TUE, 4e ch., 16 novembre 2011, n° T-55/06
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
RKW SE, JM Gesellschaft für industrielle Beteiligungen mbH & Co. KGaA
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pelikánová
Juges :
Mme Jürimäe, M. van der Woude (rapporteur)
Avocat :
Me Hellmann
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
Faits à l'origine de litige
1. La première requérante, RKW AG Rheinische Kunstoffwerke, devenue RKW SE (ci-après " RKW "), est une filiale détenue à 100 % par la seconde requérante, JM Gesellschaft für industrielle Beteiligungen mbH & Co. KGaA (ci-après " JM Gesellschaft "). RKW fabrique plusieurs types de produits en plastique, dont des sacs industriels à valves, des sacs gueule ouverte et des gaines FFS (" Form, Fill and Seal ", c'est-à-dire thermoformage, remplissage et fermeture hermétique).
2. En novembre 2001, British Polythene Industries (ci-après " BPI ") a informé la Commission des Communautés européennes de l'existence d'une entente dans le secteur des sacs industriels. Elle a exprimé le souhait de coopérer dans le cadre des dispositions de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération ").
3. Les 26 et 27 juin 2002, la Commission a procédé à des vérifications en application de l'article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] du traité (JO 1962, 13, p. 204).
4. Le 14 novembre 2002 et les 21 février et 4 août 2003, la Commission a adressé des demandes de renseignements, en vertu de l'article 11 du règlement n° 17, à plusieurs sociétés.
5. Le 29 avril 2004, la Commission a engagé la procédure administrative et a adopté une communication des griefs à l'encontre des requérantes. Une audition s'est tenue du 26 au 28 juillet 2004.
6. Le 30 novembre 2005, la Commission a adopté la décision C (2005) 4634 final, relative à une procédure d'application de l'article 81 CE (Affaire COMP/F/38.354 - Sacs industriels) (ci-après la " décision attaquée "). Parmi les destinataires de cette dernière figurent les requérantes.
7. L'article 1er, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée dispose que les requérantes ont, du 6 janvier 1982 au 26 juin 2002, enfreint l'article 81 CE en participant à un ensemble d'accords et de pratiques concertées dans le secteur des sacs industriels en matière plastique en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, ayant porté sur la fixation des prix et la mise en place de modèles communs de calcul de prix, le partage des marchés et l'attribution de quotas de vente, l'allocation de clients, d'affaires et de commandes, la soumission concertée à certains appels d'offres et l'échange d'informations individualisées.
8. L'article 2, premier alinéa, sous c), de la décision attaquée impose solidairement aux requérantes une amende de 39 millions d'euros.
Procédure et conclusions des parties
9. Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 22 et 23 février 2006 respectivement, RKW et JM Gesellschaft ont introduit les présents recours.
10. Par ordonnance du 4 mars 2011, le président de la quatrième chambre a ordonné, après avoir entendu les parties, la jonction des affaires T-55-06 et T-66-06, aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.
11. Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler la décision attaquée pour autant qu'elle les concerne ;
- subsidiairement, réduire de manière significative le montant de l'amende.
12. RKW demande également l'audition comme témoin de M. W.
13. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter les recours ;
- condamner les requérantes aux dépens.
En droit
14. RKW et JM Gesellschaft soulèvent six moyens identiques à l'appui de leurs recours. JM Gesellschaft soulève, en outre, un septième moyen.
15. Le premier moyen est tiré de l'absence de base légale à la pratique suivie par la Commission en matière d'amendes dans le cas d'espèce et met ainsi en avant l'illégalité de l'action administrative au regard de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Le deuxième moyen est tiré d'une violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, du fait d'une application erronée de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5 [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices "). Le troisième moyen est tiré d'une erreur dans l'appréciation de la durée de la participation de RKW à l'entente pratiquée au sein de l'Association européenne des fabricants de sacs à valve en matière plastique (ci-après " Valveplast "). Le quatrième moyen est tiré d'une erreur d'appréciation des circonstances atténuantes aux fins du calcul du montant de l'amende. Le cinquième moyen est tiré d'une erreur d'appréciation quant à la participation de RKW à une entente unique et continue. Le sixième moyen est tiré d'une application erronée de la communication sur la coopération. Enfin, le septième moyen, avancé exclusivement par JM Gesellschaft, est tiré d'erreurs de droit et d'appréciation quant au fait de lui avoir imputé la responsabilité de l'infraction commise par RKW.
Sur le premier moyen, tiré de l'illégalité de l'action administrative au regard de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17
Arguments des parties
16. Les requérantes font valoir que la Commission doit respecter les limites que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 pose à son pouvoir discrétionnaire. Il s'agirait de deux limites, à savoir l'obligation de respecter un plafond de 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée (ci-après le " plafond de 10 % "), ainsi que l'obligation de différencier l'amende en fonction des circonstances propres au cas d'espèce, notamment la durée et la gravité. L'application pratique des lignes directrices ne respecterait pas ces deux limites. Elle aboutirait à un dépassement systématique du plafond de 10 %, de sorte que les circonstances propres à l'affaire ne pourraient plus influer sur le montant de l'amende. Les requérantes font observer que cet effet se produit notamment en l'espèce, où huit destinataires de la décision attaquée se sont vu appliquer le plafond de 10 %, de sorte que ni la durée ni la gravité n'ont eu la moindre incidence sur le niveau de leurs amendes. Pour les requérantes, en revanche, ces deux éléments ont produit leur plein effet, alors que l'infraction que la Commission les accuse d'avoir commise serait pas plus grave que celles imputées à ces huit destinataires.
17. Les requérantes admettent que la Cour n'a pas émis d'objections de principe à l'égard de cette pratique dans son arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, points 234 et suivants). Elles estiment cependant que cette question doit être réexaminée, notamment à la lumière des conclusions de l'avocat général M. Tizzano sous ledit arrêt (Rec. p. I-5439). Celui-ci aurait également estimé que le caractère formel et abstrait des lignes directrices était incompatible avec les exigences d'individualisation et de gradation de la peine, ainsi qu'avec le principe de proportionnalité (points 108, 109 et 130 à 133 des conclusions). La fixation de montants de base exorbitants rendrait impossible la différenciation des amendes en fonction de la gravité et de la durée, ce qui contreviendrait au principe d'égalité de traitement. Les requérantes font valoir également que le dépassement systématique du plafond de 10 % aboutit à des résultats discriminatoires, dans la mesure où certains destinataires de la décision attaquée se voient infliger des amendes moins lourdes que celles imposées, pour le même comportement infractionnel, aux autres destinataires dont le chiffre d'affaires ne justifie pas l'application de ce plafond.
