Cass. com., 15 novembre 2011, n° 10-25.472
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Vanam (SARL)
Défendeur :
Nike European Operations Netherlands BV (Sté), Nike France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Michel-Amsellem
Avocat général :
M. Carre-Pierrat
Avocats :
SCP Bénabent, SCP Richard
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mars 2010), que la société Nike European Operations Netherlands BV, (la société Nike) a noué avec la société Vanam des relations commerciales à partir de 1986 jusqu'en 1994, date à laquelle celles-ci se sont interrompues, pour reprendre en début d'année 1998 et prendre définitivement fin en octobre 2002 ; que soutenant que la rupture était intervenue de manière abusive et brutale, la société Vanam a fait assigner les sociétés Nike et Nike France en réparation ;
Attendu que la société Vanam reproche à l'arrêt d'avoir condamné la société Nike à ne lui payer que la somme de 235 000 euro à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce, alors selon le moyen : 1°) la qualification de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce n'est pas conditionnée par l'existence d'un échange permanent et continu entre les parties ; qu'en particulier, la suspension ou l'interruption des relations commerciales entre les parties pour une période brève au regard de la durée globale des relations ne fait pas obstacle à l'application de ce texte à l'ensemble de celles-ci ; qu'en l'espèce, les relations commerciales entre la société Vanam et les sociétés Nike ont débuté en 1986 pour être brutalement rompues par ces dernières plus de dix-sept plus tard, en octobre 2002 ; que la suspension de ces relations entre 1995 et 1997 (le flux d'affaires ayant repris en 1998, avec un volume de transactions compensant d'ailleurs cette suspension de trois ans) n'était pas de nature à en remettre en cause la durée globale, celle-ci pouvant tout au plus être diminuée d'une période de trois ans et donc ramenée à quatorze ans ; qu'en décidant cependant que "l'interruption de tout flux d'affaires entre 1995 et 1997 (3 années) interdit à la société Vanam de se prévaloir des relations antérieures qu'elle avait entretenues avec la société Nike, son fournisseur", la cour d'appel a refusé de prendre en compte l'intégralité de la durée de la relation commerciale établie entre les parties et violé l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 2°) que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, qui dispose que le préavis doit tenir compte - outre de la durée minimale fixée, le cas échéant, par un accord interprofessionnel - " de la durée de la relation commerciale ", oblige le juge à prendre nécessairement en considération l'ancienneté des relations commerciales rompues pour apprécier le caractère suffisant du préavis, mais sans nullement lui interdire de se prononcer au regard d'autres éléments, venant s'ajouter à la durée des relations en cause, et constituant le plus souvent des circonstances aggravantes pour l'auteur de la rupture ; qu'en l'espèce, la société Vanam faisait notamment valoir son état de dépendance économique vis-à-vis du groupe Nike, en position prédominante dans le secteur considéré ; qu'en refusant cependant de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce - en particulier cet état de dépendance économique de la société Vanam - et en affirmant qu'elle ne pouvait statuer qu'au regard du seul critère de la durée des relations commerciales en cause, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que si des relations commerciales ont débuté entre la société Nike et la société Vanam en 1986, celles-ci ont été interrompues entre 1994 et 1998, soit pendant trois années sans que cette interruption soit critiquée ou imputée à faute à la société Nike, qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu retenir que les relations antérieures à la reprise ne pouvaient être prises en considération pour apprécier la durée de la relation commerciale ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt précise qu'une durée de six mois de préavis aurait été nécessaire pour assurer la protection des intérêts économiques et commerciaux de la société Vanam et pour lui permettre de réorienter son activité et de trouver de nouveaux fournisseurs pour tenter de pallier la perte d'un fournisseur important ; qu'en l'état de ces observations, dont il résulte que la cour d'appel, abstraction faite du motif erroné critiqué par la seconde branche, a pris en compte pour fixer la durée du préavis, tant la durée de la relation commerciale que l'ensemble de la situation de la société Vanam et de ses intérêts économiques et commerciaux, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen non fondé en sa première branche ne peut être accueilli en sa seconde branche ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel : rejette le pourvoi.