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Décisions

Cass. com., 15 novembre 2011, n° 10-21.701

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

JCB Finance Ltd (Sté), JCB Sales Ltd (Sté), JC Bramford Excavators Ltd (Sté), JCB Service (Sté)

Défendeur :

Central Parts (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Michel-Amsellem

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocats :

Me Foussard, SCP Baraduc, Duhamel

T. com. Orléans, 6e ch., du 4 juin 2008

4 juin 2008

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se plaignant du refus de vente opposé par des concessionnaires britanniques et irlandais de la société de droit anglais JCB Service Ltd (la société JCB Service), qui commercialise des engins et équipements de chantiers, la société française Central Parts, non agréée en France pour la distribution de ces produits, a saisi, en février 1996, la Commission des Communautés européennes (la Commission) de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par cette société ; que par décision du 21 décembre 2000 (Aff. Comp. F.1/35.918-JCB), la Commission a énoncé que la société JCB Service et ses filiales ont enfreint les dispositions de l'article 81 du traité CE, en concluant avec des concessionnaires des accords ou des pratiques concertées dont l'objet est de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché commun afin de cloisonner les marchés nationaux et d'assurer une protection absolue sur des territoires exclusifs en dehors desquels les concessionnaires sont empêchés de réaliser des ventes actives et qui ont notamment consisté en des restrictions des ventes passives des concessionnaires établis au Royaume-Uni, en Irlande, en France et en Italie, qui comprennent les ventes aux revendeurs non agréés, aux utilisateurs finals ou aux concessionnaires établis en dehors des territoires exclusifs, et notamment dans d'autres Etats membres ; qu'en conséquence, la Commission a infligé une sanction pécuniaire à la société JCB Service et lui a enjoint de cesser ces pratiques ; que cette décision a été confirmée sur ce point par un arrêt du Tribunal de première instance du 13 janvier 2004 (Aff. T-67-01, JCB Service c/ Commission), lequel a été confirmé par un arrêt de la Cour de justice du 21 septembre 2006 (Aff. C-167-04 P) ; qu'à la suite de l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance, la société Central Parts a assigné les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd, JCB Finance Ltd et JC Bramford Excavators Ltd en dommages-intérêts ;

Sur la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé par la société JCB Finance : - Attendu que la société JCB Finance n'a pas remis au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée dans le délai prescrit par l'article 978 du Code de procédure civile ; qu'il convient de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé par elle ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 32 du Code de procédure civile ; - Attendu que seule une partie dotée de la personnalité morale peut être défendeur à une action en justice et faire l'objet d'une condamnation ;

Attendu que pour confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité du "groupe" JCB, l'arrêt retient que les décisions de la CJCE et du TPICE ont, en dépit de ce qu'elles prétendent, condamné les sociétés JCB pour des faits de refus de vente aux distributeurs agréés, ces pratiques constituant des pratiques anticoncurrentielles et que ces pratiques ont causé un préjudice à la société Central Parts ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'un "groupe de sociétés" ne peut, faute de personnalité morale, être titulaire de droits et d'obligations et se voir infliger une condamnation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité du "groupe" JCB, l'arrêt retient que la Cour de justice a écarté les moyens présentés par la société JCB selon lesquels le Tribunal de première instance aurait dénaturé les pièces du dossier et qu'il résulte de l'arrêt rendu par celui-ci qu'au-delà de l'interdiction de vendre à des agents non-agréés, les concessionnaires s'étaient soumis au Royaume-Uni et en Irlande à une interdiction plus générale de vendre en dehors de leur territoire, notamment à l'exportation ; que l'arrêt relève encore que le Tribunal de première instance a retenu que la société JCB avait mis en œuvre une politique de cloisonnement des territoires de ses distributeurs et des marchés nationaux qui l'a conduite à prohiber de façon générale toute vente hors territoire, notamment à l'étranger, qu'il s'agisse d'exportations parallèles, en marge de son réseau de distribution ou non, ce comportement venant renforcer les restrictions imposées aux ventes passives ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser, ainsi qu'elle y était invitée, quelle avait été la participation des sociétés JCB Sales et JC Bramford Excavators aux pratiques discriminatoires sanctionnées par les autorités et juridictions européennes de concurrence et ayant causé préjudice à la société Central Parts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : constate la déchéance du pourvoi en tant que formé par la société JCB Finance Ltd ; casse et annule, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société JCB Finance Ltd, l'arrêt rendu le 1er avril 2010, entre les parties, par la Cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.