18. La Commission conteste le bien-fondé de ce moyen.
Appréciation du Tribunal
19. Les requérantes font observer, à juste titre, que la Cour a déjà jugé que la méthode de calcul des amendes prévue par les lignes directrices restait dans le cadre légal imposé par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 [désormais article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1)] au pouvoir discrétionnaire de la Commission dans la détermination de sa politique en matière d'amendes (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 17 supra, point 252).
20. La Cour a également jugé que les lignes directrices respectent le principe de légalité des peines, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a également été consacré par différents traités internationaux, et notamment à l'article 7 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la " CEDH ") (arrêt de la Cour du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C-266-06 P, non publié au Recueil, points 38 et 50).
21. La Cour a précisé que les lignes directrices énoncent, d'une part, une règle de conduite dont la Commission ne saurait se départir sous peine de se voir sanctionner au titre d'une violation des principes généraux du droit, tels que l'égalité de traitement et la protection de la confiance légitime, et, d'autre part, qu'elles assurent la sécurité juridique des entreprises concernées en déterminant la méthodologie que la Commission s'est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 (arrêt Evonik Degussa/Comission, point 20 supra, point 53)
22. Les requérantes invitent néanmoins le Tribunal à reconsidérer la légalité des lignes directrices ou de la pratique administrative suivie par la Commission dans l'application de ces lignes directrices. Elles estiment notamment que leur application pratique dans le cas d'espèce aboutit à un dépassement systématique du plafond de 10 % et que cette application ôterait ainsi toute signification réelle aux critères légaux de gravité et de durée imposés par cet article. Dans la mesure où la décision attaquée est fondée sur la même pratique administrative, la Commission aurait méconnu les limites de son pouvoir d'appréciation dans le cas d'espèce.
23. À cet égard, il convient d'observer d'abord que ce moyen est fondé sur la prémisse que l'application des lignes directrices dans le cas d'espèce aurait abouti à un dépassement systématique du plafond de 10 %. S'il est vrai que la Commission a dû appliquer ce plafond dans le calcul du montant des amendes pour huit destinataires de la décision attaquée, il n'en demeure pas moins que cette dernière est adressée à un total de 25 destinataires. Dans la mesure où le plafond de 10 % n'a ainsi été appliqué qu'à environ un tiers des destinataires, la prémisse de son application systématique dans le cas d'espèce se révèle inexacte.
24. Ensuite, s'il est vrai que l'application du plafond de 10 % peut avoir pour effet qu'un participant à l'entente se voit imposer une amende finale inférieure tant au montant initialement prévu qu'aux montants des amendes effectivement imposées aux autres participants à la même entente, il n'en demeure pas moins que l'amende finale résultant de l'application du plafond de 10 % affecte davantage le premier participant en ce qu'il se voit amputé de 10 % de son chiffre d'affaires, conséquence à laquelle échappent les participants auxquels ledit plafond ne s'applique pas. Dans la mesure où l'application du plafond de 10 % peut effectivement aboutir à d'autres résultats que les montants intermédiaires prévus par la méthodologie des lignes directrices, cette différence est objectivement justifiée par l'application directe de la limite légale prévue à l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 (arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T-64-02, Rec. p. II-5137, point 197).
25. Dans ces conditions, il convient de rejeter le premier moyen.
Sur le second moyen, tiré de la violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement
Arguments des parties
26. En premier lieu, les requérantes font observer que la décision attaquée fixe un montant de départ exorbitant, eu égard à la part de marché relativement faible de RKW. En effet, la décision attaquée prévoit un montant de départ de 13 millions pour une part de marché de 4,6 % (considérants 773 et 777 de la décision attaquée). Selon les requérantes, il n'existerait aucun précédent dans la pratique administrative de la Commission dans lequel un montant de départ aussi élevé aurait été imposé pour une part de marché aussi faible. À cet égard, elles se réfèrent à une dizaine de décisions récentes. Selon les requérantes, la Commission ne saurait se prévaloir de son large pouvoir d'appréciation pour justifier des montants de départ arbitraires et disproportionnés. Elles estiment également que la hausse observée dans le cas d'espèce est d'autant plus arbitraire que la Commission ne motive pas le changement de sa pratique décisionnelle.
27. En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que les six catégories de montants de départ utilisées par la Commission aux fins de la différenciation des amendes ne sont ni justifiées ni motivées. Elles font observer que la progression des montants de départ retenus pour les différentes catégories ne correspond pas à la progression des parts de marché des entreprises qui y sont regroupées. Les requérantes font observer que l'écart entre les montants de départ est de 3 millions d'euros entre le montant de la sixième catégorie (5,5 millions d'euros) et celui de la cinquième catégorie (8,5 millions d'euros), mais qu'il est de 4,5 millions d'euros entre la cinquième catégorie (8,5 millions) et la quatrième catégorie (13 millions d'euros). L'écart supplémentaire de 1,5 million d'euros entre la cinquième et la quatrième catégorie ne serait pas justifié par les différences entre les parts de marché des acteurs regroupés dans les catégories concernées. En effet, ces différences oscilleraient entre 1,2 et 1,5 % en ce qui concerne la sixième et la cinquième catégorie et entre 1,2 et 2 % pour ce qui est de la cinquième et de la quatrième catégorie. Selon les requérantes, un classement cohérent aurait tout au plus permis que la différence entre les montants de départ retenus pour la cinquième catégorie et celui retenu pour la quatrième se limite à 3 millions d'euros, de sorte que le montant de départ de cette dernière catégorie n'aurait pu dépasser 11,5 millions d'euros.
28. En troisième lieu, les requérantes estiment que la Commission les a discriminées par rapport à l'entreprise Stempher, qui s'est vu appliquer une réduction de 25 % du montant de base de son amende. S'agissant des années 80, la situation de RKW n'aurait pas été différente de celle de Stempher. Durant ces années, sa participation au sous-groupe " Benelux " aurait été sporadique et n'aurait impliqué aucune connaissance de l'entente plus vaste conclue au sein de Valveplast. Les requérantes invoquent à cet égard un défaut de motivation de la décision attaquée.
29. En quatrième lieu, les requérantes estiment que la Commission a méconnu la notion de gravité en se dispensant, sans motivation, de l'obligation de prendre en considération l'incidence concrète de l'entente sur le marché. Elles allèguent ainsi un défaut de motivation à cet égard.
30. La Commission conteste le bien-fondé du présent moyen.
Appréciation du Tribunal
31. Selon une jurisprudence constante, le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à différents types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement n° 1-2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence de l'Union. Au contraire, l'application efficace de ces règles de concurrence exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes au besoin de cette politique. Les requérantes ne sauraient donc acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 17 supra, points 227 et 228).
