'il aurait signés ; qu'en l'espèce, le simple fait que la société Atac ait décidé de développer un concept dit de "soft-discount" sous le nom d'enseigne Simply Market à compter de 2006 et de réaffecter une partie de ses ressources en ce sens, ne saurait à lui seul contredire les engagements contractuels qu'elle avait pris à l'égard des commerçants franchisés du réseau Atac dès lors qu'il n'est pas établi que cette réaffectation n'eut été permise par une remise en cause de ses engagements en tant que franchiseur ;
Considérant, également, que l'article 1.5 du contrat de franchise prévoit notamment l'obligation du franchiseur de " défendre la marque Atac contre toute atteinte " et de " développer la notoriété de la chaîne " ; que même à supposer que les dépenses publicitaires engagées par le franchiseur aient connu une légère diminution, cette seule circonstance ne saurait être constitutive d'un manquement du franchiseur à ses obligations contractuelles, dans la mesure où la société Atac établit par ailleurs avoir réalisé entre 2006 et 2008 un certain nombre d'opérations promotionnelles tant de sa marque que de son réseau lui-même ; qu'il convient en réalité de relever non pas la disparition mais l'évolution du réseau Atac pendant la période d'exécution du contrat de franchise litigieux au travers de la recherche de nouveaux concepts, de la réduction des assortiments et du gain de six nouveaux sites à l'enseigne Atac entre 2005 et 2007 ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les appelantes ne justifient de la commission par la société Atac d'aucune faute révélatrice d'un manquement au " savoir-faire contractuel " sur lequel elle s'était engagée ou d'une atteinte à la marque conventionnellement concédée ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de rechercher la réalité du préjudice dont les sociétés Bruz Distribution et Holding Montaubert font état, ces dernières ne peuvent qu'être déboutées des demandes indemnitaires formées à l'encontre de la société Atac ; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré. Déboute les appelantes de l'ensemble de leurs demandes. Les condamne in solidum aux dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile. Les condamne sous la même solidarité à verser à la société Atac la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.