32. Toutefois, si la Commission estime qu'il est nécessaire, en vue d'assurer l'efficacité de sa politique de concurrence, de rehausser significativement le niveau des amendes, elle est tenue, conformément à l'article 253 CE, d'en expliquer les raisons aux entreprises qui se trouvent affectées pour la première fois par ce changement. En revanche, lorsque la Commission poursuit sa politique antérieure, l'exigence de motivation ne lui impose pas de préciser la pondération arithmétique des critères pris en compte dans la détermination de la gravité de l'infraction ou, comme le soutiennent les requérantes, de justifier le choix du montant de départ (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279-02, Rec. p. II-897, point 197).
33. Or, en l'espèce, le montant de départ fixé pour RKW est de 13 millions d'euros, ce qui est un montant nettement inférieur au montant de 20 millions d'euros que les lignes directrices envisagent comme montant de départ minimal pour les infractions très graves. L'argument selon lequel la Commission aurait fixé un montant de départ exorbitant et dérogeant à sa pratique antérieure ne saurait donc être accueilli.
34. S'agissant de la différenciation opérée par la Commission en vue de tenir compte de la gravité relative des infractions commises par les différentes entreprises, les requérantes fondent leur critique sur une compréhension erronée de la méthodologie de classification suivie par la Commission. En effet, celle-ci a précisé que les écarts entre les montants de départ retenus pour les différentes catégories n'ont pas été déterminés en fonction des parts de marché de chacune des entreprises dans chaque catégorie, mais sont fondés sur la différence entre les moyennes des parts de marché des entreprises appartenant à chaque catégorie. Ainsi, la différence entre la moyenne des parts de marché des entreprises de la cinquième catégorie et la moyenne des parts de marché des entreprises de la sixième catégorie est de 1 %, tandis que cette différence est de 1,63 % en ce qui concerne les moyennes des parts de marché des entreprises des cinquième et quatrième catégories. Cet écart supplémentaire de 0,63 % se trouve reflété dans l'écart supplémentaire de 1,5 million d'euros entre les montants de départ retenus à propos des entreprises des catégories concernées, à savoir un écart de 4,5 millions d'euros entre la cinquième et la quatrième catégorie, au lieu d'un écart de 3 millions d'euros entre la sixième et la cinquième catégorie. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir déterminé les catégories de façon discriminatoire ou arbitraire.
35. Ensuite, le fait que la Commission n'a pas réduit le montant de départ de RKW de la même manière que le montant de départ retenu pour Stempher n'est pas discriminatoire, si cette différence de traitement est objectivement justifiée. Dans la mesure où la Commission a appliqué une réduction pour Stempher en raison du fait que cette dernière ignorait que son comportement infractionnel s'inscrivait dans un plan collusoire plus vaste, il convient de rechercher si cette ignorance était partagée par RKW. Cette question sera abordée dans le cadre de l'appréciation des troisième et cinquième moyens (voir points 49 à 66 ci-après).
36. Enfin, il convient d'observer que les lignes directrices n'obligent pas la Commission à apprécier, et donc à motiver, l'incidence concrète d'une entente sur le marché. En effet, l'impact concret de l'infraction sur le marché ne doit être apprécié que si cet impact est mesurable (arrêt Degussa/Commission, point 32 supra, point 215). Or, en l'espèce, la Commission a estimé que cette incidence n'était pas mesurable et s'est donc limitée à décrire aux considérants 762 et 763 de la décision attaquée les effets probables qu'une infraction caractérisée, comme l'entente en cause, était susceptible d'avoir sur le jeu de la concurrence.
37. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.
Sur les troisième et cinquième moyens, tirés d'erreurs d'appréciation quant à, respectivement, la durée de la participation de RKW à l'entente et sa participation à une entente unique et continue
Arguments des requérantes
38. Les requérantes contestent qu'elles puissent être tenues pour responsables de l'infraction pour toute la période comprise entre le 6 janvier 1982 et le 26 juin 2002.
39. Premièrement, RKW n'aurait pas contribué à l'accord qui se trouvait à la base de l'entente mise en œuvre au sein de Valveplast et qui est décrit au considérant 209 de la décision attaquée. Elle aurait pris connaissance de ce texte pour la première fois à la lecture de la communication des griefs.
40. Deuxièmement, RKW n'aurait pas été un membre fondateur de Valveplast.
41. Troisièmement, jusqu'à la fin de l'année 1990, RKW n'aurait participé à aucune réunion de Valveplast.
42. Quatrièmement, RKW n'aurait pas participé aux sous-groupes " Belgique " et " Teppema ". Sa première participation au sous-groupe " blockbags " daterait de 1994, et au sous-groupe " France " de 1996.
43. Cinquièmement, s'agissant du sous-groupe " Allemagne ", la déclaration de M. W. attesterait que RKW n'y a pas participé avant 1990. La Commission n'aurait d'ailleurs fourni aucune preuve des douze réunions qui se seraient prétendument tenues dans les années 80. Au contraire, il ressortirait du compte rendu de la réunion du sous-groupe " Benelux " du 6 janvier 1982 qu'il n'existait en Allemagne ni sous-groupe ni échange d'informations. Quand bien même des tableaux statistiques pourraient servir de preuves, ils démontreraient tout au plus une contribution de RKW à partir de 1987, mais non une participation à des réunions. Enfin, la déclaration de M. H., de l'entreprise Wavin/BPI, serait vague et ne préciserait pas la date des réunions. En outre, il aurait identifié comme représentants de RKW des employés qui n'ont commencé à travailler pour elle qu'à partir de 1991.
44. Sixièmement, les requérantes admettent que RKW a participé aux réunions du sous-groupe " Benelux ", mais précisent que cette participation fut isolée et sporadique. En effet, pour l'ensemble de la période s'étendant du mois de janvier 1982 à la fin de l'année 1990, RKW n'y aurait participé qu'à quatre reprises. Ces réunions seraient en outre très espacées dans le temps, parfois avec des intervalles de deux ans. Le fait que RKW ait été portée absente dans onze comptes rendus ne prouverait pas la continuité de sa participation, mais, au contraire, son absence. Les requérantes font observer, en outre, que, selon les comptes rendus des réunions des 25 janvier et 25 mai 1983, RKW a fait savoir qu'elle ne souhaitait plus participer aux réunions. Enfin, les requérantes déclarent se demander ce qu'il faut entendre par le terme " représentation ", au sens d'un compte rendu indiquant que la société Bischof+Klein la représenterait.
45. Selon les requérantes, il découle de ces constats factuels que la Commission, dans la décision attaquée, a imputé à tort à RKW la participation à un plan global commun avant la fin de l'année 1990.
46. À cet égard, elles considèrent que la décision attaquée est contradictoire, dans la mesure où elle indique d'une part imputer à RKW, la connaissance de, et la participation à, une entente globale depuis le mois de janvier 1982, et, d'autre part, reconnaître qu'elle n'a pas contribué à la création de cette entente. Dans la mesure où RKW n'a participé qu'à quatre réunions sur une période de neuf ans, sa participation à l'infraction ne saurait être qualifiée de continue. En effet, ces quatre éléments ne seraient pas suffisamment rapprochés dans le temps pour qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction se soit poursuivie de façon ininterrompue entre les différentes dates (arrêt Degussa/Commission, point 32 supra, point 114). Les requérantes contestent que RKW se soit fait représenter par Bischof+Klein durant la période en question et que la communication de données confidentielles, à supposer qu'elle soit établie, suffise pour démontrer son adhésion à une entente complexe portant sur la fixation des prix, la répartition des quotas et la coordination des clients.
47. Les requérantes font valoir, en outre, que la présence de RKW à quatre réunions d'un seul sous-groupe ne suffit pas à prouver l'existence d'une infraction unique et continue. La Commission aurait également dû prouver qu'elle était impliquée dans un plan d'ensemble ou qu'elle en avait connaissance (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, points 82 et 83). Dès lors que la Commission n'aurait pas été en mesure de démontrer ce point, RKW aurait fait l'objet d'un traitement plus défavorable que celui réservé à Stempher, qui se trouvait dans une situation identique. Enfin, le fait que la Commission n'ait pas démontré l'existence d'une infraction continue implique que son pouvoir d'agir contre les comportements au sein du sous-groupe " Benelux " était en tout état de cause prescrit au titre de l'article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1-2003.
48. La Commission conteste le bien-fondé de ces moyens.
Appréciation du Tribunal
49. Il convient d'observer tout d'abord que les requérantes ne contestent pas la participation de RKW à l'entente générale mise en œuvre au sein de Valveplast à partir du 16 octobre 1990, lorsqu'elle a commencé à participer aux réunions de cette association. Leurs troisième et cinquième moyens visent la période antérieure à cette date et s'articulent sur deux niveaux. Les requérantes contestent, à titre principal, que la Commission ait avancé suffisamment de preuves pour tenir RKW pour responsable d'une infraction aux règles de concurrence durant cette période et, à titre subsidiaire, qu'elle ait participé à une infraction unique et continue, dans la mesure où les preuves avancées par la Commission ne démontrent pas qu'elle ait eu connaissance du plan collusoire poursuivi par l'entente générale.
50. Dans ces conditions, le Tribunal n'a pas à se prononcer, dans le cadre de l'appréciation des troisième et cinquième moyens, sur les arguments des requérantes relatifs à la période postérieure au mois d'octobre 1990 et, notamment, sur ceux concernant la participation de RKW aux sous-groupes " blockbags " et " France ". L'analyse ci-après ne portera donc que sur la période antérieure à cette date.
51. Or, en ce qui concerne cette période, RKW est tenue pour responsable, selon le considérant 551 de la décision attaquée, d'une infraction unique et continue pour deux raisons : " elle a [...] participé aux discussions, arrangements et pratiques développés au sein du sous-groupe 'Benelux' à compter de janvier 1982 et au sein du sous-groupe 'Allemagne' au moins depuis 1987 ". À cet égard, le même considérant se réfère, pour la participation de RKW au sous-groupe " Benelux ", à plusieurs comptes rendus des réunions de ce sous-groupe et renvoie, en ce qui concerne son implication dans le sous-groupe " Allemagne ", aux considérants 483 et 341 de la décision attaquée, qui font état de tableaux statistiques reprenant des données confidentielles ou des quotas relatifs aux entreprises allemandes, dont RKW.
52. La décision attaquée expose également les liens qui existaient entre les quotas généraux déterminés lors des réunions de Valveplast et les quotas fixés au sein du sous-groupe " Benelux ". Selon les considérants 210 à 215 de la décision attaquée, les membres de Valveplast fixaient des quotas généraux par zone géographique d'implantation et décidaient pour chaque zone des parts de marché qui revenaient aux groupes de producteurs locaux et aux groupes de producteurs en provenance d'autres zones. Les parts de marché attribuées aux groupes de producteurs étaient ensuite réparties entre les membres du groupe concerné. Les considérants 353 à 358 de la décision attaquée précisent comment cette répartition avait lieu au Benelux. De façon moins précise, le considérant 341 de la décision attaquée explique que les tableaux statistiques utilisés par le sous-groupe " Allemagne " correspondaient à ceux diffusés au sein de Valveplast.
53. Il convient dès lors d'examiner si la Commission a prouvé ces affirmations à suffisance de droit.
54. S'agissant, en premier lieu, de la participation de RKW au sous-groupe " Benelux ", la Commission a produit 18 comptes rendus des 34 réunions qui se sont tenues entre 1982 et 1990. Les constats suivants s'imposent à la lecture de ces documents.
55. Premièrement, il ne saurait être contesté que le sous-groupe " Benelux " faisait partie intégrante de Valveplast. En effet, plusieurs comptes rendus identifient les réunions de ce sous-groupe comme étant des réunions de Valveplast. C'est ainsi que le compte rendu du 7 janvier 1982 se réfère aux " Europlast partners " et à leur coopération en France et en Allemagne, que le compte rendu du 25 janvier 1984 mentionne le nom du nouveau président du groupe " Europe " et que les comptes rendus des 28 janvier et 28 juin 1987 et des 31 août et 26 octobre 1988 font état respectivement de " Valveplast Amsterdam ", " Valveplast " et " Valveplast Benelux ".
56. Deuxièmement, le lien entre le sous-groupe " Benelux " et l'entente générale mise en place au sein de Valveplast est également mis en exergue par le fait que la quasi-totalité des comptes rendus contiennent des tableaux avec des chiffres de vente présentés selon les principes du système de quotas, tel que décrit aux considérants 210 à 215 et 353 à 358 de la décision attaquée. Par conséquent, les participants au sous-groupe " Benelux " savaient ou devaient raisonnablement savoir que leur participation à ce sous-groupe impliquait une adhésion à l'entente plus générale convenue au sein de Valveplast.
57. Troisièmement, RKW a participé à quatre des 34 réunions dudit sous-groupe (le 7 janvier 1982, les 25 janvier et 25 avril 1984 et le 31 août 1988). Contrairement à ce que les requérantes affirment, l'absence de RKW de la plupart des réunions ne signifie pas qu'elle n'ait pas adhéré aux objectifs restrictifs de concurrence poursuivis par le sous-groupe " Benelux " et, de ce fait, par Valveplast, pour l'ensemble de la période en cause. En effet, s'il est vrai que la position de RKW par rapport audit sous-groupe était réticente au cours du second semestre de 1982 et durant l'année 1983, il n'en demeure pas moins que RKW a continué à fournir les chiffres de vente nécessaires aux fins du système de quotas établi au sein de Valveplast. Il convient de préciser, à cet égard, que les comptes rendus indiquaient, par le biais d'une mention spécifique, par l'utilisation d'un astérisque ou encore d'un point d'interrogation, si les chiffres répertoriés se fondaient sur des estimations. Or, à l'exception des comptes rendus des réunions du 25 août 1982, d'avril 1983, des 26 février et 30 avril 1986 et du 28 janvier 1987, les chiffres retenus pour RKW ne sont assortis d'aucune de ces mentions.
58. Quatrièmement, plusieurs comptes rendus mentionnent des données de prix très précises pour plusieurs clients de RKW ou mettent RKW en rapport avec ces clients (voir, respectivement, les comptes rendus des 26 janvier et 25 mai 1983, 24 janvier 1984, 27 novembre 1985, 26 février 1986, 28 janvier 1987 et 31 août 1988). Il convient d'observer, à cet égard, que RKW ne conteste pas les constats faits par la Commission dans la note en bas de page n° 636 de la décision attaquée, qui contient d'autres exemples d'arrangements relatifs à des clients.
59. Cinquièmement, s'il est vrai que la position de RKW par rapport au sous-groupe " Benelux " était parfois réticente (voir point 57 ci-dessus) et que ses chiffres ont dû faire l'objet d'estimations à plusieurs reprises (notamment en 1986), il ressort des commentaires figurant sur la liste des absents de la réunion du 26 octobre 1988 que RKW n'était pas perçue comme un étranger qui n'aurait jamais participé aux réunions ou comme un ex-membre qui aurait " abandonné les réunions Benelux ". En effet, l'absence de RKW aux réunions était considérée comme " habituelle ".
60. Il s'ensuit que la participation de RKW aux réunions du sous-groupe " Benelux " était certes peu fréquente, mais que celle-ci a continué néanmoins, de 1982 à 1988, à contribuer aux activités collusoires de ce sous-groupe en fournissant des données chiffrées et confidentielles permettant d'alimenter le système de répartition de marchés et de clients mis en place par Valveplast au Benelux et que, ce faisant, elle savait ou devait raisonnablement savoir qu'elle adhérait à cette entente générale. La Commission n'a donc pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que RKW avait participé au sous-groupe " Benelux " depuis 1982 et, partant, à l'entente Valveplast.
61. S'agissant, en deuxième lieu, de la participation de RKW au sous-groupe " Allemagne ", il y a lieu d'observer, d'abord, que les requérantes ne contestent plus l'existence de ce sous-groupe, mais qu'elles contestent que RKW ait participé aux réunions dudit sous-groupe avant 1990. Bien que certains comptes rendus du sous-groupe " Benelux " semblent indiquer une telle participation, il n'existe aucune preuve contemporaine démontrant la présence de RKW aux réunions du sous-groupe " Allemagne " avant 1990.
62. Toutefois, les requérantes ne contestent pas les constats faits aux considérants 341 et 483 de la décision attaquée, selon lesquels RKW avait participé depuis 1987 aux systèmes d'échange de chiffres de vente relatifs au marché allemand. Or, ces données étaient nécessaires pour faire fonctionner le système de quotas mis au point par Valveplast.
63. Enfin, quand bien même M. H., de l'entreprise Wavin, se serait trompé dans l'identification des représentants de RKW aux réunions du sous-groupe " Allemagne ", il n'en demeure pas moins que sa description du mode de fonctionnement du sous-groupe correspond aux déclarations de Bischof+Klein, telles que décrites au considérant 339 de la décision attaquée, notamment en ce qui concerne le système de données statistiques auquel RKW a participé dès 1987.
64. Dans ces conditions, la Commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que RKW avait participé, par l'échange d'informations, au sous-groupe " Allemagne " depuis 1987.
65. Il résulte des considérations précédentes que la Commission disposait d'un faisceau de preuves directes et d'indices indirects suffisamment convergents et cohérents pour fonder la conviction que RKW était impliquée dans l'entente mise en œuvre au sein de Valveplast dès 1982, en raison de son adhésion aux pratiques collusoires convenues au sein du sous-groupe " Benelux " à partir du mois de janvier 1982 et en raison de sa contribution au système d'échanges de données et de quotas mis en place au sein du sous-groupe " Allemagne " dès 1987.
66. Dans ces conditions, il convient de rejeter les troisième et cinquième moyens.
Sur le quatrième moyen, tiré d'une erreur d'appréciation des circonstances atténuantes
Arguments des parties
67. Les requérantes estiment que la Commission a commis une erreur d'appréciation dans l'application des lignes directrices en ne tenant compte ni du rôle passif que RKW avait joué au sein de l'entente ni du fait qu'elle avait cessé l'infraction dès les premières interventions de la Commission.
68. S'agissant du rôle passif de RKW, les requérantes font valoir huit arguments factuels aux fins de démontrer la moindre gravité de son implication. Les requérantes reprochent à la Commission de n'avoir tiré aucune conséquence de ces facteurs quant au calcul du montant de l'amende, eu égard au fait, notamment, que la charge de la preuve d'établir tous les éléments de l'infraction repose sur elle.
69. Premièrement, RKW n'aurait ni participé ni adhéré à la constitution de l'entente. Lors de l'audience, les requérantes se sont référées, à cet égard, à l'arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission (T-36-05, non publié au Recueil, point 212).
70. Deuxièmement, durant la période s'étendant du mois de janvier 1982 au mois d'octobre 1990, RKW n'aurait participé qu'à quatre des 34 réunions du sous-groupe " Benelux ". En outre, elle aurait explicitement pris ses distances par rapport aux activités de ce dernier.
71. Troisièmement, durant la période postérieure à 1990, RKW n'aurait jamais pris l'initiative de la politique d'entente. Elle n'aurait eu qu'une position subalterne sur le marché et aurait été perçue par les autres comme un " fauteur de troubles ".
72. Quatrièmement, RKW n'aurait pas pris l'initiative de rejoindre Valveplast. Il ressortirait de la déclaration de l'entreprise Cofira, annexée à la requête, que RKW avait été approchée de manière agressive par les membres fondateurs de Valveplast afin de mettre un terme à son comportement concurrentiel gênant. RKW demande que M. W. soit entendu pour témoigner de ces faits.
73. Cinquièmement, RKW n'aurait pas participé aux sous-groupes " Belgique " et " Teppema ".
74. Sixièmement, RKW n'aurait pas été membre du sous-groupe " France " et n'aurait assisté, dans ce cadre, qu'à deux réunions concernant un seul client.
75. Septièmement, la participation de RKW aux réunions de Valveplast aurait été irrégulière (28 participations sur 45 réunions entre 1990 et 2002) et moins intensive que celle des autres entreprises concernées. Il en serait de même pour les réunions du sous-groupe " Benelux " (13 participations sur 27 réunions entre 1991 et 2001). Son implication serait, en tout état de cause, nettement moindre que celle des membres fondateurs de Valveplast. Il s'agirait donc d'une participation sporadique. Les requérantes soulignent, à cet égard, que cette participation doit être nettement distinguée de celle des autres entreprises et que la Commission ne pouvait l'ignorer dans l'appréciation de la gravité relative de l'infraction.
76. Huitièmement, RKW n'aurait lancé aucune activité de l'entente. La Commission aurait notamment méconnu le fait que RKW n'avait contribué ni à l'élaboration du modèle de calcul de prix pour les gaines FFS, ni à la révision du système de coordination des clients, ni encore à la création du sous-groupe " blockbags " ou à la coordination des appels d'offre par Internet. S'agissant du sous-groupe " Allemagne ", la décision attaquée ne mentionnerait le nom de RKW que pour le mois de juillet 2000 et le début de l'année 2001.
77. En ce qui concerne la cessation de l'infraction dès les inspections de 2002, les requérantes se réfèrent à l'arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission (T-71-03, T-74-03, T-87-03 et T-91-03, non publié au Recueil, points 292 à 294). Elles signalent qu'elles ont mis en place un programme de mise en conformité juste après les inspections. Elles estiment également que la Commission aurait dû tenir compte du fait que RKW est une entreprise de taille moyenne sans service juridique propre.
78. La Commission conteste le bien-fondé des arguments des requérantes.
Appréciation du Tribunal
79. Les requérantes invoquent, en substance, deux éléments que la Commission aurait dû prendre en considération au titre des circonstances atténuantes dans le calcul du montant de l'amende.
80. En premier lieu, il s'agit du rôle passif que RKW aurait joué au sein de l'entente.
81. Aux termes du point 3, premier tiret, des lignes directrices, le " rôle exclusivement passif ou suiviste " d'une entreprise dans la réalisation de l'infraction constitue, s'il est établi, une circonstance atténuante. Un rôle passif implique l'adoption par l'entreprise concernée d'un " profil bas ", c'est-à-dire une absence de participation active à l'élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 167).
82. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d'une entreprise au sein d'une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l'entente de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l'objet de l'infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l'existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d'entreprises tierces ayant participé à l'infraction (arrêts du Tribunal Cheil Jedang/Commission, point 81 supra, point 168, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 331).
83. En outre, le Tribunal a déjà précisé que le fait que d'autres entreprises participant à une seule et même entente aient pu être plus actives qu'un participant donné n'implique pas, pour autant, que ce dernier ait eu un rôle exclusivement passif ou suiviste. En fait, seule la passivité totale pourrait entrer en ligne de compte et doit être établie par la partie qui l'invoque (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T-109-02, T-118-02, T-122-02, T-125-02, T-126-02, T-128-02, T-129-02, T-132-02 et T-136-02, Rec. p. II-947, point 611).
84. Il convient, dès lors, d'examiner si RKW a adopté un rôle purement passif dans l'entente dans le cas d'espèce. Or, les requérantes n'ont apporté aucun élément permettant de conclure à l'existence d'un tel rôle.
85. Premièrement, les arguments que les requérantes tirent du fait que RKW n'était pas un membre fondateur de Valveplast, qu'elle n'a pas contribué à l'élaboration du document de base de l'entente et qu'elle a rejoint Valveplast sous la pression des autres membres concernent avant tout la durée de sa participation à l'entente, mais ne donnent pas d'indication quant à la nature du rôle que RKW a pu jouer dans l'entente après son adhésion.
86. À cet égard, il convient de préciser que le fait de ne pas avoir contribué à l'élaboration du document de base du cartel ne constitue pas en soi une circonstance atténuante au sens des lignes directrices. Il s'agit d'un élément, qui, avec d'autres, peut démontrer l'absence de participation active. Si le Tribunal a fait référence à cet élément dans l'arrêt Coats Holdings et Coats/Commission, point 69 supra (point 212), c'était essentiellement pour corriger une erreur factuelle commise par la Commission, qui avait considéré à tort que Coats avait contribué à la rédaction des documents de base de l'entente.
87. Ensuite, le fait éventuel que RKW ait rejoint Valveplast sous la pression ou la contrainte des autres participants ne saurait, en tout cas, constituer une circonstance atténuante au sens des lignes directrices. En effet, il est de jurisprudence établie qu'une entreprise qui participe à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel, même sous la contrainte d'autres participants ayant un pouvoir économique supérieur, dispose toujours de la possibilité d'introduire une plainte auprès de la Commission afin de dénoncer les activités anticoncurrentielles en cause plutôt que de poursuivre sa participation auxdites réunions (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407 point 423). Il n'y a donc pas lieu d'entendre M. W. concernant les conditions dans lesquelles RKW a décidé de participer à Valveplast.
88. Deuxièmement, Valveplast traduisait une entente complexe, comprenant une association opérant à l'échelle européenne et divers sous-groupes régionaux et fonctionnels. Selon le considérant 443 de la décision attaquée, tous les participants ont participé, à des degrés divers, aux réunions de Valveplast ou à celles des sous-groupes. Ainsi, les entreprises contribuaient à l'entente générale en prenant part aux émanations de l'entente qui les concernaient en fonction de leurs intérêts commerciaux et de leur localisation géographique. Le fait que RKW a concentré sa participation sur les activités de Valveplast et des sous-groupes " Allemagne " et " Benelux " répondait donc au mode de fonctionnement de l'entente générale et ne saurait être considéré comme un indice de sa volonté de garder un " profil bas ". Pareillement, la circonstance que RKW n'a pas été à l'origine de certains projets entrepris par l'entente, tels que la mise en place de règles spéciales pour les gaines FFS, ne signifie pas qu'elle n'y a pas adhéré ou contribué. Par exemple, bien que RKW ne fût pas présente lors de la réunion du 21 novembre 1997, elle a transmis ses données de vente nécessaires à la mise en œuvre des décisions prises à cette date (voir considérants 253 et 254 de la décision attaquée).
89. Troisièmement, s'agissant des arguments concernant la fréquence de participation de RKW aux réunions, il est exact que sa participation n'était pas fréquente, voire sporadique, durant la première période, allant du mois de janvier 1982 au mois d'octobre 1990. Toutefois, l'intensité de la participation d'une entreprise à une entente ne s'apprécie pas par rapport à une partie de l'infraction, mais doit être évaluée pour l'ensemble de sa durée. Or, RKW a participé à environ la moitié des réunions de Valveplast et à environ un quart de toutes les réunions du sous-groupe " Benelux ". De plus, RKW a participé à des réunions du sous-groupe " Allemagne " avant sa fusion avec le sous-groupe " Benelux " ainsi qu'à deux réunions du sous-groupe " France ". Un tel degré de participation ne saurait être qualifié de sporadique.
90. Quatrièmement, il est exact que le comportement de RKW n'a pas toujours été en harmonie avec la volonté des autres membres. RKW a pris, à plusieurs reprises, ses distances par rapport aux activités du sous-groupe " Benelux ", notamment en 1983, lorsqu'elle a annoncé ne plus vouloir participer aux réunions. Il ressort également de l'aperçu des comptes rendus de ce sous-groupe que RKW n'a pas toujours fourni ses chiffres de vente, de sorte que les autres membres ont dû faire des estimations. Il existe en outre plusieurs indices, tels que les incidents relatés à la note en bas de page n° 421 de la décision attaquée et aux comptes rendus du sous-groupe " Benelux " d'avril 1983 et du 30 avril 1986, démontrant que RKW ne respectait pas toujours la discipline convenue en matière de prix.
91. Certes, l'ensemble de ces faits et de ces circonstances aurait pu être pris en considération comme une circonstance atténuante au sens des lignes directrices, si ce n'est que d'autres éléments indiquent que RKW a joué un rôle actif, voire d'impulsion. En effet, RKW a assumé des responsabilités dans la direction de Valveplast. Elle assumait la vice-présidence de cette association en 1994 et sa présidence en 1999. En outre, RKW a été désignée comme coordinateur dans le système de répartition de clients mis en place par Valveplast.
92. Dans ces conditions, il convient de conclure que RKW n'a pas démontré qu'elle avait joué un rôle exclusivement passif au sein de l'entente et que la Commission a estimé à bon droit qu'il n'y avait pas lieu de diminuer le montant de l'amende au titre des circonstances atténuantes.
93. En deuxième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a omis de tenir compte du fait qu'elle avait immédiatement mis un terme à l'infraction après les inspections.
94. Les lignes directrices permettent, en effet, à la Commission de tenir compte de la cessation immédiate de l'infraction comme d'une circonstance atténuante dans le calcul du montant de l'amende. Toutefois, les lignes directrices ne confèrent pas un droit automatique à une telle réduction, si l'entreprise concernée cesse l'infraction après les premières interventions de la Commission. Celle-ci jouit, à cet effet, d'un pouvoir d'appréciation qu'elle doit exercer en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce (arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a/Commission, point 77 supra, point 292). Dans ses écritures, la Commission a fait observer, à juste titre, que le fait de mettre un terme à une entente manifestement anticoncurrentielle après les inspections ne saurait, en principe, être considéré comme une circonstance atténuante. En effet, la cessation de ce genre d'infraction ne présente aucun réel mérite.
95. Dans le cas d'espèce, le caractère anticoncurrentiel des pratiques convenues au sein de Valveplast ne fait pas de doute. La fixation de prix et la répartition de marchés font partie des exemples que l'article 81, paragraphe 1, CE cite comme restriction de concurrence et des infractions que les lignes directrices qualifient de " très graves ". Ce genre de pratiques a pour objet même d'interférer avec le fonctionnement du marché et la libre formation des prix. La bonne compréhension de cet objet anticoncurrentiel ne requiert donc pas l'assistance d'un service juridique. Il ressort également du premier compte rendu de la réunion du sous-groupe " Benelux ", du 7 janvier 1982, que les producteurs allemands, dont RKW, étaient parfaitement conscients du risque qu'ils prenaient en participant aux réunions : " men verschuilt zich achter het Bundeskartellamt Berlijn " (on se cache derrière le Bundeskartellamt de Berlin).
96. Enfin, quand bien même RKW se serait munie d'un programme de mise en conformité après les inspections, le programme n'est intervenu qu'à la suite de l'infraction et ne saurait en altérer ni la portée ni la durée.
97. Dans ces conditions, la Commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de prendre en considération des circonstances atténuantes en raison du rôle joué par RKW au sein de l'entente ou en raison de l'arrêt de l'infraction au moment des inspections.
98. Il convient dès lors de rejeter le quatrième moyen.
Sur le sixième moyen, tiré d'une application erronée de la communication sur la coopération
Arguments des parties
99. Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir méconnu la communication sur la coopération en ne leur accordant pas de réduction du montant de l'amende en raison de l'absence de contestation d'un certain nombre de faits, à savoir la participation de RKW à des réunions collusoires, notamment celles de Valveplast et des sous-groupes " Allemagne " et " Benelux " à partir de 1990 et celles du sous-groupe " blockbags " à partir de 1994. Le fait de remettre en cause certains éléments de l'affaire, que la Commission n'aurait pas bien instruits et appréciés, ne devrait pas faire obstacle à une réduction pour absence de contestation des faits. S'il en allait différemment, RKW serait contrainte d'accepter des erreurs factuelles et d'appréciation et, partant, de renoncer à ses droits procéduraux. Les requérantes estiment, par conséquent, que la Commission aurait dû traiter RKW de la même façon qu'elle a traité les entreprises Bonar, Nordfolien et Bischof+Klein, en lui accordant une réduction de 10 % du montant de l'amende. Enfin, les requérantes considèrent que la décision attaquée n'expose pas les raisons qui ont amené la Commission à leur refuser une telle réduction.
100. La Commission estime que RKW n'a pas facilité sa tâche et que le moyen doit être rejeté.
Appréciation du Tribunal
101. La communication sur la coopération permet à la Commission d'octroyer, sous certaines conditions, une réduction de 10 à 50 % sur le montant de l'amende lorsqu'une entreprise ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde sa communication des griefs.
102. Pour bénéficier d'une telle réduction, une entreprise doit explicitement informer la Commission qu'elle n'entend pas contester la matérialité des faits, après avoir pris connaissance de la communication des griefs. Il ne suffit toutefois pas qu'une entreprise affirme d'une manière générale qu'elle ne conteste pas les faits allégués, conformément à la communication sur la coopération, si, dans les circonstances du cas d'espèce, cette affirmation ne présente pas la moindre utilité pour la Commission. En effet, pour qu'une entreprise puisse bénéficier d'une réduction du montant de l'amende au titre de sa coopération durant la procédure administrative, son comportement doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles de la concurrence de l'Union (arrêt Groupe Danone/Commission, point 87 supra, points 504 à 505).
103. Or, en l'espèce, RKW s'est exprimée de façon ambiguë sur la question de savoir si elle contestait ou non les faits retenus contre elle dans la communication des griefs. D'abord, il ressort de sa réponse à cette communication qu'elle n'émettait pas d'objections " de principe " contre les griefs soulevés contre elle, laissant ainsi subsister un doute quant à l'attitude qu'elle pouvait avoir à l'égard de certains faits précis, qui ne seraient pas couverts par ce principe.
104. Ensuite, elle a explicitement remis en cause une série de faits essentiels quant à la durée de l'infraction. En effet, RKW conteste avoir été impliquée dans l'entente pour la période antérieure à 1990, à savoir une période de huit ans sur une infraction d'une durée totale de 20 ans. Elle a, en outre, mis en doute sa participation à plusieurs comportements postérieurs à 1990, notamment en ce qui concerne les pratiques relatives aux gaines FFS.
105. Enfin, devant le Tribunal, RKW continue à jeter un doute quant à l'étendue de son admission des faits. En effet, elle considère que cette admission ne saurait s'étendre à des faits mal instruits ou mal appréciés, substituant ainsi sa propre analyse à celle de la Commission. Une telle attitude est tout à fait légitime et compréhensible de la part d'une entreprise souhaitant exercer librement ses droits procéduraux, mais elle ne saurait être qualifiée de circonstance ayant facilité l'instruction de l'affaire par la Commission.
106. Dans ces conditions, la Commission a considéré à bon droit que, contrairement à la coopération offerte par Bonar, Nordfolien et Bischof + Klein, RKW ne lui avait pas facilité la tâche et qu'elle n'entrait pas en ligne de compte pour une réduction du montant de l'amende au titre de l'absence de contestation des faits.
107. Il convient dès lors de rejeter le sixième moyen.
Sur le septième moyen, tiré d'erreurs de droit et d'appréciation quant à l'imputabilité de l'infraction à JM Gesellschaft
Arguments des parties
108. JM Gesellschaft fait observer qu'elle n'a pas elle-même commis l'infraction et qu'il n'existe aucune base légale permettant de la tenir pour responsable solidairement de l'infraction commise par RKW. L'article 15 du règlement n° 17 ne permettrait d'imposer des amendes que pour des infractions effectivement commises. La Commission aurait donc agi sans base légale.
109. JM Gesellschaft fait valoir, à titre subsidiaire, que la Commission a conclu à tort qu'elle constituait une même entité économique avec RKW. Celle-ci aurait déterminé de manière autonome son comportement sur le marché et n'aurait été soumise à aucune directive de sa part. Le fait que JM Gesellschaft puisse intervenir, conformément à la loi et aux statuts, dans certaines décisions importantes de RKW, telles que celles concernant le budget et les investissements, n'impliquerait pas qu'elle détermine sa stratégie commerciale. Les rapports mensuels que JM Gesellschaft recevait de la part de sa filiale ne concerneraient pas non plus la politique commerciale. En outre, il résulterait de l'arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission (C-196-99 P, Rec. p. I-11005, points 96 à 101), que la Commission ne pouvait présumer l'existence d'une entité économique unique en raison d'un lien capitalistique à 100 %. JM Gesellschaft insiste sur le fait qu'il appartient à la Commission de prouver l'existence d'une entité économique et qu'elle n'a pas à en prouver l'absence. La preuve d'un fait négatif serait par ailleurs impossible.
110. La Commission conteste le bien-fondé du présent moyen.
Appréciation du Tribunal
111. S'agissant de la compétence de la Commission pour imposer des amendes, il convient d'observer que l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 l'autorise à infliger, par voie de décision, des amendes aux entreprises et associations d'entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 81 CE ou 82 CE. Le pouvoir de la Commission dépend donc de la question de savoir si une ou plusieurs entreprises ou leur association a ou ont enfreint l'article 81 CE.
112. Cet égard, il convient de rappeler que la notion d'entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. La Cour a également précisé que la notion d'entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Lorsqu'une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C-90/09 P, non encore publié au Recueil, points 34 à 36).
113. S'agissant de la question de savoir dans quelles circonstances une personne juridique qui n'est pas l'auteur de l'infraction peut néanmoins être sanctionnée, il résulte d'une jurisprudence constante que le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d'une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l'article 81 CE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu'il soit requis d'établir l'implication personnelle de cette dernière dans l'infraction (arrêt General Química e.a./Commission, point 112 supra, points 37 à 38).
114. À cet égard, la Cour a précisé que, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, d'une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d'autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (arrêt General Química e.a./Commission, point 112 supra, points 37 à 39).
115. Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l'amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n'apporte des éléments de preuve suffisants, de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêt General Química e.a./Commission, point 112 supra, point 40).
116. Afin d'apprécier si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il ne convient pas seulement de tenir compte du fait que la société mère influence la politique des prix, les activités de production et de distribution, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le " cash flow " ou encore les stocks et le marketing. Il convient également de prendre en considération l'ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l'objet d'une énumération exhaustive (arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97-08 P, Rec. p. I-8237, point 61, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T-112-05, Rec. p. II-5049, point 64).
117. En l'espèce, il est constant que JM Gesellschaft détenait directement et indirectement 100 % du capital social de RKW, de sorte que la Commission pouvait à bon droit présumer que la première contrôlait cette dernière sans devoir apporter d'indices additionnels relatifs à l'exercice effectif d'une influence de la société mère.
118. JM Gesellschaft conteste avoir effectivement exercé une influence déterminante sur sa filiale, mais n'avance, au soutien de cette allégation, aucun élément concret tendant à démontrer que celle-ci déterminait son comportement sur le marché de manière autonome. Au contraire, JM Gesellschaft fait observer qu'elle avait un droit d'intervention dans certaines décisions importantes ou stratégiques.
119. Il convient, dès lors, de constater que JM Gesellschaft n'a pas renversé la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante, avancée par la Commission au considérant 650 de la décision attaquée.
120. Il convient dès lors de rejeter le septième moyen.
121. Partant, les conclusions en annulation des requérantes doivent être rejetées dans leur intégralité, sans qu'il convienne, dans les circonstances de l'espèce, de procéder par ailleurs, au titre de la pleine juridiction, à la réformation des amendes qui leur ont été infligées.
Sur les dépens
122. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) RKW SE et JM Gesellschaft für industrielle Beteiligungen mbH & Co. KGaA sont condamnées aux dépens.